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04/03/2014 | FRANCE | N°12VE03030

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 04 mars 2014, 12VE03030


Vu le recours, enregistré le 8 août 2012, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES, qui demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0811562 en date du 13 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la société Universities Superannuation Scheme Ltd, au nom du fonds de pension Universities Superannuation Scheme, le remboursement des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française perçus par ce fonds au cours de l'année 2005 ;

2° de remettre à la charge de la société les impositions en litige

;

Il soutient que :

- les dividendes perçus par les caisses de retraite et d...

Vu le recours, enregistré le 8 août 2012, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES, qui demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 0811562 en date du 13 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la société Universities Superannuation Scheme Ltd, au nom du fonds de pension Universities Superannuation Scheme, le remboursement des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française perçus par ce fonds au cours de l'année 2005 ;

2° de remettre à la charge de la société les impositions en litige ;

Il soutient que :

- les dividendes perçus par les caisses de retraite et de prévoyance françaises ne sont exonérés d'impôt sur les sociétés que dans l'hypothèse où ces caisses sont reconnues comme des organismes à but non lucratif au sens du 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts ;

- l'application des conditions prévues par ces dispositions ne méconnaît pas le principe de la libre circulation des capitaux, qui ne fait pas obstacle à ce que chaque Etat-membre fixe ses propres critères de non lucrativité ;

- le fonds géré par la société Universities Superannuation Scheme Ltd ne respecte pas les conditions de gestion désintéressée fixées par le droit français pour pouvoir être qualifié d'organisme sans but lucratif, dès lors que les dirigeants de ce fonds, soit treize personnes, perçoivent une rémunération largement supérieure aux trois quarts du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), alors qu'il résulte des dispositions du 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts et de l'article 242 C de l'annexe II à ce code qu'en aucun cas, un organisme qui fait l'objet d'une gestion désintéressée ne peut rémunérer plus de trois dirigeants au-delà de trois quarts du SMIC quel que soit le montant de ses ressources propres ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 février 2014 :

- le rapport de M. Tar, premier conseiller,

- les conclusions de M. Locatelli, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour la société Universities Superannuation Scheme Ltd ;

1. Considérant que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES fait appel du jugement du 13 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la société britannique Universities Superannuation Scheme Ltd, agissant au nom du fonds de pension du même nom, le remboursement des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française perçus par le fonds au cours de l'année 2005, au motif que ces retenues étaient constitutives d'une discrimination contraire à la libre circulation des capitaux garantie par l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne ;

2. Considérant, d'une part, que, selon le 1 de l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites. " ; qu'aux termes de l'article 58 du même traité, devenu l'article 65 du traité qui lui a succédé : " 1. L'article 56 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les États membres : a. d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis ; b. de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale (...) 3. Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l'article 56 " ; que si ces stipulations n'imposent pas aux Etats membres qu'un organisme reconnu sans but lucratif dans son Etat membre d'origine bénéficie automatiquement de la même reconnaissance sur leur territoire, le pouvoir d'appréciation dont disposent les Etats membres doit s'exercer conformément au droit de l'Union européenne ; qu'en outre, il appartient à chaque Etat membre d'organiser, dans le respect du droit de l'Union, son système d'imposition de bénéfices distribués ; que lorsqu'une réglementation fiscale nationale établit un critère de distinction pour l'imposition des revenus de capitaux mobiliers, l'appréciation de la comparabilité des situations doit être effectuée en tenant compte dudit critère ; que la Cour de justice de l'Union européenne a précisé à cet égard dans l'arrêt du 10 mai 2012 " Santander Asset Management SGIIC et autres " (C-338/11 à C-347/11) que seuls les critères de distinction pertinents établis par la réglementation en cause doivent être pris en compte aux fins d'apprécier si la différence de traitement résultant d'une telle réglementation reflète une différence de situation objective ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts : " Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à.... (... " ; qu'en vertu des dispositions du c) du 5 de l'article 206 du code général des impôts, combinées avec celles de l'ensemble de cet article, notamment celles de son 1, et avec celles du 5° bis du 1 de l'article 207, lesquelles renvoient aux dispositions du 1° du 7 de l'article 261, les dividendes de sociétés françaises perçus, notamment, par un organisme établi en France dont l'objet est de servir des pensions de retraite sont exonérés d'impôt sur les sociétés lorsque la gestion de cet organisme est désintéressée et que ses activités non lucratives sont significativement prépondérantes ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées qu'alors que les dividendes de source française perçus par des organismes de retraite établis en France sont exonérés d'impôt sur les sociétés lorsque ces organismes répondent à la qualification d'organisme à but non lucratif, les dividendes perçus par des organismes de retraite non résidents donnent lieu, dans toutes les hypothèses, à l'application de la retenue à... ; qu'un tel traitement désavantageux constitue une restriction à la libre circulation des capitaux, prohibée, en principe, par l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne ; que ce traitement désavantageux est cependant compatible avec les stipulations du traité relatives à la libre circulation des capitaux dans le cas où, notamment, les situations en cause ne sont pas objectivement comparables au regard de l'objectif poursuivi par la loi ;

