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11/12/2014 | FRANCE | N°13NC01106

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 11 décembre 2014, 13NC01106


Vu le recours, enregistré le 24 juin 2013, complété par des mémoires enregistrés les 22 octobre 2013, 2 octobre 2014 et 14 novembre 2014, du ministre de l'économie ;

Le ministre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903377 du 23 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a accordé la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et des contributions sociales correspondantes auxquelles M. et Mme A...ont été assujettis à raison d'une plus-value de cession de brevet au titre de l'année 2006 ;

2°) de remettre intég

ralement à la charge de M. et Mme A...les impositions dont le tribunal administrati...

Vu le recours, enregistré le 24 juin 2013, complété par des mémoires enregistrés les 22 octobre 2013, 2 octobre 2014 et 14 novembre 2014, du ministre de l'économie ;

Le ministre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0903377 du 23 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a accordé la décharge des cotisations primitives d'impôt sur le revenu et des contributions sociales correspondantes auxquelles M. et Mme A...ont été assujettis à raison d'une plus-value de cession de brevet au titre de l'année 2006 ;

2°) de remettre intégralement à la charge de M. et Mme A...les impositions dont le tribunal administratif a prononcé la décharge ;

Le ministre soutient que :

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit ; M. A...n'ayant pas exercé d'activité professionnelle consistant en l'exploitation des brevets qu'il avait déposés entre 1997 et 2002 ni entre 2002 et 2006, il ne peut pas bénéficier de l'exonération de la plus-value de cession de ses brevets prévue par l'article 151 septies A du code général des impôts ;

- le contribuable ne peut se prévaloir d'une prise de position formelle de l'administration en application des articles L. 80 A et L. 80 B du livre des procédures fiscales s'agissant d'une imposition primitive ; il ne peut invoquer de doctrines dans les prévisions desquelles il n'entre pas ou qui sont postérieures aux faits ;

- l'administration n'a pas méconnu le principe de loyauté ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 9 août 2013, complété par des mémoires enregistrés les 25 mars 2014 et 23 octobre 2014, présenté pour M. et Mme A... demeurant ... qui concluent au rejet du recours, et demandent qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. et Mme A...soutiennent que :

- les conditions prévues par l'article 151 septies pour bénéficier de l'exonération de la plus-value réalisée à l'occasion de la cession de brevet sont réunies ; M. A...a bien exercé une activité professionnelle au sens de la loi alors même qu'il n'a pas réalisé de bénéfice ;

- l'administration méconnait l'obligation de loyauté prévue par la charte du contribuable en refusant de considérer que M. A...a exploité des brevets s'agissant de l'application de l'article 151 septies, alors qu'elle a assujetti cette activité à la taxe professionnelle ;

- l'administration commet une erreur de droit en exigeant une durée d'activité de cinq années ;

- l'administration méconnait le n° 24 de la doctrine administrative 6 E 121 du 1er septembre 1991, l'instruction SK 1-09 du 2 juin 2009 et la réponse ministérielle faite à M. B..., AN 11 octobre 1979, p. 8147 n° 18.666 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 novembre 2014 :

- le rapport de Mme Guidi, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

1. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 92 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. 2. Ces bénéfices comprennent notamment : [...] 3° Les produits perçus par les inventeurs au titre soit de la concession de licences d'exploitation de leurs brevets, soit de la cession ou concession de marques de fabrique, procédés ou formules de fabrication ; [...] " ; que selon 151 septies du même code, dans sa rédaction applicable aux plus-values réalisées à compter du 1er janvier 2006 : " I. - [...] les dispositions du présent article s'appliquent aux activités commerciales, industrielles, artisanales, libérales ou agricoles, exercées à titre professionnel. L'exercice à titre professionnel implique la participation personnelle, directe et continue à l'accomplissement des actes nécessaires à l'activité. II. - Les plus-values de cession soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies [...], et réalisées dans le cadre d'une des activités mentionnées au I sont, à condition que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans, exonérées pour : 1° La totalité de leur montant lorsque les recettes annuelles sont inférieures ou égales à : [...] b) 90 000 euros s'il s'agit [...] de titulaires de bénéfices non commerciaux ; [...] " ; qu'aux termes de l'article 39 terdecies de ce code : " 1. Le régime des plus-values à long terme est applicable aux plus-values de cession de brevets, ou d'inventions brevetables, ainsi qu'au résultat net de la concession de licences d'exploitation des mêmes éléments. [...] Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque les éléments mentionnés ci-dessus ne présentent pas le caractère d'éléments de l'actif immobilisé ou ont été acquis à titre onéreux depuis moins de deux ans. [...] " ; que pour bénéficier de l'exonération prévue par les dispositions précitées de l'article 151 septies du code général des impôts, le contribuable doit justifier que le bien dont la cession a dégagé une plus-value a été affecté à l'une des activités professionnelles visées à cet article, que celle-ci a été exercée pendant cinq ans avant la cession et que sa participation à l'accomplissement des actes nécessaires à l'activité a été personnelle, directe et continue ;

