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18/02/2014 | FRANCE | N°12PA03961

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 18 février 2014, 12PA03961


Vu I), sous le n° 12PA03961, le recours, enregistré le 24 septembre 2012, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105857 du 18 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a accordé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles la société à responsabilité limitée Lupa Immobilière France a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2006 ;

2°) de remettre intégralement à la charge de la soci

té Lupa Immobilière France les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, ain...

Vu I), sous le n° 12PA03961, le recours, enregistré le 24 septembre 2012, présenté par le ministre de l'économie et des finances, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105857 du 18 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a accordé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles la société à responsabilité limitée Lupa Immobilière France a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2006 ;

2°) de remettre intégralement à la charge de la société Lupa Immobilière France les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, ainsi que les pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2006 et 31 décembre 2007 ;

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Vu II), sous le n° 13PA04246, la requête, enregistrée le 22 novembre 2013, présentée pour la société à responsabilité limitée Lupa Immobilière France, dont le siège est 5 rue de Tilsitt à Paris (75008), par Me A... ; la société Lupa Immobilière France demande à la Cour de prononcer la suspension du recouvrement de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2007 ; elle demande également la mise à la charge de l'État des dépens, ainsi que de la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 février 2014 :

- le rapport de M. Magnard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Egloff, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., pour la société Lupa Immobilière France ;

1. Considérant que, sous le n° 12PA03961, le ministre de l'économie et des finances fait appel du jugement n° 1105857 du 18 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a accordé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles la société Lupa Immobilière France a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2006, et demande à la Cour de remettre intégralement à la charge de cette société les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, ainsi que les pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2006 et

31 décembre 2007 ; que, pour sa part, la société Lupa Immobilière France demande la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2007 et, subsidiairement, que la Cour constate que le Tribunal administratif de Paris reste saisi des conclusions relatives à l'exercice clos le 31 décembre 2007 ; que, sous le n° 13PA04246, la société Lupa Immobilière demande la suspension du recouvrement de ces dernières impositions ; qu'il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;

Sur la requête n° 12PA03961 :

En ce qui concerne les impositions établies au titre de l'exercice clos le

31 décembre 2006 :

2. Considérant que, par un acte du 28 mars 2006, la société de droit luxembourgeois Lupa SA a cédé à la société Lupa Immobilière France la totalité des titres de deux sociétés anonymes de droit luxembourgeois, dont les actifs étaient eux-mêmes constitués par les titres de deux sociétés civiles immobilières françaises détenant chacune un immeuble en France ; que, consécutivement à cette opération de cession au bénéfice de la société Lupa Immobilière France, cette dernière a décidé la dissolution sans liquidation des deux sociétés de droit luxembourgeois le 29 mars 2006, puis la dissolution sans liquidation des deux SCI françaises le 31 mars suivant, celles-ci ayant procédé la veille à la réévaluation libre de leurs actifs ; que cette opération a généré un produit exceptionnel ayant concouru aux résultats excédentaires des SCI, d'un montant global de 19 535 970 euros, en portant la valeur comptable des immeubles qu'elles détenaient alors de 19 345 900 euros à 31 484 673 euros, valeur reprise par la société requérante à son bilan le 4 mai 2006, date d'effet de la transmission universelle du patrimoine, à son profit, des deux SCI françaises ; qu'en conséquence de cette transmission universelle de patrimoine, la société Lupa Immobilière France a procédé à l'annulation des titres des SCI inscrits à l'actif de son bilan ; que, pour déterminer la plus-value en résultant, elle a fait application du principe dégagé par l'arrêt " Quemener " en date du 16 février 2000 du Conseil d'État, ce qui lui a permis de majorer le prix de revient de ces titres de la somme de 19 174 097 euros, égale aux résultats fiscaux des SCI de 19 535 970 euros, minorés du boni de liquidation de 361 872 euros dégagé à l'occasion de la transmission universelle des SCI françaises ; qu'à l'issue de la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la société Lupa Immobilière France, le service a estimé que la cession, le 28 mars 2006, par la société luxembourgeoise Lupa, de la totalité des titres des deux sociétés de droit luxembourgeois au profit de l'intéressée présentait un caractère artificiel compte tenu des modalités de paiement de l'opération et poursuivait un but exclusivement fiscal consistant à pouvoir bénéficier de la jurisprudence " Quemener " grâce à l'interposition de la réévaluation libre des actifs des SCI, décidée entre la transmission universelle du patrimoine des sociétés anonymes de droit luxembourgeois et celle des SCI françaises, ce qui, selon le service, avait eu pour effet de faire échapper à l'impôt le produit résultant de la réévaluation des actifs ; que le redressement correspondant a été notifié sur le fondement de l'abus de droit ; que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont accordé la décharge des impositions établies en conséquence, au motif que l'opération ne pouvait être regardée comme constitutive d'un abus de droit ;

