Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme B...ont demandé au Tribunal administratif de Clermont-Ferrand de condamner, d'une part, la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM) venant au droit du centre hospitalier d'Issoire, d'autre part, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à les indemniser, chacun à hauteur de la moitié des préjudices consécutifs à une intervention chirurgicale pratiquée le 25 janvier 2007 au centre hospitalier d'Issoire.
Le régime social des indépendants d'Auvergne (RSI d'Auvergne) a demandé audit Tribunal que le centre hospitalier d'Issoire et la SHAM soient solidairement condamnés à lui verser la somme de 168 774, 32 euros correspondant au montant des prestations versées à son assuré.
Par un jugement n° 1200561 du 15 octobre 2013, le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand a condamné :
- la SHAM, assureur du centre hospitalier d'Issoire, à verser une indemnité de 31 200 euros à Mme B...et une indemnité de 7 500 euros à M.B... ;
- l'ONIAM à verser à Mme B...une indemnité de 31 200 euros ;
- la SHAM et le centre hospitalier d'Issoire à verser solidairement au RSI d'Auvergne la somme de 84 387,17 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2012.
Procédure devant la Cour :
Par une requête sommaire, enregistrée le 16 décembre 2013, et un mémoire ampliatif, enregistré le 5 février 2014, la SHAM et le centre hospitalier d'Issoire demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement 1200561 du 15 octobre 2013 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. et Mme B...et par le RSI d'Auvergne.
Ils soutiennent que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté les fins de non recevoir opposées à la demande de M. et Mme B...aux motifs de l'absence de liaison du contentieux et de la tardiveté, et qu'ils ont rejeté l'exception de chose jugée par le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 6 décembre 2011 ;
- c'est à tort que le Tribunal a considéré que la responsabilité du centre hospitalier était engagée à raison d'un défaut d'information des risques anesthésiques, alors qu'ils n'étaient ni fréquents ni graves et normalement prévisibles, le risque de complication étant extrêmement rare, et que Mme B...n'a perdu aucune chance d'échapper aux risques qui se sont réalisés, eu égard à l'absence de risque moindre d'une anesthésie générale et alors que, selon les experts, les causes des séquelles ne sont pas établies ;
- le Tribunal ne pouvait retenir un taux de perte de chance de 50 % ;
- les premiers juges ont procédé à une évaluation excessive des préjudices et des sommes exposées par le RSI d'Auvergne.
Vu le jugement attaqué ;
Par un mémoire, enregistré le 14 mars 2014, le régime social des indépendants d'Auvergne (RSI d'Auvergne) conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a limité à la somme de 84 387,17 euros l'indemnité mise à la charge solidaire de la SHAM et du centre hospitalier d'Issoire en remboursement de ses débours et à leur condamnation solidaire à lui verser une indemnité de 168 774,32 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2009 ;
3°) à ce que soit mise à la charge de la SHAM et du centre hospitalier d'Issoire une indemnité forfaitaire de 1 028 euros et une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Il soutient que :
- le centre hospitalier, qui ne rapporte pas la preuve d'une parfaite information de la patiente, ni même d'avoir respecté son souhait d'une anesthésie générale, doit réparer intégralement les préjudices subis de ce chef, sans partage de responsabilité ;
- il justifie des frais exposés en lien avec la faute de l'hôpital au titre des dépenses de santé et de la perte de revenus professionnels, pour un montant total de 168 774,32 euros.
Par un mémoire, enregistré le 17 mars 2014, M. et Mme B...demandent à la Cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête et de condamner, d'une part, la SHAM et le centre hospitalier d'Issoire et, d'autre part, l'ONIAM, à verser chacun à Mme B...la moitié d'une indemnité totale de 435 000 euros et à M. B...la somme de 50 000 euros ;
2°) à titre subsidiaire, de mettre 20 % de l'ensemble des préjudices subis par Mme B... à la charge de la SHAM et 80 % à la charge de l'ONIAM ;
3°) de mettre à la charge de la SHAM et du centre hospitalier d'Issoire la somme de 3 000 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Ils soutiennent que :
- leur demande devant le Tribunal était recevable, au regard de l'autorité de chose jugée attachée au jugement du 6 décembre 2011, en l'absence d'identité de fondement juridique, de qualité et de montants entre les deux demandes ;
- le défaut d'information quant au risque anesthésique grave qui s'est réalisé est constitutif d'une faute, qui a causé à Mme B...une perte de chance de 50 % de se soustraire à ce risque, et le centre hospitalier n'est pas fondé à soutenir qu'en raison du caractère extrêmement rare du risque il était dispensé de son obligation d'information ;
- l'indemnisation des préjudices, à hauteur de 50 %, doit être mise à la charge de l'ONIAM au titre de l'aléa thérapeutique.
