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13/07/2015 | FRANCE | N°13NT02444

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 13 juillet 2015, 13NT02444


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...G...épouse A...a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la commune de Rochecorbon à lui verser une indemnité de 63 299,80 euros en réparation du dommage subi par elle du fait de l'éviction de sa propriété du 30 avril 2010 au 2 février 2012 et des dégradations infligées à son immeuble, et d'assortir cette condamnation des intérêts de droit à la date du 2 février 2012, date de la réclamation, avec capitalisation des intérêts au titre de l'article 1154 du code civil.
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...G...épouse A...a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner la commune de Rochecorbon à lui verser une indemnité de 63 299,80 euros en réparation du dommage subi par elle du fait de l'éviction de sa propriété du 30 avril 2010 au 2 février 2012 et des dégradations infligées à son immeuble, et d'assortir cette condamnation des intérêts de droit à la date du 2 février 2012, date de la réclamation, avec capitalisation des intérêts au titre de l'article 1154 du code civil.

Par un jugement n° 1201923 du 4 juillet 2013, le tribunal administratif d'Orléans a admis la responsabilité sans faute de la commune de Rochecorbon et l'a condamnée à verser à Mme A...une somme de 49 831 euros en réparation de la perte de revenus locatifs subie par l'intéressée entre le 1er mai 2010 et le 31 janvier 2012, portant intérêts au taux légal à compter du 3 février 2012, les intérêts échus à la date du 3 février 2013, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, étant capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 23 août 2013, la commune de Rochecorbon, représentée par MeF..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d'Orléans du 4 juillet 2013 ;

2°) de rejeter la demande de Mme A...;

3°) de mettre à la charge de Mme A...une somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de Mme A...devant le tribunal administratif d'Orléans était irrecevable en raison d'une part de l'impossibilité pour l'intéressée de former deux réclamations préalables successives et en raison d'autre part de ce que sa qualité d'usufruitière du bien ne suffisait pas à lui donner qualité pour agir ;

- le maire n'a commis aucune faute dans l'exercice des pouvoirs conférés par les articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales ;

- il n'y a pas eu rupture d'égalité, dès lors que, compte tenu du plan de prévision des risques naturels (PPRN) approuvé en 1992 et annexé au plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Rochecorbon, Mme A...ne pouvait ignorer l'aléa constitué par le risque d'effondrement du coteau de la Lanterne.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2013, Mme B...A...conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, demande que l'indemnité mise à la charge de la commune de Rochecorbon soit portée à la somme de 63 299,80 euros, incluant 5 550 euros de travaux de réparation et la réparation de la privation de jouissance personnelle de son logement estimée à 10 000 euros ; elle demande en outre à la cour de mettre à la charge de la commune de Rochecorbon une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande devant le tribunal administratif d'Orléans était recevable ;

- le maintien de l'interdiction d'occuper les logements après la réalisation des premiers travaux confortatifs, de septembre 2010 au 2 février 2012, n'était pas justifié par des impératifs de sécurité publique en ce qui concerne sa propriété ; l'expert a été désigné pour conduire les travaux en méconnaissance des règles de mise en concurrence et ses choix de travaux ne sont pas pertinents ; le maintien de l'interdiction d'occuper sa propriété ne pouvait davantage se justifier par l'interdiction d'accès par la rue des Basses Rivières dès lors qu'elle dispose d'un autre accès routier ;

- la privation de jouissance de son domicile constitue une atteinte portée à une liberté fondamentale ce qui lui ouvre droit à réparation ;

- elle a subi un dommage anormal et spécial du fait de l'éviction de l'immeuble et de la perte de ses revenus locatifs ;

- sa propriété n'est pas située en zone rouge ni même en zone bleue du PPRN ;

- en tout état de cause le risque pour la sécurité publique ne peut plus être invoqué après septembre 2011.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Loirat, président-assesseur,

- les conclusions de M. Gauthier , rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant MmeA....

Une note en délibéré présentée par Mme A...a été enregistrée le 25 juin 2015.

