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28/03/2014 | FRANCE | N°12NT02122

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 28 mars 2014, 12NT02122


Vu la requête, enregistrée le 26 juillet 2012, présentée pour la société anonyme d'économie mixte locale SOTRAVAL, dont le siège est 179 boulevard de l'Europe à Brest, par Me Marchand, avocat au barreau de Nantes, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904914 du 15 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 608 558 euros, majorée des intérêts de droits à compter de sa réclamation préalable, en réparation des conséquences dommageables de la décision du 15

septembre 2006 par laquelle le préfet du Finistère avait soulevé une objectio...

Vu la requête, enregistrée le 26 juillet 2012, présentée pour la société anonyme d'économie mixte locale SOTRAVAL, dont le siège est 179 boulevard de l'Europe à Brest, par Me Marchand, avocat au barreau de Nantes, qui demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904914 du 15 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 608 558 euros, majorée des intérêts de droits à compter de sa réclamation préalable, en réparation des conséquences dommageables de la décision du 15 septembre 2006 par laquelle le préfet du Finistère avait soulevé une objection au transfert de cendres résiduelles et de résidus d'épuration des fumées d'incinération d'ordures ménagères produits par l'usine d'incinération du Spernot à Brest vers les installations de remblaiement des cavités de mines de sel exploitées par la société GSES GmbH à Sondershausen dans le land de Thuringe (République fédérale d'Allemagne) ;

2°) de condamner l'Etat à lui payer en réparation la somme de 608 558 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la notification de la demande préalable et de la capitalisation des intérêts échus à compter de la requête ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

elle soutient que :

- par un contrat du 27 novembre 1986 et d'une durée de 30 ans, la communauté urbaine de Brest a mis à sa disposition l'unité de valorisation énergétique des déchets et les installations de pesage de l'usine de traitement de déchets de Sernot à Brest en vue d'y exercer une activité d'incinération des déchets urbains et de production d'énergie calorifique ;

- par contrat du même jour, la société SOTRAVAL et l'Union technique Elf générale de chauffe (UTEC) ont conclu un contrat d'exploitation technique de l'usine d'incinération des résidus urbains avec récupération d'énergie aux termes duquel la société SOTRAVAL confiait à l'UTEC, aux droits de laquelle est ensuite venue la société GEVAL, l'exploitation et l'entretien de l'ensemble des bâtiments, équipements et annexes composant le complexe de l'usine d'incinération des ordures ménagères de Brest, moyennant le versement par la société SOTRAVAL d'une redevance comportant une part fixe et une part proportionnelle au tonnage des déchets réceptionnés, cette convention stipulant que les produits et sous-produits résultant de l'incinération des résidus demeurent... ;

- par une convention du 11 février 1989, la communauté urbaine de Brest a, pour une durée de 30 ans, chargé la société SOTRAVAL d'assurer le traitement et la valorisation des ordures et déchets urbains collectés par cette communauté urbaine à compter de la réception des installations le 28 septembre 1989 ; par cette convention, modifiée sur ce point en 2004, la société SOTRAVAL s'engage à évacuer, notamment, les cendres et ferrailles ainsi que les résidus d'épuration des fumées d'incinération des ordures ménagères (REFIOM) en veillant à les valoriser au mieux ;

- l'autorisation préfectorale d'exploiter le site a été accordée à la communauté urbaine de Brest et transférée à la société SOTRAVAL le 20 février 2008 ;

- la société SOTRAVAL et la société Mindest SA ont conclu en juin 2006 un accord pour la prise en charge par la société Mindest SA des REFIOM produits par la l'usine du Spernot ; à la suite de cet accord, la communauté urbaine de Brest a conclu le 21 juillet 2006 un contrat avec la société Mindest SA et la société GSES GmbH, propriétaire de la mine de sel de Sondershausen, ayant pour objet le transport et l'utilisation de ces REFIOM pour combler les galerie désaffectées de cette mine ;

- sur cette base et agissant au nom de la communauté urbaine de Brest, la société Mindest SA a informé le préfet de cette opération de transfert de déchets entre Etats membres ; que, le 26 mars 2009, le tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du 15 septembre 2006 par laquelle le préfet s'était opposé à ce transfert au motif que le traitement envisagé de ces REFIOM constituait non une opération de valorisation mais une opération d'élimination de ces déchets ;

