LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu les articles 2 et 22 de la loi dite « informatique et libertés » du 6 janvier 1978 et 9 du code civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a été engagée par la société Crédits finance conseils, devenue la société Finapole, en qualité d'assistante en charge de l'analyse financière des dossiers, à compter du 27 mars 2000 ; qu'ayant été convoquée par lettre du 2 décembre 2009 à un entretien préalable, la salariée a été licenciée pour cause réelle et sérieuse par lettre du 23 décembre 2009, l'employeur lui reprochant une utilisation excessive de la messagerie électronique à des fins personnelles ;
Attendu que pour dire le licenciement justifié par une cause réelle et sérieuse et rejeter les demandes de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour licenciement vexatoire formées par la salariée, l'arrêt retient que la déclaration tardive à la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) le 10 décembre 2009 de la mise en place d'un dispositif de contrôle individuel de l'importance et des flux des messageries électroniques n'a pas pour conséquence de rendre le système illicite ni davantage illicite l'utilisation des éléments obtenus et que le nombre extrêmement élevé de messages électroniques à caractère personnel envoyés et/ ou reçus par l'intéressée durant les mois d'octobre et novembre 2009, respectivement 607 et 621, qui ne peut être considéré comme un usage raisonnable dans le cadre des nécessités de la vie courante et quotidienne de l'outil informatique mis à sa disposition par l'employeur pour l'accomplissement de son travail, doit être tenu comme excessif et a eu un impact indéniablement négatif sur l'activité professionnelle déployée par la salariée durant la même période pour le compte de son employeur, celle-ci occupant une part très importante de son temps de travail à des occupations privées ;
Attendu cependant que constituent un moyen de preuve illicite les informations collectées par un système de traitement automatisé de données personnelles avant sa déclaration à la CNIL ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, en se fondant uniquement sur des éléments de preuve obtenus à l'aide d'un système de traitement automatisé d'informations personnelles avant qu'il ne soit déclaré à la CNIL, alors que l'illicéité d'un moyen de preuve doit entraîner son rejet des débats, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la salariée de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour licenciement vexatoire, l'arrêt rendu le 29 janvier 2013, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne la société Finapole aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit octobre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Il EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir dit le licenciement de Mme X... justifié par une cause réelle et sérieuse et d'avoir rejeté ses demandes en paiement de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et pour licenciement vexatoire ;
AUX MOTIFS QUE l'employeur a dès le 4 septembre 2009 lors d'une réunion du comité de direction, dont le compte rendu a été diffusé dès le 9 septembre suivant à l'ensemble des collaborateurs dont Mme X..., informé les salariés de son intention de mettre en oeuvre, pour mettre fin à l'abus par certains de l'usage du matériel de l'entreprise à des fins personnelles, des mesures de contrôle renforcées ; que ces mesures ont été portées à la connaissance des représentants du personnel le 29 septembre pour une mise en oeuvre à compter du 1er octobre suivant comme l'établit le compte rendu du comité d'entreprise du 11 décembre suivant alors que dans le même temps le directeur M. Z...a informé notamment dans son email du 29 octobre 2009 l'ensemble des salariés de ce que face à la persistance des abus de communications personnelles durant les heures de travail des sanctions seraient prises ; que Mme X... a été parfaitement informée, comme l'ensemble des salariés de la société, à la fois de l'encadrement strict des règles d'utilisation des moyens de communication (téléphonie et messagerie électronique), du refus de la direction de tolérer les abus commis dans leur utilisation à titre personnel mais également de la mise en place d'un dispositif de contrôle individuel de l'importance et des flux des messageries électroniques, la déclaration tardive à la CNIL le 10 décembre 2009 de l'installation de ce système n'ayant pas pour conséquence de rendre le système illicite ni davantage illicite l'utilisation des éléments obtenus, étant observé que les listings produits aux débats n'apportent aucune information sur le contenu des messages lui-même mais permettent uniquement d'établir le moment de leur envoi ou réception, leur destinataire ou expéditeur et l'objet figurant dans le titre ; que dans de telles conditions, les éléments de preuve obtenus par l'employeur par l'utilisation du système de contrôle précité permettant la constitution de listings récapitulatifs par salarié de messages électroniques émis et reçus par lui en utilisant le matériel et la messageries professionnels mis à disposition, qui ne constituent pas une atteinte aux libertés individuelles et au droit à la vie privée de Mme X... ne peuvent être considérés comme obtenus de manière illicite ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QUE les preuves fournies par l'employeur sont parfaitement licites notamment au regard des recommandations de la CNIL puisqu'elles ne portent que sur le nombre et la fréquence des messages personnels et non sur leur contenu ; que ces preuves sont incontestables notamment au vu de la répétition de certains numéros, de nombreuses fois sur la même journée ; que ce faisant, Mme X... n'a pas respecté les termes du règlement intérieur qui lui avait été remis ni les avertissements qu'elle avait reçus ;
ALORS QUE la mise en oeuvre d'un dispositif automatisé de contrôle individuel de la messagerie d'un salarié sans qu'ait été, au préalable, effectuée la déclaration à la commission nationale de l'informatique et des libertés exigée par l'article 22 de la loi du 6 janvier 1978 est illicite et rend illicite les éléments de preuve obtenus par ce dispositif ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé les dispositions précitées et l'article 9 du code de procédure civile ;