Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E...F...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 1er septembre 2003 par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a confirmé la décision de l'inspecteur du travail du 3 avril 2003 autorisant Me H...et Me D..., liquidateurs judiciaires de la SAS Métaleurop Nord à procéder à son licenciement.
Par un jugement n°1202803 du 2 octobre 2013, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 3 avril 2003 de l'inspecteur du travail ainsi que celle du 1er septembre 2003 du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité et a mis à la charge de l'Etat la somme de 500 euros à verser à M. F...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 13DA01900, les 2 décembre 2013 et 6 mars 2014, Me H...et MeD..., agissant en qualité de liquidateurs judiciaires de la SAS Métaleurop Nord, représentés par l'association d'avocats Domaniewicz, Maquinghen, Guerville, Danset demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 2 octobre 2013 du tribunal administratif de Lille ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. F...devant le tribunal administratif de Lille ;
3°) de mettre à la charge de M. F...une somme de 300 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le recours du ministre est recevable ;
- la mention relative aux voies et délais de recours indiquée dans la décision du ministre était suffisante ;
- en tout état de cause, celle portée sur la décision de l'inspecteur du travail était conforme aux prescriptions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative ;
- il n'est pas contesté par M. F...que la décision du ministre a été portée à sa connaissance à une date n'autorisant pas plus l'exercice d'un recours en avril 2012 ;
- le moyen tiré de l'inconstitutionnalité des dispositions de la loi du 12 avril 2000 doit être soulevé dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité ; en tout état de cause, le moyen n'est pas fondé.
Par des mémoires, enregistrés les 7 février et 20 mars 2014, M. E...F..., représenté par Me A...B..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le recours du ministre du travail est tardif ;
- sa demande de première instance est recevable, faute pour l'administration d'apporter la preuve de la notification de la décision ministérielle ;
- le délai de recours lui est inopposable en l'absence de mention des voies et délais de recours et de l'adresse à laquelle il devait faire parvenir son recours ;
- la loi du 12 avril 2000 est contraire à l'objectif constitutionnel d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ;
- il a critiqué la décision de l'inspecteur du travail et celle du ministre ;
- il y a confusion d'intérêt, d'activité et de direction entre les sociétés Métaleurop SA et Métaleurop Nord ;
- l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement.
Par un mémoire, enregistré le 2 juin 2015, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a présenté des observations.
Par un mémoire, enregistré le 10 juin 2015, M. F...conclut aux mêmes fins que ses précédents écrits.
Il soutient que le délai de recours contre la décision implicite de rejet du ministre ne peut lui être opposé faute pour le ministre de justifier d'avoir accusé réception de son recours hiérarchique.
Par un mémoire, enregistré le 24 juillet 2015, Me H...et Me D...concluent aux mêmes fins que leur requête par les mêmes moyens ; ils soutiennent en outre qu'en vertu du principe de l'estoppel, le salarié ne peut soutenir n'avoir pas eu connaissance de la décision expresse du ministre et invoquer l'insuffisance des mentions relatives aux voies et délais de recours.
Les parties ont été informées conformément à l'article R. 611-7 du code de justice administrative de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que les conclusions d'annulation présentées en première instance par M. F...contre la décision de l'inspecteur du travail, qui a été annulée par le ministre dans sa décision du 1er septembre 2013, étaient irrecevables.
Les parties ont été informées conformément à l'article R. 611-7 du code de justice administrative de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que le tribunal administratif a méconnu le champ d'application de la loi en annulant la décision par laquelle le ministre a annulé la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de M.F..., représentant syndical conventionnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail lequel ne pouvait prétendre en cette qualité à la protection exceptionnelle dont bénéficient seuls les salariés visés par les dispositions des articles L. 421-8, L. 425-1 et L. 436-1 du code du travail.
II. Par un recours, enregistré sous le n° 13DA01937, le 5 décembre 2013, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 2 octobre 2013 du tribunal administratif de Lille ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. F...devant le tribunal administratif de Lille.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il a jugé recevable la demande de M. F...;
- les conclusions dirigées contre la décision du ministre, confirmant la décision de l'inspecteur du travail, étaient irrecevables faute de moyens opérants ;
- le salarié n'avait soulevé aucun moyen contre la décision de l'inspecteur du travail ;
- les conclusions de M. F...étaient tardives dès lors que la décision de l'inspecteur du travail lui a été notifiée le 4 avril 2003 ;
- l'obligation de reclassement a été respectée.
Par un mémoire, enregistré le 20 mars 2015, M. E...F...représenté par Me A... B..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat une somme 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le recours du ministre du travail est tardif ;
- sa demande de première instance est recevable, faute pour l'administration d'apporter la preuve de la notification de la décision ministérielle ;
- le délai de recours lui est inopposable en l'absence de mention des voies et délais de recours et de l'adresse à laquelle il devait faire parvenir son recours ;
- la loi du 12 avril 2000 est contraire à l'objectif constitutionnel d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi ;
- il a critiqué la décision de l'inspecteur du travail et celle du ministre ;
- il y a confusion d'intérêt, d'activité et de direction entre les sociétés Métaleurop SA et Métaleurop Nord ;
- l'employeur n'a pas respecté son obligation de reclassement.
