Vu la requête, enregistrée le 6 mars 2013, présentée pour la SNC Altarea Les Tanneurs, dont le siège est 8 avenue Delcassé à Paris (75008), par Me A...B... ; la SNC Altarea Les Tanneurs demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0906535 du 17 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation du titre exécutoire émis à son encontre, le 21 septembre 2009, par l'Institut national de recherches archéologiques préventives ;
2°) d'annuler ce titre exécutoire ;
3°) de condamner l'Institut national de recherches archéologiques préventives à lui restituer la somme de 1 063 327 euros indument versée, assortie des intérêts moratoires ainsi que de leur capitalisation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du patrimoine ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi n° 2001-44 du 17 janvier 2001 relative à l'archéologie préventive, modifiée ;
Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;
Vu le décret n° 2002-89 du 16 janvier 2002 pris pour application de la loi n° 2001-44 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller,
- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,
- les observations de Me Onur Baysan, avocat de la SNC Altarea Les Tanneurs, et de Me Xavier Bigas, avocat de l'Institut national de recherches archéologiques préventives ;
1. Considérant que par arrêt du 25 juin 2009, la cour de céans a annulé, en raison de l'incompétence du signataire, le titre de recette émis à l'encontre de la SNC Altarea Les Tanneurs le 20 septembre 2002 par l'Institut national de recherches archéologiques préventives pour avoir paiement d'une redevance d'archéologie et condamné l'établissement public à restituer les sommes indûment perçues ; qu'en exécution de cet arrêt, l'Institut national de recherches archéologiques préventives a émis, le 21 septembre 2009, un mandat de paiement au profit de la SNC Altarea Les Tanneurs et un nouveau titre de recettes et, ce faisant, a opéré alors la compensation entre les sommes dues au titre de la redevance d'archéologie préventive par la SNC Altarea Les Tanneurs et celles à restituer en exécution de l'arrêt de la Cour ; que la SNC Altarea les Tanneurs relève appel du jugement du 17 janvier 2013 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation du second titre de recette du 21 septembre 2009 et, d'autre part, à la restitution des sommes indûment versées en exécution du premier titre de recette du 20 septembre 2002 ;
Sur la recevabilité de la demande de la SNC Altarea Les Tanneurs :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 524-15 du code du patrimoine, dans sa rédaction applicable au litige : " Les litiges relatifs à la redevance d'archéologie préventive sont de la compétence des juridictions administratives. Les réclamations relatives à l'assiette de la redevance sont adressées au service liquidateur (...) Elles sont présentées et instruites selon les règles des titres III et IV du livre des procédures fiscales. " ; qu'aux termes de l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales : " Le contribuable qui désire contester tout ou partie d'un impôt qui le concerne doit d'abord adresser une réclamation au service territorial (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision " ;
3. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions précitées que l'avis par lequel l'administration porte des redevances à la connaissance d'un redevable doit mentionner l'existence et le caractère obligatoire, à peine d'irrecevabilité d'un éventuel recours juridictionnel, de la réclamation, adressée au service compétent de l'administration concernée, prévue à l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales, ainsi que les délais dans lesquels le redevable doit exercer cette réclamation ; que l'absence de l'une de ces mentions n'est cependant de nature à faire obstacle à ce que les règles prévues par le livre des procédures fiscales soient opposables au redevable que si l'irrecevabilité, qui pourrait lui être opposée, résulte de cette absence d'information ; que tel est notamment le cas lorsque le redevable, qui n'a pas été informé du caractère obligatoire, à peine d'irrecevabilité d'un éventuel recours juridictionnel, de la réclamation préalable prévue par l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales, conteste directement devant le juge la redevance mise à sa charge ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le titre de recettes du 21 septembre 2009 notifié à la SNC Altarea Les Tanneurs ne mentionnait pas l'obligation, instituée par les dispositions de l'article L. 524-15 du code du patrimoine précité, qui s'imposait à elle de saisir, préalablement à tout recours contentieux, le service liquidateur d'une réclamation relative à l'assiette de la redevance en litige ; que, par suite, l'Institut national de recherches archéologiques préventives n'est pas fondé à soutenir que la demande présentée par la SNC Altarea Les Tanneurs directement devant le tribunal administratif de Lille était irrecevable ;
Sur la prescription de la créance et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
5. Considérant qu'aux termes du IV de l'article 9 de la loi du 17 janvier 2001 susvisée, alors en vigueur : " Les redevances sont recouvrées par l'agent comptable de l'établissement public selon les règles applicables au recouvrement des créances des établissements publics nationaux à caractère administratif. (...) Le délai de prescription de la redevance est quadriennal. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 189 du livre des procédures fiscales : " La prescription est interrompue (...) par tout acte comportant reconnaissance de la part des contribuables et par tous les autres actes interruptifs de droit commun " ; que ces dispositions n'ont pas pour objet de fixer au comptable le délai maximum dans lequel il peut procéder au recouvrement des sommes mentionnées sur le titre de recette mais d'imposer à l'ordonnateur un délai maximum, à compter du fait générateur de la participation, pour émettre, à peine de prescription, le titre de recette ;
6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SNC Altarea Les Tanneurs a réglé le 17 octobre 2003 la redevance mise à sa charge suite à la notification, le 20 septembre 2002, d'un titre de recettes émis par l'Institut national de recherches archéologiques préventives ; que ce règlement a eu pour effet d'interrompre la prescription qui courait depuis l'arrêté préfectoral du 29 mars 2002 ordonnant les fouilles, ouvrant un nouveau délai de quatre ans à l'Institut national de recherches archéologiques préventives, lequel a expiré le 31 décembre 2007 ; que, par suite, la créance de l'établissement était prescrite lors de l'établissement, le 21 septembre 2009, du titre de recettes en litige ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SNC Altarea Les Tanneurs est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande d'annulation du titre de recette du 21 septembre 2009 ;
Sur le remboursement de la redevance versée, les intérêts et la capitalisation des intérêts :
8. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que la redevance d'archéologie préventive émise à l'encontre de la SNC Altarea Les Tanneurs ne pouvait être légalement exigée ; qu'il résulte de l'instruction que la société requérante a procédé à un seul versement de 1 063 327 euros le 17 octobre 2003 ; que, par suite, la SNC Altarea Les Tanneurs est fondée à demander le remboursement, par l'Institut national de recherches archéologiques préventives, de cette somme augmentée, ainsi qu'il est sollicité, des intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2009, date d'enregistrement de sa demande au greffe du tribunal administratif de Lille ;
9. Considérant que la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année ; qu'en ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière ; qu'en l'espèce, la capitalisation des intérêts a été demandée le 9 octobre 2009 ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 10 octobre 2010, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;
10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SNC Altarea Les Tanneurs est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions tendant à la restitution de la somme de 1 063 327 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2009, avec capitalisation de ces intérêts ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
12. Considérant qu'en vertu des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par l'Institut national de recherches archéologiques préventives doivent, dès lors, être rejetées ;
13. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la SNC Altarea Les Tanneurs présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0906535 du 17 janvier 2013 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : L'Institut national de recherches archéologiques préventives est condamné à verser à la SNC Altarea Les Tanneurs la somme de 1 063 327 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 octobre 2009. Les intérêts échus le 10 octobre 2010 seront capitalisés à cette date et à chaque échéance annuelle pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Les conclusions de l'Institut national de recherches archéologiques préventives et de la SNC Altarea les Tanneurs tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SNC Altarea Les Tanneurs, à l'Institut national de recherches archéologiques préventives et au ministre de la culture et de la communication.
Copie sera adressée au préfet de la région Nord/Pas-de-Calais.
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N°13DA00335