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13/02/2015 | FRANCE | N°13MA02242

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 13 février 2015, 13MA02242


Vu la requête, enregistrée le 11 juin 2013 au greffe de la Cour, sous le n° 13MA02242, présentée pour Mme C...D..., demeurant..., par Me E... ;

Mme D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105215 du 18 mars 2013 du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, des titres exécutoires n° 296, 329, 403, 108, 140 et 189 émis à son encontre par la commune de Fontvieille respectivement les 6 octobre, 4 novembre, 6 décembre 2010 et les 10 mai, 7 juin et 4 juillet 2011 et, d'autre part, de la décision du 22 j

uillet 2011 par laquelle le maire de la commune de Fontvieille a rejeté son...

Vu la requête, enregistrée le 11 juin 2013 au greffe de la Cour, sous le n° 13MA02242, présentée pour Mme C...D..., demeurant..., par Me E... ;

Mme D...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105215 du 18 mars 2013 du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, des titres exécutoires n° 296, 329, 403, 108, 140 et 189 émis à son encontre par la commune de Fontvieille respectivement les 6 octobre, 4 novembre, 6 décembre 2010 et les 10 mai, 7 juin et 4 juillet 2011 et, d'autre part, de la décision du 22 juillet 2011 par laquelle le maire de la commune de Fontvieille a rejeté son recours gracieux contre l'ensemble des titres exécutoires précités ;

2°) d'annuler l'ensemble des décisions susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de ladite commune une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens ;

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Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 janvier 2015 :

- le rapport de M. Pecchioli, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Revert, rapporteur public ;

- et les observations de MeF..., pour MmeD... ;

1. Considérant que la commune de Fontvieille a accepté, suivant délibération du 27 mai 1960, la gestion du musée et du moulin d'Alphonse Daudet lequel appartient à des propriétaires privés, les consorts A...; que la convention de location entre lesdits propriétaires et la commune a été périodiquement renouvelée, la dernière fois par un contrat signé le 12 décembre 2003 ; que, par ailleurs, la commune en a confié l'exploitation dès l'origine à une personne privée ; que par une première convention conclue le 14 novembre 1998 avec la commune de Fontvieille, Mme D...a été désignée, en remplacement de M. B...démissionnaire, régisseur des droits d'entrée du musée et du moulin Alphonse Daudet avec pour mission exclusive de recouvrer les recettes provenant desdits droits ; que par une deuxième convention conclue le 7 janvier 2004 entre les mêmes parties, Mme D...s'est vue confier l'animation du moulin de Daudet, celle-ci comprenant, outre la tenue de la régie des droits d'entrée, la réception du public visitant le moulin et le musée ; que la convention prévoyait ensuite qu'en contrepartie de cette animation la cocontractante serait rémunérée sur présentation d'une facture trimestrielle de 1 206 euros hors taxe pour l'année 2005 et avait droit à une indemnité annuelle au titre de la responsabilité encourue en qualité de régisseur selon les termes de la délibération du 29 septembre 2003 ; que la convention autorisait enfin Mme D...à utiliser les bâtiments du moulin pour réaliser son commerce de souvenirs pour lequel elle est immatriculée au registre du commerce et des sociétés (RCS) et qu'en contrepartie de cette autorisation celle-ci paierait un loyer d'occupation fixé à 350 euros mensuel pour l'année 2005 ; qu'une troisième convention a été signée le 3 janvier 2005 entre les mêmes parties reprenant les termes de la précédente, augmentant seulement le loyer mensuel à la somme de 400 euros ; qu'enfin par une quatrième convention conclue le 1er février 2010, la commune a confié l'exploitation des sites touristiques communaux à MmeD..., ceux-ci comprenant le " Moulin de Daudet ", propriété privée, mais également le rez-de-chaussée du " Château de Montauban ", propriété de la commune ; que si Mme D...a continué de se rémunérer par les droits d'entrée perçus et la vente de souvenirs suivant des tarifs qu'elle avait définis librement, elle devait désormais verser une " redevance " mensuelle de 7 500 euros ; que Mme D... ayant dû faire face à des difficultés financières, elle n'a pu honorer certaines échéances ; que la commune de Fontvieille lui a alors adressé plusieurs titres exécutoires n° 296, 329, 403, 108, 140 et 189 respectivement les 6 octobre, 4 novembre, 6 décembre 2010 et les 10 mai, 7 juin et 4 juillet 2011 ; que la requérante a demandé devant les premiers juges l'annulation, d'une part, des titres exécutoires susmentionnés émis à son encontre par la commune de Fontvieille et, d'autre part, de la décision du 22 juillet 2011 par laquelle le maire de la commune de Fontvieille a rejeté son recours gracieux contre l'ensemble des titres exécutoires précités ; que par jugement du 18 mars 2013, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête ; que l'intéressée relève appel de ce jugement ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête

2. Considérant que Mme D... soutient que les redevances réclamées sur le fondement de la convention conclue le 1er février 2010 avec la commune de Fontvieille, laquelle constitue selon elle une délégation de service public, sont illégales dès lors que ladite convention n'en justifie pas le montant et le calcul, en méconnaissance de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d'acquérir des biens nécessaires au service./ Les délégations de service public des personnes morales de droit public relevant du présent code sont soumises par l'autorité délégante à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par un décret en Conseil d'Etat. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1411-2 du même code : " (...) Les montants et les modes de calcul des droits d'entrée et des redevances versées par le délégataire à la collectivité délégante doivent être justifiés dans ces conventions (...) " ; que ces dispositions impliquent que lorsqu'une redevance mise à la charge du fermier est déterminée en fonction d'un tarif arrêté par la convention de délégation de service public, celle-ci justifie le mode de détermination de ce tarif ;