Par un mémoire enregistré le 15 avril 2014, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il l'a condamné à indemniser Mme B... des préjudices consécutifs à l'anesthésie pratiquée le 25 janvier 2007 au centre hospitalier d'Issoire, et à sa mise hors de cause ;
3°) à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier d'Issoire et de son assureur la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- dès lors que Mme B...n'a pas consenti à l'anesthésie loco régionale pratiquée, le centre hospitalier engage son entière responsabilité ;
- le manquement du centre hospitalier à son obligation d'apporter à la patiente une information claire, loyale et appropriée sur les risques de l'anesthésie par péri rachianesthésie a entraîné pour elle une perte totale de chance de refuser l'anesthésie projetée.
Par un mémoire enregistré le 22 mai 2014, la SHAM et le centre hospitalier d'Issoire maintiennent les conclusions de leur requête par les mêmes moyens et concluent, en outre, au rejet des conclusions de M. et MmeB..., de l'ONIAM et du RSI d'Auvergne.
Ils soutiennent, en outre, que :
- en appel, Mme B...ne soutient plus ne pas avoir donné son consentement à l'anesthésie pratiquée ;
- l'existence d'une faute n'exclut pas l'intervention de l'ONIAM.
Par un mémoire enregistré le 1er septembre 2014, le RSI d'Auvergne maintient ses conclusions pour les mêmes motifs.
Le RSI d'Auvergne a présenté un mémoire, enregistré le 30 mars 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'arrêté du 19 décembre 2014 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 2 avril 2015 :
- le rapport de M. Seillet, président ;
- et les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;
1. Considérant que MmeB..., alors âgée de 55 ans, a subi, le 23 janvier 2007, au centre hospitalier d'Issoire, une intervention chirurgicale associant une hystérectomie, une annexectomie et le traitement d'un prolapsus par voie basse, sous anesthésie locorégionale à type de péri-rachianesthésie ; que lors de l'injection rachidienne du produit anesthésiant, avant la péridurale, elle a ressenti une vive douleur dorsale, irradiant le membre inférieur gauche et remontant et irradiant le bassin puis le membre inférieur droit ; que dans les suites de l'intervention, Mme B... a conservé un déficit moteur du membre inférieur gauche, une hypoesthésie en-dessous du genou et un déficit des releveurs du pied gauche ; que Mme B... a saisi, le 16 avril 2007, la Commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) d'Auvergne d'une demande d'indemnisation et celle-ci a désigné un expert, dont le rapport, remis le 30 juillet 2008, sans retenir l'existence d'une faute médicale, a fait état de complications neurologiques plurifactorielles, devant être regardées comme résultant d'un aléa thérapeutique, et a mentionné le défaut d'information de la patiente quant à l'existence d'un risque de complication neurologique en cas de recours à une anesthésie locorégionale péri médullaire ; que, dans son avis du 9 septembre 2008, la CRCI a estimé que la moitié des conséquences dommageables de l'accident neurologique était imputable au défaut d'information de la patiente sur les risques d'atteinte neurologique, l'autre moitié devant être prise en charge par l'ONIAM au titre de la solidarité nationale en raison d'un accident médical non fautif ; que le rapport remis, le 19 juillet 2010, au terme d'une nouvelle expertise diligentée par la CRCI pour évaluer les préjudices subis par Mme B..., après consolidation, par l'expert neurologue désigné, a retenu, au vu d'une électromyographie, permettant d'éliminer toute atteinte tronculaire et toute lésion plexique, comme origine de l'état de la patiente un traumatisme direct des racines par la ponction pratiquée lors de l'anesthésie ou une souffrance neurotoxique résultant des produits employés ; qu'après le rejet, par un jugement du 6 décembre 2011 du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, devenu définitif, de la demande présentée par Mme B... et tendant à la condamnation solidaire de la SHAM, assureur du centre hospitalier d'Issoire, et de l'ONIAM, au motif de l'irrecevabilité d'une telle demande présentée comme des personnes juridiques distinctes sur des fondements différents, M. et Mme B... ont, à nouveau, saisi