1. Considérant que, dans la nuit du 30 avril 2010, un éboulement rocheux s'est produit sur le coteau de la lanterne, surplombant la rue à hauteur des n°24 et 26 de la rue des Basses Rivières, dans la commune de Rochecorbon (Indre-et-Loire) ; qu'afin d'assurer la mise en sécurité de la zone où les éboulements se sont produits, le maire de la commune a pris différents arrêtés de péril imminent, sur le fondement du 5° de l'article L. 2212-2 et de l'article L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, ordonnant l'évacuation de plusieurs logements situés de part et d'autre de la rue des Basses Rivières, laquelle a été ultérieurement fermée à la circulation ; que différents aménagements et travaux de mise en sécurité et de confortement ont été réalisés en deux phases, l'une se déroulant du mois de juin au mois de novembre 2010, l'autre de novembre 2011 à fin janvier 2012 ; que le maire a levé les arrêtés de péril imminent par deux arrêtés du 2 février 2012 ; que Mme G...épouseA..., dont la résidence principale et différents logements qu'elle donnait à louer ont été concernés par les arrêtés de péril imminent d'avril et mai 2010, a demandé l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi ; que, par la présente requête, la commune de Rochecorbon relève appel du jugement du 4 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif d'Orléans l'a condamnée, sur le fondement de sa responsabilité sans faute, à verser à Mme A...une somme de 49 831 euros en réparation de la perte de revenus locatifs subie par l'intéressée entre le 1er mai 2010 et le 31 janvier 2012, cette somme portant intérêt à compter du 3 février 2012, les intérêts étant capitalisés à compter du 3 février 2013 ; que par la voie de l'appel incident, Mme A...demande à la cour de porter l'indemnité mise à la charge de la commune de Rochecorbon à la somme de 63 299,80 euros, incluant une somme de 5 550 euros de travaux de réparation et la réparation de la privation de jouissance personnelle de son logement estimée à 10 000 euros ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 5° Le soin de prévenir, par des précautions convenables, et de faire cesser, par la distribution des secours nécessaires, les accidents et les fléaux calamiteux ainsi que les pollutions de toute nature, tels que (...) les éboulements de terre ou de rochers, (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2212-4 du même code : " En cas de danger grave ou imminent, tel que les accidents naturels prévus au 5° de l'article L. 2212-2, le maire prescrit l'exécution des mesures de sûreté exigées par les circonstances. / Il informe d'urgence le représentant de l'Etat dans le département et lui fait connaître les mesures qu'il a prescrites " ;

3. Considérant qu'il résulte des principes qui gouvernent l'engagement de la responsabilité sans faute que le silence d'une loi sur les conséquences que peut comporter sa mise en oeuvre, ne saurait être interprété comme excluant, par principe, tout droit à réparation des préjudices que son application est susceptible de provoquer ; qu'ainsi, même en l'absence de dispositions le prévoyant expressément, l'exploitant de locaux ou d'installations dont la fermeture a été ordonnée sur le fondement des pouvoirs de police dévolus au maire par le 5° de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales pour prévenir et réparer les conséquences d'importants éboulements rocheux, est fondé à demander l'indemnisation du dommage qu'il a subi de ce fait lorsque, excédant les aléas que comporte nécessairement une telle exploitation, il revêt un caractère grave et spécial et ne saurait, dès lors, être regardé comme une charge incombant normalement à l'intéressé ;

