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25/06/2015 | FRANCE | N°13BX02223

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre - formation à 3, 25 juin 2015, 13BX02223


Vu, sous le numéro 13BX02223, enregistrée le 2 août 2013, la requête présentée pour la commune de Cussac-Fort-Médoc, représentée par son maire en exercice, par Me B... ; la commune de Cussac-Fort-Médoc demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1102763 du 6 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé, à la demande de MmeC..., l'arrêté du maire de la commune du 5 mai 2011 ayant rejeté la demande de permis de construire présentée par Mlle D... A...en vue de la réalisation d'une construction à usage d'habitation sur les parcelles cadastré

es ZX n° 113, 115 et 117, lot F, au lieu-dit " Neurin Sud " ;

2°) de reje...

Vu, sous le numéro 13BX02223, enregistrée le 2 août 2013, la requête présentée pour la commune de Cussac-Fort-Médoc, représentée par son maire en exercice, par Me B... ; la commune de Cussac-Fort-Médoc demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1102763 du 6 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé, à la demande de MmeC..., l'arrêté du maire de la commune du 5 mai 2011 ayant rejeté la demande de permis de construire présentée par Mlle D... A...en vue de la réalisation d'une construction à usage d'habitation sur les parcelles cadastrées ZX n° 113, 115 et 117, lot F, au lieu-dit " Neurin Sud " ;

2°) de rejeter la demande de première instance de Mme C...;

3°) de mettre à la charge de Mme C...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a considéré à tort que le maire de la commune avait commis une erreur d'appréciation en refusant le permis de construire sollicité au motif d'un risque pour la sécurité des usagers de la route départementale qui dessert le terrain d'assiette ; l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme permet au maire de refuser un permis de construire dans un souci de protection des usagers de la voie, sans distinction entre les usagers de la voie publique et ceux de l'accès ; le maire peut ainsi rejeter une demande d'autorisation de construire lorsqu'il considère qu'elle est de nature à porter une atteinte excessive à la sécurité du public et plus particulièrement des usagers de la route ;

- l'accès au terrain débouche sur une section de la route départementale 2E9 menant au Fort-Médoc sur laquelle circulent plus de 20 000 véhicules par an ; outre les habitants de la commune de Cussac-Fort-Médoc et les usagers habituels, cette section de route accueille également plusieurs milliers de personnes sur quelques jours lors de grandes manifestations ponctuelles ; très étroite et sans trottoir, cette voie est sans contrainte et offre un espace d'accélération pour les véhicules ; les voies d'accès aux propriétés riveraines qui donnent sur cette route n'ont pas de visibilité ; les véhicules qui les empruntent doivent être déjà engagés sur la route départementale pour que leurs conducteurs disposent d'une visibilité suffisante ; il existe deux miroirs de sortie de voie à proximité du terrain d'assiette afin de garantir la sécurité des utilisateurs des voies d'accès souhaitant s'engager sur la route départementale ; le terrain en litige est issu de la division en six lots d'un vaste terrain situé en bordure de voie et appartenant à MmeC..., chaque lot ainsi créé devant accueillir une maison individuelle ; la création de six nouveaux accès sur le route départementale 2E9 est de nature à renforcer l'insécurité sur cette voie ; le conseil général de la Gironde avait d'ailleurs, pour ce motif, rendu un avis défavorable sur le projet de division envisagé par Mme C...; un avis négatif a par ailleurs été rendu par le centre routier départemental sur le projet en litige le 22 juin 2011 au motif de l'insuffisance de la visibilité au droit de l'accès au terrain ;

- le tribunal administratif a écarté à tort chacun des deux motifs dont la commune de Cussac-Fort-Médoc avait demandé qu'ils soient substitués au motif tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- le tribunal administratif a tout d'abord considéré que le motif tenant à ce que la construction projetée ne pourrait être dotée d'un système d'assainissement autonome satisfaisant aux normes en vigueur n'était pas assorti de précisions suffisantes ; le projet de division envisagé par Mme C...pose un sérieux problème en matière d'assainissement ; il n'existe pas de réseau d'assainissement ; selon le gestionnaire du réseau, l'extension du réseau vers les terrains de Mme C...poserait des problèmes de fonctionnement en raison d'un défaut de pente ; si Mme C...a accepté de prendre à sa charge tout ou partie des coûts de réalisation d'une telle extension, ni la commune de Cussac-Fort-Médoc ni le gestionnaire du réseau n'ont accepté le principe de cette extension ; les dispositions des articles UB4 et UB5 du règlement du plan d'occupation des sols s'opposent à la réalisation du projet ; ces articles prévoient que toute construction doit être raccordée au réseau d'assainissement collectif et qu'en l'absence d'un tel réseau, les constructions peuvent être autorisées sous réserve de l'installation d'un système d'assainissement individuel adapté et conforme à la réglementation en vigueur, la surface minimale constructible étant, dans le cadre d'un détachement de parcelles d'un terrain ne bénéficiant pas de l'assainissement collectif, de 1 000 m2 ; dans la mesure où le terrain de Mme C... n'est pas desservi par le réseau d'assainissement collectif, les parcelles issues de la division devaient mesurer plus de 1 000 m2 et être dotées d'un système d'assainissement individuel, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, Mme C...s'étant simplement engagée à raccorder ces parcelles au système d'assainissement collectif ; ce même engagement a été réitéré dans la demande de permis de construire déposée par MlleA..., sans plus de précisions quand aux conditions dans lesquelles le terrain serait raccordé au réseau d'assainissement collectif ; ce permis de construire ne pouvait dès lors qu'être refusé ;