4. Considérant qu'il ressort, tout d'abord, de la lecture de l'article 3 de la convention conclue le 1er février 2010 entre la commune de Fontvieille et MmeD..., que cette dernière s'est vu confier " l'exploitation touristique des sites " du " Moulin de Daudet ", lequel appartient à des propriétaire privés qui en ont confié l'exploitation suivant contrat en date du 12 décembre 2003 à ladite commune, et du rez-de-chaussée du " Château de Montauban ", relevant du domaine public de la commune en application des dispositions de l'article L. 2111-1 du code général des collectivités territoriales, dès lors qu'il est affecté à l'usage direct du public ; que, pour l'essentiel, Mme D...a pour mission d'exploiter le Moulin, à raison de sept jours sur sept et onze mois de l'année, le château de Montauban devant être ouvert seulement pendant les vacances scolaires ; que l'article 1er de la convention précise que celle-ci " est conclue à titre précaire et révocable " et l'article 8 qu'elle " n'est constitutive ni d'un droit au bail commercial ni d'un fonds de commerce en ce qu'elle est consentie sur un patrimoine public et dans le champ du service public culturel communal " ; qu'il ressort donc des termes mêmes du contrat que celui-ci, qui emportait seulement de manière accessoire occupation du domaine public, avait pour objet essentiel de faire participer Mme D...à l'exécution du service public culturel en raison de la dimension historique et littéraire des lieux ;

5. Considérant ensuite que l'article 4 de la convention en litige prévoyait que Mme D... verserait " à la commune une redevance de 7 500 euros mensuels, conformément au tarif voté pour 2010 par le conseil municipal, onze mois sur douze, du 1er février au 31 décembre " et qu'" en contrepartie, Mme D...se rémunèrera par les droits d'entrées perçus du public, le vente sur site de souvenirs, cartes postales, livres en lien avec l'image historique littéraire et touristique des deux sites confiés " ; qu'ainsi la rémunération de Mme D... est assurée à la fois par les droits d'entrée perçus des visiteurs et par la vente de produits commerciaux sur les deux sites, le dernier alinéa de l'article 4 précisant que les " deux recettes sont librement définies dans leur tarifs par la preneuse " ; qu'en ce qui concerne l'exécution de la convention, il pèse indéniablement sur Mme D...un risque sur le niveau et l'existence même de sa rémunération, laquelle est directement engendrée par la gestion du service ; qu'il s'ensuit que la somme mensuelle que Mme D...doit verser à la commune, laquelle constitue la contrepartie de la possibilité d'exploiter une activité commerciale, ne saurait être assimilée, comme l'ont jugé à tort les premiers juges, à une redevance pour utilisation d'une dépendance du domaine public de la commune mais doit être regardée comme ayant le caractère d'une délégation de service public au sens des dispositions précitées de l'article L. 1411-1 du code général des collectivités territoriales ;

6. Considérant enfin que l'article 4 de la convention en litige prévoit, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le paiement d'une somme mensuelle de " 7 500 euros, conformément au tarif voté pour 2010 par le conseil municipal, onze mois sur douze, du 1er février au 31 décembre " ; qu'en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1411-2 précitées du code général des collectivités territoriales, la convention ne justifie ni du montant, ni du mode de calcul du tarif mensuel de 7 500 euros, ne distinguant d'ailleurs pas quelle part de cette redevance était destinée à couvrir l'occupation du domaine public ; qu'ainsi, Mme D...est fondée à soutenir que la convention en litige méconnaît, dans son ensemble, les dispositions précitées de l'article L. 1411-2 du code général des collectivités territoriales ; qu'elle ne pouvait servir de fondement aux créances dont le recouvrement a été recherché par la commune au moyen des titres en litige ; que, par suite les titres exécutoires n° 296, 329, 403, 108, 140 et 189 émis à son encontre par la commune de Fontvieille respectivement les 6 octobre, 4 novembre, 6 décembre 2010 et les 10 mai, 7 juin et 4 juillet 2011 ainsi que, par voie de conséquence, la décision du 22 juillet 2011 par laquelle le maire de la commune de Fontvieille a rejeté son recours gracieux contre l'ensemble des titres exécutoires précités, doivent être annulés ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions d'annulation ;

Sur les conclusions tendant à la condamnation aux dépens :

8. Considérant que la présente instance n'a généré aucun dépens ; que, par suite, les conclusions de Mme D...tendant à la condamnation de la commune de Fontvieille aux entiers dépens ne peuvent être que rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

10. Considérant qu'il y a lieu en application des dispositions susmentionnées de mettre à la charge de la commune de Fontvieille une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par Mme D...et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1105215 du 18 mars 2013 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : Les titres exécutoires n° 296, 329, 403, 108, 140 et 189 émis à son encontre par la commune de Fontvieille respectivement les 6 octobre, 4 novembre, 6 décembre 2010 et les 10 mai, 7 juin et 4 juillet 2011 ainsi que de la décision du 22 juillet 2011 par laquelle le maire de la commune de Fontvieille a rejeté son recours gracieux contre l'ensemble des titres exécutoires précités sont annulés.

Article 3 : La commune de Fontvieille versera une somme de 2 000 (deux mille) euros à Mme D... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme C... D...et à la commune de Fontvieille.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône ainsi qu'au Trésorier de Maussane-les-Alpilles.

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N° 13MA02242


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA02242
Date de la décision : 13/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

39-01-03-03 Marchés et contrats administratifs. Notion de contrat administratif. Diverses sortes de contrats. Délégations de service public.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Jean-Laurent PECCHIOLI
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : CLAUZADE

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-02-13;13ma02242 ?
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