LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... (la caution) s'est rendu sous-caution par acte du 30 août 2006, puis caution par actes des 9 mai 2007 et 8 août 2008 envers la société BNP Paribas (la banque) de divers concours consentis à la société Fast and Serious (la société) dont il était le gérant ; que la banque a assigné en paiement la caution, qui a opposé la disproportion manifeste de ses biens et revenus à ses engagements et sollicité la déchéance de son droit aux intérêts contractuels ;
Sur le moyen unique, pris en ses trois premières branches :
Attendu que ce moyen ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ; Mais sur ce moyen, pris en sa quatrième branche :
Vu l'article 1315 du code civil et l'article L. 341-4 du code de la consommation ;
Attendu qu'il résulte de la combinaison de ces textes qu'il incombe au créancier professionnel qui entend se prévaloir d'un contrat de cautionnement manifestement disproportionné lors de sa conclusion aux biens et revenus de la caution, personne physique, d'établir qu'au moment où il l'appelle, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation ;
Attendu que pour condamner la caution à payer à la banque une certaine somme, après avoir constaté la disproportion de ses engagements souscrits les 9 mai 2007 et 8 août 2008, l'arrêt retient que celle-ci ne rapporte pas la preuve de sa situation financière au moment où elle a été appelée ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé les textes susvisés ; PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement entrepris du chef des condamnations prononcées au titre des engagements de caution des 9 mai 2007 et 8 août 2008, l'arrêt rendu le 31 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée ;
Condamne la société BNP Paribas aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 3 000 euros à M. X... et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier avril deux mille quatorze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat aux Conseils pour M. X...
M. X... fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à payer à la société BNP Paribas, au titre de l'engagement de caution du 8 mai en réalité du 8 août 2008, la somme de 44.770,11 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,459 % l'an du 18 décembre 2009 jusqu'au 31 mars 2011 et avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2011 avec capitalisation des intérêts échus pour une année entière en application de l'article 1154 du code civil à compter du 30 juin 2010, au titre de l'engagement de caution du 9 mai 2007, la somme de 12 000 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2010, et au titre de l'engagement de caution du 30 août 2006, la somme de 3 000 euros en principal avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2006 ;
AUX MOTIFS QUE sur le manquement au devoir de mise en garde pour deux des trois prêts cautionnés et la demande de dommages-et-intérêts, ne sont pas fondées à rechercher la responsabilité de l'établissement de crédit les cautions dites averties, notamment les dirigeants de l'entreprise bénéficiaire du crédit, qui, n'ont jamais prétendu ni démontré que le prêteur aurait eu, sur leurs revenus, leurs patrimoines et leurs facultés de remboursement raisonnablement prévisibles, en l'état du succès escompté de l'opération financée et entreprise, des informations que, par la suite de circonstances exceptionnelles, elles-mêmes auraient ignorées ; qu'en l'espèce, Pierre X... est gérant de la SARL Fast and Serious et ne rapporte pas la preuve ni qu'il était une caution profane, ni que la BNP Paribas disposait d'informations sur ses revenus et sur la situation financière de la SARL Fast and Serious que lui-même aurait ignorées ; qu'en effet, le seul fait que la société ait fait l'objet d'une procédure collective en février 2010, soit 18 mois après le dernier prêt consenti, n'établit pas que la banque avait des informations sur l'entreprise en août 2008 qui devaient nécessairement conduire à sa liquidation judiciaire ; que Pierre X... doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts ; que, sur l'absence de proportionnalité de l'engagement de caution au visa des articles L. 341-4 du code de la consommation et L. 650-1 du code de commerce, les dispositions de l'article L. 341-4 du code de la consommation selon lesquelles «un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment ou celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation», sont applicables aux cautionnements souscrits après l'entrée en vigueur de cet article issu