- le tribunal administratif a également écarté le motif de refus tiré de la méconnaissance de la loi Littoral en arguant de ce que la zone dans laquelle était envisagé le projet comportait déjà des constructions et que les dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme n'avaient pas été méconnues ; la loi Littoral s'oppose toutefois à toute construction dans cette zone ; la commune de Cussac-Fort-Médoc a été classée en tant que commune estuarienne par le décret n° 2004-311 du 29 mars 2004 ; elle est donc soumise aux dispositions du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme qui imposent que l'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage soit justifiée et motivée dans le document d'urbanisme, sauf à ce que l'urbanisation soit conforme aux dispositions d'un schéma de cohérence territoriale ou d'aménagement régional, ou compatible avec les dispositions d'un schéma de mise en valeur de la mer ; en l'absence de ces documents, l'urbanisation peut être réalisée avec l'accord du représentant de l'Etat dans le département ; en l'espèce, le plan d'occupation des sols de commune de Cussac-Fort-Médoc est muet sur la question de la loi Littoral et aucun autre document ne traite de cette question ; l'autorisation d'urbanisme sollicitée par Mlle A...ne pouvait donc être délivrée qu'avec l'accord du préfet, à la suite d'une demande en ce sens formée par la commune, laquelle n'avait pas l'obligation d'adresser une telle demande au préfet ; aussi, la demande de permis de construire présentée par Mlle A...ne pouvait qu'être rejetée ; au surplus, les terrains de Mme C... ne peuvent être regardés comme situés en continuité de zones déjà urbanisées présentant le caractère d'un agglomération ou d'un village ; Cussac le Vieux ne peut faire l'objet que d'un développement limité dans les dents creuses urbaines ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 13 septembre 2013 et 2 octobre 2013, présentés pour Mme C..., qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Cussac-Fort-Médoc de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle demande également, par la voie de l'appel incident, qu'il soit enjoint à la commune de lui délivrer le permis de construire sollicité ou, à défaut, de procéder à une nouvelle instruction de la demande de permis de construire, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir, en tout état de cause sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

Elle soutient que :

- le refus de permis de construire en date du 5 mai 2011 est entaché d'erreur de droit, d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation ; l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme n'a en effet pas vocation à s'appliquer en cas d'atteinte à la sécurité de la circulation sur la voie publique ; seul l'article R. 111-5 est applicable dans ce cas, mais seulement dans les communes non dotées d'un document d'urbanisme, alors que la commune de Cussac-Fort-Médoc dispose d'un tel document ; ce refus de permis de construire indique par ailleurs à tort que l'accès projeté est situé en dehors de l'agglomération ; l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ne peut être invoqué lorsque le projet est situé à l'intérieur d'une agglomération, ce qui est le cas en l'espèce ; l'avis du conseil général du 23 juin 2011 est donc entaché d'illégalité ; il existe, en l'espèce, des panneaux d'entrée et de sortie d'agglomération au sens des dispositions de l'article R. 110-2 du code de la route ; le secteur concerné appartient à l'agglomération de Cussac le Vieux ; la gendarmerie de Castelnau a confirmé oralement l'existence d'une agglomération à l'emplacement du projet ; la vitesse de circulation sur la route départementale était, au droit du terrain, limitée à 30 km/h ; contrairement à ce que soutient la commune de Cussac-Fort-Médoc, Cussac le Vieux n'est pas un hameau à l'habitat disparate ; il est en effet caractérisé par une densité de l'habitat ; les voies sont bordées de trottoirs et d'arrêts de bus, et disposent d'un éclairage public ; ce bourg dispose d'une place communale ainsi que d'une large avenue, l'avenue du Fort-Médoc, bordée d'arbres d'ornement ; le centre routier du conseil général a indiqué, dans son avis du 23 juin 2011, que les dispositions de l'article R. 110-2 du code de la route le renforçaient dans l'idée que ce hameau devrait être classé en agglomération ; le risque pour les usagers de la voie n'avait jamais été évoqué dans les certificats d'urbanisme ni le refus de permis de construire sur les lots voisins délivrés préalablement à l'arrêté en litige ; de très nombreuses propriétés voisines ont un accès à la RD 2E9 sans que le motif tiré de l'atteinte à la sécurité de la circulation n'ait jamais été avancé ; il existe dix-sept sorties privées et deux sorties publiques sur cette voie dans le secteur ; la sortie du terrain est prévue sur une partie rectiligne de la voie départementale, avec une parfaite visibilité ; de nouvelles constructions ont été implantées depuis 2005 avec chacune un accès sur cette voie ; l'éclairage public est tout à fait suffisant pour garantir la sécurité des usagers de la voie ; le terrain est inclus dans la zone UB du plan d'occupation des sols ; le nombre de 20 000 véhicules par an avancé par la commune n'est pas étayé ; les photos produites par la commune pour établir une prétendue insuffisance de visibilité concernent l'autre côté de la voie, où les constructions sont plus nombreuses ; les accès à ses parcelles débouchent sur une bande de terrain communale aménagée d'arbres d'ornement et de lampadaires, d'où la visibilité est parfaite ;