3. Considérant qu'en appel, l'administration renonce à justifier l'imposition sur le fondement de l'abus de droit et demande que le redressement soit fondé sur une nouvelle base légale, au motif que la jurisprudence " Quemener " n'est pas applicable aux opérations de confusion de patrimoine portant sur des titres de SCI ayant préalablement procédé à la réévaluation des immeubles détenus ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 39 duodecies du code général des impôts : " 1. Par dérogation aux dispositions de l'article 38, les plus-values provenant de la cession d'éléments de l'actif immobilisé sont soumises à des régimes distincts suivant qu'elles sont réalisées à court ou à long terme. 2. Le régime des plus-values à court terme est applicable : a)aux plus-values provenant de la cession d'éléments acquis ou créés depuis moins de deux ans (...) 3. Le régime des plus-values à long terme est applicable aux plus-values autres que celles définies au 2. 4. Le régime des moins-values à court terme s'applique : a) aux moins-values subies lors de la cession de biens non amortissables détenus depuis moins de deux ans (...) 5. Le régime des moins-values à long terme s'applique aux moins-values autres que celles définies au 4 (...) " ;

5. Considérant que, pour l'application de ces dispositions, dans le cas où une société, une entreprise ou une personne soumise à l'impôt à raison des bénéfices qu'elle tire de son activité professionnelle cède, soit les parts inscrites à l'actif de son bilan qu'elle détient dans une société ou dans un groupement relevant ou ayant relevé du régime prévu aux articles 8, 8 ter,

239 quater B ou 239 quater C du code général des impôts soit, lorsqu'elle ne dresse pas de bilan, les parts de même nature qu'elle a affectées à l'exercice de sa profession, le résultat de cette opération, imposable dans les conditions prévues à l'article 39 duodecies précité et aux articles suivants du même code, doit être calculé, pour assurer la neutralité de l'application de la loi fiscale compte tenu du régime spécifique des sociétés et groupements susmentionnés, en retenant comme prix de revient de ces parts leur valeur d'acquisition, majorée, en premier lieu, d'une part, de la quote-part des bénéfices de cette société ou de ce groupement revenant à l'associé qui a été ajoutée aux résultats imposés de celui-ci, antérieurement à la cession et pendant la période d'application du régime visé ci-dessus et, d'autre part, des pertes afférentes à des entreprises exploitées par la société ou le groupement en France et ayant donné lieu de la part de l'associé à un versement en vue de les combler, puis minorée, en second lieu, d'une part, des déficits que l'associé a déduits pendant cette même période, à l'exclusion de ceux qui trouvent leur origine dans une disposition par laquelle le législateur a entendu conférer aux contribuables un avantage fiscal définitif et, d'autre part, des bénéfices afférents à des entreprises exploitées en France par la société ou le groupement et ayant donné lieu à répartition au profit de l'associé ; que la détermination de la plus-value ou de la moins-value professionnelle réalisée par une société soumise à l'impôt sur les sociétés à l'occasion de l'annulation des parts, qu'elle a acquises, d'une autre société relevant du régime prévu à l'article 8 du code général des impôts obéit aux mêmes modalités ;