4. Considérant que Mme A...invoque la responsabilité sans faute de la commune de Rochecorbon pour rupture de l'égalité devant les charges publiques à raison de l'interdiction d'habiter qui l'a privée de l'usage de ses biens du début du mois de mai 2010 à la fin du mois de janvier 2012 ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que sa propriété, sur laquelle elle exerçait une activité de location immobilière, était située en contrebas de la falaise du coteau dit de la Lanterne, d'une hauteur de 25 mètres, en limite immédiate de la zone de risque fort de mouvements de terrains figurant au plan de prévention des risques naturels approuvé en 1992 et annexé au plan local d'urbanisme de la commune ; que plusieurs accidents se sont produits sur ce coteau, dont le dernier en 1993 a eu lieu à environ 50 mètres de sa propriété, et provoqué l'éboulement d'environ 30 000 mètres cubes de terre et la mort de trois personnes ; que, dans ces conditions, l'interdiction d'occuper la propriété de Mme A...ne peut être regardée comme un aléa excédant ceux que comporte nécessairement l'activité de location immobilière dans une telle zone ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur la responsabilité sans faute de la commune de Rochecorbon pour condamner celle-ci à verser à Mme A...une somme de 49 831 euros ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A...devant le tribunal administratif d'Orléans ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'éboulement rocheux qui s'est produit dans la nuit du 29 au 30 avril 2010 a nécessité d'importants travaux de sécurisation et de déblaiement et que les logements situés en contrebas de l'éboulement, soumis à un risque majeur, ont fait l'objet d'une interdiction d'occuper ; que Mme A...soutient que le maintien de l'interdiction d'occuper sa propriété, constituée des parcelles cadastrées AS n°59 et AS n°60, situées 45 Quai de la Loire au lieu dit les Basses Rivières, n'était pas justifié par des impératifs de sécurité publique après l'achèvement de la première phase de travaux en novembre 2010, et que les travaux de la 2ème phase ne la concernaient pas ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que l'expert géologue mandaté par le maire a indiqué le 9 novembre 2010 que " Les travaux (achevés) n'ont pas été conçus pour éviter la chute de blocs de 1 mètre cube à 5 mètres cubes (...) au stade actuel tant que la deuxième étape des travaux n'a pas été mise en oeuvre, l'arrêté de péril doit être maintenu et les logements non occupés (...) " ; qu'il ressort également des pièces du dossier que si les logements de Mme A...n'étaient pas concernés par les mesures de rachat par la commune de trois propriétés situées en pied de coteau et d'aménagement à l'endroit de l'une d'elles d'une fosse de réception des blocs de rochers, ils étaient compris dans la zone à risque persistant pendant la réalisation de ces travaux, et que ces travaux étaient destinés à préserver les propriétés situées au-delà de la rue des Basses Rivières ;

8. Considérant que la contestation par Mme A...du bien-fondé des conclusions de l'expert géologue et de la pertinence des travaux préconisés n'est appuyée sur aucun élément technique ; que la circonstance que l'expert géologue a été mandaté par le maire de la commune de Rochecorbon, pour étudier les causes de l'éboulement et définir les travaux de mise en sécurité du site, puis pour assurer la maîtrise d'oeuvre de ces travaux, sans procédure de publicité et mise en concurrence préalable, est justifiée par l'application des dispositions du 1° du II de l'article 35 du code des marchés publics alors en vigueur, et n'est pas à elle seule de nature à remettre en cause le bien-fondé des préconisations de l'expert ; que dans ces conditions, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que le maintien de la mesure de police litigieuse de septembre 2010 à fin janvier 2012 excédait les nécessités de sécurité publique et constituait une faute du maire de nature à engager la responsabilité de la commune de Rochecorbon à raison des conséquences dommageables résultant de l'impossibilité de jouir de sa propriété durant cette période ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de Mme A...devant le tribunal administratif, que la commune de Rochecorbon est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans l'a condamnée à verser à Mme A...une indemnité de 49 831 euros en réparation de la perte de ses revenus locatifs, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts ;

10. Considérant que, par voie de conséquence, les conclusions d'appel incident de MmeA..., tendant à ce que la somme mise à la charge de la commune de Rochecorbon soit portée au montant de 63 299,80 euros, incluant le coût de travaux de réparation d'un montant de 5 550 euros et la réparation de la privation de jouissance personnelle de son logement estimée à 10 000 euros, doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Rochecorbon, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par Mme A...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de Mme A...le versement à la commune de Rochecorbon d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 4 juillet 2013 est annulé.

Article 2 : La demande de Mme A...devant le tribunal administratif d'Orléans et ses conclusions devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Mme A...versera à la commune de Rochecorbon une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Commune de Rochecorbon et à Mme B...A....

Délibéré après l'audience du 23 juin 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- Mme Loirat, président-assesseur,

- M.E..., faisant fonction de premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 juillet 2015.

Le rapporteur,

C. LOIRATLe président,

L. LAINÉ

Le greffier,

M. C...

La République mande et ordonne au préfet d'Indre-et-loire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT02444


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT02444
Date de la décision : 13/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Cécile LOIRAT
Rapporteur public ?: M. GAUTHIER
Avocat(s) : SCP CEBRON DE LISLE - BENZEKRI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2015-07-13;13nt02444 ?
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