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28/05/2014 | FRANCE | N°13NC01283

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 28 mai 2014, 13NC01283


Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2013, présentée pour Mme A...C..., demeurant..., par Me B... ;

MmeC... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102072-1200555 du 7 mai 2013 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de :

- l'arrêté du 1er septembre 2011 par lequel l'inspecteur d'académie de la Meuse l'a suspendue de ses fonctions ;

- l'arrêté du 19 décembre 2011 par lequel l'inspecteur d'académie de la Meuse a prolongé sa suspension de fonctions, et la décision en date du 27 févrie

r 2012 rejetant le recours gracieux formé à l'encontre de cet arrêté ;

- l'arrêté du 19 j...

Vu la requête, enregistrée le 15 juillet 2013, présentée pour Mme A...C..., demeurant..., par Me B... ;

MmeC... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102072-1200555 du 7 mai 2013 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de :

- l'arrêté du 1er septembre 2011 par lequel l'inspecteur d'académie de la Meuse l'a suspendue de ses fonctions ;

- l'arrêté du 19 décembre 2011 par lequel l'inspecteur d'académie de la Meuse a prolongé sa suspension de fonctions, et la décision en date du 27 février 2012 rejetant le recours gracieux formé à l'encontre de cet arrêté ;

- l'arrêté du 19 janvier 2012 par lequel l'inspecteur d'académie de la Meuse a prononcé son licenciement pour insuffisance professionnelle ;

2°) d'annuler ces décisions ;

3°) d'enjoindre à l'autorité académique de la réintégrer dans ses fonctions avec effet au 1er septembre 2011, à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la décision la suspendant de ses fonctions ne pouvait être fondée sur l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;

- en l'absence de poursuites pénales, la suspension ne pouvait être décidée ;

- la décision prolongeant la suspension de fonctions ne pouvait être fondée sur l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la suspension ne pouvait être prolongée au-delà de 4 mois ;

- la procédure de licenciement est irrégulière faute pour la commission consultative mixte départementale d'avoir été saisie dans les quatre mois suivant la suspension initiale ;

- la commission consultative mixte départementale n'a pas été saisie par un rapport émanant de l'autorité ayant le pouvoir disciplinaire ;

- le secrétaire adjoint de la commission consultative mixte départementale n'était pas un représentant des maitres ;

- la composition de la commission consultative mixte départementale était irrégulière dans la mesure où devaient siéger trois représentants des directeurs d'écoles privées sous contrat dès lors que deux représentants de l'administration siégeaient ;

- son insuffisance professionnelle n'est nullement établie ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu la mise en demeure, adressée le 29 novembre 2013 au ministre de l'éducation nationale, en application de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, et l'avis de réception de cette mise en demeure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 mars 2014, présenté par le ministre de l'éduction nationale qui conclut au rejet de la requête ;

Le ministre fait valoir que :

- la suspension de la requérante était justifiée ;

- l'arrêté du 19 décembre 2011 pouvait prolonger la durée de la suspension au-delà de 4 mois ;

- la lettre du 19 décembre 2011 de l'inspecteur d'académie vaut rapport de saisine de la commission consultative mixte départementale ;

- la circonstance qu'un représentant des directeurs des écoles privées sous contrat a rempli les fonctions de secrétaire adjoint de la commission consultative mixte départementale est sans incidence sur la régularité de la procédure ;

- la commission consultative mixte départementale a pu valablement délibérer le quorum étant atteint ;

- les pièces du dossier établissent les insuffisances professionnelles de l'intéressée ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 avril 2014, présenté par MmeC... ;

Vu les pièces dont il résulte que, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur une substitution de base légale des décisions des 1er septembre et 19 décembre 2011 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mai 2014 :

- le rapport de M. Nizet, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;

1. Considérant que MmeC..., maître contractuel de l'enseignement privé du 1er degré, forme appel du jugement du 7 mai 2013 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er septembre 2011 par lequel l'inspecteur d'académie de la Meuse l'a suspendue de ses fonctions, de l'arrêté du 19 décembre 2011 prolongeant cette suspension, de la décision du 27 février 2012 rejetant le recours gracieux formé à l'encontre de cet arrêté et de l'arrêté du 19 janvier 2012 prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle ;

