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08/07/2014 | FRANCE | N°12VE04103

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 08 juillet 2014, 12VE04103


Vu la requête, enregistrée le 3 décembre 2012, présentée pour la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENTRE OUEST, dont le siège est 29 boulevard de Vanteaux à Limoges (87000), par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENTRE OUEST demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1104694 du 4 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir constaté un non-lieu à statuer partiel, a rejeté le surplus de sa demande tendant à la réduction des co

tisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au...

Vu la requête, enregistrée le 3 décembre 2012, présentée pour la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENTRE OUEST, dont le siège est 29 boulevard de Vanteaux à Limoges (87000), par la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation ; la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENTRE OUEST demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1104694 du 4 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir constaté un non-lieu à statuer partiel, a rejeté le surplus de sa demande tendant à la réduction des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005, 2006 et 2007 ;

2° de prononcer la réduction des impositions contestées ;

3° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

Elle soutient que :

- c'est à tort que le tribunal a estimé que le quantum de ses conclusions qui excédait la somme de 1 664 150 euros était irrecevable, dès lors qu'elle a effectivement contesté dans sa réclamation des impositions qui, une fois corrigées des erreurs matérielles, s'élevaient à 1 705 172 euros ;

- le tribunal a insuffisamment motivé son jugement en se bornant à affirmer que les dispositions de l'article 38 quater de l'annexe III au code général des impôts n'impliquent pas une concordance nécessaire entre les règles comptables et les règles applicables pour l'assiette de l'impôt et faute d'avoir identifié le texte fiscal qui ferait obstacle à l'application de la norme comptable qu'elle invoquait ;

- le tribunal lui a opposé le moyen tiré de ce que les pertes associées aux provisions n'étaient pas probables au sens du 5° de l'article 39 du code général des impôts, moyen qui ne ressortait pas des écritures en défense et qui n'était pas susceptible d'être relevé d'office, sans l'avoir invitée préalablement à formuler ses observations ;

- il y a lieu, en vertu des dispositions de l'article 38 quater de l'annexe III au code général des impôts, de faire application des règles comptables issues du règlement n° 2002-03 du 12 décembre 2002 du Comité de la réglementation comptable, qui prévoient le calcul des provisions pour actualisation des pertes sur créances douteuses et pour décote sur prêts restructurés ;

- l'administration fiscale ne conteste pas que les pertes associées aux provisions en litige étaient probables au sens des dispositions du 5° du 1. de l'article 39 du code général des impôts ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu l'arrêté du 27 décembre 2002 portant homologation des règlements nos 2002-01, 2002-02, 2002-03, 2002-04, 2002-05, 2002-09, 2002-10, 2002-12 et 2002-13 du Comité de la règlementation comptable ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mai 2014 :

- le rapport de M. Tar, premier conseiller,

- les conclusions de M. Locatelli, rapporteur public,

- et les observations de Me A... pour la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENTRE OUEST ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 2 juin 2014, présentée pour la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENTRE OUEST ;

1. Considérant que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENTRE OUEST fait appel du jugement du 4 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir constaté un non-lieu à statuer partiel, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la réduction des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2005, 2006 et 2007 au motif qu'elle aurait été en droit de déduire de ses résultats imposables des provisions relatives à l'actualisation des pertes prévisionnelles sur les créances douteuses et à la décote sur les prêts restructurés ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, d'une part, qu'il appartient au juge administratif de se prononcer sur le bien-fondé des moyens dont il est saisi et, le cas échéant, d'écarter de lui-même, quelle que soit l'argumentation du défendeur, un moyen qui lui paraît infondé, au vu de l'argumentation présentée par le requérant ; qu'ainsi, alors que, d'une part, le Tribunal administratif de Montreuil était saisi du moyen tiré de ce que les dépréciations avaient été calculées selon les prévisions du règlement établi par le Comité de la réglementation comptable n° 2002-03 du 12 décembre 2002 relatif au traitement comptable du risque de crédit dans les entreprises relevant du Comité de la réglementation bancaire et financière, et que, d'autre part, l'administration fiscale avait affirmé en défense que " si l'article 39-1-5° du code précité ne s'attache pas à la notion d'engagement, il rend nécessaire la survenance du fait générateur du risque ", il appartenait aux premiers juges de se prononcer sur le respect de la condition de probabilité de la perte ou de la charge à la clôture de l'exercice pour l'application du 5° du 1. de l'article 39 du code général des impôts ; qu'ainsi, en le faisant, le Tribunal administratif de Montreuil n'a pas relevé d'office un moyen qu'il aurait été tenu de communiquer aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

