LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 29 novembre 2012), que, le 6 février 1999, M. X... a subi de graves dommages à l'oreille après avoir utilisé un interphone situé dans l'appartement qui lui avait été donné à bail en 1998 par la SCI Kilawara ; qu'ayant obtenu la condamnation du bailleur à réparer le préjudice subi, mais soutenant qu'il n'avait pu recouvrer la somme due, M. X... a fait assigner aux mêmes fins la société Sécu system's, fournisseur de l'interphone, la société Electro technique appliquée, installateur, en présence de la Mutuelle générale de l'éducation nationale ; que la société Sécu system's a appelé en garantie la société Noralsy, producteur de l'interphone, qui a, à son tour, appelé en garantie son assureur, la société Royal et Sun Alliance, puis la société Royal international insurance holding ;
Attendu que M. X... fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en réparation des conséquences dommageables de l'accident du 6 février 1999, alors, selon le moyen :
1°/ que la loi du 19 mai 1998 transposant la Directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 prévoit que ses dispositions ne portent pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité ; qu'en décidant cependant que la victime ne peut se prévaloir de la responsabilité extracontractuelle de droit commun contre le fabricant ayant manqué à une obligation de sécurité de résultat qu'à la condition d'établir que le dommage résulte d'une faute distincte du défaut de sécurité du produit, la cour d'appel a violé les articles 1382, 1383 et 1386-18 du code civil ;
2°/ que M. X... invoquait une faute distincte du défaut de sécurité affectant le produit et relative à l'installation de l'appareil litigieux ; qu'il concluait à la confirmation du jugement en ce que celui-ci avait relevé que le dommage qu'il avait subi trouvait son origine, d'une part, dans la conception de l'interphone, et d'autre part, dans l'installation de ce produit au moyen d'une ligne unique pour toute la cage d'escalier de l'immeuble, et avait retenu que le fait d'opter pour une ligne unique constituait une faute imputable à l'installateur, la société ETA, distincte de celle commise par le fabricant, la société Noralsy ; qu'en retenant que les dommages subis par M. X... résultent d'un défaut de l'interphone et qu'aucune des fautes imputées aux autres parties n'était distincte du défaut de sécurité du produit, sans s'expliquer, comme elle y était invitée, sur la distinction entre la production de l'interphone et son installation dans l'immeuble, et donc entre le caractère défectueux du produit et le défaut de l'installation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382, 1383 et 1386-1 et suivants du code civil ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt énonce exactement que, pour un produit qui, comme en l'espèce, a été mis en circulation après le 30 juillet 1988, date d'expiration du délai de transposition de la directive 85/374/CEE du Conseil, du 25 juillet 1985, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, et avant la date d'entrée en vigueur de la loi n° 98-389 du 19 mai 1998, transposant en droit français la Directive précitée, le droit interne applicable au présent litige doit être interprété à la lumière de cette dernière ; qu'il constate que, selon la Cour de justice de l'Union européenne, la Directive 85/374 ne laisse pas aux Etats membres la possibilité de maintenir un régime de responsabilité du fait des produits défectueux différent de celui que prévoit cette Directive ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, ainsi que de l'arrêt du 25 avril 2002, González Sánchez (C-183/00), aux termes duquel la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que la référence, à l'article 13 de la Directive 85/374, aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle doit être interprétée en ce sens que le régime mis en place par la Directive n'exclut pas l'application d'autres régimes de responsabilité contractuelle ou extracontractuelle reposant sur des fondements différents, tels que la garantie des vices cachés ou la faute, la cour d'appel a décidé à bon droit, après avoir relevé que M. X... fondait son action sur les dispositions de l'article 1382 du code civil, qu'il ne pouvait se prévaloir d'un régime de responsabilité distinct du régime de responsabilité du fait des produits défectueux que s'il établissait que le dommage subi résultait d'une faute distincte du défaut de sécurité du produit en cause ;
Attendu, d'autre part, qu'en retenant qu'il résultait des expertises judiciaires et des éléments contradictoirement débattus que le dommage subi par M. X... résultait directement d'un défaut de l'interphone fabriqué par la société Noralsy et qu'aucune des fautes imputées aux autres parties n'était distincte du défaut de sécurité de ce produit, la cour d'appel, devant laquelle M. X... admettait qu'en installant une ligne unique, la société ETA avait appliqué l'une des options du constructeur, laquelle constituait une erreur de conception, a légalement justifié sa décision ;
Que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix décembre deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Monod, Colin et Stoclet, avocat aux Conseils, pour M. X....
