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16/05/2013 | FRANCE | N°12VE03005

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 16 mai 2013, 12VE03005


Vu le recours, enregistré le 7 août 2012, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1105206 du 13 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a accordé la restitution à la Fondation Wellcome Trust des retenues à la source prélevées au titre des années 2008 et 2009 et de remettre à la charge de la fondation lesdites retenues à la source ;

Il soutient que le tribunal a assimilé la fondation à une fondation française totalement exonérée d'impôt alors que

pour être déclarée d'utilité publique une fondation française doit être ...

Vu le recours, enregistré le 7 août 2012, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1105206 du 13 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a accordé la restitution à la Fondation Wellcome Trust des retenues à la source prélevées au titre des années 2008 et 2009 et de remettre à la charge de la fondation lesdites retenues à la source ;

Il soutient que le tribunal a assimilé la fondation à une fondation française totalement exonérée d'impôt alors que pour être déclarée d'utilité publique une fondation française doit être reconnue comme telle par décret, après avis favorable du Conseil d'Etat, ce qui ne peut être le cas d'une fondation britannique ; qu'il convient dès lors de faire application du droit interne français et de rechercher si la fondation peut être assimilée à un organisme sans but lucratif (OSBL) français ; que ce n'est que lorsqu'elles répondent aux conditions prévues au 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts que les fondations à caractère social, éducatif, culturel ou sportif peuvent être reconnues comme OSBL ; que la Cour de justice de l'Union européenne a reconnu aux Etats membres la possibilité de fixer leurs propres critères de lucrativité ; qu'en l'espèce les justificatifs produits ne permettent pas à la fondation de justifier de sa qualité d'OSBL dès lors qu'elle ne respecte pas les conditions de gestion désintéressée fixées par le droit interne français ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 10 mai 2012, " Santander Asset Management SGIIC SA et autres " (C-338/11 à 347/11) ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 avril 2013 :

- le rapport de M. Delage, premier conseiller,

- les conclusions de M. Soyez, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour la fondation Wellcome Trust ;

1. Considérant que la Fondation Wellcome Trust, oeuvre de bienfaisance constituée en " charitable trust " (trust caritatif), dont le siège est à Londres, a été, en application des dispositions combinées du 2 de l'article 119 bis et de l'article 187 du code général des impôts, soumise, au titre des années 2008 et 2009, à la retenue à... ; que, par jugement du 13 avril 2012, le Tribunal administratif de Montreuil lui a accordé la restitution des retenues à la source ainsi prélevées ; que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES relève appel de ce jugement ;