- quant au motif tiré des risques en matière d'assainissement, dont la commune de Cussac-Fort-Médoc demande qu'il soit substitué au motif tenant à la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, il ne peut être retenu ; il n'y a en effet aucun problème d'assainissement sur le terrain d'assiette du projet ; la commune dispose d'un schéma d'assainissement approuvé en 2002 qui prévoit la création d'un assainissement collectif ; le réseau n'ayant toujours pas été réalisé au droit du terrain depuis 12 ans, Mme C...a proposé de réaliser une canalisation en partie privée qui doit se raccorder à la canalisation eaux usées qui passe sous la route départementale n° 2 ; l'entreprise SCCM, qui a réalisé plusieurs lotissements à Cussac-Fort-Médoc, a conclu à la faisabilité de cette solution pour laquelle elle a réalisé un devis dont le coût sera entièrement assumé par MmeC... ; le problème de pente évoqué par la commune de Cussac-Fort-Médoc n'apparaît dans aucun des écrits du SIVOM, dont le fermier n'a pas recommandé la pose d'un poste de relevage ; la non-opposition à déclaration préalable de lotissement en six lots étant définitive, le motif tiré du défaut de raccordement au réseau d'assainissement ne peut plus être opposé ;

- l'autre motif, tiré de la méconnaissance de la loi Littoral, dont la commune de Cussac-Fort-Médoc demande qu'il soit substitué au motif tenant à la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, ne pourra pas davantage être retenu ; le II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme est inapplicable au cas d'espèce ; le terrain n'est en effet pas situé sur la rive de l'estuaire de la Gironde ni dans un espace proche de celle-ci ; le projet doit être apprécié au regard des seules dispositions du I de cet article, sans que la commune puisse se prévaloir de projets de plan local d'urbanisme et de SCOT non approuvés ; il est indéniablement situé dans la continuité de l'urbanisation existante ;

Vu le mémoire en réplique enregistré le 16 décembre 2013, présenté pour la commune de Cussac-Fort-Médoc qui conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens, et soutient en outre que :

- l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme n'est pas d'ordre public et ne s'applique par conséquent pas lorsque la commune est dotée d'un plan d'occupation des sols ;

- les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme trouvent à s'appliquer, que le projet en cause soit situé dans ou en dehors d'une agglomération ;

- la circonstance que l'avis du conseil général du 22 juin 2011 serait entaché d'illégalité est sans conséquence sur la légalité du refus de permis de construire au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- Mme C...n'établit pas que le terrain d'assiette du projet serait situé dans une agglomération ; seule une partie de la route départementale 2E9 est bordée d'habitations formant un ensemble disparate alors que le reste est un ensemble de cultures ou de champs ; une partie des habitations présentes sur la photo produite par Mme C...est située sur le territoire de la commune de Lamarque ; les panneaux qu'elle mentionne marquent, non pas l'entrée et la sortie d'une agglomération mais l'entrée et la sortie du hameau de Cussac le Vieux ;

- le maire de la commune de Cussac-Fort-Médoc n'est pas tenu de classer le hameau de Cussac le Vieux en agglomération, l'avis du centre routier du conseil général du 23 juin 2011 n'ayant à cet égard aucune portée juridique ;

- l'insuffisance de la visibilité au niveau de l'accès, confirmée par les avis du 18 novembre 2011 du conseil général et du 23 juin 2011 du centre routier départemental du Médoc, imposait au maire de rejeter la demande de permis de construire présentée par Mlle A... ; la vitesse maximale autorisée sur l'avenue du Haut-Médoc est de 90 km/h ; aucune nouvelle sortie sur la route départementale 2E9 n'a été créée depuis 2008, contrairement à ce que soutient Mme C... ;

- le nouveau projet de Mme C... , différent de celui pour lequel elle avait obtenu un certificat d'urbanisme en 2010, comprend six lots à construire d'une superficie comprise entre 420 et 560 m2, qui ne peuvent accueillir des systèmes d'assainissement autonomes nécessitant 1000 m²; en raison de l'absence de réseau s'assainissement collectif, le projet ne peut en conséquence être autorisé ;

- le terrain d'assiette du projet, situé dans le hameau de Cussac le Vieux, à 1 km de l'agglomération de Cussac-Fort-Médoc est inclus dans un secteur rural en bordure de la route départementale 2E9 ; le projet s'insère dans une zone d'urbanisation diffuse dans laquelle aucune construction ne peut être autorisée sans méconnaître les dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ;

Vu le mémoire enregistré le 10 juillet 2014, présenté pour Mme C... qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens, et soutient en outre que :

