Vu la requête, enregistrée le 2 septembre 2013, présentée pour Mme D... B...épouseC..., demeurant..., par Me E... ;
Mme C...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement rendu le 5 juillet 2013 par le tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler la décision en date du 25 mars 2011 par laquelle le président de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Vaucluse a ordonné son changement d'affectation en la déchargeant de son emploi de directrice de l'école hôtelière ;
3°) de condamner la chambre de commerce et d'industrie de Vaucluse à lui verser la somme de 75 000 euros en raison du trouble qu'elle a subi dans ses conditions d'existence ;
4°) d'ordonner que la somme allouée portera intérêts au taux légal à compter de la demande préalable formulée le 13 avril 2011, en application des dispositions de l'article 1153 du Code civil ;
5°) d'ordonner la capitalisation des intérêts échus à compter du 13 avril 2011, en application des dispositions de l'article 1154 du Code civil ;
6°) de mettre à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de Vaucluse la somme de 5.000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu le jugement attaqué ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métier ;
Vu l'arrêté du 25 juillet 1997, ensemble le statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie, des chambres régionales de commerce et d'industrie, de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 février 2015 :
- le rapport de M. Angéniol, premier conseiller ;
- les conclusions de Mme Hogedez ;
- et les observations de Me A...pour la chambre de commerce et d'industrie de Vaucluse
Après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 19 février 2015, présentée pour la chambre de commerce et d'industrie de Vaucluse ;
Après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 26 février 2015, présentée pour MmeC... ;
1. Considérant que Mme C...relève appel du jugement rendu le 5 juillet 2013 par le tribunal administratif de Nîmes qui a rejeté ses requêtes tendant, d'une part, à l'annulation des décisions des 21 janvier et 25 mars 2011 par lesquelles le président de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Vaucluse l'a relevée de ses fonctions de directrice de l'école hôtelière d'Avignon et a ordonné son changement d'affectation et, d'autre part, à la condamnation de la CCI de Vaucluse à l'indemniser du préjudice lié aux troubles dans ses conditions d'existence résultant de l'illégalité fautive de ces décisions, s'inscrivant dans le cadre de faits de harcèlement moral qu'elle estime avoir subis ;
Sur la recevabilité de l'appel :
2. Considérant que Mme C...ne se borne pas en appel à la seule reproduction littérale de son argumentation de première instance mais reformule les arguments soulevés à l'appui de ses conclusions ; qu'une telle motivation répond aux conditions posées par l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que, par suite, la CCI de Vaucluse n'est pas fondée à soutenir que sa requête serait, pour ce motif, irrecevable ;
Sur la tardiveté des conclusions de première instance tendant à l'annulation de la décision du 25 mars 2011 :
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le courrier de notification de cette décision ne comportait pas la mention des voies et délais de recours ; qu'ainsi, le délai de recours contentieux n'ayant pu commencer à courir et n'étant dès lors pas opposable à MmeC..., la fin de non-recevoir de la CCI de Vaucluse tirée de la tardiveté de ces conclusions ne peut qu'être rejetée ;
Sur les faits litigieux :
4. Considérant que MmeC..., qui exerçait depuis 2003 les fonctions de directrice de l'école hôtelière d'Avignon et de son centre de formation des apprentis, a fait connaître à sa hiérarchie, en juin 2010, son intention de prendre sa retraite en mai 2012 ; que la direction de la CCI de Vaucluse a alors, le 7 juillet 2010, lors d'un comité de direction, mis en place un système de transition destiné officiellement à permettre à Mme C...de former les membres de la future équipe qui devait prendre le moment venu, c'est-à-dire au moment du départ effectif de l'intéressée en retraite, sa succession dans un direction restructurée de l'école et de son centre de formation ;
5. Considérant que la CCI explique que, dès la mise en place de ce mécanisme de transition, les relations de Mme C...avec cette équipe ont été très négatives, du fait de la mauvaise volonté manifestée par cette dernière pour abandonner concrètement ses pouvoirs de direction au profit de cette équipe ; que l'hostilité de la hiérarchie de la CCI à l'égard de cette directrice dont les qualités professionnelles avaient toujours fait l'objet d'éloges jusqu'à l'annonce de son projet de départ à la retraite, s'est notamment manifestée lors de l'envoi à l'intéressée, le 15 novembre 2010, d'un courrier de sévère mise en garde du président de la CCI lui reprochant gratuitement d'avoir, sans son accord, permis à l'école hôtelière de participer à un dîner de gala du forum d'Avignon, alors qu'il ressort des pièces du dossier qu'il avait donné un tel accord sans réserve par courrier du 12 octobre 2010 invitant même la directrice générale du forum à se rapprocher directement de Mme C...pour l'organisation de cette manifestation ;
