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20/02/2014 | FRANCE | N°13NC01233

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 20 février 2014, 13NC01233


Vu, la requête, enregistrée le 10 juillet 2013, présentée pour Mme B...A..., élisant domicile..., par Me Berry ;

Mme A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301448 du 11 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 26 mars 2013 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination de cet éloign

ement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de l...

Vu, la requête, enregistrée le 10 juillet 2013, présentée pour Mme B...A..., élisant domicile..., par Me Berry ;

Mme A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301448 du 11 juin 2013 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 26 mars 2013 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français en refusant de lui accorder un délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination de cet éloignement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un certificat de résidence, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, pendant cet examen, une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 794 euros, à verser à Me Berry, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Elle soutient que :

- il n'a pas été répondu, par les premiers juges, au moyen tiré de la méconnaissance, par la décision lui refusant le séjour, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le signataire du refus de titre de séjour ne justifie pas d'une délégation de signature régulièrement publiée ;

- cette décision méconnaît l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles;

- elle peut également prétendre au bénéfice d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 7 bis du même accord ;

- la décision méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est également entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision de refus de titre méconnait l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le signataire de l'obligation de quitter le territoire français ne justifie pas d'une délégation de signature régulièrement publiée ;

- l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance du principe général du droit communautaire en application duquel elle aurait dû être entendue ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît les articles 6-5 et 7 bis de l'accord franco-algérien et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- le signataire de la décision refusant un délai de départ volontaire ne justifie pas d'une délégation de signature régulièrement publiée ;

- la décision portant refus d'accorder un délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle ne présente pas de risque de fuite ;

- l'article L. 511-1 II du 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tel que résultant de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011, est contraire à l'objectif de proportionnalité contenu dans la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- les premiers juges ont commis une erreur de fait en considérant qu'elle avait fait l'objet de quatre mesures d'éloignement et non d'une ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le signataire de la décision fixant le pays de destination ne justifie pas d'une délégation de signature régulièrement publiée ;

- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 septembre 2013, présenté par le préfet du Haut-Rhin qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 9 juillet 2013, admettant Mme A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 janvier 2014 :

- le rapporteur M. Nizet premier conseiller,

- et les observations de Me Berry pour MmeA... ;

1. Considérant que MmeA..., née le 14 novembre 1952, de nationalité algérienne, est entrée régulièrement en France le 24 décembre 2003 sous couvert d'un passeport muni d'un visa portant la mention " entrées multiples " valable jusqu'au 7 mai 2004 ; qu'elle a présenté une demande de titre de séjour en raison de son état de santé le 5 janvier 2004, qui a été rejetée le 3 février 2004 par un arrêté du préfet du Haut Rhin l'invitant également à quitter le territoire français ; qu'elle a présenté le 5 juillet 2004 une nouvelle demande en qualité d'ascendante à charge de ressortissants français, qui a fait l'objet d'une décision de rejet le 10 décembre 2004 l'invitant à nouveau à quitter le territoire français ; qu'elle a présenté de nouvelles demandes d'admission au séjour, le 15 novembre 2005 rejetée le 7 décembre 2005, le 8 septembre 2006 rejetée le 5 octobre 2006 et le 10 mars 2009 rejetée le 24 juin 2009 ; que cette dernière décision, attaquée en vain devant le Tribunal administratif de Strasbourg et la Cour de céans, était assortie d'une obligation de quitter le territoire français ; que Mme A...a présenté une nouvelle demande de titre de séjour, fondée sur les mêmes motifs, le 3 janvier 2013 ; que, par un arrêté du 26 mars 2013, le préfet du Haut-Rhin a refusé d'accorder à l'intéressée le titre de séjour sollicité et a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français, en fixant le pays de destination ; que, par un jugement du 11 juin 2013, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande d'annulation présentée par Mme A...à l'encontre cette décision ; que Mme A...relève appel de ce jugement ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5°) au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ";

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que si MmeA..., entrée en France le 24 décembre 2003, a vécu en Algérie jusqu'à l'âge de 51 ans et que deux de ses enfants et son frère résident toujours dans ce pays, elle réside, depuis son arrivée en France il y a 10 ans, chez une de ses filles, de nationalité française, divorcée, mère de 5 enfants, qui souffre de diabète et qu'elle aide au quotidien ; que, compte tenu de l'aide ainsi apportée par la requérante à sa fille, ainsi qu'à la durée de son séjour au France au jour de l'acte attaqué, la décision du préfet du Haut-Rhin a porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision attaquée a été prise ; qu'elle est donc contraire aux stipulations précitées et doit être annulée ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les décisions obligeant MmeA... à quitter le territoire, lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination doivent être annulées en conséquence de l'annulation de la décision de refus de titre de séjour ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Haut Rhin du 26 mars 2013 en tant qu'il lui refuse le séjour, l'oblige à quitter le territoire, lui refuse un délai de départ volontaire et fixe la destination à cette mesure d'éloignement ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Considérant qu'eu égard au motif d'annulation de l'arrêté attaqué, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus de séjour, le présent arrêt implique nécessairement que cette autorité délivre à l'intéressée un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de délivrer ce titre, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a toutefois pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. Considérant que Mme A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Berry, avocat de MmeA..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Berry de la somme de 1 500 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg n° 1301448 du 11 juin 2013 et l'arrêté du préfet du Haut Rhin du 26 mars 2013 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Haut-Rhin de délivrer à Mme A...un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Me Berry, avocat de MmeA..., une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Berry renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A...et au ministre de l'intérieur.

Une copie sera adressée au préfet du Haut-Rhin.

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N° 13NC01233


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC01233
Date de la décision : 20/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Olivier NIZET
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : BERRY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-02-20;13nc01233 ?
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