3. Considérant, d'autre part, que les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement s'agissant du moyen tiré de la violation des dispositions de l'article 38 quater du code général des impôts en affirmant que ces dispositions n'impliquent pas une concordance nécessaire entre les règles comptables et les règles applicables pour l'assiette de l'impôt ;

4. Considérant, en revanche, que le jugement attaqué, après avoir, dans ses motifs, relevé que les conclusions à fin de réduction des cotisations initiales d'impôt sur les sociétés de la requérante étaient irrecevables en tant qu'elles excédaient le montant de 1 664 150 euros, ne les a pas rejetées comme telles dans son dispositif mais a prononcé, à tort, un non-lieu à statuer sur celles-ci ; qu'ainsi, le jugement attaqué doit être annulé en tant qu'il ne statue pas sur ces conclusions ;

5. Considérant qu'il y a lieu dès lors pour la Cour de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions de la demande de la requérante en tant qu'elles excèdent le montant de 1 664 150 euros et, par l'effet dévolutif, s'agissant de ses conclusions qui sont incluses dans ce quantum ;

Sur le fond :

Sans qu'il y ait besoin de se prononcer, par la voie de l'évocation, sur la fin de

non-recevoir partielle opposée en première instance aux conclusions de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENTRE OUEST en tant qu'elles excèdent la somme de 1 664 150 euros ;

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

6. Considérant qu'aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que les évènements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges auxquelles ne peut être, en aucun cas, assimilé un manque à gagner, soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une précision suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise ; qu'en outre, en ce qui concerne les provisions pour charges, elles ne peuvent être déduites au titre d'un exercice que si se trouvent comptabilisés, au titre du même exercice, les produits afférents à ces charges et, en ce qui concerne les provisions pour perte, elles ne peuvent être déduites que si la perspective de cette perte se trouve établie par la comparaison, pour une opération ou un ensemble d'opérations suffisamment homogène, entre les coûts à supporter et les recettes escomptées ;

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société requérante a procédé, d'une part, à la restructuration de prêts, à savoir l'adaptation des conditions initiales du prêt, du fait de l'incapacité du débiteur à honorer ces conditions, au moyen d'abandons partiels en capital ou intérêts et de la réduction du taux d'intérêt initial et, d'autre part, à la comptabilisation de pertes résultant d'encours douteux provenant de la constatation du caractère probable de l'hypothèse qu'elle ne pourrait pas percevoir tout ou partie des sommes dues par le débiteur aux termes du contrat de prêt ; que, dans l'un et l'autre cas, les pertes constatées par la société requérante n'ont pas été remises en cause par l'administration fiscale ;

8. Considérant qu'en pareil cas, le règlement établi par le Comité de la réglementation comptable n° 2002-03 du 12 décembre 2002 approuvé par l'arrêté du 27 décembre 2002 susvisé prévoit, outre ces pertes, la comptabilisation, s'agissant des encours douteux, des dépréciations correspondant, en valeur actualisée, à l'ensemble de ses pertes prévisionnelles au titre des encours douteux et, s'agissant des prêts restructurés, d'une décote d'un montant égal à l'écart entre l'actualisation des flux contractuels initialement attendus et l'actualisation des flux attendus de capital et d'intérêts issus de la restructuration ; que la société requérante revendique la déduction de son bénéfice imposable, outre des pertes résultant de la restructuration et des provisions pour créances douteuses, de provisions correspondant à l'actualisation des flux futurs dont elle attend le recouvrement après ces opérations ;

