LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 143-14 et R. 142-1 du code rural et de la pêche maritime ;
Attendu qu'il résulte de ces textes que la décision de rétrocession de parcelles acquises à l'amiable par une SAFER peut faire l'objet d'un recours par tout candidat à cette rétrocession ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 22 mai 2013), que la SAFER d'Alsace a rétrocédé à la commune d'Obernai une parcelle de terre qu'elle avait acquise à l'amiable ; que M. X..., soutenant s'être porté candidat à cette rétrocession, a sollicité l'annulation de cette décision ;
Attendu que pour accueillir cette demande, l'arrêt retient que M. X... a confirmé sa candidature en formulant lui-même une proposition de prix, mais que la SAFER ne justifie pas du prix demandé et que celle-ci ne peut lui dénier la qualité de candidat évincé alors qu'elle lui a notifié sa décision d'attribution en faisant expressément référence à sa candidature ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que M. X... ne s'était pas porté candidat au prix fixé par la SAFER, dont il exigeait une réduction, et que la notification de la décision de rétrocession à M. X... n'a pas eu pour effet de donner à celui-ci la qualité de candidat évincé, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 mai 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ; le condamne à payer à la SAFER d'Alsace la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre septembre deux mille quatorze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la SAFER d'Alsace
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré recevable la demande de M. Marc X... tendant à l'annulation de la décision de rétrocession de la Safer d'Alsace ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE sur la recevabilité de la demande, la Safer d'Alsace soutient que M. Marc X... est dépourvu de qualité à agir, faute de pouvoir être considéré comme un candidat évincé dans la mesure où il n'a pas accepté le prix proposé par elle ; qu'il échet toutefois de constater que si dans son courrier du 17 novembre 2008, M. Marc X... confirme sa candidature et sollicite des précisions quant à la composition du prix demandé formulant lui-même une proposition de prix, la Safer d'Alsace ne justifie toutefois pas du prix demandé par elle, s'abstenant de produire l'appel à candidature qu'elle devait préalablement publier conformément à l'article R 142-3 du code rural et la pêche maritime dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision querellée ; que la Safer d'Alsace ne peut en outre dénier à M. Marc X... la qualité de candidat évincé alors qu'elle lui a notifié sa décision d'attribution le 17 décembre 2008 en faisant expressément référence à sa candidature et en lui indiquant « nous sommes au regret de vous informer qu'après examen attentif, votre candidature n'a pu être retenue » ; que la fin de non-recevoir soulevée doit donc être rejetée ; qu'aucun moyen d'irrecevabilité ne peut être tiré de l'absence d'appel en cause de la commune d'Obernay dès lors qu'il ne s'agit pas de remettre en cause un acte de vente mais une décision prise de manière unilatérale par la Safer d'Alsace ; qu'il ne peut enfin être reproché à M. Marc X... de ne pas faire acte de candidature dès lors qu'il n'appartient pas au juge de se prononcer sur le choix de l'attributaire, la Safer d'Alsace étant tenue de reprendre la procédure d'attribution en cas d'annulation de la décision critiquée ; que le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a déclaré la demande recevable ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE conformément à l'article R142-4 du code rural et de la pêche maritime, pour effectuer les cessions et procéder à l'attribution par cession des biens visés par l'article L 142-1 dudit code, les Safer doivent rechercher des candidats, personne physique ou morale capables d'en assurer la gestion, la mise en valeur ou la préservation ou qui s'engagent à les louer à des preneurs qui répondent aux critères retenus ci-dessus ; que selon l'article L 142-1 du code précité, ces cessions peuvent être effectuées au profit de toute personne publique ou privée ; que pour se faire avant toute décision d'attribution et selon l'article L 142-3 dudit code, les Safer doivent procéder à la publication d'un appel de candidatures avec affichage à la mairie d'un avis comportant notamment la désignation sommaire du bien, sa superficie totale, le nom de la commune, celui du lieu-dit ou la référence cadastrale et la mention de la classification dans un document d'urbanisme s'il en existe ; que le texte ne précise aucune forme particulière concernant les candidatures ; que par ailleurs, la Safer d'Alsace ne justifie d'aucun cahier des charges imposé aux candidats notamment relatif aux prix de cession ; qu'enfin la Safer d'Alsace a régulièrement notifié sa décision de rétrocession à M. X... sans contester sa qualité de candidat et sans la motiver par un désaccord sur le prix d'acquisition ; que pour l'ensemble de ces motifs, la Safer d'Alsace ne peut utilement soutenir que M. X... n'avait pas la qualité de candidat du seul fait qu'il discutait le prix de cession ; que dès lors M. X... qui a la qualité de candidat a, de ce fait, qualité pour agir en contestation de la décision de rétrocession et que le moyen d'irrecevabilité invoqué par la Safer d'Alsace pour défaut de qualité à agir doit être rejeté ;
1) ALORS QUE celui qui se borne à solliciter des informations auprès d'une Safer en vue d'une acquisition ou se porte candidat à un prix qu'il détermine à sa convenance n'est pas candidat évincé à la rétrocession et n'a pas qualité à agir en contestation la décision prise par la Safer au profit d'un autre attributaire ; qu'en rejetant la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir de M. X... en annulation de la décision de rétrocession de la Safer, après avoir constaté que dans son courrier de candidature, M. X... sollicitait des précisions et formulait lui-même une proposition de prix, ce dont il résultait qu'il n'avait pas qualité pour agir, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L 143-14 et R 142-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime ;