- dans la mesure où l'article R. 111-5 ne trouve pas à s'appliquer dans une commune couverte par un document d'urbanisme, le maire ne pouvait se fonder sur l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme pour refuser un permis de construire en raison de prétendus risques pour la sécurité de la circulation ;

- le maire a entaché son refus de permis de construire d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que le terrain d'assiette du projet est situé en agglomération ;

- le secteur dans lequel s'insère le projet n'est pas constitué de constructions éparses mais d'un nombre important de constructions avec un classement en zone UB ; seul le terrain de la requérante a été récemment reclassé en zone A ; la vitesse est limitée à 50 km/h sur la route départementale 2 à Cussac le Vieux ; outre le panneau de limitation de la vitesse à 30 km/h, auparavant situé devant la propriété de la requérante, et dont la commune a reconnu l'existence, il existait également un panneau limitant à la vitesse à 45 km/h sur le route départementale 2E9, à la fin de la zone agglomérée de Cussac le Vieux ;

- le motif tiré des problèmes en matière d'assainissement n'a jamais été évoqué avant le 19 avril 2013 ; avant le dépôt de la demande de découpage des lots, le technicien de la Nantaise des Eaux, société fermière du SIVOM, et le dirigeant de la société SCCM, sont venus sur le site pour étudier la faisabilité d'un raccordement du terrain à la canalisation d'assainissement qui passe sous la route départementale 2 ; la SCCM a établi un devis attestant de la faisabilité de l'opération ; la solution ainsi préconisée a été validée par la Nantaise des Eaux qui a elle-même établi un devis, le 15 juillet 2010, pour le raccordement du projet au réseau d'assainissement ;

- le projet n'est pas situé dans une zone d'urbanisation diffuse ; le terrain, en friche depuis 34 ans, même s'il jouxte douze rangs de vigne, est enserré dans le tissu urbain au milieu de 35 habitations ;

- l'ensemble des agissements du maire, refus successifs différemment motivés, déplacement des panneaux d'agglomération, délivrance discriminatoire de permis de construire débouchant sur la RD 2E9, voire sur la RD 2 beaucoup plus dangereuse, reclassement de son terrain en zone agricole, permettent de qualifier un détournement de pouvoir ;

Vu l'ordonnance du 22 août 2014 fixant la clôture de l'instruction au 8 octobre 2014 à 12 heures ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 3 octobre 2014, présenté pour la commune de Cussac-Fort-Médoc qui conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

II/ Vu, sous le n° 13BX02225, enregistrée le 2 août 2013, la requête présentée pour la commune de Cussac-Fort-Médoc, dûment représentée par son maire en exercice, par MeB... ; la commune de Cussac-Fort-Médoc demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement no 1103465, 1103466, 1103467, 1103468 et 1103469 du 6 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé, à la demande de MmeC..., cinq arrêtés du maire de la commune du 7 juillet 2011 ayant rejeté les demandes de permis de construire qu'elle avait présentées en vue de la réalisation de cinq constructions à usage d'habitation respectivement sur les lots A, B, C, D, E d'un terrain situé au lieu-dit " Neurin Sud " ;

2°) de rejeter les demandes de première instance de Mme C...;

3°) de mettre à la charge de Mme C...la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le tribunal administratif a considéré à tort que le maire de la commune avait commis une erreur d'appréciation en refusant les permis de construire sollicités au motif d'un risque pour la sécurité des usagers de la route départementale qui dessert le terrain d'assiette ; l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme permet au maire de refuser un permis de construire dans un souci de protection des usagers de la voie, sans distinction entre les usagers de la voie publique et ceux de la voie privée devant utiliser l'accès ; le maire peut ainsi rejeter une demande d'autorisation de construire lorsqu'il considère qu'elle est de nature à porter une atteinte excessive à la sécurité du public et plus particulièrement des usagers de la route ;

- les accès de chaque construction débouchent sur une section de la route départementale 2E9 menant à la commune de Cussac-Fort-Médoc sur laquelle circulent plus de 20 000 véhicules par an ; outre les habitants de la commune de Cussac-Fort-Médoc et les usagers habituels, cette section de route accueille également plusieurs milliers de personnes sur quelques jours lors de grandes manifestations ponctuelles ; très étroite et sans trottoir, cette voie est sans contrainte et offre un espace d'accélération pour les véhicules ; les voies d'accès aux propriétés riveraines qui donnent sur cette route n'ont pas de visibilité ; les véhicules qui les empruntent doivent être déjà engagés sur la route départementale pour que leurs conducteurs disposent d'une visibilité suffisante ; il existe deux miroirs de sortie de voie à proximité du terrain accueillant les constructions en litige, afin de garantir la sécurité des utilisateurs des voies d'accès souhaitant s'engager sur la route départementale ; chacune des cinq constructions aura son propre accès à la voie ; or, la création de cinq nouveaux accès sur le route départementale est de nature à renforcer l'insécurité sur cette route ; le conseil général de Gironde avait d'ailleurs, pour ce motif, rendu un avis défavorable sur le projet de division envisagé par Mme C...; un avis défavorable a par ailleurs été rendu par le centre routier départemental sur le projet en litige le 22 juin 2011, au motif de l'insuffisance de la visibilité au droit des accès ;

