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06/03/2014 | FRANCE | N°12PA00163

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 9ème chambre, 06 mars 2014, 12PA00163


Vu la requête, enregistrée le 11 janvier 2012, présentée pour M. C...A..., demeurant..., par Me Soulier Dugenie, avocat ;

M. A... demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0804579 du 2 novembre 2011 du Tribunal administratif de Paris en tant que, par ce jugement, celui-ci a, d'une part, limité à une somme représentative de la rémunération qu'il aurait perçue en qualité de directeur de la Fondation hellénique, diminuée des cotisations obligatoires de toute nature qui en auraient été déduites, pour la période du 1er octobre 2003 au 30 septembre 2006, l

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Vu la requête, enregistrée le 11 janvier 2012, présentée pour M. C...A..., demeurant..., par Me Soulier Dugenie, avocat ;

M. A... demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0804579 du 2 novembre 2011 du Tribunal administratif de Paris en tant que, par ce jugement, celui-ci a, d'une part, limité à une somme représentative de la rémunération qu'il aurait perçue en qualité de directeur de la Fondation hellénique, diminuée des cotisations obligatoires de toute nature qui en auraient été déduites, pour la période du 1er octobre 2003 au 30 septembre 2006, l'indemnité au versement de laquelle il a condamné la Chancellerie des universités de Paris en réparation du préjudice pécuniaire qu'il a subi, avec intérêts à compter du 6 mars 2008 et capitalisation des intérêts à compter du 21 avril 2009 et, d'autre part, limité à une somme de 4 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné solidairement la Chancellerie des universités de Paris et la Fondation hellénique en réparation du préjudice moral qu'il a subi, avec intérêts à compter du 6 mars 2008 et capitalisation des intérêts à compter du 21 avril 2009 ;

2°) de condamner solidairement la Chancellerie des universités de Paris et la Fondation hellénique à lui verser la somme de 195 311,16 euros, ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la date de réception de ses demandes indemnitaires, et la capitalisation de ces intérêts à compter du 8 novembre 2008, ainsi qu'à chaque échéance annuelle, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de son éviction illégale du poste de directeur de la Fondation hellénique ;

3°) de mettre à la charge de la Chancellerie des universités de Paris et de la Fondation hellénique le versement de la somme de 5 000 euros chacune sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.........................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code de l'éducation ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 février 2014 :

- le rapport de Mme Bernard, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Oriol, rapporteur public,

- les observations de Me Soulier Dugenie, avocat de M. A...,

- les observations de Me B..., substituant Me Fouquier, avocat de la Chancellerie des universités de Paris,

- et les observations de Me Charvin, avocat de la Fondation hellénique ;

1. Considérant que, par une délibération du 10 juillet 2003, le conseil d'administration de la Fondation hellénique, laquelle a pour mission de promouvoir l'enseignement de la langue et de la culture grecques en France et gère la résidence d'étudiants " Maison de la Grèce " située au sein de la Cité internationale universitaire de Paris, a retenu la candidature de M. A... à l'emploi de directeur de cette fondation et a proposé sa nomination au recteur de l'académie, chancelier des universités de Paris ; que, par une lettre du 6 novembre 2003 adressée à l'ambassadeur de Grèce, président du conseil d'administration de la Fondation hellénique, le recteur a demandé une nouvelle délibération, en faisant valoir que le statut du candidat désigné, qui n'était pas enseignant titulaire, ne lui paraissait pas en conformité avec les conditions mentionnées dans l'offre d'emploi ; que, par une délibération du 17 décembre 2003, le conseil d'administration de la Fondation hellénique a annulé sa précédente délibération au motif que M. A... n'était pas enseignant titulaire et décidé de présenter au recteur la candidature de Mme D..., laquelle a été nommée directrice de la Fondation hellénique le 19 janvier 2004 ; que, par un jugement du 5 janvier 2006, le Tribunal administratif de Paris a annulé pour erreur de droit la décision du recteur, révélée par sa lettre du 6 novembre 2003, écartant la candidature de M. A... ; que, par un arrêt du 18 septembre 2007, la Cour administrative d'appel de Paris a confirmé ce jugement en tant qu'il avait annulé la décision du recteur du 6 novembre 2003 et l'a réformé en ce qu'il avait rejeté les conclusions de M. A... tendant à l'annulation de la décision du recteur du 19 janvier 2004 nommant Mme D... en qualité de directrice de la Fondation hellénique ; que la Cour a annulé cette dernière décision pour irrégularité, dès lors que la proposition du conseil d'administration de la Fondation hellénique du 17 décembre 2003 était entachée d'un vice de procédure en ce qu'elle avait écarté, sans l'examiner, la candidature de M. A... et n'avait donc pas examiné les mérites comparés de l'ensemble des candidats ; que, par une décision du 27 janvier 2010, le Conseil d'Etat a refusé d'admettre le pourvoi du recteur de l'académie, chancelier des universités de Paris, dirigé contre cet arrêt ;