Sur le bien-fondé des impositions :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes du 1 de l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne, devenu l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " (...) Toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres (...) sont interdites " ; qu'aux termes de l'article 58 du même traité, devenu l'article 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. L'article 56 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les Etats membres : a. d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis ; b. de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, notamment en matière fiscale (...) 3. Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l'article 56 " ; que si ces stipulations n'imposent pas aux Etats membres qu'un organisme reconnu sans but lucratif dans son Etat membre d'origine bénéficie automatiquement de la même reconnaissance sur leur territoire, le pouvoir d'appréciation dont disposent les Etats membres doit s'exercer conformément au droit de l'Union européenne ; qu'en outre il appartient à chaque Etat membre d'organiser, dans le respect du droit de l'Union, son système d'imposition de bénéfices distribués ; que lorsqu'une réglementation fiscale nationale établit un critère de distinction pour l'imposition des revenus de capitaux mobiliers, l'appréciation de la comparabilité des situations doit être effectuée en tenant compte dudit critère ; que la Cour de justice de l'Union européenne a précisé à cet égard dans l'arrêt du 10 mai 2012 " Santander Asset Management SGIIC et autres " (C-338/11 à C-347/11) que seuls les critères de distinction pertinents établis par la réglementation en cause doivent être pris en compte aux fins d'apprécier si la différence de traitement résultant d'une telle réglementation reflète une différence de situation objective ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 206 du code général des impôts : " 5. Sous réserve des exonérations prévues aux articles 1382 et 1394, les établissements publics, autres que les établissements scientifiques, d'enseignement et d'assistance, ainsi que les associations et collectivités non soumis à l'impôt sur les sociétés en vertu d'une autre disposition sont assujettis audit impôt en raison : (...) / c. Des revenus de capitaux mobiliers dont ils disposent, à l'exception des dividendes des sociétés françaises, lorsque ces revenus n'entrent pas dans le champ d'application de la retenue à ...; ces revenus sont comptés dans le revenu imposable pour leur montant brut (...) " ; qu'aux termes de l'article 207 de ce même code : " 1. Sont exonérés de l'impôt sur les sociétés : (...) / 5° bis. Les organismes sans but lucratif mentionnés au 1° du 7 de l'article 261, pour les opérations à raison desquelles ils sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée " ; qu'aux termes de l'article 261 du même code : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 7. 1° b) Les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des oeuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l'autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, en raison notamment du concours désintéressé des membres de ces organismes ou des contributions publiques ou privées dont ils bénéficient. (...) / d. Le caractère désintéressé de la gestion résulte de la réunion des conditions ci-après : L'organisme doit, en principe, être géré et administré à titre bénévole par des personnes n'ayant elles-mêmes, ou par personne interposée, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation. / Toutefois, lorsqu'une (...) fondation reconnue d'utilité publique ou une fondation d'entreprise décide que l'exercice des fonctions dévolues à ses dirigeants justifie le versement d'une rémunération, le caractère désintéressé de sa gestion n'est pas remis en cause si ses statuts et ses modalités de fonctionnement assurent sa transparence financière, l'élection régulière et périodique de ses dirigeants, le contrôle effectif de sa gestion par ses membres et l'adéquation de la rémunération aux sujétions effectivement imposées aux dirigeants concernés ; cette disposition s'applique dans les conditions suivantes : (...) / un tel organisme peut rémunérer trois de ses dirigeants si le montant annuel de ses ressources, majorées de celles des organismes qui lui sont affiliés et qui remplissent les conditions leur permettant de bénéficier de la présente disposition, hors ressources issues des versements effectués par des personnes morales de droit public, est supérieur à 1 000 000 euros en moyenne sur les trois exercices clos précédant celui pendant lequel la rémunération est versée ; / un tel organisme peut verser des rémunérations dans le cadre de la présente disposition uniquement si ses statuts le prévoient explicitement et si une décision de son organe délibérant l'a expressément décidé à la majorité des deux tiers de ses membres ; (...) / le montant de toutes les rémunérations versées à chaque dirigeant au titre de la présente disposition ne peut en aucun cas excéder trois fois le montant du plafond visé à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale " ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la Fondation Wellcome Trust, dont les statuts les plus récents ont été agréés le 20 février 2001 par les " Charity Commissioners ", administration britannique chargée de surveiller les fondations caritatives, a pour objet, aux termes de ses statuts, " de protéger, de préserver et de faire progresser tous ou chacun des aspects de la santé et du bien-être du genre humain, de faire progresser et de promouvoir la connaissance et l'éducation " en soutenant notamment " la découverte, l'invention, l'amélioration, le développement et l'application de traitements, de soins, de diagnostics et autres agents, méthodes et procédés de la médecine pouvant de quelque façon que ce soit soulager la maladie, le malaise, le handicap ou les désordres de quelque nature qu'ils soient, touchant les être humains... " ; que son administration et, notamment, la gestion de ses revenus, lesquels se sont élevés à près de 200 millions d'euros en 2009, est assurée par le Wellcome Trust Limited, société constituée en Angleterre et dirigée par des " current gouvernors " ; qu'en vertu des statuts agréés le 20 février 2001, les rémunérations de ces derniers, qui comportent une clause d'ajustement annuel indexée sur les tranches salariales de la haute fonction publique, ne sont pas liées aux performances des placements de la fondation ; que l'importance de ces rémunérations, autorisées à titre exceptionnel par la " Charity Commission " et la " England and Wales High Court " et dont le montant s'est élevé de 66 589 £ à 133 177 £ en 2008 et de 67 462 £ à 134 923 £ en 2009, est justifiée par la difficulté de la mission confiée aux directeurs du Wellcome Trust Limited, lesquels ont en charge l'administration de la plus importante fondation caritative britannique et sont personnellement responsables des conséquences financières de leurs décisions ;

5. Considérant qu'il suit de là que la situation de la Fondation Wellcome Trust est objectivement comparable à celle des organismes sans but lucratif français ; que, notamment, sa gestion doit être regardée comme revêtant un caractère désintéressé sans qu'y fasse obstacle la circonstance, relevée par l'administration fiscale et en l'espèce dépourvue de pertinence, que les dirigeants du Wellcome Trust Limited sont rémunérés au-delà du montant maximal fixé au d du 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts pour bénéficier en France de l'exonération d'impôt sur les sociétés prévue au c) du 5 de l'article 206 de ce code ; que la différence de traitement, résultant de l'application de la retenue à... ; que l'administration n'établit ni même ne soutient que cette restriction serait justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général ; que, dès lors, l'application à la fondation des retenues à la source litigieuses méconnaît l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne et l'article 63 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la Fondation Wellcome Trust la restitution des impositions litigieuses ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la fondation Wellcome Trust et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la Fondation Wellcome Trust une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 12VE03005 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE03005
Date de la décision : 16/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables - Libertés de circulation - Libre circulation des capitaux.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Cotisations d`IR mises à la charge de personnes morales ou de tiers - Retenues à la source.


Composition du Tribunal
Président : M. DEMOUVEAUX
Rapporteur ?: M. Philippe DELAGE
Rapporteur public ?: M. SOYEZ
Avocat(s) : C/M/S/ BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-05-16;12ve03005 ?
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