- le tribunal administratif a refusé à tort de faire droit à sa demande de substitution de motifs ;

- le tribunal administratif a tout d'abord considéré que le motif tenant à ce que les constructions projetées ne pourraient être dotées d'un système d'assainissement autonome satisfaisant aux normes en vigueur n'était pas assorti de précisions suffisantes ; le projet de division envisagé par Mme C...pose un sérieux problème en matière d'assainissement ; il n'existe pas de réseau d'assainissement collectif au droit du terrain ; selon le gestionnaire du réseau, l'extension du réseau vers les terrains de Mme C...poserait des problèmes de fonctionnement en raison d'un défaut de pente ; si Mme C...a accepté de prendre à sa charge tout ou partie des coûts de réalisation d'une telle extension, ni la commune de Cussac-Fort-Médoc ni le gestionnaire du réseau n'ont accepté le principe de cette extension ; les dispositions des articles UB4 et UB5 du règlement du plan d'occupation des sols s'opposent à la réalisation du projet ; ces articles prévoient que toute construction doit être raccordée au réseau d'assainissement collectif et qu'en l'absence d'un tel réseau, les constructions peuvent être autorisées sous réserve de l'installation d'un système d'assainissement individuel adapté et conforme à la réglementation en vigueur, la surface minimale constructible étant, dans le cadre d'un détachement de parcelles d'un terrain ne bénéficiant pas de l'assainissement collectif, de 1 000 m2 ; dans la mesure où les terrains d'assiette des constructions en litige ne sont pas desservis par le réseau d'assainissement collectif, les parcelles issues de la division devaient mesurer plus de 1 000 m2 et être dotées d'un système d'assainissement individuel, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, Mme C...s'étant simplement engagée à raccorder ces parcelles au système d'assainissement collectif ; il convient dès lors de faire droit à sa demande de substitution de motifs ;

- le tribunal administratif a également écarté le motif de refus tiré de la méconnaissance de la loi Littoral au motif que la zone dans laquelle devaient être édifiées les cinq maisons litigieuses comportait déjà des constructions et que les dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme n'avaient pas été méconnues ; la loi Littoral s'oppose toutefois à toute construction dans cette zone ; la commune de Cussac-Fort-Médoc a été classée en tant que commune estuarienne par le décret n° 2004-311 du 29 mars 2004 ; elle est donc soumise aux dispositions du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme qui imposent que l'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage soit justifiée et motivée dans le document d'urbanisme, sauf à ce que l'urbanisation soit conforme aux dispositions d'un schéma de cohérence territoriale ou d'aménagement régional, ou compatible avec les dispositions d'un schéma de mise en valeur de la mer ; en l'absence de ces documents, l'urbanisation peut être réalisée avec l'accord du représentant de l'Etat dans le département ; en l'espèce, le plan d'occupation des sols de commune de Cussac-Fort-Médoc est muet sur la question de la loi Littoral et aucun autre document ne traite de cette question ; les permis de construire sollicités par Mme C... ne pouvaient dès lors être délivrés qu'avec l'accord du préfet, à la suite d'une demande en ce sens faite par la commune, laquelle n'avait pas l'obligation d'adresser une telle demande au préfet ; aussi, les demandes de permis de construire de Mme C...ne pouvaient-elles qu'être rejetées ; au surplus, les terrains d'assiette des constructions projetées ne peuvent être regardés comme situés en continuité de zones déjà urbanisées présentant le caractère d'une agglomération ou d'un village ; Cussac le Vieux ne peut faire l'objet que d'un développement limité dans les dents creuses urbaines ;

Vu les mémoires, enregistrés les 13 septembre 2013 et 2 octobre 2013, présentés pour Mme C..., qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la commune de Cussac-Fort-Médoc de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; elle demande également, par la voie de l'appel incident, qu'il soit enjoint à la commune, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, de lui délivrer les permis de construire sollicités ou, à défaut, de procéder à une nouvelle instruction de ses demandes, dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ; elle soutient les mêmes moyens que dans la requête 13BX02223 ;

Vu le mémoire en réplique enregistré le 16 décembre 2013, présenté pour la commune de Cussac-Fort-Médoc qui conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens, et reprend en outre les mêmes arguments que ceux développés dans son mémoire du même jour, déposé dans l'instance n° 13BX02223 ;

Vu le mémoire enregistré le 11 juillet 2014, présenté pour Mme C... qui conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens, et reprend en outre les mêmes arguments que ceux développés dans son mémoire du 10 juillet 2014, déposé dans l'instance n° 13BX02223 ;

Vu l'ordonnance du 22 août 2014 fixant la clôture de l'instruction au 8 octobre 2014 à 12 heures ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 3 octobre 2014, présenté pour la commune de Cussac-Fort-Médoc qui conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Vu les jugements et les décisions attaqués ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la code de l'environnement ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral ;

Vu le décret n° 2004-311 du 29 mars 2004 fixant la liste des communes riveraines des estuaires et des deltas considérées comme littorales en application de l'article L. 321-2 du code de l'environnement et la liste des estuaires les plus importants au sens du IV de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mai 2015 ;

- le rapport de Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;

