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03/07/2013 | FRANCE | N°12PA00838

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 03 juillet 2013, 12PA00838


Vu la requête, enregistrée le 20 février 2012, présentée pour l'association Promouvoir, dont le siège est BP 48 à Pernes les fontaines (84210), représentée par son président en exercice, par la SELARL Autric-de Lepineau ; l'association Promouvoir demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1021073/7-1 du 16 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à titre principal à l'annulation de la décision du 4 novembre 2010 par laquelle le ministre de la culture et de la communication a accordé un visa d'exploitation au film "

Saw 3 D Chapitre Final " et, à titre subsidiaire, à l'annulation de cett...

Vu la requête, enregistrée le 20 février 2012, présentée pour l'association Promouvoir, dont le siège est BP 48 à Pernes les fontaines (84210), représentée par son président en exercice, par la SELARL Autric-de Lepineau ; l'association Promouvoir demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1021073/7-1 du 16 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à titre principal à l'annulation de la décision du 4 novembre 2010 par laquelle le ministre de la culture et de la communication a accordé un visa d'exploitation au film " Saw 3 D Chapitre Final " et, à titre subsidiaire, à l'annulation de cette même décision en tant qu'elle n'a pas inscrit ce film sur la liste prévue à l'article 12 de la loi n° 75-1278 du 30 décembre 1975 ou qu'elle ne l'a pas assorti d'une interdiction de représentation aux mineurs de dix-huit ans ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au ministre de la culture et de la communication de prendre toute mesure pour assurer le retrait du film des salles ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code pénal ;

Vu le code du cinéma et de l'image animée ;

Vu la loi n° 75-1278 du 30 décembre 1975 ;

Vu le décret n° 90-174 du 23 février 1990 pris pour l'application des articles 19 à 22 du code de l'industrie cinématographique et relatif à la classification des oeuvres cinématographiques ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 juin 2013 :

- le rapport de M. Boissy, rapporteur,

- les conclusions de M. Rousset, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant le ministre de la culture et de la communication ;

1. Considérant que, le 14 octobre 2010, la commission de classification des oeuvres cinématographiques a proposé une interdiction du film " Saw 3D Chapitre Final " aux mineurs de seize ans avec avertissement selon lequel le film " comporte un grand nombre de scènes de torture particulièrement réalistes et d'une très grande brutalité voire sauvagerie " ; que, par une décision du 4 novembre 2010, le ministre de la culture et de la communication a décidé de suivre cette proposition et d'accorder un visa d'exploitation à ce film, en l'assortissant d'une interdiction de représentation aux mineurs de seize ans et de l'avertissement précité ; que, par la présente requête, l'association Promouvoir relève appel du jugement du 16 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 4 novembre 2010 ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes l'article L. 211-1 du code du cinéma et de l'image animée : " La représentation cinématographique est subordonnée à l'obtention d'un visa d'exploitation délivré par le ministre chargé de la culture. / Ce visa peut être refusé ou sa délivrance subordonnée à des conditions pour des motifs tirés de la protection de l'enfance et de la jeunesse ou du respect de la dignité humaine (...) ; qu'aux termes de l'article L. 311-2 du même code : " Le produit de la taxe sur le prix des entrées aux séances organisées dans les établissements de spectacles cinématographiques mentionnée à l'article L. 115-1 perçue à l'occasion de la représentation d'oeuvres ou de documents cinématographiques ou audiovisuels à caractère pornographique ou d'incitation à la violence n'est pas pris en compte dans le calcul des droits aux aides automatiques. Les oeuvres et documents précités ainsi que les établissements de spectacles cinématographiques où ils sont représentés ne peuvent bénéficier d'aucune aide sélective. Les établissements de spectacles cinématographiques spécialisés dans la représentation d'oeuvres ou de documents cinématographiques ou audiovisuels à caractère pornographique ne peuvent bénéficier d'aucune aide automatique ou sélective. La liste des oeuvres et documents auxquels s'appliquent les dispositions du présent article est établie par le ministre chargé de la culture lors de la délivrance du visa d'exploitation cinématographique (...) " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'en vertu des articles 3 et 3-1 du décret n° 90-174 du 23 février 1990, le ministre chargé de la culture délivre le visa d'exploitation mentionné à l'article L. 211-1 du code du cinéma et de l'image animée après avis de la commission de classification ; qu'à cette fin, cette commission émet sur les oeuvres cinématographiques un avis recommandant soit la délivrance d'un visa autorisant pour tous publics la représentation de l'oeuvre cinématographique, soit la délivrance d'un visa comportant l'interdiction de la représentation aux mineurs de douze ans, soit la délivrance d'un visa comportant l'interdiction de la représentation aux mineurs de seize ans, soit l'inscription de l'oeuvre cinématographique sur la liste prévue à l'article L. 311-2 du code du cinéma, entraînant l'interdiction de la représentation aux mineurs de dix-huit ans, lorsqu'elle présente un caractère pornographique ou d'incitation à la violence, soit la délivrance d'un visa comportant l'interdiction de la représentation aux mineurs de dix-huit ans pour des oeuvres comportant des scènes de sexe non simulées ou de très grande violence mais qui, par la manière dont elles sont filmées et la nature du thème traité, ne justifient pas une inscription sur la liste prévue à l'article à l'article L. 311-2, soit, enfin, l'interdiction totale de l'oeuvre cinématographique ; que la commission peut par ailleurs proposer d'assortir chaque mesure d'un avertissement, destiné à l'information du spectateur, sur le contenu de l'oeuvre ou certaines de ses particularités ;