le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'une demande tendant à la condamnation, d'une part, du centre hospitalier d'Issoire et de la SHAM et, d'autre part, de l'ONIAM, à les indemniser, chacun pour moitié, des préjudices résultant des conditions de l'intervention du 23 janvier 2007 ; que le RSI d'Auvergne a également présenté des conclusions indemnitaires tendant au remboursement des débours exposés pour son assuré social ; qu'en premier lieu, le centre hospitalier d'Issoire et la SHAM contestent le jugement du 15 octobre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand les a condamnés à verser une indemnité de 31 200 euros à MmeB..., une indemnité de 7 500 euros à M. B... et la somme de 84 387,17 euros au RSI d'Auvergne ; qu'en deuxième lieu, l'ONIAM conteste ledit jugement en tant qu'il l'a condamné à verser également une indemnité de 31 200 euros à Mme B... ; qu'en troisième lieu, M. et Mme B... contestent ce jugement en tant qu'il a limité aux sommes mentionnées les indemnités mises à la charge du centre hospitalier d'Issoire et de la SHAM ainsi qu'à celle de l'ONIAM ; qu'enfin, le RSI d'Auvergne demande la condamnation solidaire du centre hospitalier d'Issoire et de son assureur à lui verser une indemnité de 168 774,32 euros ;
Sur les fins de non recevoir opposées à la demande présentée par M. et Mme B... devant le Tribunal administratif de Clermont-Ferrand et l'exception de chose jugée :
2. Considérant que le moyen tiré de ce que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté les fins de non recevoir opposées à la demande de M. et Mme B...aux motifs de l'absence de liaison du contentieux et de la tardiveté, et qu'ils ont rejeté l'exception de chose jugée par le jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 6 décembre 2011, n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'il doit, dès lors, être écarté ;
Sur la charge de l'indemnisation :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. / II. - Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient, et, en cas de décès, de ses ayants droit au titre de la solidarité nationale, lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire. (...) " ; qu'en vertu des articles L. 1142-17 et L. 1142-22 du même code, la réparation au titre de la solidarité nationale est assurée par l'ONIAM ;
4. Considérant que la juridiction du fond saisie de conclusions tendant à l 'engagement de la responsabilité d'une personne mentionnée au I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique est tenue, si elle estime que le dommage invoqué remplit les conditions pour être indemnisé en tout ou partie sur le fondement du II du même article ou de son article L. 1142-1-1, d'appeler l'ONIAM en la cause, au besoin d'office, puis de mettre à sa charge la réparation qui lui incombe même en l'absence de conclusions dirigées contre lui, sans préjudice de l'éventuelle condamnation de la personne initialement poursuivie à réparer la part du dommage dont elle serait responsable ; que si les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique font obstacle à ce que l'ONIAM supporte au titre de la solidarité nationale la charge de réparations incombant aux personnes responsables d'un dommage en vertu du I du même article, elles n'excluent toute indemnisation par l'office que si le dommage est entièrement la conséquence directe d'un fait engageant leur responsabilité ; que dans l'hypothèse où un accident médical non fautif est à l'origine de conséquences dommageables mais où une faute commise par une personne mentionnée au I de l'article L. 1142-1 a fait perdre à la victime une chance d'échapper à l'accident ou de se soustraire à ses conséquences, le préjudice en lien direct avec cette faute est la perte de chance d'éviter le dommage corporel advenu et non le dommage corporel lui-même, lequel demeure tout entier en lien direct avec l'accident non fautif ; que par suite, un tel accident ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale si l'ensemble de ses conséquences remplissent les conditions posées au II de l'article L. 1142-1, et présentent notamment le caractère de gravité requis, l'indemnité due par l'ONIAM étant seulement réduite du montant de celle mise, le cas échéant, à la charge du responsable de la perte de chance, égale à une fraction du dommage corporel correspondant à l'ampleur de la chance perdue ; que les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique ne prévoient d'indemnisation au titre de la solidarité nationale que pour les préjudices du patient et, en cas de décès, de ses ayants droit ; que l'indemnisation par l'ONIAM, au titre de la solidarité nationale, des conséquences d'un accident médical ne lui conférant pas la qualité d'auteur responsable des dommages, le recours subrogatoire des tiers payeurs ne peut dans ce cas être exercé contre lui ;
