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12/06/2014 | FRANCE | N°13NC02041

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 12 juin 2014, 13NC02041


Vu la requête, enregistrée le 23 novembre 2013, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par MeC... ;

M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301142 du 22 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 juin 2013 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de salarié, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ;

2°) d

'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui...

Vu la requête, enregistrée le 23 novembre 2013, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par MeC... ;

M. A... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301142 du 22 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 juin 2013 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour en qualité de salarié, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou à défaut une autorisation provisoire de séjour sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

S'agissant du refus de titre de séjour :

- le préfet ne lui a jamais demandé de justifier de son assiduité aux cours pendant le traitement de sa demande de titre de séjour ; il n'ignorait pas qu'il avait commencé à travailler le 7 janvier 2013, avant les examens du premier semestre ; il est donc malvenu de lui opposer en juin 2013, alors que sa demande de titre de séjour avait été déposée début février, un défaut d'assiduité aux cours et aux examens ;

- il n'a commis aucune manoeuvre frauduleuse et le préfet n'en rapporte aucunement la preuve ;

- il remplissait toutes les conditions pour qu'un changement de statut lui soit accordé conformément à l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français :

- le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 janvier 2014, présenté par le préfet de l'Aube, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient qu'il ressort d'un courrier du requérant lui-même reçu le 19 avril 2013 qu'il était déjà engagé dans des recherches d'emploi ou était sur le point de l'être lorsqu'il a demandé le renouvellement de son titre de séjour " étudiant " ; qu'ainsi il apparaît qu'il n'avait pas réellement l'intention de suivre les cours mais seulement de chercher du travail ; qu'il y a donc bien de sa part manoeuvre frauduleuse ; qu'alors qu'il aurait pu solliciter la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. A...a préféré détourner volontairement les procédures pour se maintenir sur le sol français ; qu'il n'est pas dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mai 2014 :

- le rapport de M. Pommier, président ;

1. Considérant que M.A..., né le 19 juillet 1983, de nationalité sénégalaise, est entré régulièrement en France le 20 septembre 1983 pour y poursuivre des études universitaires ; qu'il s'est inscrit à l'université de Nice puis de Toulouse 1 et s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " qui lui a été constamment renouvelée, et en dernier lieu pour l'année universitaire 2012-2013 ; que, M. A...a sollicité le 31 janvier 2013 auprès des services de la préfecture de l'Aube un changement de statut et la délivrance d'un titre de séjour l'autorisant à exercer une activité salariée à Troyes, en produisant à l'appui de sa demande un contrat de travail à durée indéterminée conclu le 7 janvier 2013 ; que, par un arrêté du 25 juin 2013, le préfet de l'Aube a refusé de lui accorder le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ; que M. A... relève appel du jugement du 22 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention "étudiant". (...) La carte ainsi délivrée donne droit à l'exercice, à titre accessoire, d'une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 313-10 de ce code : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail. Pour l'exercice d'une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l'autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives, l'étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement du même article L. 341-2. (...) 6° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément au 2° de l'article L. 5221-2 du code du travail, d'une durée égale ou supérieure à un an, pour un emploi dont la rémunération annuelle brute est au moins égale à une fois et demie le salaire moyen annuel de référence, et qui est titulaire d'un diplôme sanctionnant au moins trois années d'études supérieures délivré par un établissement d'enseignement supérieur reconnu par l'Etat dans lequel cet établissement se situe ou qui justifie d'une expérience professionnelle d'au moins cinq ans d'un niveau comparable, sans que lui soit opposable la situation de l'emploi (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 311-11, dans sa rédaction alors applicable, de ce code : " Une autorisation provisoire de séjour d'une durée de validité de six mois non renouvelable est délivrée à l'étranger qui, ayant achevé avec succès, dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national, un cycle de formation conduisant à un diplôme au moins équivalent au master, souhaite, dans la perspective de son retour dans son pays d'origine, compléter sa formation par une première expérience professionnelle participant directement ou indirectement au développement économique de la France et du pays dont il a la nationalité. Pendant la durée de cette autorisation, son titulaire est autorisé à chercher et, le cas échéant, à exercer un emploi en relation avec sa formation et assorti d'une rémunération supérieure à un seuil déterminé par décret. A l'issue de cette période de six mois, l'intéressé pourvu d'un emploi ou titulaire d'une promesse d'embauche, satisfaisant aux conditions énoncées ci-dessus, est autorisé à séjourner en France pour l'exercice de l'activité professionnelle correspondant à l'emploi considéré au titre des dispositions du 1° de l'article L. 313-10 du présent code, sans que lui soit opposable la situation de l'emploi sur le fondement de l'article L. 341-2 du code du travail (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...a suivi depuis son entrée en France des études de gestion et a obtenu successivement une licence en droit, économie et gestion, mention administration économique et sociale en 2008, une licence professionnelle " activités et techniques de communication dans le domaine droit, économie et gestion " en 2010, la maîtrise en droit, économie et gestion, mention informatique des organisations en 2011, et, en novembre 2012, le master 2 " droit, économie et gestion, mention informatique des organisations, spécialité ingénierie et gestion des systèmes d'information " délivré par l'université de Toulouse 1 ; qu'il s'est inscrit en première année de licence d'anglais dans cette université pour l'année universitaire 2012-2013 ;