- du fait de cette décision préfectorale, la société SOTRAVAL a été contrainte de faire appel à des prestataires français pour assurer le transfert et l'élimination de ces REFIOM, dans des conditions financières nettement moins avantageuses que celles qui avaient été négociées avec la société Mindest SA ; que, le 22 juillet 2009, elle a saisi le préfet d'une demande indemnitaire préalable ;

- l'illégalité de la décision du 15 septembre 2006 constitue une faute engageant la responsabilité de l'Etat ;

- le préfet est d'ailleurs revenu sur sa position avant même l'annulation de cette décision, dès lors que, le 22 décembre 2008, il a donné son accord au transport des REFIOM produits par le site du Spernot jusqu'aux mines de sel de la société GSES, cette autorisation ayant été ensuite renouvelée ;

- la preuve du préjudice directement subi par la société SOTRAVAL est rapportée ; elle n'a pu bénéficier des conditions financières avantageuses négociées avec la société Mindest SA

dans le cadre de l'accord du 23 juin 2006 ;

- l'argument tiré de ce que le préjudice subi aurait été intégralement répercuté sur la communauté urbaine de Brest ou la société GEVAL, ou sur les usagers, doit être écarté ; en effet, le surcoût n'a pas été pris en charge par la communauté urbaine, aucune stipulation contractuelle ne prévoyant une telle compensation ;

- il ne saurait davantage être fait état de la sous-traitance à la société GEVAL d'une partie de l'exploitation technique des équipements, les produits et sous-produits résultant de l'incinération des résidus demeurant... ; l'évacuation et la valorisation des REFIOM demeurait de la seule responsabilité de cette société et la rémunération versée à la société GEVAL ne comporte aucun élément lié au coût de transport et de valorisation des REFIOM ; en outre, le préjudice subi par la société SOTRAVAL n'a pas davantage été répercuté sur les usagers ;

- du 2 octobre au 10 décembre 2008, la société SOTRAVAL a été contrainte de faire évacuer les REFIOM vers le site d'enfouissement tedchnique de Changé, exploité par la société Seche Eco Industries ; le transport a été assuré par les sociétés Le Bras-Lavenant et Rouxel ; à partir de janvier 2007, une partie des déchets a également été évacuée vers un autre centre d'enfouissement exploité par la société d'exploitation des décharges angevines ;

- le préjudice subi entre octobre 2006 et décembre 2008 s'établit à 608 558 euros ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2013, présenté pour le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie par Me Le Roy-Gleizes, avocat au barreau de Paris, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société SOTRAVAL la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du CJA ;

il fait valoir que :

- la société SOTRAVAL n'est pas mentionnée dans le contrat du 21 juillet 2006, où la communauté urbaine de Brest est stipulée comme ayant la qualité de producteur des déchets ;

- aucun élément du dossier ne permet d'identifier en quoi la société SOTRAVAL aurait subi un préjudice direct et certain, cette société n'étant au demeurant pas la destinataire de la décision d'objection annulée par le tribunal administratif de Rennes en 2009 ;

- elle n'a la qualité d'exploitante de l'unité de valorisation des déchets ménagers que depuis le 20 février 2008 ; cette qualité est au demeurant sans incidence sur la solution du litige ;

- l'examen des liens contractuels unissant la société SOTRAVAL aux différents intervenants ne permet pas davantage d'établir la réalité du préjudice direct et certain allégué ;

- elle a seulement négocié les conditions financières de transport et de valorisation des REFIOM, mais elle n'est pas partie au contrat du 21 juillet 1996 ;

- les articles 8 et 9 de l'avenant n° 4 à la convention d'apport et de traitement des résidus urbains entre la communauté urbaine de Brest et la société SOTRAVAL conduisent à la conclusion que l'ensemble des aspects de l'exploitation, en ce compris la gestion des résidus de production, a été sous-traitée à la société GEVAL ;

- l'article 7 du contrat du 28 novembre 1986 entre la société SOTRAVAL et la société GEVAL stipule que c'est cette dernière qui est chargé de procéder à l'évacuation des déchets ; l'alinéa de cet article selon lequel les produits et sous-produits résultant de l'incinération des résidus demeurent... ; ainsi, la société SOTRAVAL ne rapporte pas la preuve de la prise en charge de la gestion des REFIOM et par conséquent qu'elle subirait un préjudice direct et certain ;