2. Considérant que, par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 2 novembre 2011 du Tribunal administratif de Paris en tant que, par ce jugement, celui-ci a, d'une part, limité à une somme représentative de la rémunération qu'il aurait perçue en qualité de directeur de la Fondation hellénique, diminuée des cotisations obligatoires de toute nature qui en auraient été déduites, pour la période du 1er octobre 2003 au 30 septembre 2006, l'indemnité au versement de laquelle il a condamné la Chancellerie des universités de Paris en réparation du préjudice pécuniaire qu'il a subi et, d'autre part, limité à une somme de 4 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné solidairement la Chancellerie des universités de Paris et la Fondation hellénique en réparation de son préjudice moral ; que la Fondation hellénique, par la voie de l'appel incident, conclut à la réformation du même jugement en tant que celui-ci a retenu sa responsabilité à hauteur de 50 % du préjudice dont M. A... demande réparation à raison du manque à gagner résultant de la privation de la rémunération attachée à l'exercice de ses fonctions de professeur contractuel à l'université de Versailles Saint-Quentin ; qu'enfin, la Chancellerie des universités de Paris, par la voie de l'appel incident, conclut, à titre principal, à la réformation du même jugement en tant que celui-ci l'a condamnée à verser à M. A... les sommes précitées et, à titre subsidiaire, à ce que le montant de l'indemnité due à M. A... en réparation du préjudice pécuniaire qu'il a subi soit ramené à une somme représentative de la rémunération qu'il aurait perçue en qualité de directeur de la Fondation hellénique, seulement pour la période d'essai d'un an, diminuée des cotisations obligatoires de toute nature qui en auraient été déduites ainsi que des indemnités chômage perçues par M. A...sur ladite période, et au rejet des conclusions de M. A...tendant à l'indemnisation des autres préjudices invoqués ;

Sur la responsabilité :

3. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 1 ci-dessus, la décision du 6 novembre 2003 du recteur de l'académie, chancelier des universités de Paris, refusant de nommer M. A... au poste de directeur de la Fondation hellénique au seul motif qu'il n'avait pas la qualité d'enseignant titulaire était entachée d'erreur de droit ; que, par ailleurs, le conseil d'administration de la Fondation hellénique, lors de sa réunion du 17 décembre 2003, a refusé de réexaminer la candidature de M. A... pour le même motif illégal, entachant ainsi sa délibération d'un vice de procédure ; que ces illégalités fautives sont de nature à engager la responsabilité solidaire de la Chancellerie des universités de Paris et de la Fondation hellénique si elles ont directement causé un préjudice à M. A... ;

Sur les préjudices :

En ce qui concerne le préjudice résultant de la privation de la rémunération attachée à l'exercice des fonctions de directeur de la Fondation hellénique :

4. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que l'expérience professionnelle de M. A... ainsi que ses qualités personnelles, telles qu'exposées dans sa lettre de candidature au poste de directeur de la Fondation hellénique, dont les affirmations ne sont contredites par aucun élément du dossier, et qui ont pu être appréciées lors de son audition par la commission de sélection, correspondaient à celles exigées par l'offre d'emploi ; qu'en outre, la nomination de M. A... avait été proposée à l'unanimité des membres du conseil d'administration de la Fondation hellénique par délibération du 10 juillet 2003 ; que si cette délibération a été annulée par celle du 17 décembre 2003, c'est uniquement pour le motif, illégal, que M. A... n'avait pas la qualité d'enseignant titulaire ; que si le recteur fait valoir qu'il dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour suivre ou non les propositions de nomination émises par la Fondation hellénique, il ne se prévaut néanmoins d'aucun motif de nature à justifier légalement le refus de nomination de M. A... au poste de directeur de la Fondation hellénique ; que, par ailleurs, il résulte des termes mêmes de l'offre d'emploi que le candidat retenu était normalement engagé pour une période de trois ans ; que, dans ces conditions et dès lors que le recteur ne fait état d'aucun élément de nature à laisser supposer que M. A...aurait été écarté de ses fonctions à l'issue de la période d'essai d'un an, ce dernier doit être regardé comme ayant été privé, du fait des illégalités mentionnées au point 3 ci-dessus commises par le recteur de l'académie, chancelier des universités de Paris, puis par la Fondation hellénique, d'une chance sérieuse d'être nommé directeur de ladite fondation et d'exercer ces fonctions pendant la durée normale d'engagement ;

5. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction, et notamment de l'offre d'emploi publiée par la Fondation hellénique, que les fonctions de son directeur équivalent à un mi-temps, sont cumulables, sans plafonnement, avec celles d'enseignant ou de chercheur et sont rémunérées par une indemnité qualifiée de " complémentaire " ; que, dans ces conditions, il n'y a pas lieu de déduire de l'indemnité due à M. A... à raison de la perte de chance d'exercer lesdites fonctions les revenus qu'il a perçus au cours de la période litigieuse en qualité d'enseignant ou les allocations chômage qui lui ont été versées à la suite de sa démission de son poste de professeur contractuel à l'université de Versailles Saint-Quentin ; que, dans ces conditions, les premiers juges ont fait une exacte appréciation dudit préjudice en le fixant au montant, net des cotisations obligatoires de toute nature, de l'indemnité complémentaire qu'aurait perçue M. A... au cours de la période du 1er octobre 2003 au 30 septembre 2006 s'il avait été nommé directeur de la Fondation hellénique ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus qu'il y a lieu de condamner solidairement la Chancellerie des universités de Paris et la Fondation hellénique à verser à M. A... la somme ainsi déterminée et de renvoyer M. A... devant elles pour la liquidation en principal et intérêts de cette indemnité ;

En ce qui concerne le préjudice moral :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les illégalités mentionnées au point 3 ci-dessus commises tant par le recteur que par la Fondation hellénique ont causé un préjudice moral à M. A... ; qu'en se bornant à faire valoir, sans plus l'établir en appel qu'en première instance, que lesdites illégalités seraient à l'origine d'une dégradation de sa santé psychique et physique, M. A... n'établit pas que les premiers juges n'auraient pas fait une juste appréciation dudit préjudice en lui accordant à ce titre la somme de 4 000 euros ;

En ce qui concerne le préjudice financier résultant du non-renouvellement de son contrat de professeur à l'université de Versailles Saint-Quentin :

