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19/12/2013 | FRANCE | N°12VE04004

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 19 décembre 2013, 12VE04004


Vu, la requête enregistrée le 4 décembre 2012, présentée pour M. B...A...demeurant..., par Me Planchat, avocat ;

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805103 en date du 2 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittée au titre de la période des années 1990 à 2007 ;

2°) de prononcer la restitution correspondante ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de ju

stice administrative ;

Il soutient que :

- la taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acqui...

Vu, la requête enregistrée le 4 décembre 2012, présentée pour M. B...A...demeurant..., par Me Planchat, avocat ;

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805103 en date du 2 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittée au titre de la période des années 1990 à 2007 ;

2°) de prononcer la restitution correspondante ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittée au titre des années 1990 à 2007 correspond à une créance au sens de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le principe de neutralité fiscale doit s'appliquer à l'espèce et le statut professionnel ne doit pas être pris en compte ; qu'à cet égard, depuis une jurisprudence Barel du 16 avril 2010, le Conseil d'Etat a formulé le principe selon lequel le juge de l'impôt est tenu de rechercher si les actes d'ostéopathie accomplis par un ostéopathe qui exerçait son activité en dehors de tout cadre légal, pouvait être regardé comme de qualité équivalente à ceux dispensés par des praticiens bénéficiant, en vertu de la réglementation française, de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- l'obtention du titre d'ostéopathe suffit à justifier l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée litigieuse, pour la période antérieure au 27 décembre 2007 ;

- en lui délivrant en 2008 le titre d'ostéopathe, le préfet de région lui a reconnu un niveau de formation en ostéopathie équivalent à celui exigé par la nouvelle réglementation ;

- la taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamée n'a pas été répercutée au patient, lui occasionnant un préjudice personnel à raison du paiement de ladite taxe ;

- le délai de réclamation mentionné à l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales constitue une ingérence disproportionnée au regard des stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en raison du délai particulièrement court qui lui était laissé et qui ne lui permettait pas d'obtenir gain de cause ;

- les dispositions de l'article R. 421-5 du code de justice administrative indiquent que l'absence de mention sur l'avis d'imposition que l'administration adresse au contribuable de l'existence et du caractère obligatoire de la réclamation contre les impositions prévues à l'article R. 190-1 du livre des procédures fiscales, ainsi que des délais dans lesquels le contribuable doit exercer cette réclamation est de nature à faire obstacle à ce que les délais prévus aux articles R. 190-1 et R. 196-3 du même livre soient opposables au contribuable ; que lesdites voies et délais de recours prévus à l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales ne figurant pas sur ses formulaires de déclarations souscrites au titre des années en litige, les délais de recours de l'article R. 196-1 ne peuvent lui être opposés ;

