Vu, I, sous le n° 12PA02000, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés respectivement le 4 mai et le 15 juin 2012, présentés pour l'association Villages du Monde pour Enfants, dont le siège est situé 14 rue de Marignan, BP 385 à Paris cédex 08 (75365), représentée par son président, par la SCP d'avocats Roger et Sevaux ; l'association Villages du Monde pour Enfants demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1116039/3-1 du 6 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 juillet 2011 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris lui a refusé la capacité pour recevoir le legs consenti par M. A...B... ;
2°) d'annuler ladite décision ;
3°) d'enjoindre à titre principal au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris d'accepter ce legs, et subsidiairement de réexaminer la déclaration de legs, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu, II, sous le n° 12PA02080, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés respectivement le 4 mai et le 15 juin 2012, présentée pour l'association Villages du Monde pour Enfants, dont le siège est situé 14 rue de Marignan, BP 385 à Paris cédex 08 (75365), représentée par son président, par la SCP d'avocats Roger et Sevaux ; l'association Villages du Monde pour Enfants demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1015444/3-1 du 6 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 juin 2010 par laquelle le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris lui a refusé la capacité pour recevoir les legs consentis par MmesC..., F...etD... ;
2°) d'annuler ladite décision ;
3°) d'enjoindre à titre principal au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris d'accepter ces legs, et subsidiairement de réexaminer ces déclarations de legs, dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
.....................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
Vu la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ;
Vu la loi du 14 janvier 1933 relative à la surveillance des établissements de bienfaisance privés ;
Vu la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;
Vu l'ordonnance n° 2005-856 du 28 juillet 2005 portant simplification du régime des libéralités consenties aux associations, fondations et congrégations, de certaines déclarations administratives incombant aux associations, et modification des obligations des associations et fondations relatives à leurs comptes annuels ;
Vu le décret n° 2007-807 du 11 mai 2007 relatif aux associations, fondations, congrégations et établissements publics du culte et portant application de l'article 910 du code civil ;
Vu le code civil et notamment son article 910 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mars 2012 :
- le rapport de M. Even, rapporteur,
- les conclusions de Mme Vidal, rapporteur public,
- les observations de M. Vita, président de l'association Villages du Monde pour Enfants,
- et avoir pris connaissance de la note en délibéré enregistrée le 22 mars 2013, présentée pour le président de l'association Villages du Monde pour Enfants par MeE... ;
1. Considérant que le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris a, par deux décisions des 23 juin 2010 et 20 juillet 2011, refusé à l'association Villages du Monde pour Enfants, la capacité pour recevoir les legs consentis par MmesC..., F..., D...et par M. A...B... ; que ladite association relève appel des deux jugements du 6 mars 2012 par lesquels le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces décisions ;
2. Considérant que les requêtes susvisées n° 12PA02000 et 12PA02080 concernent la même association, présentent à juger les mêmes questions et ont donné lieu à une instruction commune ; qu'il y a lieu, par suite, de les joindre pour statuer par un même arrêt ;
Sur la régularité des jugements attaqués :
3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La requête [...] contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. / [...] ; qu'il ressort des minutes des jugements attaqués que ceux-ci visent et analysent, notamment, les mémoires produits par l'association Villages du Monde pour Enfants les 8 décembre 2010, 9 février et 10 février 2012, ainsi que les mémoires en défense produits par le préfet les 19 juillet et 15 décembre 2011 ; que, par suite, il ne peut être fait grief aux premiers juges d'avoir omis de viser ces mémoires et ainsi méconnu les dispositions sus-rappelées de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;
Au fond :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association dans sa rédaction issue de la loi n° 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat : " (...) Les associations déclarées qui ont pour but exclusif l'assistance, la bienfaisance, la recherche scientifique ou médicale peuvent accepter les libéralités entre vifs ou testamentaires dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat " ; qu'aux termes de l'article 910 du code civil : " (..) les dispositions entre vifs ou par testament au profit des fondations, des congrégations et des associations ayant la capacité à recevoir des libéralités (...) sont acceptées librement par celles-ci. Si le représentant de l'Etat dans le département constate que l'organisme légataire ou donataire ne satisfait pas aux conditions légales exigées pour avoir la capacité juridique à recevoir des libéralités ou qu'il n'est pas apte à utiliser la libéralité conformément à son objet statutaire, il peut former opposition à la libéralité, dans des conditions précisées par décret, la privant ainsi d'effet " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret n° 2007-807 du 11 mai 2007 relatif aux associations, fondations, congrégations et établissements publics du culte et portant application de l'article 910 du code civil dispose que : " (...) Toute association ou établissement mentionné à l'article 910 du code civil, bénéficiaire d'une libéralité entre vifs, la déclare aussitôt à l'autorité administrative. (....) La déclaration à l'autorité administrative est faite par courrier recommandé avec demande d'avis de réception (...) Lorsque le dossier est complet, l'administration adresse à l'association ou à l'établissement et, le cas échéant, au notaire, un accusé de réception mentionnant la date de réception du dossier et la date à laquelle, à défaut de décision expresse, l'absence d'opposition sera acquise. Cet accusé de réception fait courir le délai ouvert à l'autorité administrative pour statuer (...) " ; qu'aux termes de l'article 2 du même décret : " Lorsque le préfet envisage de faire usage de son droit d'opposition à l'acceptation des libéralités faites aux établissements et associations visés au deuxième