5. Considérant, en premier lieu, que, hors les cas d'urgence ou d'impossibilité de consentir, la réalisation d'une intervention à laquelle le patient n'a pas consenti oblige l'établissement responsable à réparer tant le préjudice moral subi de ce fait par l'intéressé que, le cas échéant, toute autre conséquence dommageable de l'intervention ; qu'il ne résulte toutefois pas de l'instruction que, contrairement à ce que soutient l'ONIAM, Mme B..., qui avait refusé initialement le recours à une anesthésie locorégionale, en raison d'un " spina bifida ", aurait maintenu son refus, postérieurement à la pré-visite pratiquée la veille de l'intervention par un anesthésiste, dont le compte-rendu mentionnait l'acceptation de la rachianesthésie par la patiente et l'examen de son dos en vue de déterminer s'il n'existait pas de contre-indications, et, en tout cas, au moment de l'intervention de l'anesthésiste alors qu'elle était consciente de la nature de l'acte d'anesthésie auquel il devait alors être procédé, ce qu'au demeurant Mme B... ne soutient plus elle-même en appel ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la date des faits : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus (...) " ; que, lorsque l'acte médical envisagé, même accompli conformément aux règles de l'art, comporte des risques connus de décès ou d'invalidité, le patient doit en être informé dans des conditions qui permettent de recueillir son consentement éclairé ; que, si cette information n'est pas requise en cas d'urgence, d'impossibilité ou de refus du patient d'être informé, la seule circonstance que les risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne dispense pas les médecins de leur obligation ; qu'un manquement des médecins à leur obligation d'information engage la responsabilité de l'hôpital dans la mesure où il a privé le patient d'une chance de se soustraire au risque lié à l'intervention en refusant qu'elle soit pratiquée ; que c'est seulement dans le cas où l'intervention était impérieusement requise, en sorte que le patient ne disposait d'aucune possibilité raisonnable de refus, que le juge peut écarter l'existence d'une perte de chance ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport déposé le 30 juillet 2008 par l'expert désigné par la CRCI d'Auvergne, que des complications à type de paresthésies transitoires peuvent survenir à la suite d'anesthésies locorégionales peri médullaire dans 0,1 % des cas et des paralysies définitives dans 0,02 à 0,03 % des cas et qu'ainsi ce mode d'anesthésie comporte des risques connus de telles atteintes ; que ces risques doivent être portés à la connaissance du patient ; qu'ainsi la seule circonstance, dont se prévaut le centre hospitalier d'Issoire, que ces risques ne se réalisent qu'exceptionnellement ne le dispensait pas de son obligation d'information de Mme B... sur ce point ; que ledit centre hospitalier ne rapporte pas la preuve, et n'allègue au demeurant pas, qu'il aurait informé cette dernière d'un tel risque, qui s'est réalisé et se trouve à l'origine des séquelles dont demeure atteinte Mme B... ainsi qu'il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport déposé le 19 juillet 2010 par l'expert neurologue désigné par la CRCI, au vu d'une électromyographie, retenant comme origine de l'état de la patiente un traumatisme direct des racines par la ponction pratiquée lors de l'anesthésie ou une souffrance neurotoxique résultant des produits employés à cette occasion ;