- si la sixième directive renvoie au droit national s'agissant de la définition des professions médicales et paramédicales dont les prestations sont exonérées de taxe sur la valeur ajoutée, la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE) a rappelé que les Etats membres doivent respecter, d'une part, l'objectif poursuivi par cette directive qui est de garantir que l'exonération s'applique aux prestations fournies par des personnes possédant les qualifications professionnelles requises et, d'autre part, le principe de neutralité fiscale dont il résulte que le critère de la qualité du soin doit être évalué au regard de la formation professionnelle des prestataires et non de l'appartenance à une profession de santé ; que s'agissant des actes d'ostéopathie, l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée doit s'appliquer aux non professionnels de santé dès lors que leur qualification en ostéopathie est équivalente à celle d'un professionnel de santé ; que l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 réglemente la profession d'ostéopathe ; que le décret du 25 mars 2007 prévoit que l'autorisation d'user d'un titre d'ostéopathe est délivrée aux ostéopathes en exercice si les conditions de formation sont équivalentes à celles prévues par les nouveaux textes ; qu'un praticien ayant obtenu cette autorisation a une formation spécifique en ostéopathie équivalente à 1 225 heures d'enseignements théoriques et pratiques, soit une formation supérieure à celle suivie par un médecin titulaire d'un diplôme interuniversitaire ; qu'il en résulte que la formation en ostéopathie de ces praticiens doit être considérée comme équivalente au sens de la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes dès lors que le titre d'ostéopathe leur a été délivré et que, par suite, ils doivent bénéficier de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée nonobstant le fait qu'ils ne soient ni médecins, ni kinésithérapeutes ; que tel est le cas de l'exposant, qui a obtenu en 2008 l'autorisation définitive d'user du titre d'ostéopathe par la préfecture de région ; qu'il s'en suit qu'il peut faire état, pour la période des années 1990 à 2007, d'une formation équivalente à celle prévue par l'article 2 du décret du 25 mars 2007 ; que les actes qu'il a délivrés doivent donc être considérés comme d'un niveau équivalent à celui des médecins ou masseurs-kinésithérapeutes ; qu'il ne pouvait, en outre, considérer que l'exposant n'avait produit aucun élément de nature à établir la nature des actes réalisés sous la dénomination d'actes d'ostéopathie dès lors qu'il a fourni, dans les dossiers déposés à la direction régionale des affaires sanitaires et sociales pour l'obtention du titre d'ostéopathe, un descriptif détaillé de son activité professionnelle ; que l'analyse de cette activité a été faite par le préfet de région après avis d'une commission ; qu'en lui délivrant le titre d'ostéopathe, le préfet a estimé que cette activité était conforme à la loi du 4 mars 2002 et à ses décrets d'application de mars 2007 ; que l'administration n'a produit aucun élément de nature à établir que l'exposant aurait modifié son activité au cours des années 1990 à 2007 ;

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la 6ème directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu le décret n° 2007-435 du 25 mars 2007 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de l'ostéopathie ;

Vu le décret n° 2007-437 du 25 mars 2007 relatif à la formation des ostéopathes et à l'agrément des établissements de formation ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 décembre 2013 :

- le rapport de Mme Van Muylder, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Garrec, rapporteur public ;

1. Considérant que M.A..., qui exerce l'activité d'ostéopathe, a demandé,

le 5 novembre 2007, la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'il a spontanément acquittée au titre de la période des années 1990 à 2007, en estimant pouvoir bénéficier des dispositions de l'article 261 du code général des impôts relatives à l'exonération de cette taxe ; que M. A... relève appel du jugement en date du 2 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée qu'il a acquittée au titre de ladite période ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. / Il en est de même lorsqu'une imposition a été établie d'après les bases indiquées dans la déclaration souscrite par un contribuable (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'un contribuable ne peut obtenir la restitution de droits de taxe sur la valeur ajoutée qu'il a déclarés et spontanément acquittés conformément à ses déclarations qu'à la condition d'en établir le mal-fondé ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 13, A, paragraphe 1 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires : " Sans préjudice d'autres dispositions communautaires, les États membres exonèrent, dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion et abus éventuels : / (...) c) les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'État membre concerné (... ) " ; qu'en vertu du 1° du 4 de l'article 261 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige, sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : " Les soins dispensés aux personnes par les membres des professions médicales et paramédicales réglementées (...) " ; qu'en limitant l'exonération qu'elles prévoient aux soins dispensés par les membres des professions médicales et paramédicales soumises à réglementation, ces dispositions ne méconnaissent pas l'objectif poursuivi par l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de la sixième directive, précité, qui est de garantir que l'exonération s'applique uniquement aux prestations de soins à la personne fournies par des prestataires possédant les qualifications professionnelles requises ; qu'en effet, la directive renvoie à la réglementation interne des États membres la définition de la notion de professions paramédicales, des qualifications requises pour exercer ces professions et des activités spécifiques de soins à la personne qui relèvent de telles professions ;

