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18/04/2014 | FRANCE | N°13NT00394

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 18 avril 2014, 13NT00394


Vu la requête, enregistrée le 6 février 2013, présentée pour la société par actions simplifiée Carrières Leroux-Philippe, dont le siège est 72, route du Mont-à-la-Kaine à Brix (50700), représentée par son président, par Me Lazennec, avocat au barreau de Paris ; la société Carrières Leroux-Philippe demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 12-618 du 4 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé, à la demande de la commune de Brix, l'arrêté du 10 octobre 2011 du préfet de la Manche autorisant l'appelante à exploiter une installati

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Vu la requête, enregistrée le 6 février 2013, présentée pour la société par actions simplifiée Carrières Leroux-Philippe, dont le siège est 72, route du Mont-à-la-Kaine à Brix (50700), représentée par son président, par Me Lazennec, avocat au barreau de Paris ; la société Carrières Leroux-Philippe demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 12-618 du 4 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé, à la demande de la commune de Brix, l'arrêté du 10 octobre 2011 du préfet de la Manche autorisant l'appelante à exploiter une installation de stockage de déchets inertes dans le secteur Nc du plan local d'urbanisme de la commune ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Brix sur le fondement des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative le remboursement de la contribution pour l'aide juridique ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Brix une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- le signataire de l'arrêté litigieux disposait d'une délégation régulière ;

- si un secteur Nc a été créé dans le plan local d'urbanisme approuvé en 2003 afin de permettre l'exploitation de sa carrière, l'objectif de pluralité d'affectation de chaque zone posé à l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme n'y interdisait pas d'autres types d'activité, le préambule du règlement de zone ne s'y opposait pas non plus, la commune n'ignorant d'ailleurs pas que l'exploitation de la carrière était limitée à trois ans ;

- en tout état de cause, l'article N2 du règlement du PLU doit être interprété comme autorisant tout exhaussement de terrain dans cette zone et non les seuls exhaussements liés aux aménagements de la route nationale 13 ;

- l'installation de stockage de déchets inertes qu'elle a été autorisée à aménager sur le site de son ancienne carrière par l'arrêté contesté constitue un équipement d'intérêt collectif compatible avec le règlement de la zone N ;

- en outre, la notion d'exploitation de carrière comprend le remblaiement par déchets inertes dans la mesure où ce remblaiement participe à la remise en état du terrain d'assiette ;

- la commune de Brix n'ignorait pas en créant dans le plan local d'urbanisme approuvé en 2003 un secteur affecté à la seule exploitation de carrière que l'exploitation cesserait dès 2006 ; en conséquence, le classement retenu porte atteinte à la liberté d'entreprendre future et au droit de propriété de la requérante ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 29 novembre 2013, présenté pour la commune de Brix, représentée par son maire, par Me Le Coustumer, avocat au barreau de Caen ;

la commune de Brix conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à charge de la société Carrières Leroux-Philippe le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle soutient que :

- les dispositions du règlement de la zone N du plan local d'urbanisme (PLU), simples à interpréter, incluent une liste limitative des occupations du sol autorisées, lesquelles ne comprennent pas les installations de stockage de déchets inertes ;

- l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme ne définit pas un objectif de pluralité des affectations dans une zone déterminée d'un PLU, cet article se bornant à indiquer que, le cas échéant, plusieurs activités peuvent être autorisées dans une même zone ;

- les seuls exhaussements de terrain autorisés dans la zone sont ceux liés à la mise aux normes autoroutières de la route nationale 13 ; en outre, dans le sous-secteur Nc ne sont autorisées que les exploitations de carrières ;

- la société requérante n'explique pas en quoi une installation de stockage de déchets inertes pourrait être regardée comme un service d'intérêt général répondant à un besoin d'intérêt collectif ;

- le stockage de déchets inertes n'est pas nécessaire à l'activité d'exploitation de la carrière, exploitation au demeurant terminée et dont l'autorisation est expirée ;

Vu l'ordonnance du 11 février 2014 fixant la clôture de l'instruction au 27 février 2014 à 12 heures ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 3 avril 2014, présentée pour la Société des Carrières Leroux Philippe, par Me Lazennec, avocat au barreau de Paris ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 mars 2014 :

- le rapport de M. François, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Pouget, rapporteur public ;