8. Considérant, en troisième lieu, que la réparation du dommage résultant pour Mme B... de la perte d'une chance de se soustraire au risque qui s'est finalement réalisé doit être fixée à une fraction des différents chefs de préjudice subis ; que, compte tenu du rapprochement entre, d'une part, les risques inhérents à la technique anesthésique employée pour permettre l'intervention et, d'autre part, les risques qui étaient liés à une anesthésie générale ou au renoncement à l'intervention, cette fraction doit être fixée à 50 % ; qu'il y a lieu, dès lors, de mettre à la charge solidaire du centre hospitalier d'Issoire et de son assureur, la SHAM, la réparation de cette fraction des préjudices subis par M. et Mme B... et par le RSI d'Auvergne ;
9. Considérant, en dernier lieu, que l'atteinte neurologique dont Mme B... a été atteinte constitue la réalisation d'un risque inhérent à l'intervention qu'elle a subie, à l'origine d'un déficit moteur du membre inférieur gauche, d'une hypoesthésie et d'un déficit des releveurs du pied gauche ayant entraîné pour elle des conséquences anormales, notablement plus graves que celles auxquelles elle était exposée de manière suffisamment probable en l'absence de traitement, et excédant dans leur ensemble le degré de gravité défini, en application du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, par les dispositions de son article D. 1142-1 ; que le défaut d'information sur le risque qui s'est réalisé, constitutif d'une faute, a causé une perte de chance, évaluée à 50 %, ainsi qu'il a été dit, d'éviter les conséquences de l'aléa thérapeutique ; qu'il appartient à l'ONIAM, sur le fondement des dispositions de l'article L. 1142-1 et des règles de réparation de la perte de chance, d'indemniser au titre de la solidarité nationale la part du dommage subi par Mme B... résultant de l'aléa thérapeutique non réparée par les indemnités à la charge du centre hospitalier d'Issoire responsable de la perte de chance, évaluée à 50 % ;
Sur le préjudice de Mme B... et les droits du RSI Auvergne :
En ce qui concerne les préjudices à caractère patrimonial :
Quant aux dépenses de santé :
10. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier des relevés produits par le RSI d'Auvergne et de l'attestation d'imputabilité du médecin conseil régional que ses demandes tendant à l'indemnisation des frais médicaux et pharmaceutiques et des frais d'hospitalisation qu'elle a pris en charge pour la période du 27 janvier 2007 au 12 janvier 2010 doivent être regardées comme justifiées, à hauteur de la somme de 84 529,25 euros qu'elle réclame, alors qu'il n'en résulte pas qu'à défaut de la complication survenue Mme B... aurait été hospitalisée après le 26 janvier 2007 ; que, compte tenu de l'étendue de la responsabilité du centre hospitalier d'Issoire, il y a lieu d'accorder au RSI d'Auvergne, au titre des frais exposés, une somme égale à 50 % de 84 529,25 euros, soit 42 264,62 euros ;
Quant aux frais liés au handicap :
11. Considérant, d'une part, qu'il ne résulte pas de l'instruction, et en particulier des rapports d'expertise mentionnés au 1, que l'état de santé de Mme B... justifie un aménagement spécifique de son domicile, nonobstant la mention par l'expert de l'installation d'une rampe escalier, dont il n'est au demeurant pas justifié ; que, d'autre part, en réponse à l'invitation adressée par la Cour aux requérants de produire tous éléments relatifs aux frais liés à l'acquisition d'un véhicule avec boite automatique, les intéressés se sont bornés à produire une facture d'acquisition d'un véhicule, le 12 janvier 2015, qui ne fait pas apparaître le montant du surcoût d'une boîte automatique, ni même au demeurant que le véhicule en cause disposerait d'un tel équipement ou d'un autre aménagement lié au handicap de MmeB..., et en particulier à la nécessité de rangement d'un déambulateur, dont l'expert n'a pas mentionné l'utilisation ; que, dès lors, aucune indemnisation au titre des frais liés au handicap ne peut être mise à la charge du centre hospitalier d'Issoire ou de l'ONIAM ;
Quant aux pertes de revenus :
12. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction, et en particulier des comptes de résultat et des avis d'imposition produits par Mme B..., que le montant annuel du bénéfice imposable au titre de son activité professionnelle d'aubergiste au cours des années 2004 à 2006, précédant l'année au cours de laquelle l'intervention chirurgicale à l'origine des complications en cause a été pratiquée, doit être évalué à 8 536 euros ; que dès lors qu'il résulte également de l'instruction qu'à la suite de son accident Mme B... a perçu des indemnités journalières, puis une pension d'invalidité totale et définitive, et que le revenu qu'elle a déclaré au titre des années 2007 à 2010, d'un montant respectif de 12 513, 12 420, 11 617, 9 920 et 8 187 euros , est supérieur ou équivalent au montant des revenus qu'elle aurait perçus durant la même période sans cet accident, l'intéressée n'est pas fondée à demander une indemnisation à ce titre ;