6. Considérant que la plus-value générée par la réévaluation effectuée le 30 mars 2006 par les SCI en cause est un élément du bénéfice de ces SCI ; qu'elle est donc taxable entre les mains de leur associé, la société Lupa Immobilière France, en application des dispositions des articles 8 et 218 bis du code général des impôts ; qu'il résulte tant des termes de la proposition de rectification en date du 18 décembre 2009 que des écritures du ministre devant la Cour que l'écart de réévaluation ainsi constaté a été fiscalement appréhendé, en application desdites dispositions, par la société Lupa Immobilière France au 31 décembre 2006 ; qu'il y avait en conséquence lieu, en application des règles susmentionnées, pour assurer la neutralité de l'application de la loi fiscale compte tenu du régime spécifique des sociétés et groupements relevant ou ayant relevé du régime prévu aux articles 8, 8 ter, 239 quater B ou 239 quater C du code général des impôts, pour le calcul de la plus-value réalisée lors de la dissolution desdites SCI, de majorer le prix d'acquisition du montant de la plus-value générée par la réévaluation susmentionnée ; que la circonstance que la société Lupa Immobilière France ait reçu des titres à leur valeur déjà réévaluée et ait absorbé ces SCI pour leur valeur réelle n'est pas de nature, contrairement à ce que soutient le ministre, à remettre en cause le raisonnement qui précède ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a accordé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles la société Lupa Immobilière France a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2006 ;

En ce qui concerne les impositions établies au titre de l'exercice clos le

31 décembre 2007 :

8. Considérant, en premier lieu, que le recours du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie est dirigé contre le jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a prononcé la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles la société Lupa Immobilière France a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2006 ; que, si le ministre de l'économie et des finances a présenté devant la Cour des conclusions tendant au rétablissement de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles la société Lupa Immobilière France a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2007, ces conclusions sont dépourvues d'objet et par suite irrecevables, les premiers juges n'ayant pas prononcé la décharge de cette cotisation et de ces pénalités et ne pouvant être regardés, contrairement à ce que soutient la société Lupa Immobilière France, comme ayant fait implicitement droit aux conclusions qui leur étaient soumises à cet égard ; que les conclusions incidentes présentées par la société Lupa Immobilière France après l'expiration du délai d'appel et tendant à la décharge de ces dernières impositions, conclusions qui ne sauraient au demeurant être présentées au juge d'appel par la voie d'un recours en rectification d'erreur matérielle, sont, par suite, également irrecevables ;

9. Considérant, en second lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, les premiers juges, et alors même qu'ils auraient entaché leur jugement d'une erreur d'analyse de la demande présentée par la société requérante et, en conséquence, d'une omission à statuer sur les conclusions qui leur étaient soumises et relatives à l'année 2007, ne peuvent être regardés comme restant saisis desdites conclusions ; que les conclusions de la société Lupa Immobilière France tendant à ce que la Cour déclare que le tribunal administratif n'a pas à cet égard épuisé sa compétence ne peuvent en conséquence qu'être rejetées ; que l'intéressée, qui était en mesure, dans le délai d'appel, de contester devant la Cour l'omission à statuer entachant ledit jugement, ne saurait, en tout état de cause, se prévaloir à cet égard de ce qu'elle aurait été privée du droit à un recours effectif protégé par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;

En ce qui concerne les conclusions présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à la société Lupa Immobilière France de la somme globale de 1 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative ;

Sur la requête n° 13PA04246 :

11. Considérant que, par le présent arrêt, la Cour rejette les conclusions de la société Lupa Immobilière France tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2007 ; qu'il n'y a en conséquence pas lieu de statuer sur les conclusions de la société Lupa Immobilière France tendant à la suspension du recouvrement de ces impositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le recours n° 12PA03961 du ministre de l'économie et des finances est rejeté.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Lupa Immobilière France aux fins de rectification d'erreur matérielle et de décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2007, ainsi que ses conclusions subsidiaires tendant à ce que la Cour constate que le Tribunal administratif de Paris reste saisi des conclusions relatives à cet exercice, sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 13PA04246 de la société Lupa Immobilière France.

Article 4 : L'État versera à la société Lupa Immobilière France la somme globale de 1 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 11PA00434

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N s 12PA03961, 13PA04246


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA03961
Date de la décision : 18/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: M. Franck MAGNARD
Rapporteur public ?: M. EGLOFF
Avocat(s) : CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE ; CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE ; CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2014-02-18;12pa03961 ?
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