7. Considérant qu'en se bornant à produire le contrat de travail en qualité de professeur qui le liait à l'université de Versailles Saint-Quentin, sans possibilité de tacite reconduction, jusqu'à la date du 31 août 2003, ainsi que le courrier, rédigé postérieurement à cette date, qu'il a adressé au président de ladite université, indiquant qu'il ne souhaitait pas renouveler son contrat, M. A... n'établit pas que son contrat aurait été reconduit pour l'année universitaire 2003/2004 ; qu'au surplus, les éléments qu'il a produits en première instance et en appel font apparaître qu'il a perçu, au cours des années universitaires 2003/2004 et 2004/2005, une rémunération moyenne légèrement supérieure à celle qu'il avait perçue au cours de l'année 2002/2003 ; que, dans ces conditions, ni l'existence d'un lien direct de causalité avec une éventuelle faute de la Fondation hellénique, ni la réalité d'un préjudice financier à raison du non-renouvellement de son contrat de professeur à l'université de Versailles Saint-Quentin ne sont établies ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions de la Fondation hellénique tendant à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a retenu le principe de sa responsabilité à hauteur de 50 % dudit préjudice, c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté l'indemnisation de ce chef de préjudice ;

En ce qui concerne le préjudice résultant de la perte de chance de retrouver un emploi :

8. Considérant qu'en se bornant à faire valoir que " le refus brutal et soudain de sa nomination au poste de directeur de la Fondation hellénique a jeté le discrédit sur lui et a rendu sa recherche d'emploi dans le monde de l'enseignement particulièrement difficile ", sans apporter plus de précisions, ni aucun début de preuve sérieux, M. A... ne justifie pas, ainsi que l'a jugé le tribunal, de la réalité de ce préjudice ;

Sur les intérêts et la capitalisation des intérêts :

9. Considérant, d'une part, que lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires dus en application de l'article 1153 du code civil courent à compter de la réception par la partie débitrice de la réclamation de la somme principale ; que M. A... a donc droit aux intérêts légaux à compter de la réception de sa demande par la Chancellerie des universités de Paris et par la Fondation hellénique, soit le 7 novembre 2007 ;

10. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 1154 du code civil : " Les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière " ; que pour l'application de ces dispositions, la capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond ; que cette demande ne peut toutefois prendre effet que lorsque les intérêts sont dus au moins pour une année entière ; que, le cas échéant, la capitalisation s'accomplit à nouveau à l'expiration de chaque échéance annuelle ultérieure sans qu'il soit besoin de formuler une nouvelle demande ; que M. A... a demandé la capitalisation des intérêts dans sa demande enregistrée au greffe du Tribunal administratif de Paris le 6 mars 2008 ; qu'il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 7 novembre 2008, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris n'a pas prononcé la condamnation solidaire de la Fondation hellénique à lui verser la somme déterminée au point 5 ci-dessus et ne lui a alloué les intérêts qu'à compter du 6 mars 2008 et la capitalisation des intérêts qu'à compter du 21 avril 2009 ; que, par ailleurs, la Chancellerie des universités de Paris et la Fondation hellénique ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris les a condamnées à verser des sommes à M. A... ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement des sommes que la Chancellerie des universités de Paris et la Fondation hellénique demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Chancellerie des universités de Paris et de la Fondation hellénique le versement de la somme que M. A... demande sur le fondement des mêmes dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : La Fondation hellénique et la Chancellerie des universités de Paris sont solidairement condamnées à verser à M. A... l'indemnité représentative de la rémunération qu'il aurait perçue en qualité de directeur de la Fondation hellénique, diminuée des cotisations obligatoires de toute nature qui en auraient été déduites, pour la période du 1er octobre 2003 au 30 septembre 2006. Cette indemnité portera intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2007. Les intérêts échus le 7 novembre 2008 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts. M. A... est renvoyé devant la Fondation hellénique et la Chancellerie des universités de Paris pour la liquidation de ses droits dans les conditions fixées par le présent arrêt.

Article 2 : L'indemnité de 4 000 euros que la Chancellerie des universités de Paris et la Fondation hellénique ont été solidairement condamnées à verser à M. A... en réparation de son préjudice moral portera intérêts au taux légal à compter du 7 novembre 2007. Les intérêts échus le 7 novembre 2008 puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le jugement n° 0804579 du 2 novembre 2011 du Tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... et les conclusions de la Chancellerie des universités de Paris et de la Fondation hellénique présentées par la voie de l'appel incident sont rejetés.

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