Vu la requête, enregistrée le 10 décembre 2012, présentée pour la société Derichebourg, dont le siège est 119, avenue du général Bizot à Paris (75579) cedex 12, qui vient aux droits et obligations de la société Etablissements Penauille, dont le siège est 6, allée des Coquelicots à Boisssy-Saint-Léger (94478), par Me A...B...; la société Derichebourg demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1006678/3-3 du 16 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser à la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) la somme de 409 201,22 euros hors taxes;
2°) à titre principal, de rejeter la demande de la SNCF ;
3°) à titre subsidiaire, de ramener le montant de la condamnation à la valeur correspondant au strict remplacement du portique endommagé, compte tenu de sa vétusté, à l'exclusion de toute amélioration ;
4°) de mettre à la charge de la SNCF le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2014 :
- le rapport de M. Auvray, président assesseur,
- les conclusions de M. Dewailly, rapporteur public,
- les observations de Me A...B..., pour la société Derichebourg ;
- et les observations de Me D...substituant MeC..., pour la SNCF ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 13 mai 2014, présentée pour la SNCF ;
1. Considérant que la société Etablissements Penauille a, le 30 décembre 2002, conclu avec la SNCF un marché n° 88000.2.2.0064 concernant la manutention de traverses et diverses opérations sur le site de l'établissement industriel équipement de Bretenoux à Biars-sur-Cère (46 130), pour une durée de trois ans à compter du 1er janvier 2003 ; que, le 21 juillet 2004, un portique de chargement, mis à la disposition du cocontractant par la SNCF, est tombé sous l'effet d'un orage d'une exceptionnelle intensité ; que, par courrier du 23 janvier 2005, la SNCF a demandé à l'assureur de la société Derichebourg, qui vient aux droits et obligations de la société Etablissements Penauille par suite d'une fusion-absorption, réparation du préjudice résultant de la chute du portique, motif pris que l'entreprise aurait commis une faute contractuelle en ne l'immobilisant pas par blocage des quatre pince-rails ; que, par jugement du 3 février 2009, le Tribunal de commerce de Paris s'est déclaré incompétent pour connaître de l'action en réparation introduite par la SNCF et l'a renvoyée à se pourvoir devant le juge compétent et que, par jugement du 8 décembre 2010, ce même Tribunal a ordonné un sursis à statuer sur les demandes de la SNCF à l'encontre de la société AXA Corporate Solutions, assureur de l'intéressée, jusqu'à ce que le Tribunal administratif de Paris, territorialement compétent en vertu de l'article 12 du cahier des clauses et conditions générales applicables aux marchés de services et de réparation de matériels divers, se soit prononcé sur la responsabilité de la société Derichebourg ; que cette dernière société relève appel du jugement du
16 octobre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser à la SNCF la somme de 409 201,22 euros hors taxes ;
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la responsabilité de la société Etablissements Penauille :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 6.2 du marché en cause : " La SNCF fournit gratuitement les engins mécaniques de manutention, les installations, les machines. La SNCF assure l'entretien (...) de tous les engins lui appartenant et fournira les carburants et lubrifiants. La SNCF fournit gratuitement au prestataire l'eau et le courant électrique indispensables à l'exécution des travaux " ; qu'aux termes de l'article 19 de ce marché : " Le prestataire est tenu responsable vis-à-vis de la SNCF de toute disparition ou dégradation survenue du fait de son personnel et portant sur des objets ou matières appartenant à la SCNF. / Cette notion de dégradation concerne notamment : (...) les installations, engins ou machines mis à la disposition du prestataire et qui se trouveraient détériorés par suite d'un défaut de surveillance ou d'une utilisation anormale " ; qu'aux termes de l'article 21.2 du cahier ces clauses et conditions générales applicables aux contrats de prestations de service et de réparation de matériels divers de la SNCF, dans sa version issue du dernier rectificatif n° 2 du 13 novembre 2000, applicable au présent marché : " Les appareils, l'outillage et les matières consommables que la SNCF met gratuitement, le cas échéant, à la disposition de l'entrepreneur sont désignés explicitement dans le marché (...) L'entrepreneur est responsable de la conservation, de l'entretien et de l'emploi des appareils et de l'outillage qui lui sont confiés, dès que ces appareils et que cet outillage sont entrés effectivement en sa possession. Il ne peut en disposer qu'aux fins prévues par le marché. En cas de détérioration ou de perte des appareils ou de l'outillage, les frais de réfection ou de remplacement sont à la charge de l'entrepreneur (...) " ; qu'aux termes enfin de l'article 8 de la consigne d'établissement PS9 D5 n° 11 relative au portique de chargement : " Les manutentions au portique sont effectuées sous la responsabilité de l'entreprise lorsqu'elle l'utilise. Le chef de chantier est alors chargé de l'application de cette consigne " ;