2. Considérant que si M. A...soutient qu'il a exercé une activité d'inventeur depuis 1997 en raison du développement du procédé de démolition d'immeubles dit de " vérinage ", du dépôt de brevets en 1997, 1998 et 1999 puis de la conclusion, le 23 août 2002, d'une concession d'exploitation exclusive de ces brevets avec la société de démolitionA..., il n'établit cependant pas, par les éléments qu'il produit, relatifs à quelques essais par des entreprises, avoir participé de manière continue, personnellement et directement, ni même, en tout état de cause, par l'intermédiaire de la société de démolitionA..., société anonyme, dont il était le dirigeant et l'associé majoritaire, à l'exploitation de ce procédé de démolition durant la période comprise entre 1997 et 2002 ; qu'il ressort en outre des déclarations de bénéfices industriels et commerciaux effectuées par M. A...durant cette période qu'il n'a réalisé aucun chiffre d'affaires et que le seul contrat en rapport avec son activité d'inventeur est un mandat conclu avec une société spécialisée en propriété industrielle en vue du dépôt des brevets ; que, dans ces conditions, et alors même qu'il a été assujetti à la taxe professionnelle durant cette période, M. A... ne justifie pas avoir exercé personnellement et directement une activité professionnelle en lien avec ce procédé de démolition entre 1997 et le 23 août 2002, date à laquelle il a concédé l'exploitation de ces brevets à la société A...dont il était le dirigeant ; qu'à supposer même que cette condition fût remplie à compter du 23 août 2002 jusqu'à la cession des brevets à la Société Colas, le 10 avril 2006, M. A...n'a, en tout état de cause, pas procédé à cette exploitation durant cinq ans avant la cession ; que, par suite, la plus-value résultant de la cession de ces brevets n'entre pas dans le champ d'application de l'article 151 septies du code général des impôts en permettant l'exonération ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a déchargé M. et Mme A...de l'imposition en litige et des contributions sociales correspondantes ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme A...devant le tribunal administratif et devant la cour administrative d'appel ;

5. Considérant que, alors même que l'activité d'inventeur de M. A...a été par ailleurs assujettie à la taxe professionnelle de 1997 à 2002, l'imposition de la plus-value résultant de la cession des brevets portant sur le procédé dit de " vérinage " au motif que les conditions d'application subordonnant l'exonération prévue par l'article 151 septies A du code général des impôts n'étaient pas remplies, ne saurait constituer un manquement à l'obligation de loyauté prévue par la charte du contribuable dès lors qu'il s'agit de deux impositions distinctes ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au litige : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. /Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. " ;

7. Considérant que M. A...ne peut utilement invoquer ni la doctrine administrative référencée 6 E 121 du 1er septembre 1991 relative à la taxe professionnelle, inapplicable en matière d'impôt sur le revenu, ni l'instruction référencée 5 K 1-09 du juin 2009 postérieure à l'année d'imposition en litige, ni se prévaloir de la réponse ministérielle à M. B... du 11 octobre 1979 relative à l'imputation des déficits en l'absence de recettes d'exploitation d'un brevet, dans la prévision de laquelle il n'entre pas ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu et des contributions sociales correspondantes auxquelles M. et Mme A... ont été assujettis au titre de l'année 2006 à raison de la plus-value résultant de la cession des brevets de M. A...; qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué et de rétablir M. et Mme A...au rôle de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2006 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. et Mme A...la somme qu'ils réclament au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Les cotisations d'impôt sur le revenu ainsi que les contributions sociales correspondantes auxquelles M. et Mme A...ont été assujettis au titre de l'année 2006 et dont le tribunal administratif de Strasbourg a prononcé la décharge sont remises à leur charge.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 23 avril 2013 est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La demande présentée par M. et Mme A...devant le tribunal administratif de Strasbourg et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre chargé du budget et à M. et Mme C...A....

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N° 13NC01106


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC01106
Date de la décision : 11/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme STEFANSKI
Rapporteur ?: Mme Laurie GUIDI
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 20/09/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-12-11;13nc01106 ?
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