- et les observations de Mme F...-C... et celles de Me B...pour la commune de Cussac-Fort-Medoc ;

Vu les notes en délibéré enregistrées à la cour le 28 mai 2015, présentées pour la commune de Cussac Fort Medoc, par le cabinet BFC avocats ;

1. Considérant que Mme C... est propriétaire d'un terrain cadastré ZX n°113, 115 et 117, sur le territoire de la commune de Cussac-Fort-Médoc, au lieu-dit " Neurin Sud " ; qu'elle a entrepris de mener, sur une partie de ce terrain, un projet de construction de six maisons d'habitation, dont cinq pour lesquelles elle a demandé la délivrance de cinq permis de construire, la sixième ayant fait l'objet d'une demande de permis de construire déposée par Mlle A..., titulaire d'une promesse de vente sur le lot F du projet ; que, par un arrêté du 5 mai 2011, le maire de Cussac-Fort-Médoc a opposé un refus à la demande de permis de construire déposée par Mlle A...le 8 mars 2011 ; qu'il a également rejeté les cinq demandes de Mme C... par cinq arrêtés du 7 juillet 2011 ; que ces six refus étaient motivés par le fait que l'accès de chaque construction à la voie publique présentait un risque pour la sécurité des usagers de ces accès et de la route départementale 2E9, méconnaissant ainsi les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ; que le tribunal administratif de Bordeaux a, par deux jugements du 6 juin 2013, annulé ces six refus de permis de construire et enjoint au maire de la commune de Cussac-Fort-Médoc de procéder à une nouvelle instruction des demandes de permis de construire déposées par MmeC..., dans le délai de deux mois ; que, par les requêtes n° 13BX02223 et 13BX02225, la commune de Cussac-Fort-Médoc relève régulièrement appel de ces deux jugements ; que, par la voie de l'appel incident, Mme C...demande à la cour d'enjoindre au maire de la commune de lui accorder les cinq permis qu'elle a sollicités, ainsi que le permis de construire sollicité par MlleA..., ou, à tout le moins, de procéder à une nouvelle instruction de ces six demandes ;

2. Considérant que les deux requêtes de la commune de Cussac-Fort-Médoc ont trait à des demandes de permis de construire des maisons d'habitation sur un terrain appartenant à Mme C... ; qu'elles soulèvent des questions de droit similaires ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la légalité des cinq arrêtés du 7 juillet 2011 et de l'arrêté du 5 mai 2011 :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers, et notamment des photographies produites par les parties, que les terrains d'assiette des six projets de constructions, alors classés en zone UB du plan d'occupation des sols, se trouvent dans un secteur caractérisé par une urbanisation relativement dense, à proximité du centre de l'ancien bourg de Cussac, dit " Cussac-le-Vieux ", qui dépend de la commune de Cussac-Fort-Médoc ; que la portion de la route départementale 2E9 sur laquelle débouchent les six accès prévus est bordée de constructions de l'autre côté de la voie ainsi que de part et d'autre du terrain appartenant à Mme C... ; que l'angle sud-ouest de la partie de ce terrain destinée à accueillir les six constructions est situé à moins de 50 mètres de la place du Moulina, et donc du croisement de la route départementale 2E9 avec la route départementale 2, lequel est matérialisé par la présence d'un panneau annonçant la présence d'un stop à 50 mètres ; que la vitesse de circulation est par ailleurs limitée à 45km/h, comme en témoigne la présence d'un panneau situé plus à l'Est sur la RD 2E9, au niveau de la première maison rattachée à l'ancien bourg ; qu'enfin, la voie est, sur la section en litige, relativement rectiligne et éclairée par des réverbères, ce qui assure une visibilité satisfaisante, de jour comme de nuit, aux véhicules qui y circulent, lesquels, compte tenu de la présence du croisement à proximité, du caractère urbain du secteur, de l'état et des caractéristiques de la chaussée ainsi que de la limitation de vitesse susmentionnée, ne peuvent qu'y rouler à une vitesse modérée ; que dans ces conditions, et dès lors par ailleurs qu'aucun élément du dossier ne permet de conclure que la RD 2E9 accueillerait, sur sa portion de route située au droit des terrains en litige, un trafic d'un densité particulière, les six accès aux maisons d'habitation prévues sur le terrain de Mme C..., chacune de dimension modeste, ne sont pas de nature à affecter les conditions générales de la circulation sur la route départementale 2E9 ni à porter atteinte à la sécurité publique dans des proportions justifiant le rejet des demandes de permis de construire ; que la commune de Cussac-Fort-Médoc n'est, par suite, pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a jugé que le motif de rejet tenant à la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme était entaché d'illégalité ;