5. Considérant que l'objectif des dispositions combinées du c) du 5 de l'article 206 du code général des impôts, du 1 de ce même article et du 5° bis du 1 de l'article 207 qui renvoie au 1° du 7 de l'article 261, est de réserver aux organismes qui poursuivent un objet social et n'ont pas de finalité commerciale l'exonération d'impôt sur les sociétés qui s'applique en particulier à la perception de dividendes de source française ; qu'il résulte des dispositions du 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts qu'un organisme répond à cet objectif notamment lorsque sa gestion présente un caractère désintéressé et que les services qu'il rend ne sont pas offerts en concurrence, dans la même zone géographique d'attraction, avec ceux proposés au même public par des entreprises commerciales exerçant une activité identique ; que le d de cette disposition précise que, dans certaines conditions, des rémunérations peuvent être versées aux dirigeants sans que le caractère désintéressé de la gestion de l'organisme soit remis en cause mais limite le nombre de dirigeants pouvant être rémunérés à un maximum de trois, et le montant de la rémunération versée à chacun d'entre eux à trois fois le montant du plafond visé à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale ;

6. Considérant qu'en l'espèce, le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES soutient que le fonds géré par la société Universities Superannuation Scheme Ltd ne respecte pas les critères d'une gestion désintéressée dès lors que les dirigeants de ce fonds, soit treize personnes, perçoivent une rémunération largement supérieure aux trois quarts du salaire minimum interprofessionnel de croissance de sorte que sa situation ne pourrait être regardée comme objectivement comparable à celle des organismes à but non lucratif établis en France dont l'objet est de servir des pensions de retraite et qui sont exonérés d'impôt sur les sociétés en vertu des dispositions rappelées ci-dessus ;

7. Considérant, cependant, qu'il résulte de l'instruction que le fonds de pension Universities Superannuation Scheme est un organisme de retraite assurant à ses membres, employés des universités et de grandes institutions éducatives ou de recherche britanniques, des prestations identiques à celles procurées par des caisses de retraite et de prévoyance françaises ; que, comme le précise la réponse au questionnaire qui lui avait été adressé par l'administration, il ne comporte aucun salarié et aucun dirigeant rémunéré et sa gestion est assurée par la société intimée, société fiduciaire du fonds, à laquelle sont remboursés les frais liés à sa gestion ; que les responsabilités des treize directeurs de la société intimée comprennent notamment la définition de la politique d'investissement, la gestion du fonds et ses décisions quotidiennes d'investissement dont l'encours au 31 mars 2005 était de 21 739 700 000 livres ; que le ministre ne conteste pas que leurs rémunérations ne sont pas liées aux performances du fonds de pension ; que, dans ces conditions, ces rémunérations, pour importantes qu'elles soient, doivent être regardées comme la contrepartie des sujétions imposées par les fonctions exercées ; que, par suite, la gestion du fonds de pension doit être regardée comme désintéressée ;

8. Considérant qu'il suit de là que la situation de ce fonds de pension est objectivement comparable à celle des organismes établis en France dont l'objet est de servir des pensions de retraite et qui sont exonérés d'impôt sur les sociétés, sans qu'y fasse obstacle la circonstance, relevée par l'administration fiscale et en l'espèce dépourvue de pertinence, que les dirigeants de la société Universities Superannuation Scheme Ltd sont rémunérés au-delà du montant maximal fixé au d du 1° de 7 de l'article 261 du code général des impôts pour bénéficier en France de l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue au c) du 5 de l'article 206 de ce code ; que la différence de traitement, résultant de l'application de la retenue à... ; que l'administration n'établit ni même ne soutient que cette restriction serait justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général ; que, dès lors, l'application au fonds des retenues à la source litigieuses méconnaît l'article 56 de traité instituant le Communauté européenne et l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a ordonné la restitution des retenues à la source prélevées sur les dividendes de source française que le fonds de pension Universities Superannuation Scheme a perçus au cours de l'année 2005 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement de ces dispositions, une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Universities Superannuation Scheme Ltd et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société Universities Superannuation Scheme Ltd la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Universities Superannuation Scheme Ltd tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

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N°12VE03030 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE03030
Date de la décision : 04/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables - Libertés de circulation - Libre circulation des capitaux.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Cotisations d`IR mises à la charge de personnes morales ou de tiers - Retenues à la source.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gabriel TAR
Rapporteur public ?: M. LOCATELLI
Avocat(s) : LANDWELL et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2014-03-04;12ve03030 ?
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