4. Considérant toutefois que, conformément à l'interprétation des dispositions de la sixième directive qui résulte de l'arrêt rendu le 27 avril 2006 par la Cour de justice des Communautés européennes dans les affaires C-443/04 et C-444/04, l'exclusion d'une profession ou d'une activité spécifique de soins à la personne de la définition des professions paramédicales retenue par la réglementation nationale aux fins de l'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée prévue à l'article 13, A, paragraphe 1, sous c) de cette directive serait contraire au principe de neutralité fiscale inhérent au système commun de taxe sur la valeur ajoutée s'il pouvait être démontré que les personnes exerçant cette profession ou cette activité disposent, pour la fourniture de telles prestations de soins, de qualifications professionnelles propres à assurer à ces prestations un niveau de qualité équivalent à celles fournies par des personnes bénéficiant, en vertu de la réglementation nationale, de l'exonération ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dans sa version applicable au présent litige : " L'usage professionnel du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur est réservé aux personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation spécifique à l'ostéopathie ou à la chiropraxie délivrée par un établissement de formation agréé par le ministre chargé de la santé dans des conditions fixées par décret. Le programme et la durée des études préparatoires et des épreuves après lesquelles peut être délivré ce diplôme sont fixés par voie réglementaire. (...) / Les praticiens en exercice, à la date d'application de la présente loi, peuvent se voir reconnaître le titre d'ostéopathe ou de chiropracteur s'ils satisfont à des conditions de formation ou d'expérience professionnelle analogues à celles des titulaires du diplôme mentionné au premier alinéa. Ces conditions sont déterminées par décret. (...) / Un décret établit la liste des actes que les praticiens justifiant du titre d'ostéopathe ou de chiropracteur sont autorisés à effectuer, ainsi que les conditions dans lesquelles ils sont appelés à les accomplir. / Ces praticiens ne peuvent exercer leur profession que s'ils sont inscrits sur une liste dressée par le représentant de l'Etat dans le département de leur résidence professionnelle, qui enregistre leurs diplômes, certificats, titres ou autorisations " ;

6. Considérant que le décret n° 2007-435 du 25 mars 2007 relatif aux actes et aux conditions d'exercice de l'ostéopathie et le décret n° 2007-437 du même jour relatif à la formation des ostéopathes et à l'agrément des établissements de formation, pris pour l'application de cet article, n'ont été publiés que le 27 mars 2007 ; qu'ainsi, durant la période du 1er janvier 2006 au 27 mars 2007, les actes d'ostéopathie ne pouvaient être pratiqués que par les docteurs en médecine et, pour certains actes, sur prescription médicale, par les masseurs-kinésithérapeutes, en vertu de la réglementation de leur profession, notamment des articles R. 4321-5 et R. 4321-7 du code de la santé publique, tandis pour la période postérieure au 28 mars 2007, le décret n° 2007-435 mentionné ci-dessus interdisait certains actes d'ostéopathie aux praticiens justifiant d'un titre d'ostéopathe et en soumettait d'autres à un diagnostic médical préalable ;

7. Considérant qu'il appartient à M.A..., pour mettre le juge à même de s'assurer que la condition tenant à la qualité des actes était remplie, de produire, d'une part, et sous réserve de l'occultation des noms des patients, des éléments relatifs à sa pratique permettant d'appréhender, sur une période significative, la nature des actes accomplis et les conditions dans lesquelles ils l'ont été et, d'autre part, tous éléments utiles relatifs à ses qualifications professionnelles ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A...ne produit pas plus en appel que devant les premiers juges d'éléments attestant, de manière suffisante, la qualité de la formation qu'il a suivie et du diplôme qu'il a obtenu ; qu'il n'apporte pas davantage de précisions permettant au juge de se prononcer sur la nature des actes accomplis et les conditions dans lesquelles ils ont été effectués, ainsi que d'éléments permettant, sur une période significative d'au moins deux mois, de s'assurer que ces actes n'étaient pas interdits ou n'avaient pas été accomplis sans avis médical préalable lorsque celui-ci était requis ; qu'en ne produisant aucun élément relatif à sa pratique au cours des années 1990 à 2007, M. A...n'établit pas que les actes d'ostéopathie qu'il a accomplis au cours de la période litigieuse puissent être regardés comme d'une qualité équivalente à ceux qui, s'ils avaient été effectués par un médecin pratiquant l'ostéopathie, auraient été exonérés de taxe sur la valeur ajoutée ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté les conclusions de sa demande à fin de restitution ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

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N° 12VE04004


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE04004
Date de la décision : 19/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée. Exemptions et exonérations.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: Mme Céline VAN MUYLDER
Rapporteur public ?: Mme GARREC
Avocat(s) : CABINET NATAF et PLANCHAT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-12-19;12ve04004 ?
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