5. Considérant cependant que, pour établir la légalité des six refus de permis de construire, la commune de Cussac-Fort-Médoc a sollicité, en première instance et en appel, la substitution de deux autres motifs, tirés de ce que les projets en cause méconnaissaient, d'une part les dispositions du règlement du plan d'occupation des sols alors applicables en matière d'assainissement et, d'autre part, les dispositions de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article UB 4 du plan d'occupation des sols alors applicable : " Toute construction doit être raccordée au réseau d'assainissement collectif. Toutefois, en l'absence de réseau collectif et seulement dans ce cas, les constructions (...) peuvent être autorisées, sous réserve que leurs eaux et matières usées soient dirigées vers des dispositifs de traitement agréés et éliminés conformément à la réglementation en vigueur (...) " ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces des dossiers que préalablement au dépôt de la déclaration préalable afférente à la division foncière d'une partie de son terrain en six lots, Mme C... a examiné la possibilité de raccorder chacun des futurs lots au réseau d'assainissement collectif implanté sous la route départementale n° 2, la route départementale n° 2E9 n'étant, alors, pas encore desservie par ce réseau ; que la société Nantaise des Eaux, dont Mme C... soutient, sans être contredite, qu'elle exploite le réseau d'eaux usées sur le territoire de la commune dans le cadre d'un contrat d'affermage conclu avec le syndicat intercommunal à vocation multiple de Lamarque-Cussac-Arcins (SIVOM), a confirmé, dans un courrier du 15 juillet 2010, la faisabilité du raccordement des six lots au réseau d'assainissement collectif et a établi un devis à cet effet ; que la société SCCM a, le 10 octobre 2010, elle-même établi un devis pour la réalisation d'une canalisation destinée à raccorder les six lots au réseau d'assainissement collectif passant sous la RD n° 2 ; que dans un courrier du 5 octobre 2010, le SIVOM a indiqué que, sur le plan technique, rien ne semblait s'opposer à la faisabilité du projet dès lors que Mme C... prendrait à sa charge les travaux de raccordement au droit de la route départementale n° 2, la seule difficulté résidant, selon lui, dans les questions juridiques soulevées par les servitudes de passage de la canalisation dont seraient grevés les lots ;

8. Considérant par ailleurs que dans un courrier du 27 janvier 2011, joint à chacune des six demandes de permis de construire, Mme C... a expressément abordé la question de l'assainissement et exposé que, préalablement à la vente des lots, une canalisation d'eaux usées serait réalisée permettant de raccorder chaque lot au réseau collectif existant en bordure de la route départementale n° 2, que cette canalisation traverserait les différents lots ainsi que les parcelles cadastrées ZX n° 113 et ZX n° 1 lui appartenant, qu'après attache prise en ce sens avec un notaire, elle s'engageait à ce que chaque acte de vente des lots comporte les stipulations nécessaires concernant la servitude de passage de cette canalisation, que dès la réalisation du réseau d'assainissement collectif sous la route départementale 2E9 chaque propriétaire se raccorderait à celui-ci, la servitude de passage devant s'éteindre deux ans après cette réalisation ; que, dans ce même courrier, Mme C... a proposé au maire deux autres solutions tenant, la première à la rétrocession à la commune, à titre gratuit, de la canalisation ainsi réalisée par ses soins et, la seconde, à sa participation à la réalisation du réseau collectif à hauteur du coût de construction de la canalisation privée qui s'élevait, aux termes des devis précités, à la somme totale de 18 554 euros ; que la future canalisation destinée au raccordement des six terrains au réseau d'assainissement collectif, dite " canalisation TAE " (tout à l'égout), est par ailleurs représentée sur chacun des plans masse joints aux six demandes de permis de construire ;

9. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments, et dès lors que la commune de Cussac-Fort-Médoc ne fait état d'aucun élément probant qui s'opposerait à la mise en oeuvre de la solution exposée par Mme C... à l'appui des demandes de permis de construire pour assurer le raccordement des six constructions projetées au réseau collectif d'eaux usées, que le motif tiré de la méconnaissance des dispositions du règlement du plan d'occupation des sols en matière d'assainissement ne pouvait légalement fonder les refus de permis de construire, qu'il s'agisse des cinq permis de construire sollicités par Mme C... ou du permis de construire demandé par Mlle A... ;

10. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme : " I - L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. (...) / II - L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage (...) doit être justifiée et motivée, dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. / Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celles d'un schéma de mise en valeur de la mer. / En l'absence de ces documents, l'urbanisation peut être réalisée avec l'accord du représentant de l'Etat dans le département. (...) III - En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage (...). / IV - Les dispositions des paragraphes II et III ci-dessus s'appliquent aux rives des estuaires les plus importants, dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat. (...) " ;

11. Considérant qu'il résulte d'une lecture combinée des dispositions de l'article L. 146-1 du code de l'urbanisme, de l'article 2 de la loi susvisée du 3 janvier 1986 et de l'article L. 321-2 du code de l'environnement, que sont considérées comme des communes littorales soumises, en tant que telles, aux dispositions du chapitre VI du code de l'urbanisme et donc de l'article L. 146-4 de ce code, les communes riveraines des estuaires et des deltas dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat ; que figure notamment sur cette liste, établie par l'article 1er du décret susvisé du 29 mars 2004, codifié à l'article R. 321-1 du code de l'environnement, la commune de Cussac-Fort-Médoc ;