13. Considérant, en deuxième lieu, que le RSI d'Auvergne justifie, par les pièces produites, avoir versé à son assuré, Mme B..., des indemnités journalières, pour un montant de 7 253,83 euros, ainsi qu'une somme 28 708,45 euros au titre des arrérages échus de la pension d'invalidité servie à cette dernière ; que, compte tenu de l'étendue de la responsabilité du centre hospitalier d'Issoire, il y a lieu d'accorder au RSI d'Auvergne, au titre des sommes versées, une somme égale à 50 % de 35 962,28 euros, soit 17 981,14 euros ;
14. Considérant, en dernier lieu, que le RSI d'Auvergne justifie également verser à Mme B..., à compter du mois de janvier 2012, date à laquelle cette dernière aurait pu prendre sa retraite, une somme annuelle de 755,16 euros, au titre d'un arrérage différentiel, correspondant à la différence entre l'arrérage annuel de la pension de vieillesse liquidée au taux plein et l'arrérage annuel qui aurait été liquidé si l'inaptitude de son assuré n'avait pas été reconnue, ainsi qu'une somme annuelle de 5 115,36 euros, sur le fondement de l'article D. 634-10 du code de la sécurité sociale, correspondant à la différence entre le montant de la pension de vieillesse pour inaptitude et le montant de la pension d'invalidité servie ; qu'eu égard aux dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale qui limitent le recours subrogatoire des caisses de sécurité sociale à l'encontre du responsable d'un accident corporel aux préjudices qu'elles ont pris en charge, le remboursement des prestations qu'une caisse sera amenée à verser à l'avenir, de manière certaine, prend normalement la forme du versement d'une rente et ne peut être mis à la charge du responsable sous la forme du versement immédiat d'un capital représentatif qu'avec son accord ; qu'à défaut, en l'espèce, d'accord donné par le centre hospitalier d'Issoire pour le versement immédiat d'un capital représentatif, le RSI d'Auvergne est seulement fondé à demander le remboursement par ledit centre hospitalier et son assureur, au fur et à mesure de leurs échéances, de 50 % de l'arrérage différentiel annuel de 755,16 euros et de la pension différentielle annuelle de 5 115,36 euros, soit respectivement 377,60 et 2 557,70 euros ;
En ce qui concerne les préjudices à caractère personnel :
15. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et en particulier des rapports d'expertise, déposés les 30 juillet 2008 et 19 juillet 2010 par les experts mandatés par la CRCI , que l'état de santé de Mme B... est à l'origine de troubles dans ses conditions d'existence, caractérisés, selon lesdits expert, avant la date de consolidation, fixée au 31 mars 2010, à l'âge de 58 ans, par un déficit fonctionnel temporaire total du 23 février au 23 avril 2007 puis partiel, estimé à 50 %, du 24 avril 2007 au 31 mars 2010, puis, après la date de consolidation, par un déficit fonctionnel permanent de 30 % ; qu'il est également caractérisé, selon lesdits experts, par un préjudice d'agrément ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les premiers juges ont insuffisamment ou excessivement évalué ce préjudice en le fixant à la somme de 51 400 euros ; qu'il ne résulte pas non plus de l'instruction que les premiers juges se sont livrés à une appréciation insuffisante ou excessive de l'évaluation du préjudice esthétique temporaire subi par Mme B..., évalué à 4/7 par l'expert, et du préjudice esthétique permanent, de 3,5/7, en les évaluant à la somme de 5 500 euros, et des souffrances endurées, évaluées par l'expert à 4 sur une échelle de 7, à hauteur de 5 500 euros ; que, dès lors, compte tenu de l'étendue de la responsabilité du centre hospitalier d'Issoire, il y a lieu de laisser à sa charge, au titre des préjudices personnels de Mme B..., une indemnité égale à 50 % de 62 400 euros, soit 31 200 euros ; que doit être également laissée à la charge de l'ONIAM, au titre de la solidarité nationale, une indemnité du même montant ;