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté M. X... de toutes ses demandes dirigées contre les sociétés ETA, NORALSY et SECU SYSTEM'S, en réparation des conséquences dommageables de l'accident qu'il a subi le 6 février 1999 ;
AUX MOTIFS QUE la loi n° 98-389 du 19 mai 1998 est, en son article 22, déclarée applicable dans les territoires d'outre-mer et a été publiée au J.O.N.C. du 23 juin 1998 ; que pour les produits mis en circulation avant l'entrée en vigueur de cette loi mais après le 30 juillet 1988, date d'expiration du délai de transposition de la directive 85/374/CEE du Conseil du 25 juillet 1985 relative au rapprochement des dispositions des Etats membres en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, ce qui est le cas de l'interphone litigieux, le droit commun doit être interprété à la lumière de ladite directive ; que selon la CJCE, cette directive ne laisse pas aux Etats membres la possibilité de maintenir un régime de responsabilité du fait des produits défectueux différent de celui qu'elle prévoit, de sorte que la victime ne peut choisir le droit préexistant que si son action a un fondement différent de celui résultant de la loi de transposition ; qu'elle ne peut donc se prévaloir d'un régime distinct de celui de la responsabilité du fait des produits défectueux que si elle établit que le dommage résulte d'une faute distincte du défaut de sécurité du produit ; qu'il résulte des expertises et autres éléments du dossier que les dommages subis par M. X... résultent directement d'un défaut de l'interphone fabriqué par la société NORALSY et qu'aucune des fautes imputées aux autres parties n'est distincte du défaut de sécurité du produit ; que M. X... ne peut donc agir sur le fondement de la responsabilité délictuelle, même en se prévalant de prétendus manquements contractuels de l'installateur et du fournisseur de l'interphone ; que selon l'article 10 de la directive, l'action en réparation qu'elle prévoit se prescrit dans un délai de 3 ans à compter de la date à laquelle le plaignant a eu ou aurait dû avoir connaissance du dommage, du défaut et de l'identité du producteur ; que l'action engagée le 5 décembre 2007 par M. X... contre la société NORALSY est prescrite et que celles dirigées contre le fournisseur et l'installateur ne sont pas recevables ;
ALORS QUE la loi du 19 mai 1998 transposant la directive 85/374/CEE du 25 juillet 1985 prévoit que ses dispositions ne portent pas atteinte aux droits dont la victime d'un dommage peut se prévaloir au titre du droit de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité ; qu'en décidant cependant que la victime ne peut se prévaloir de la responsabilité extracontractuelle de droit commun contre le fabricant ayant manqué à une obligation de sécurité de résultat qu'à la condition d'établir que le dommage résulte d'une faute distincte du défaut de sécurité du produit, la cour d'appel a violé les articles 1382, 1383 et 1386-18 du code civil ;
ALORS en toute hypothèse QUE M. X... invoquait une faute distincte du défaut de sécurité affectant le produit et relative à l'installation de l'appareil litigieux ; qu'il concluait à la confirmation du jugement en ce que celui-ci avait relevé que le dommage qu'il avait subi trouvait son origine, d'une part, dans la conception de l'interphone, et d'autre part, dans l'installation de ce produit au moyen d'une ligne unique pour toute la cage d'escalier de l'immeuble, et avait retenu que le fait d'opter pour une ligne unique constituait une faute imputable à l'installateur, la société ETA, distincte de celle commise par le fabricant, la société NORALSY ; qu'en retenant que les dommages subis par M. X... résultent d'un défaut de l'interphone et qu'aucune des fautes imputées aux autres parties n'était distincte du défaut de sécurité du produit, sans s'expliquer, comme elle y était invitée, sur la distinction entre la production de l'interphone et son installation dans l'immeuble, et donc entre le caractère défectueux du produit et le défaut de l'installation, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382, 1383 et 1386-1 et suivants du code civil.