1. Considérant que la société Carrières Leroux-Philippe interjette appel du jugement du 4 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé, à la demande de la commune de Brix, l'arrêté du 10 octobre 2011 du préfet de la Manche autorisant l'appelante à exploiter une installation de stockage de déchets inertes dans le secteur Nc du plan local d'urbanisme de la commune ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 123-5 du code de l'urbanisme : " Le règlement et ses documents graphiques sont opposables à toute personne publique ou privée pour l'exécution de tous (...) exhaussements des sols (...). " ; qu'aux termes de l'article R. 541-70, relatif au stockage de déchets inertes, du code de l'environnement: " L'autorisation peut être refusée (...) si l'exploitation de l'installation est de nature à porter atteinte : 1° A la salubrité, à la sécurité ou à la tranquillité publiques ; 2° Au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants ; 3° Aux sites, aux paysages, à la conservation des perspectives monumentales ; 4° A l'exercice des activités agricoles et forestières ou à la conservation des milieux naturels, de la faune ou de la flore. (...) " ; qu'aux termes de l'article N1 du règlement du plan local d'urbanisme de Brix : " sont interdites les occupations et utilisations du sol non prévues à l'article N2. " ; que l'article N2 de ce même règlement dispose: " Occupations et utilisations du sol admises sous conditions (...) Secteur Nc : l'exploitation de carrières ayant fait l'objet d'une autorisation préfectorale " ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'installation de stockage de déchets inertes litigieuse, visant à remblayer la carrière de grès précédemment exploitée par la société requérante, a pour effet d'entraîner l'exhaussement des sols concernés ; que, par suite, les dispositions précitées de l'article L. 123-5 du code de l'urbanisme lui sont opposables ; que cette installation est implantée dans le secteur Nc du plan local d'urbanisme de Brix interdisant toute occupation du sol à la seule exception de l'exploitation de carrières ; que, dans ces conditions, alors même que le motif tiré de l'atteinte à un plan local d'urbanisme ne serait pas au nombre de ceux prévus à l'article R. 541-70 précité du code de l'environnement, susceptibles de justifier un refus d'autorisation d'exploitation d'une installation de stockage de déchets inertes, l'autorisation d'exploiter une telle installation ne saurait être accordée en méconnaissance des dispositions du plan local d'urbanisme (PLU) ; qu'il suit de là que le préfet de la Manche a commis une erreur de droit en autorisant la société Leroux-Philippe à exploiter l'installation contestée ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que l'appelante ne peut utilement se prévaloir ni de ce que la création d'une installation de stockage de déchets inertes résulterait nécessairement de l'obligation de remise en état du site de la carrière qu'elle a exploitée de 1986 à 2005 sous le régime d'une autorisation distincte, ni d'un prétendu objectif de " pluralité d'affectation " des zonages, lequel ne résulte pas de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme, ni, dès lors que l'article N 1 du règlement du PLU interdit expressément les utilisations du sol non prévues à l'article N 2, de ce que le préambule du règlement de la zone N de ce plan n'exclut pas une telle installation, ni, enfin, de ce que l'installation contestée serait autorisée par les dispositions spécifiques de l'article N2 du même règlement autorisant les exhaussements liés aux travaux d'aménagement de la route nationale 13 ; qu'elle n'est pas davantage fondée à soutenir que cette installation doit être regardée comme un équipement d'intérêt collectif compatible avec le règlement de la zone N ;

5. Considérant, enfin, que la création dans le plan local d'urbanisme de Brix d'un secteur Nc permettant l'exploitation de carrières était justifiée par l'exploitation de la carrière de la société requérante ; que, par suite, alors même que cette exploitation a pris fin en 2005, l'appelante ne peut utilement exciper par voie d'exception de l'illégalité du zonage Nc en ce qu'il aurait porté atteinte à sa liberté d'entreprendre et à son droit de propriété ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Carrières Leroux-Philippe n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 10 octobre 2011 du préfet de la Manche ;

Sur les dépens :

7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative dans sa rédaction alors en vigueur : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts (...). / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. " ;

8. Considérant que la société Carrières Leroux-Philippe étant la partie perdante dans la présente instance, il y a lieu, en l'absence de circonstances particulières, de laisser à sa charge la contribution pour l'aide juridique acquittée par elle au titre de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Brix, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la société Carrières Leroux-Philippe de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la société Carrières Leroux-Philippe une somme de 1 000 euros au titre des frais de même nature que la commune de Brix a exposés ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Carrières Leroux-Philippe est rejetée.

Article 2 : La société Carrières Leroux-Philippe versera à la commune de Brix une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Carrières Leroux-Philippe, au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et à la commune de Brix.

Copie en sera transmise au préfet de la Manche.

Délibéré après l'audience du 25 mars 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- M. Sudron, président-assesseur,

- M. François, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 avril 2014.

Le rapporteur,

E. FRANÇOISLe président,

A. PÉREZ

Le greffier,

S. BOYÈRE

La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 13NT00394


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13NT00394
Date de la décision : 18/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: M. Eric FRANCOIS
Rapporteur public ?: M. POUGET
Avocat(s) : LAZENNEC

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-04-18;13nt00394 ?
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