6. Considérant que, peu après, le 24 novembre 2010, Mme C...a été informée, par un consultant extérieur recruté par la CCI, qu'il avait été décidé par la direction de cet établissement public qu'elle devrait quitter ses fonctions en septembre 2011 ; que, par la suite, Mme C...fait valoir, sans être sérieusement contredite par la CCI dans ses écritures contentieuses, qu'au cours d'un entretien professionnel, le 12 janvier 2011, en présence du directeur général et du secrétaire général de la CCI, elle a été vivement prise à partie par ces derniers, qui lui ont notamment demandé ce qu'elle attendait pour quitter son poste ; que l'intéressée, dont le départ était prévu en mai 2012, a alors été formellement déchargée de son emploi de directrice, par décision du président en date du 25 mars 2011, et affectée à un emploi de chargée de mission dans les services centraux de la CCI qui, s'il correspond à son grade et présente un contenu réel, ne représente pas moins pour l'intéressée une perte substantielle de responsabilités ;
Sur le harcèlement moral :
7. Considérant qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, que le juge peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; qu'il appartient au juge de cassation, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier si les juges du fond ont ou non exactement qualifié de harcèlement moral les faits soumis à leur appréciation ;
8. Considérant qu'en évoquant en termes ambigus une transmission de savoirs et de contacts, la décision actée le 7 juillet 2010 pouvait s'interpréter comme la transmission progressive, envisagée sur une période de près de deux ans, des connaissances et du savoir-faire de Mme C...et non comme un partage immédiat des attributions de cette dernière ou un abandon de celles-ci au profit de cette équipe ; que, toutefois, la chronique sus-relatée des agissements de la CCI à l'égard de Mme C...révèle la continuité d'une intention précoce si ce n'est préméditée de pousser l'intéressée à prendre au plus tôt sa retraite, en la marginalisant et en remettant en question la légitimité de ses fonctions de directrice ; que le comportement de la CCI tel que décrit par Mme C...est de nature à faire présumer que celle-ci, qui a commencé à souffrir de troubles anxio-dépressifs à partir de décembre 2010, attestés par des certificats médicaux établissant un lien direct de causalité entre cette dégradation de son état de santé et les agissements reprochés à la CCI, a été victime d'agissements répétés de harcèlement moral qui ont eu pour effet de dégrader ses conditions de travail et d'altérer sa santé ;
9. Considérant que les propres explications de la CCI se bornent à évoquer le caractère anodin de la décision actée le 7 juillet 2010, à critiquer l'attitude récalcitrante de
MmeC..., à minimiser la portée de la lettre du 15 novembre 2010, et à faire valoir que la nouvelle affectation de l'intéressée correspondait à son grade et présentait un contenu réel ; qu'elles ne sont pas de nature à renverser la présomption de harcèlement moral exercé par la CCI, lequel doit donc être tenu pour acquis ;
Sur les conclusions indemnitaires :
10. Considérant que la responsabilité de la CCI est engagée envers Mme C...du
fait de ce harcèlement moral ; que ce harcèlement a causé à l'intéressée un préjudice moral,
lié notamment à son déclassement, ainsi que des troubles dans ses conditions d'existence
en raison de la dégradation de son état de santé ; qu'il sera fait une juste appréciation
de ces préjudices en condamnant la CCI de Vaucluse à lui verser la somme globale de
20 000 euros, tous intérêts confondus à la date du présent arrêt ;
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 25 mars 2011 :
11. Considérant qu'il résulte de l'enchaînement des faits sus-relatés que la décision du
25 mars 2011 ne peut être regardée comme ayant été prise dans l'intérêt du service mais présente en réalité le caractère d'une sanction déguisée du refus de Mme C...de délaisser ses responsabilités et d'anticiper son départ à la retraite ; que cette décision est donc entachée d'illégalité et doit être annulée ;
12. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 25 mars 2011, procédant à son changement d'affectation et estimé qu'elle n'avait pas fait l'objet d'un harcèlement moral, rejetant en conséquence ses conclusions indemnitaires ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ; que ces dispositions font obstacle à ce que
MmeC..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamnée à payer à la CCI de Vaucluse la somme que cet organisme réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la CCI de Vaucluse la somme de 2 000 euros au titre des frais de procédure engagés par MmeC... ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 5 juillet 2013 et la décision en date du 25 mars 2011 par laquelle le président de chambre de commerce et d'industrie de Vaucluse a ordonné le changement d'affectation de Mme C...sont annulés.
Article 2 : La chambre de commerce et d'industrie de Vaucluse est condamnée à verser à
Mme C...la somme de 20 000 euros (vingt mille euros) tous intérêts confondus à la date du présent arrêt au titre du préjudice moral et des troubles dans les conditions d'existence subis par cette dernière.
Article 3 : La chambre de commerce et d'industrie de Vaucluse versera à Mme C...la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Article 4 : Les conclusions présentées par la chambre de commerce et d'industrie de Vaucluse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B...épouse C...et à la chambre de commerce et d'industrie de Vaucluse.
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N° 13MA036062