9. Considérant, toutefois, que la méthode de calcul des provisions litigieuses, tant pour ce qui est des pertes provisionnelles que pour les prêts restructurés, consiste telle qu'elle a été confirmée par la caisse dans sa note en délibéré à augmenter les provisions correspondant aux pertes résultant de la restructuration des prêts ou de la différence entre le capital restant dû et le montant susceptible d'être recouvré à terme par la banque requérante, du montant des intérêts que la banque aurait encaissé, au dernier taux contractuel, pour la durée du prêt restructuré restant à courir ou jusqu'au recouvrement de la garantie couvrant la créance douteuse, puis à comptabiliser en produits financiers, année après année, le montant de ces intérêts, jusqu'au dénouement du prêt restructuré ou au recouvrement de la garantie couvrant la créance douteuse ; que les provisions, ainsi calculées, doivent être regardées comme étant constituées pour faire face, non à des pertes ou charges probables à la clôture de l'exercice au sens des dispositions du 5° du 1. de l'article 39 du code général des impôts, mais à un manque à gagner d'intérêts futurs lesquels ne sont comptabilisés progressivement en tant que produits qu'au fur et à mesure de l'exécution du contrat conformément au a du 2 bis de l'article 38 du code général des impôts, manque à gagner qui ne saurait donner lieu, par principe, à la constatation d'une provision ;

10. Considérant la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENTRE OUEST se prévaut également des termes de l'article 38 quater de l'annexe III au code général des impôts selon lequel : " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt " ; que, toutefois, si le règlement établi par le Comité de la réglementation comptable n° 2002-03 du 12 décembre 2002 relatif au traitement comptable du risque de crédit dans les entreprises relevant du Comité de la réglementation bancaire et financière prévoit effectivement de calculer la dépréciation des créances bancaires relevant des pertes prévisionnelles et des prêts restructurés de la manière retenue par la requérante, les dispositions précitées n'ont ni pour objet, ni pour effet de rendre une telle dépréciation déductible du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés, alors que, comme il a été dit plus haut, cette dépréciation ne peut être regardée comme une provision pour perte ou charge déductible au sens des dispositions précitées du 5° du 1. de l'article 39 du code général des impôts ainsi que le fait valoir le ministre en défense ;

11. Considérant, enfin, que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENTRE OUEST ne saurait faire valoir utilement que le droit fiscal admet de plus en plus fréquemment la prise en compte de l'actualisation des créances ainsi que l'illustrent les dispositions de l'article 38 bis B et de l'article 244 quater V du code général des impôts, s'agissant de dispositions inapplicables aux provisions ;

En ce qui concerne l'interprétation administrative de la loi fiscale :

12. Considérant que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENTRE OUEST ne peut utilement invoquer sur le fondement de l'article L. 80 A du live des procédures fiscales ni l'instruction 4 A-13-05 du 30 décembre 2005, dont les termes ne comprennent aucune interprétation de la loi fiscale contraire à celle dont il a été fait application ci-dessus, ni le commentaire publié le 12 septembre 2012 au Bulletin officiel des finances publiques-impôts (BOFIP) sous la référence BOI-BIC-PROV-60-100-20-20120912, paragraphe 100, qui traite des coûts futurs envisagés au titre du démantèlement d'une installation et non de prêts bancaires, ni l'instruction 4 B-2-04 du 30 juillet 2004, qui ne traite pas des provisions mais des règles de rattachement des intérêts afférents à des créances déclassées dans la catégorie des encours douteux compromis, ni le commentaire publié le 12 septembre 2012 au Bulletin officiel des finances publiques-impôts (BOFIP) sous la référence BOI-BIC-PDSTK-10-20-80-20-20-20120912, qui commente non les dispositions légales précitées mais le régime fiscal des titres de placement et d'investissement défini par les dispositions de l'article 38 bis B du code général des impôts ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENTRE OUEST n'est ni fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions à hauteur de 1 664 150 euros, ni fondée à demander la décharge des impositions sur lesquelles ce tribunal a omis de statuer ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, verse à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENTRE OUEST la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1104694 du Tribunal administratif de Montreuil du 4 octobre 2012 est annulé en tant qu'il n'a pas statué sur les conclusions de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENTRE OUEST qui excédaient le quantum de 1 664 150 euros.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENTRE OUEST qui excédent le quantum de 1 664 150 euros et les conclusions de sa requête devant la Cour qui sont inclues dans ce quantum sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DU CENTRE OUEST tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 12VE04103 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE04103
Date de la décision : 08/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Gabriel TAR
Rapporteur public ?: M. LOCATELLI
Avocat(s) : SCP WAQUET FARGE HAZAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2014-07-08;12ve04103 ?
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