Sur les décisions de suspension de fonctions :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 914-104 du code de l'éducation : " En cas de faute grave commise par un maître contractuel ou agréé, soit pour un manquement à ses obligations professionnelles, soit pour une infraction de droit commun, son auteur peut être immédiatement suspendu, sur proposition du chef d'établissement, par l'autorité académique. (...) L'autorité académique statue sur la situation du maître contractuel ou agréé suspendu dans un délai de quatre mois à compter du jour où la décision de suspension a pris effet. Lorsque aucune décision n'est intervenue à l'expiration de ce délai, l'intéressé reçoit à nouveau l'intégralité de sa rémunération, sauf s'il est l'objet de poursuites pénales. (...) " ;

3. Considérant que l'inspecteur d'académie de la Meuse ne pouvait, comme il l'a fait, fonder les décisions de suspension de fonctions et de prolongation de suspension de fonctions attaquées sur les dispositions de l'article 30 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 applicable aux seuls fonctionnaires de l'Etat ; que, cependant, lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu'une telle substitution relevant de l'office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d'avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ;

4. Considérant qu'en l'espèce, la décision de suspension de fonctions attaquée et celle prolongeant cette suspension, trouvent leur fondement légal dans les dispositions précitées de l'article R. 914-104 du code de l'éducation applicables aux maîtres contractuels de l'enseignement privé, lesquelles peuvent être substituées à celles de l'article 30 de la loi du 13 juillet 1983 dès lors, d'une part, que l'inspecteur d'académie se trouvait dans la situation où, en application du code de l'éducation, il pouvait décider de la suspension de MmeC..., d'autre part, que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressée d'aucune garantie, et, enfin, que l'administration disposait du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que le texte précité ne conditionne pas le prononcé d'une mesure de suspension de fonctions à l'existence d'une action pénale ; que, par suite, Mme C...n'est pas fondée à soutenir qu'en l'absence d'une telle procédure, elle ne pouvait faire l'objet d'une suspension de fonctions ; que, par ailleurs, les dispositions précitées ne font pas obstacle à ce que la suspension d'un maître contractuel soit prolongée au-delà des quatre mois qu'elles prévoient ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, que Mme C...a été suspendue pour avoir oublié un enfant handicapé dans la cour de l'école à l'issue d'une récréation et un autre en salle de sieste ; qu'il lui a été également reproché d'avoir, au mépris des règles de sécurité, laissé deux élèves grimper à une grille protégeant une fenêtre ; que ces griefs présentaient, au jour de la suspension attaquée et alors même qu'ils ne sont pas datés, un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité pour justifier une telle décision ; que si Mme C...produit de nombreuses attestations en sa faveur, ces dernières ne portent pas sur les faits en cause dont la matérialité est établie par les pièces du dossier ;

Sur la décision de licenciement pour insuffisance professionnelle :

7. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 914-103 du code de l'éducation : " L'autorité académique peut, d'office ou sur saisine du chef d'établissement, en cas d'insuffisance professionnelle dûment constatée, prononcer, après avis motivé de la commission consultative mixte académique ou départementale, la résiliation du contrat ou le retrait de l'agrément. Les dispositions du troisième alinéa de l'article R. 914-102 sont applicables " ; que si les dispositions précitées de l'article R. 914-104 qui fixent à l'administration un délai de quatre mois pour statuer sur le cas d'un maître contractuel, ont pour objet de limiter les conséquences financières de la suspension de fonctions, aucun texte n'enferme l'exercice de l'action disciplinaire dans un délai déterminé ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la procédure suivie aurait été irrégulière, faute pour la commission consultative mixte départementale d'avoir été saisie dans les quatre mois suivant la suspension initiale, ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 914-102 du code de l'éducation : " (...) La procédure devant la commission consultative mixte se déroule selon les règles fixées par le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat, à l'exception de ses articles 10 à 17. " ; qu'aux termes de l'article 2 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat : " L'organisme siégeant en conseil de discipline lorsque sa consultation est nécessaire, en application du second alinéa de l'article 19 de la loi susvisée du 13 juillet 1983, est saisi par un rapport émanant de l'autorité ayant pouvoir disciplinaire ou d'un chef de service déconcentré ayant reçu délégation de compétence à cet effet. / Ce rapport doit indiquer clairement les faits reprochés au fonctionnaire et préciser les circonstances dans lesquelles ils se sont produits. " ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès verbal de la commission consultative mixte départementale, réunie le 18 janvier 2012 pour rendre un avis sur le cas de MmeC..., qu'une lettre de l'inspecteur d'académie, datée du 19 décembre 2011, adressée à l'intéressée, qui recensait de manière précise les faits qui lui sont reprochés, a été lue en début de séance ; qu'alors même que ce document a été présenté sous la forme d'un courrier, il constitue, contrairement à ce que soutient MmeC..., le rapport de saisine de la commission prévu par les dispositions précitées ;

10. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 914-11 du code de l'éducation : " La commission consultative mixte départementale ou académique élabore son règlement intérieur (...) Le secrétariat est assuré par un représentant de l'administration qui peut n'être pas membre de la commission. Un représentant des maîtres est désigné par la commission en son sein pour exercer les fonctions de secrétaire adjoint (...) " ; que si Mme C...soutient que les dispositions précitées ont été méconnues, dès lors que les fonctions de secrétaire adjoint n'ont pas été confiées, lors de la séance de la commission du 18 janvier 2012, à un représentant des maîtres contractuels de l'enseignement privé, mais à un représentant des directeurs d'école, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette circonstance ait eu une influence sur le sens de la décision prise à la suite de la consultation de cette commission, ni que cette irrégularité ait privé l'intéressée d'une garantie ;

11. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article R. 914-5 du code de l'éducation : " La commission consultative mixte départementale comprend vingt membres : 1° Le directeur académique des services de l'éducation nationale agissant sur délégation du recteur d'académie, président ; 2° Quatre représentants de l'administration désignés par le directeur académique des services de l'éducation nationale (...) 3° Cinq membres du personnel titulaire de l'enseignement primaire public dont un membre de l'enseignement primaire public spécialisé accueillant des enfants et adolescents handicapés. (...) 4° Cinq représentants des chefs d'établissement d'enseignement primaire privé (...) 5° Cinq représentants des maîtres, contractuels ou agréés, de l'enseignement primaire privé et des maîtres agréés des classes spécialisées fonctionnant dans des établissements primaires spécialisés sous contrat (...). Lorsque le nombre des chefs d'établissement et des responsables pédagogiques des classes spécialisées est inférieur à vingt, ou lorsque le nombre des maîtres est inférieur à cent, le directeur académique des services de l'éducation nationale (...) peut réduire le nombre de leurs représentants respectifs, à la condition que le nombre des premiers reste égal à celui des seconds, et que la représentation des autres catégories siégeant à la commission soit réduite à due proportion. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 912-12 du même code : " La commission consultative mixte départementale ou académique ne délibère valablement que si les trois quarts au moins de ses membres sont présents lors de l'ouverture de la réunion. (...) " ; que ni ces dispositions, ni aucune autre en vigueur à la date de la décision attaquée, ne prévoient que, pour délibérer valablement, la commission consultative mixte départementale doit siéger dans une formation comportant trois représentants des directeurs d'écoles privées sous contrat, pour deux représentants de l'administration ; qu'ainsi, et alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'à l'ouverture de la séance du 18 janvier 2012, le quorum était atteint, la commission pouvait valablement délibérer ; que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que la composition de la commission était irrégulière ;

12. Considérant, enfin, que pour prononcer le licenciement pour insuffisance professionnelle de MmeC..., l'inspecteur d'académie de la Meuse a notamment relevé que celle-ci ne savait pas concevoir, ni mettre en oeuvre son enseignement, qu'elle improvisait ses cours, sans préparation ni programmation, qu'elle ne savait pas organiser le travail de sa classe, ni prendre en compte la diversité des élèves, qu'elle ne savait pas faire prévaloir son autorité dans sa classe, qu'elle n'évaluait pas ses élèves, qu'elle ne travaillait pas en équipe, qu'elle ne coopérait pas avec les parents et les partenaires de l'école, qu'elle ne s'impliquait pas dans le projet d'établissement et ignorait la nécessité de produire et d'harmoniser les programmations avec les autres classes de maternelle ; que l'ensemble de ces faits sont établis par les pièces du dossier, et notamment par les rapports d'inspection successifs rédigés au sujet de l'intéressée ; qu'eu égard aux graves insuffisances qu'ils révèlent dans la manière de servir de la requérante, l'inspecteur d'académie, qui n'était pas tenu de proposer à celle-ci des formations complémentaires ou une affectation dans un autre emploi, n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article R. 914-103 du code de l'éducation en prononçant son licenciement pour insuffisance professionnelle ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C...et au ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

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N° 13NC01283


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC01283
Date de la décision : 28/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Olivier NIZET
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : STIENNE-DUWEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-05-28;13nc01283 ?
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