Par un mémoire, enregistré le 10 juin 2015, M. F...conclut aux mêmes fins que ses précédents écrits.
Il soutient que le délai de recours contre la décision implicite de rejet du ministre ne peut lui être opposé faute pour le ministre de justifier d'avoir accusé réception de son recours hiérarchique.
Un mémoire présenté par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a été enregistré le 1er décembre 2015, après la clôture d'instruction.
Les parties ont été informées conformément à l'article R. 611-7 du code de justice administrative de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que les conclusions d'annulation présentées en première instance par M. F...contre la décision de l'inspecteur du travail, qui a été annulée par le ministre dans sa décision du 1er septembre 2013, étaient irrecevables.
Les parties ont été informées conformément à l'article R. 611-7 du code de justice administrative de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de ce que le tribunal administratif a méconnu le champ d'application de la loi en annulant la décision par laquelle le ministre a annulé la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de M.F..., représentant syndical conventionnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail lequel ne pouvait prétendre en cette qualité à la protection exceptionnelle dont bénéficient seuls les salariés visés par les dispositions des articles L. 421-8, L. 425-1 et L. 436-1 du code du travail.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Maryse Pestka, rapporteur public,
- les observations de Me I...J..., substituant Me A...B..., représentant M.F... ;
Une note en délibéré présentée pour M. F...a été enregistrée le 14 décembre 2015.
Une note en délibéré présentée par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a été enregistrée le 22 décembre 2015.
1. Considérant que la requête de Me H...et Me D...ainsi que le recours du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social susvisés sont dirigés contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par un seul arrêt ;
2. Considérant que par une décision du 3 avril 2003, l'inspecteur du travail a autorisé Me H...et MeD..., liquidateurs judiciaires de la SAS Métaleurop Nord à procéder au licenciement de M. F...; que, saisi d'un recours hiérarchique, le ministre du travail, a, le 1er septembre 2003, annulé cette décision de l'inspecteur du travail au motif tiré de ce que le titre de représentant syndical conventionnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail détenu par M. F...ne lui conférait pas la qualité de salarié protégé ; que, par un jugement du 2 octobre 2013, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 3 avril 2003 de l'inspecteur du travail ainsi que celle du ministre du 1er septembre 2003 au motif tiré de ce que l'autorité administrative a commis une erreur de droit en considérant que l'obligation de reclassement avait été respectée ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par M.F... :
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié le 4 octobre 2013 au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ; que son recours, enregistré le 5 décembre 2013, a ainsi été présenté dans le délai de deux mois fixé par l'article R. 811-2 du code de justice administrative ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté du recours du ministre doit être écartée ;
Sur la recevabilité des conclusions dirigées en première instance contre la décision de l'inspecteur du travail :
4. Considérant qu'en matière d'autorisations administratives de licenciement des salariés protégés, les décisions prises sur recours hiérarchique par le ministre se substituent aux décisions de l'inspecteur du travail lorsqu'elles en prononcent l'annulation ; qu'ainsi, les conclusions d'un salarié protégé tendant à l'annulation de la décision d'autorisation de licenciement prononcée par l'inspecteur du travail, laquelle a été retirée par le ministre, sont irrecevables ; que, par suite, c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé cette décision ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision du ministre :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens de la requête de Me H...et Me D... et du recours du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ;
5. Considérant qu'il n'est pas contesté que M. F...détenait le titre de représentant syndical conventionnel au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail, qui ne lui conférait pas la qualité de salarié protégé ; que, par suite, le ministre a pu légalement annuler la décision du 3 avril 2003 de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de M.F... ; que, dès lors, en annulant la décision du ministre au motif tiré de l'erreur de droit commise par l'autorité administrative, le tribunal administratif a méconnu le champ d'application des dispositions des articles L. 421-8, L. 425-1 et L. 436-1 du code du travail réservant aux salariés protégés une protection exceptionnelle ;
6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. F...devant le tribunal administratif ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre était tenu d'annuler la décision de l'inspecteur du travail ; que, par suite, l'unique moyen de la requête par M. F...doit être écarté comme inopérant ;
8. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de qui précède que Me H...et Me D..., agissant en qualité de liquidateurs judiciaires de la SAS Métaleurop Nord ainsi que le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 3 avril 2003 de l'inspecteur du travail ainsi que celle du 1er septembre 2003 du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. F...la somme demandée par Me H... et Me D...au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, les sommes demandées par M. F... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens dans les deux instances ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 2 octobre 2013 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : La demande de M. F...devant le tribunal administratif de Lille est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. F...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Les conclusions présentées par Me H...et Me D...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Me C...H..., à Me G...D..., au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, à M. E... F...et à la société anonyme Recylex.
Délibéré après l'audience publique du 3 décembre 2015 à laquelle siégeaient :
- M. Paul-Louis Albertini, président de chambre,
- M. Olivier Nizet, président-assesseur,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller
Lu en audience publique le 31 décembre 2015.
Le rapporteur,
Signé : O. NIZETLe président de chambre,
Signé : P-L. ALBERTINILe greffier,
Signé : S. DUPUIS
La République mande et ordonne au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
Le greffier,
Sylviane Dupuis
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Nos13DA01900,13DA01937
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