3. Considérant qu'il résulte des stipulations contractuelles que c'est le cocontractant de la SNCF qui, en sa qualité d'entrepreneur, avait la garde du portique en cause durant l'exécution du marché, sans que, contrairement à ce que soutient la société appelante, y fassent obstacle les termes de l'article 6.2 du marché, qui précisent que la SNCF assure l'entretien de tous les engins, alors, surtout, qu'il est constant que le préjudice résultant de la chute du portique ne résulte en aucune façon d'un défaut d'entretien de cet engin ;
4. Considérant que, contrairement à ce que soutient en outre la société Derichebourg, les consignes d'établissement, qui prévoient, en leur article 3, dernier alinéa, que l'immobilisation du portique est obligatoire " à la fin de chaque séance ", ne peuvent s'interpréter comme ne visant que l'heure du déjeuner ou la fin de la journée, mais doivent trouver application, comme le relève d'ailleurs l'intimée, chaque fois que la sécurité l'exige, en particulier lorsque les salariés quittent le chantier ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé qu'il incombait à l'entrepreneur d'assurer la surveillance du matériel dont il avait la garde, et que le défaut de mise en place de mesures d'immobilisation du portique, à l'approche d'un orage particulièrement violent ayant contraint les salariés à quitter le chantier, était constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de la société Etablissements Penauille, aux droits et obligations de laquelle vient la société Derichebourg ;
6. Considérant qu'à titre subsidiaire, la société Derichebourg soutient que le phénomène climatique d'une rare violence, à la suite duquel est survenu le sinistre, doit, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, être regardé comme un cas de force majeure de nature à exonérer la responsabilité de la société Etablissements Penauille ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que, si plusieurs bulletins météorologiques avaient placé le département du Lot en vigilance jaune " orage " les 19, 20 et
21 juillet 2004, cette circonstance ne permettait pas d'anticiper un phénomène climatique d'une telle ampleur, qualifié par le certificat d'intempérie de Météo-France de " phénomène rare, voire exceptionnel pour la région ", ajoutant qu'il s'est agi d'une tornade avec un vent soufflant à plus de 110 kilomètres à l'heure, d'autre part, que plusieurs témoignages et, en particulier, celui du dirigeant d'unité technique de la SNCF, mentionnent qu'il s'est écoulé environ une demi-heure entre le moment où des nuages bas et sombres sont apparus à l'horizon, annonciateurs d'un orage " classique ", et celui où une véritable tornade s'est abattue sur le site, contraignant les salariés de la société Etablissements Penauille, ainsi que les agents de la SNCF, à évacuer immédiatement le chantier dans des conditions ne leur permettant pas, sauf à prendre des risques inconsidérés, de bloquer, par des manoeuvres manuelles nécessairement longues, les quatre pince-rails pour assurer l'immobilisation du portique; que c'est, par suite, à tort que le tribunal a estimé que cette tornade n'a pas présenté le caractère d'un cas de force majeure, au motif que ce phénomène climatique ne revêtait pas un caractère irrésistible dès lors que, contrairement à ce que soutient la SNCF dans sa note en délibéré, il ne peut, pour les raisons susdites, être reproché aux salariés de la société Etablissements Penauille de n'avoir pas pris les précautions dont le caractère utile n'est apparu que quelques minutes seulement avant que la tornade ne s'abatte sur le site ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Derichebourg est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser à la SNCF la somme de 409 201,22 euros hors taxes ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SNCF le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Derichebourg et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 16 octobre 2012 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la Société nationale des chemins de fer français devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions devant la Cour, tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : La Société nationale des chemins de fer français versera à la société Derichebourg la somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 12PA04818