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 227-24 du code pénal, dans sa rédaction alors en vigueur : " Le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, soit de faire commerce d'un tel message, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende lorsque ce message est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur (...) " ;

5. Considérant que si l'article 3-1 du décret du 23 février 1990 vise à harmoniser les règles de délivrance des visas d'exploitation des oeuvres cinématographiques avec les dispositions précitées de l'article 227-24 du code pénal, il ne constitue pas par lui-même une mesure d'application du code pénal ; que, dès lors, le moyen soulevé par l'association Promouvoir dans ses écritures de première instance tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de l'article 3-1 du décret du 23 février 1990 au regard de l'article 227-24 du code pénal était inopérant ; que, par suite, l'association requérante n'est en tout état de cause pas fondée à soutenir que les premiers juges ont entaché le jugement attaqué d'une omission à statuer et d'une insuffisance de motivation sur ce point ;

En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

6. Considérant, d'une part, que si le film " Saw 3D Chapitre Final " comporte de nombreuses scènes de grande violence dans lesquelles des personnages, soumis à des " jeux " mis au point par un tueur psychopathe, sont tués dans des conditions particulièrement atroces, ni le sujet du film ni son traitement narratif ne permettent de déceler une quelconque apologie de la violence et de la torture, de sorte que cette oeuvre cinématographique ne présente pas un caractère d'incitation à la violence ; que, d'autre part, les scènes de violence, qui ne s'enchainent pas de manière ininterrompue, sont filmées avec les codes propres aux films d'horreur dit " gore " ; qu'elles proposent ainsi un spectacle volontairement " grandguignolesque ", où la représentation très explicite des sévices infligés ou des assassinats perpétrés, avec de nombreuses effusions de sang, est en partie compensée par l'invraisemblance des situations ou, à tout le moins, leur caractère peu réaliste, voire par une certaine forme d'" humour ", et tendent à susciter plus un dégoût qu'une véritable terreur chez le spectateur ; que, dans ces conditions, compte tenu également du degré de maturité et de distance critique que les mineurs âgés de plus de seize ans sont en mesure d'exercer vis-à-vis d'une telle oeuvre, ce film ne porte pas une atteinte à la protection de l'enfance et de la jeunesse ou au respect de la dignité humaine telle qu'elle aurait justifié que le visa d'exploitation comportât une interdiction de représentation aux mineurs de dix-huit ans ; que, dès lors, en décidant, le 4 novembre 2010, d'accorder un visa d'exploitation au film " Saw 3D Chapitre Final " en l'assortissant d'une interdiction de représentation aux mineurs de seize ans et d'un avertissement très ferme, le ministre de la culture et de la communication n'a en l'espèce pas commis d'erreur d'appréciation ;

7. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que l'association Promouvoir n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 4 novembre 2010 contestée ; que ses conclusions aux fins d'annulation doivent par suite être rejetées ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. Considérant que le présent arrêt, par lequel la Cour rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par l'association Promouvoir, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions aux fins d'injonction présentées par l'association requérante doivent par suite être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, une quelconque somme au titre des frais exposés par l'association Promouvoir et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'association Promouvoir est rejetée.

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N° 12PA00838


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 12PA00838
Date de la décision : 03/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-11 Police. Polices spéciales. Police du cinéma (voir : Arts et lettres).


Composition du Tribunal
Président : Mme SANSON
Rapporteur ?: M. Laurent BOISSY
Rapporteur public ?: M. ROUSSET
Avocat(s) : SCP PIWNICA-MOLINIE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2013-07-03;12pa00838 ?
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