12. Considérant qu'une opération projetée dans un espace déjà urbanisé ne peut être regardée comme une " extension de l'urbanisation " au sens de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme que si elle conduit à étendre ou à renforcer de manière significative l'urbanisation en périphérie ou si elle modifie de manière importante les caractéristiques d'un quartier, notamment en augmentant sensiblement la densité des constructions ; que la seule réalisation, dans un secteur urbanisé, d'un ou plusieurs bâtiments, qui est une simple opération de construction, ne peut être regardée comme constituant une extension au sens de la loi ;

13. Considérant que, comme il a été dit, les terrains d'assiette des constructions projetées étaient situés, aux dates des décisions attaquées, en zone UB du règlement du plan d'occupation des sols, à proximité immédiate du centre de l'ancien bourg de Cussac, le long de la route départementale 2E9 ; que les terrains situés le long de cette route, de part et d'autre de ces terrains d'assiette, ainsi que ceux qui leur font face, sont pour la plupart bâtis, et accueillent un habitat individuel ; que les six constructions projetées, qui sont des maisons d'habitation individuelles de dimensions modestes et de plain-pied, outre qu'elles s'insèrent dans le bâti environnant, n'augmentent pas sensiblement la densification des constructions dans le secteur ; que dans ces conditions, les six projets en litige même appréhendés ensemble, compte tenu de leurs caractéristiques et de leur situation, s'analysent comme des opérations de construction dans un espace urbanisé et ne constituent pas une extension de l'urbanisation au sens des dispositions précitées du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ; que le motif tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article ne pouvait par conséquent pas fonder les refus de permis de construire en litige ; que par ailleurs, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'estuaire de la Gironde, distant d'environ deux kilomètres du terrain de Mme C..., serait visible depuis ce dernier, lequel ne peut par conséquent être regardé comme situé dans un espace proche du rivage au sens des dispositions précitées du II de ce même article ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'aucun des motifs invoqués par la commune de Cussac-Fort-Médoc n'est susceptible de fonder légalement les décisions de refus de permis de construire en litige ; que la commune n'est par suite pas fondée à se plaindre de ce que, par les jugements attaqués du 6 juin 2013, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision du 5 mai 2011 par laquelle le maire de la commune a rejeté la demande de permis de construire présentée par Mlle A... et les cinq décisions du 7 juillet 2011 par lesquelles cette même autorité a rejeté les cinq demandes de permis de construire présentées par Mme C... ;

Sur les conclusions à fin d'injonction présentées, par la voie de l'appel incident, par Mme C... :

15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;

16. Considérant, en premier lieu, que l'annulation des cinq décisions du maire de la Cussac-Fort-Médoc du 7 juillet 2011 implique seulement que celui-ci statue à nouveau sur les demandes de permis de construire dont il a été saisi par Mme C... en faisant application, si celle-ci confirme ses demandes dans le délai de six mois prévu par les dispositions L. 600-2 du code de l'urbanisme, des dispositions d'urbanisme applicables à la date des décisions de refus de permis de construire annulées par le présent arrêt ; que c'est donc à bon droit que le tribunal administratif de Bordeaux a seulement enjoint au maire de Cussac-Fort-Médoc de se prononcer ainsi sur ces demandes de permis de construire, dans un délai de deux mois à compter de la notification de son jugement ;

17. Considérant, en second lieu, que la demande de permis de construire que le maire de Cussac-Fort-Médoc a rejetée par une décision du 5 mai 2011 a été présentée, non par Mme C..., mais par MlleA..., qui était alors titulaire d'une promesse de vente sur le terrain d'assiette ; que Mlle A... a indiqué dans un mémoire adressé au tribunal administratif, dans le cadre de l'instance n° 1102763, qu'elle avait abandonné le projet de construction ayant fait l'objet du refus de permis de construire en litige en date du 5 mai 2011 ; que, par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n° 1102763, le tribunal administratif a rejeté ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de la commune de faire droit à la demande de permis de construire formée par Mlle A... ou, à tout le moins, de procéder à un nouvel examen de cette demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une quelconque somme à ce titre ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Cussac-Fort-Médoc une somme de 1 500 euros au titre des frais engagés par Mme C... et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes n°s 13BX02223 et 13BX02225 sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées par la voie de l'appel incident par Mme C..., tendant à ce qu'il soit enjoint au maire de la commune de Cussac-Fort-Médoc, à titre principal, de lui accorder les six permis de construire refusés par la décision du 5 mai 2011 et les décisions du 7 juillet 2011, et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de la demande de permis de construire présentée par Mlle A...le 8 mars 2011, sont rejetées.

Article 3 : La commune de Cussac-Fort-Médoc versera à Mme C... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cussac-Fort-Médoc et à MmeE... C....

Délibéré après l'audience du 28 mai 2015 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, président,

M. Paul-André Braud, premier conseiller,

Mme Sylvie Cherrier, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 25 juin 2015.

Le rapporteur,

Sylvie CHERRIERLe président,

Catherine GIRAULT

Le greffier,

Florence FAURE

La République mande et ordonne au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

Nos 13BX02223-13BX02225


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13BX02223
Date de la décision : 25/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: Mme Sylvie CHERRIER
Rapporteur public ?: Mme MEGE
Avocat(s) : BOISSY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/09/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2015-06-25;13bx02223 ?
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