de la loi n°2003-721 du 1er août 2003 publiée au JO du 5 août ; que cette disposition s'applique à toute caution personne physique ; qu'il importe peu qu'elle soit caution profane ou avertie ni qu'elle ait la qualité de dirigeant social ; que la sanction du caractère manifestement disproportionné de l'engagement de la caution est l'impossibilité pour le créancier de se prévaloir de cet engagement ; qu'il appartient à la caution de rapporter la preuve du caractère disproportionné de son engagement et de son incapacité à y faire face à la date où elle est appelée c'est-à-dire à la date des dernières conclusions déposées par la banque ; qu'en l'espèce, avant le premier engagement de sous-caution du 30 août 2008 en réalité, 2006 pour un montant de 3 600 euros qui a dû être ramené à 3 000 euros, il ne produit pas son avis d'imposition pour l'année 2005 mais il produit son avis d'imposition pour les années 2004 et 2006, années au cours desquelles il disposait d'un revenu de 9 637 à 9 950 euros ce qui représentait un endettement d'un tiers de ses revenus, ce qui ne caractérise pas un engagement manifestement disproportionné ; que, lors de son engagement du 9 mai 2007 pour 12 000 euros, il disposait d'un revenu salarié en 2006 de 9 950 euros mais également d'un compte courant créditeur d'associé dans la SARL Fast and Serious de 30 000 euros, comme en justifie la banque et ce qu'il ne conteste pas, soit un patrimoine de 39 950 euros pour un engagement total de 15 000 à 15 600 euros soit un endettement de 37, 5 % à 39 % ; que cet endettement présente un caractère manifestement disproportionné ; qu'enfin, lors de l'engagement de caution du 8 mai 2008 pour 60 490 euros, il a déclaré ses revenus auprès de la banque soit 24 000 euros de salaires annuels et 9 750 euros d'avoirs mobiliers ; que la banque y ajoute son compte courant créditeur de 30 000 euros et ses parts sociales au sein de la SARL Fast and Serious, soit plus de 63 750 euros face un engagement total de caution compris entre 75 490 euros et 76 090 euros, selon que l'on prend comme montant du premier cautionnement 3 000 euros ou 3 600 euros, soit environ 116 % d'endettement ; que, si le troisième engagement de caution apparaît également disproportionné, la cour constate que Pierre X... ne rapporte pas la preuve de sa situation financière en août 2012, lorsqu'il a été appelé par la BNP Paribas ; qu'il ne justifie pas de sa situation patrimoniale après 2008 ; que Pierre X... ne rapporte donc pas la preuve de la disproportion ; qu'il doit donc être débouté de sa demande ; que, sur la déchéance du droit aux intérêts liée au manquement au devoir d'information de la banque, l'article L. 313-22 du code monétaire et financier dispose que «les établissements de crédit ayant accordé un concours financier à une entreprise, sous la condition du cautionnement par une personne physique ou une personne morale, sont tenus au plus tard avant le 31 mars de chaque année de faire connaître à la caution le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente au titre de l'obligation bénéficiant de la caution, ainsi que le terme de cet engagement. Si l'engagement est à durée indéterminée, ils rappellent la faculté de révocation à tout moment et les conditions dans lesquelles celle-ci est exercée. Le défaut d'accomplissement de la formalité prévue à l'alinéa précédent emporte, dans les rapports entre la caution et l'établissement tenu à cette formalité, déchéance des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de communication de la nouvelle information. Les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette» ; qu'il appartient à l'établissement de crédit de rapporter la preuve qu'il a rempli son obligation ; mais qu'il lui incombe seulement de prouver qu'il a effectivement adressé à la caution l'information requise et non d'établir au surplus que la caution l'a effectivement reçue ; qu'en outre, il appartient à l'établissement de crédit de rapporter la preuve qu'il a rempli son obligation jusqu'à l'extinction de la dette ; que la cour d'appel relève que la BNP Paribas ne demande le paiement des intérêts contractuels que pour le prêt du 8 mai en réalité du 8 août 2008 et ce à compter du 18 décembre 2009 alors qu'elle produit les lettres d'information annuelle de la caution pour les années 2009 et 2010 ; qu'en revanche, elle ne produit pas les lettres d'information des années au plus tard les 31 mars 2011 et 2012 ; qu'elle sera déchue du droit aux intérêts au taux contractuel à compter du 1er avril 2011 ; que concernant les deux autres actes