Sur le préjudice du conjoint de Mme B... :
16. Considérant qu'il sera fait une juste appréciation des préjudices de tous ordres subis par M.B..., à la suite de l'accident dont son épouse a été victime, en les fixant à 5 000 euros, dont la réparation incombe au centre hospitalier d'Issoire pour la fraction de 50 %, soit 2 500 euros ;
17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SHAM, assureur du centre hospitalier d'Issoire, n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort qu'une indemnité de 31 200 euros a été mise à sa charge par le jugement attaqué, au titre de l'indemnisation des préjudices subis par Mme B..., et que l'ONIAM n'est pas davantage fondé à soutenir que c'est à tort que par ledit jugement a été également mise à sa charge une même indemnité de 31 200 euros mise à la charge de l'ONIAM ; qu'il en résulte également, toutefois, que l'indemnité de 7 500 euros mise à la charge de la SHAM au titre de l'indemnisation du préjudice subi par M. B... doit être ramenée au montant de 2 500 euros ; qu'il en résulte, enfin, que la somme de 84 387,17 euros mise à la charge solidaire de la SHAM et du centre hospitalier d'Issoire au titre des débours exposés par le RSI d'Auvergne doit être ramenée au montant de 60 245,76 euros et que le centre hospitalier d'Issoire et son assureur devront procéder au remboursement, au titre de l'arrérage différentiel annuel et de la pension différentielle annuelle de sommes de montants respectifs de 377,60 et 2 557,70 euros ;
Sur l'indemnité prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale :
18. Considérant qu'en vertu de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident peut demander une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie, dont le montant est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu par la caisse, dans la limite d'un montant maximum révisé chaque année par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget ;
19. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le RSI d'Auvergne a obtenu le remboursement par le centre hospitalier d'Issoire d'une somme de 60 245,76 euros outre le remboursement des arrérages à échoir d'une rente annuelle ; qu'il y a lieu, par suite, de faire droit aux conclusions de cette caisse, en portant à la somme de 1 037 euros l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale mise à la charge dudit centre hospitalier et de son assureur par le jugement attaqué ;
Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
20. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier d'Issoire et de la SHAM, qui n'ont pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. et Mme B..., par le RSI d'Auvergne et par l'ONIAM et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La somme que, par l'article 2 du jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 15 octobre 2013, la SHAM a été condamnée à verser à M.B..., en réparation de son préjudice, est ramenée au montant de 2 500 euros.
Article 2 : La somme que, par l'article 4 du jugement mentionné ci-dessus, la SHAM et le centre hospitalier d'Issoire ont été condamnés solidairement à verser au RSI d'Auvergne est ramenée au montant de 60 245,76 euros, et le centre hospitalier d'Issoire et son assureur procéderont au remboursement, au titre de l'arrérage différentiel annuel et de la pension différentielle annuelle, de sommes de montants respectifs de 377,60 et 2 557,70 euros.
Article 3 : La somme que, par l'article 5 du jugement du Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, la SHAM et le centre hospitalier d'Issoire ont été condamnés à verser au RSI d'Auvergne au titre de l'indemnité forfaitaire prévue par l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale, est portée au montant de 1 037 euros.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier d'Issoire, à la société hospitalière d'assurances mutuelles (SHAM), à M. et Mme B..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et au régime social des indépendants d'Auvergne (RSI d'Auvergne).
Délibéré après l'audience du 2 avril 2015 à laquelle siégeaient :
M. Seillet, président,
M. A...et MmeC..., premiers conseillers.
Lu en audience publique, le 30 avril 2015.
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N° 13LY03483