alinéa de l'article 910du code civil, il en informe l'association ou l'établissement et le cas échéant le notaire, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, et invite l'association ou l'établissement à présenter ses observations dans un délai de quinze jours. A l'expiration du délai ainsi fixé, le préfet décide, au vu des observations éventuelles de l'association ou de l'établissement, de s'opposer ou non à l'acceptation. En cas d'opposition, il notifie sa décision dûment motivée, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'association ou à l'établissement et le cas échéant au notaire (...) " ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article premier du premier protocole additionnel à la convention européenne des droits de l'homme : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international./ Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ; qu'une personne ne peut prétendre au bénéfice de ces stipulations que si elle peut faire état de la propriété d'un bien qu'elles ont pour objet de protéger et à laquelle il aurait été porté atteinte ; que l'incompatibilité alléguée entre les dispositions législatives et réglementaires précitées, qui auraient pour effet de priver les donateurs de leur droit à disposer en toute liberté de leurs biens, et ces stipulations est justifiée par l'intérêt général ; que, par suite, le moyen invoqué par voie d'exception tiré de l'inconventionnalité de la base légale des décisions attaquées doit être écarté ;
6. Considérant, en deuxième lieu, que les moyens tirés de la méconnaissance des articles 17 et 41 paragraphe 2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peuvent être accueillis dès lors que les décisions contestées et les dispositions législatives et réglementaires leur servant de base légale ne mettent pas en oeuvre le droit de l'Union ;
7. Considérant, en troisième lieu, que le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris a fondé ses refus de permettre à l'association requérante de recevoir les legs consentis, d'une part, sur le fait que l'activité de cette dernière se résumant à récolter des fonds pour les reverser à la congrégation des Soeurs de Marie, l'association n'avait pas un but exclusif d'assistance et de bienfaisance, d'autre part, sur la circonstance qu'elle n'était pas en mesure de justifier de l'emploi des fonds versés à l'étranger pour la réalisation de ses missions sociales et ne pouvait donc garantir l'utilisation des dons réalisés à son profit conformément aux objectifs poursuivis par les appels à la générosité publique et, enfin, sur le fait que la congrégation présentée comme bénéficiaire des fonds organise des enseignements religieux non dépourvus de prosélytisme ; qu'il résulte de l'instruction que le préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris aurait pris la même décision à l'égard de l'association Villages du Monde pour Enfants, s'il ne s'était fondé que sur le premier motif ;
8. Considérant que pour apprécier si une association bénéficiaire d'un legs a pour but exclusif l'assistance, la bienfaisance ou la recherche scientifique ou médicale au sens des dispositions précitées de l'article 6 de la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association, il y a lieu d'examiner non seulement son objet statutaire mais aussi la nature de son activité ;
9. Considérant qu'il ressort de l'article 2 des statuts de l'association Villages du Monde pour Enfants définissant son objet social, que ladite association " a pour objet de... recueillir des fonds pour les programmes caritatifs des Soeurs de Marie... " ; qu'elle précise qu'elle finance ainsi, par voie de transferts internationaux, des projets humanitaires consistant à construire des institutions accueillant des enfants démunis au profit de la congrégation des Soeurs de Marie ; que ceci ressort également de ses documents comptables et de ses rapports d'activité versés au dossier ; qu'à cette fin elle mène des campagnes d'information et de sensibilisation du public permettant de recueillir des fonds destinés à permettre le financement des actions en rapport avec son objet social ;
10. Considérant qu'il ressort des comptes de résultat produits par l'association requérante au titre des années 2008 et 2009, certifiés par un commissaire aux comptes, que la somme versée à la congrégation des soeurs de Marie s'élève à 2 995 000 et 2 260 000 euros soit respectivement 41% et 37% des dons qu'elle a collectés au cours de ces deux années, l'écart représentant ses dépenses de fonctionnement, lesquelles sont donc très supérieures à la part consacrée à la bienfaisance ; que si l'association requérante fait observer que le contrôle fiscal dont elle a été l'objet au titre des années 2007 à 2009 a débouché sur un avis de conclusion sans rectification daté du 15 juin 2012, elle omet de préciser que cet avis comporte une réserve très importante portant sur " les réponses des autorités fiscales étrangères qui ont été interrogées conformément à l'article L. 188 A du livre des procédures fiscales " ; que l'affirmation selon laquelle 100% des fonds provenant des legs en litige versés au cours de l'année 2011 seraient utilisés conformément à son objet statutaire sans déduction des frais de collecte n'est pas établie par la simple référence à une résolution de son assemblée générale datée du 24 avril 2012, postérieure aux décisions contestées, ni par la promesse de créer à l'avenir des " comptes dédiés " au sens des indications énoncées par le rapport d'observations définitives de la Cour des comptes au sujet des comptes d'emploi 2001-2002 à 2005-2006 des ressources collectées auprès du public par la section française d'Amnesty international ; que les actions d'information et de sensibilisation du public ne pouvant être regardées comme constituant des actions d'assistance ou de bienfaisance au sens des dispositions précitées, l'association Villages du Monde pour Enfants ne peut dès lors être regardée comme une association ayant ce but exclusif au sens desdites dispositions ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les moyens tirés de ce que les décisions contestées par lesquelles le préfet de la région Ile de France, préfet de Paris a refusé à l'association Villages du Monde pour Enfants l'autorisation de percevoir plusieurs legs seraient entachées d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés ; qu'ainsi l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le Tribunal administratif de Paris a rejeté ses demandes ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes susvisées de l'association Villages du Monde pour Enfants sont rejetées.
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