d'engagement de caution, la BNP Paribas ne sollicite que les intérêts au taux légal et ce, à compter du 30 juin 2010 pour le cautionnement du 30 août 2006 et à compter du 6 avril 2010 pour le cautionnement du 9 mai 2007 ; qu'il y a lieu de faire droit à ces demandes ; qu'en définitive, la cour d'appel condamne Pierre X... à verser à la BNP Paribas au titre de : - l'engagement de sous-cautionnement du 30 août 2006, la somme de 3 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 juin 2006, - l'engagement de caution du 9 mai 2007, la somme de 12 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 avril 2010, - l'engagement de caution du 8 mai en réalité, du 8 août 2008, la somme de 44 770,11 euros avec intérêts au taux contractuel de 5, 459 % l'an du 18 décembre 2009 jusqu'au 31 mars 2011 et avec intérêts au taux légal à compter du 1er avril 2011 et la cour ordonne la capitalisation des intérêts échus pour une année entière en application de l'article 1154 du code civil à compter de la première demande soit le 30 juin 2010 ;
1°/ ALORS QU'il appartient au créancier d'établir que la caution peut être considérée comme avertie et qu'il n'est tenu à son égard d'aucun devoir de mise en garde ; que la cour d'appel qui, pour débouter M. X... de sa demande de dommages-et-intérêts, s'est fondée sur la circonstance que ce dernier ne rapportait pas la preuve qu'il était une caution profane, a inversé la charge de la preuve et ainsi violé les article 1315 et 1147 du code civil ;
2°/ ALORS QUE la qualité de caution avertie s'apprécie in concreto, au regard des circonstances de l'espèce, de sorte que le juge ne peut, pour débouter la caution de sa demande de dommages et intérêts au titre du manquement du créancier à son devoir de mise en garde, se fonder sur la seule circonstance que cette dernière dirige la société cautionnée ; que la cour d'appel qui, pour débouter M. X... de sa demande de dommages-et-intérêts, s'est bornée à relever que ce dernier était le gérant de la société Fast and Serious sans rechercher concrètement, notamment au regard de son expérience et de son domaine d'activité, si celui-ci pouvait être considéré comme d'ores et déjà averti des risques que lui faisaient courir ses engagements de caution, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
3°/ ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevé d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; que la cour en retenant, pour condamner M. X... à exécuter ses engagements de caution après avoir constaté qu'ils étaient manifestement disproportionnées à ses biens et revenus au jour de leur conclusion, qu'il ne rapportait pas la preuve de sa situation financière lors de l'appel en garantie, s'est fondée d'office sur le moyen tiré du retour à meilleure fortune de la caution sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur ce point et a ainsi violé l'article 16 du code de procédure civile ;
4°/ ALORS QU' il appartient au créancier qui a fait souscrire à la caution un engagement manifestement disproportionné, lors de sa conclusion, à ses biens et revenus d'établir, pour échapper à la sanction prévue par l'article L. 341-4 du code de la consommation, qu'en dépit de la disproportion initiale de l'engagement, la caution est en mesure d'y faire face au jour de l'appel en garantie ; que la cour d'appel qui, après avoir constaté que deux des trois engagements souscrits par M. X... étaient, lors de leur conclusion, manifestement disproportionnés à ses biens et revenus, s'est fondée, pour condamner la caution à exécuter ces engagements, sur la circonstance que celle-ci ne rapportait pas la preuve de sa situation financière lors de l'appel en garantie, a inversé la charge de la preuve et violé les articles 1315 du code civil et L. 341-4 du code de la consommation ;
5°/ ALORS QUE le défaut d'information de la caution, avant le 31 mars de chaque année, sur le montant du principal et des intérêts, commissions, frais et accessoires restant à courir au 31 décembre de l'année précédente, emporte déchéance pour le créancier des intérêts échus depuis la précédente information jusqu'à la date de la communication de la nouvelle information ; que la cour en prononçant la déchéance des intérêts à compter du 1er avril 2011 tout en relevant pourtant que la banque ne produisait pas les lettres d'information des années au plus tard les 31 mars 2011 et 2012,n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que la banque était déchue des intérêts au titre de l'année 2010, violant ainsi l'article L. 313-22 du code monétaire et financier.