4. Considérant que, par lettre du 31 janvier 2013, M. A...a demandé l'attribution d'un titre de séjour l'autorisant à travailler en produisant un contrat de travail à durée indéterminée, signé le 7 janvier 2013, en qualité de consultant technique à l'agence de Troyes d'une société de services en ingénierie informatique ; que, par l'arrêté contesté, le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer ce titre au motif qu'il n'était pas en mesure de présenter les justificatifs de son assiduité aux cours et examens durant l'année universitaire et " qu'en raison de cette absence d'assiduité l'inscription pour l'année 2012/13 revêt le caractère d'une manoeuvre frauduleuse en vue de présenter une demande de titre de séjour au seules fins de se maintenir en France " ;

5. Considérant que la circonstance que M. A...a exercé une activité salariée à compter du 7 janvier 2013, dans la limite légale annuelle de 964 heures, ainsi qu'il ressort du courrier de son employeur en date du 4 juin 2013, et que, comme l'admet l'intéressé, il n'a plus été en mesure de suivre les cours à partir de son recrutement à Troyes le 7 janvier 2013, ne peut le faire regarder, en l'absence d'autres éléments probants en ce sens, comme n'ayant pris une nouvelle inscription à l'université que dans le seul but de se maintenir en France afin d'effectuer une recherche d'emploi sous couvert d'un titre de séjour " étudiant " ; que, contrairement à ce que soutient le préfet, la lettre de M. A...datée du 31 janvier 2013 et reçue en préfecture le 19 avril 2013, dans laquelle il indique s'être inscrit en première année de licence d'anglais pour répondre au mieux aux exigences du marché de l'emploi dans son domaine de spécialité et que son " objectif était bien de trouver un emploi " ne peut être interprétée comme signifiant qu'il n'entendait pas réellement suivre cet enseignement ; que sa demande de titre de séjour l'autorisant à exercer une activité professionnelle ne peut donc s'analyser comme procédant d'une manoeuvre frauduleuse, du seul fait qu'elle aurait été présentée en cours d'année universitaire ; que si l'absence d'assiduité aux cours était susceptible d'entraîner un refus de renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étudiant, elle ne pouvait être de nature à justifier légalement le refus de titre de séjour en qualité de salarié, alors qu'il n'est pas contesté que l'intéressé avait produit les pièces nécessaires à l'instruction de sa demande et que son employeur avait notamment justifié par lettre du 31 janvier 2013 des démarches de recrutement effectuées ; que, par ailleurs et au surplus, alors même que M. A... n'avait pas présenté sa demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il était loisible au préfet de l'instruire également au regard de cet article ; qu'il s'ensuit que M. A...est fondé à soutenir que le préfet de l'Aube n'a pu sans excès de pouvoir rejeter sa demande de titre de séjour salarié au motif qu'elle révélait une manoeuvre frauduleuse ; que cette illégalité entraîne par voie de conséquence l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français - laquelle au demeurant ne pouvait être légalement prise dès lors que l'intéressé demeurait bénéficiaire d'un titre de séjour "étudiant " valide jusqu'au 28 novembre 2013 - et de la décision fixant le pays à destination duquel il pourra être renvoyé d'office ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Aube en date du 25 juin 2013 pris à son encontre ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Considérant qu'il ressort des pièces versées au dossier que le contrat de travail dont justifiait le requérant a pris fin le 23 juillet 2013 ; que, par suite et en tout état de cause, le présent arrêt ne saurait impliquer pour son exécution que le préfet de l'Aube délivre à M. A...le titre sollicité ou une autorisation provisoire de séjour ni même qu'il procède à un nouvel examen de la demande dont il était saisi ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A...de la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1301142 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 22 octobre 2013 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet de l'Aube en date du 25 juin 2013 est annulé.

Article 3 : L'Etat versera à M. A...la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aube et au Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Troyes.

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N° 13NC02041


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC02041
Date de la décision : 12/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Joseph POMMIER
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : OURIRI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-06-12;13nc02041 ?
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