2) ALORS QUE celui qui se porte candidat à un prix qu'il détermine à sa convenance n'est pas candidat évincé à la rétrocession et n'a pas qualité à agir en contestation de la décision prise par la Safer au profit d'un autre attributaire ; qu'en décidant que M. X... était recevable à contester la décision de rétrocession dans la mesure où la Safer lui avait indiqué avoir rejeté sa candidature après un examen attentif, la cour d'appel qui a statué par des motifs impropres à conférer à M. X... la qualité pour agir en annulation de la décision de rétrocession, a privé sa décision de base légale au regard des articles L 143-14 et R 142-1 et suivants du code rural et de la pêche maritime ;
3) ALORS QUE les juges du fond ne peuvent pas dénaturer les termes du litige tels qu'ils résultent des dernières conclusions des parties ; que dans ses conclusions, M. X... ne contestait pas la régularité de la procédure de publicité préalable à la rétrocession ayant conduit à l'attribution de la parcelle litigieuse à la commune d'Obernay et ne demandait pas davantage la production des avis d'appels à candidatures diffusés préalablement à sa contestation de la décision de rétrocession ; qu'en affirmant qu'à défaut de produire l'appel à candidature qu'elle devait préalablement publier, la Safer d'Alsace ne pouvait dénier à M. X... la qualité de candidat évincé, la cour d'appel qui a méconnu les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile ;
4) ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de l'absence de production par la Safer d'Alsace de la publication de l'appel à candidatures, sans avoir au préalable invité les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
5) ALORS en toute hypothèse QUE les appels à candidatures et publicités préalables à la rétrocession doivent comporter la désignation sommaire du bien, sa superficie totale, le nom de la commune, celui du lieudit ou la référence cadastrale et la mention de sa classification dans un document d'urbanisme, s'il en existe et préciser que des compléments d'information peuvent être obtenus auprès du siège de la Safer ; qu'en affirmant qu'à défaut de produire l'appel à candidature qu'elle devait préalablement publier, la Safer d'Alsace ne justifie pas du prix demandé par elle, quand le prix de rétrocession ne figure pas parmi les éléments devant être obligatoirement mentionnés dans l'appel à candidatures, la cour d'appel a violé l'article R 142-3 du code rural.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR prononcé l'annulation de la décision de rétrocession prise par la Safer d'Alsace le 16 décembre 2008 au profit de la commune d'Obernay concernant la parcelle sise à Obernay cadastrée « ilm tal » section 55 n° 31 d'une superficie de 6,71 ares ;
AUX MOTIFS QUE (...) conformément à l'article R142-4 du code rural et la pêche maritime, la Safer qui attribue un bien acquis à l'amiable informe les candidats non retenus des motifs qui ont déterminé son choix ; que la motivation de la décision doit être suffisamment explicite pour permettre au candidat évincé de vérifier la conformité des motifs énoncés avec les objectifs de la loi ; que le respect de cette obligation est sanctionnée par la nullité de la décision ; que le contrôle juridictionnel n'a pas pour objet d'apprécier l'opportunité du choix de l'attributaire mais la régularité de procédure suivie notamment de vérifier que la décision de rétrocession et motivée par rapport aux objectifs qui sont assignés aux Safer par l'article L 141-1 du code rural et de la pêche maritime ; que les missions dévolues aux Safer son ainsi définies par ce texte : l'amélioration des structures foncières par l'installation ou le maintien d'exploitants agricoles ou forestiers, par l'accroissement de la superficie de certaines exploitations agricoles ou forestières, par la mise en valeur des sols et éventuellement par l'aménagement et le remaniement parcellaire ; qu'en l'espèce, il convient de constater que la décision querellée et motivée par « l'intérêt général agricole. La parcelle concernée est contiguë à un îlot de terres AOC rétrocédé par la Safer d'Alsace à la ville » sans aucune référence expresse ni précise à aucun des objectifs susvisés ; que la seule référence à l'intérêt général agricole et au fait que la commune serait déjà rétrocessionnaire de parcelles voisines est insuffisante, en l'absence de tout autre précision et de toute référence explicite à l'objectif d'amélioration des structures parcellaires dont se prévaut la Safer d'Alsace pour justifier le choix de la commune et l'éviction corrélative de l'appelant ; qu'il y a donc lieu, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens soulevés, d'infirmer le jugement entrepris et de prononcer l'annulation de la décision de rétrocession prise par la Safer d'Alsace au profit de la commune d'Obernay concernant la parcelle sise à Obernay cadastrée « ilm tal » section 55 n° 31 d'une superficie de 6,71 ares ;
1) ALORS QUE lorsqu'elle attribue un bien acquis à l'amiable, la Safer est tenue simplement d'informer les candidats non retenus des motifs qui ont déterminé son choix ; qu'en considérant qu'à défaut de comporter une référence expresse et précise à l'un des objectifs visés à L 141-1 du code rural, une décision de rétrocession d'un bien acquis à l'amiable n'est pas suffisamment motivée, la cour d'appel qui a ajouté à la loi, une condition qu'elle ne comporte pas, a violé l'article R 142-4 du code rural et de la pêche maritime ;
2) ALORS QUE le contrôle juridictionnel de l'activité d'une Safer ne porte que sur la régularité de la décision de rétrocession et non sur son opportunité ; qu'ainsi, une Safer n'est pas tenue de justifier de l'éviction d'un candidat non retenu ; qu'en reprochant à la Safer d'Alsace de ne pas avoir justifié le choix de la commune d'Ornay et l'éviction corrélative de M. X..., la cour d'appel a violé R 142-4 du code rural et de la pêche maritime.