- en tout état de cause, la société requérante ne justifie pas avoir supporté un surcoût ; la convention d'apport et de traitement de résidus urbains conclue avec la communauté urbaine de Brest ne permet pas d'établir que la société SOTRAVAL aurait supporté le coût de gestion des REFIOM ; en outre, n'est pas établie l'exactitude de l'affirmation selon laquelle la rémunération versée à la société GEVAL par la société SOTRAVAL ne comporte aucun élément lié au coût de transport et de valorisation des déchets ; la requérante n'établit pas qu'elle n'aurait pas refacturé les coûts à la société GEVAL ; c'est un prix de l'élimination en centre de stockage en France qui a été forcément pris en compte dans la négociation de ce contrat de très longue durée et qui a été signé bien avant que ne soit apparue une possibilité moins onéreuse de transférer les déchets en Allemagne ; le fait qu'une solution moins coûteuse soit apparue en 2005 n'a donc pu entraîner de surcoût par rapport aux prévisions initiales des parties ;

- subsidiairement, les autres arguments de la société SOTRAVAL sont sans fondement ;

- les directives du 15 juillet 1975 et du 5 avril 2006 prévoient que le traitement des déchets consiste soit en une opération d'élimination soit en une opération de valorisation ; le règlement du 1er février 1993 distingue la situation des déchets destinés à être éliminés et celle de ceux destinés à être valorisés ; que la Cour de justice a précisé les critères de distinction de ces deux situations dans son arrêt C-6/00 du 27 février 2002 ; que le Conseil d'Etat a précisé la mise en oeuvre de cette distinction dans des décisions du 12 janvier 2009 et du 29 avril 2009 ;

- la société SOTRAVAL se méprend sur la portée du jugement du tribunal administratif de Rennes du 26 mars 2009 ; ce jugement a en effet rejeté les conclusions tendant à ce qu'il soit ordonné au préfet du Finistère de prendre une nouvelle décision dans un sens déterminé ;

- le préfet du Finistère était en tout état de cause en droit de soulever une objection à la notification de transfert transfrontalier de déchets qui lui avait été faite par la communauté urbaine de Brest ; l'engagement automatique de la responsabilité de l'Etat ne peut se déduire du seul jugement du 26 mars 2009 ;

- la période d'indemnisation alléguée court du 1er octobre 2006 au 31 décembre 2008 ; les consentements délivrés par l'administration allemande n'était valables que jusqu'au 17 septembre 2007 ; le contrat conclu le 21 juillet 2006 n'était lui-même que d'une durée de validité d'un an à compter du premier transfert ; le § 2 de l'article 7 du règlement du 1er février 1993 prévoit que la validité du consentement ne peut excéder une année sauf indication contraire ; dès lors et en tout état de cause, un préjudice direct et certain ne saurait être justifié au-delà du 17 septembre 2007, date à laquelle la poursuite du contrat du 21 juillet 2006 était soumise au renouvellement de l'autorisation délivrée par les autorités allemandes et à un nouvel examen de la part du préfet du Finistère ; la requérante ne justifie donc pas d'un préjudice postérieurement à 2007, puisqu'elle n'avait, de toute façon, pas de consentement pour cette période ;

- en outre, l'article 10-2 de la directive du 15 mars 2006 précise que la directive 1999/31/CE continue de s'appliquer aux déchets autres que les déchets d'extraction utilisés pour combler les trous d'excavation ; cette directive de 1999 s'appliquant à la mise en décharge des déchets, y compris dans une ancienne mine de sel, il faut donc désormais considérer que le comblement de mines avec des déchets autres que des déchets de l'extraction minière est une mise en décharge et donc une opération d'élimination, mais non de valorisation ; la directive 2006/61/CE confirme que les opérations de stockage de déchets dangereux dans une mine relève de l'annexe II A, " opérations d'élimination ", de la directive 2006/12/CE du 5 avril 2006 relative aux déchets ; le seul texte définissant les opérations d'élimination ou de valorisation pour l'application du règlement du 1er février 1993, abrogé au 12 juillet 2007 par le règlement du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchet, est la directive 2006/21/CE du 15 mars 2006 ; cette directive, qui devait être transposée avant le 1er mai 2008, a été transposée en France par un décret du 13 avril 2010 et un arrêté du 19 avril 2010 ; ainsi, le préfet, pour les années suivantes après 2007, aurait pu valablement s'opposer pour le même motif au transfert en Allemagne des REFIOM sollicité par la société Mindest ; que, pendant le délai de transposition d'une directive, les Etats membres doivent s'abstenir de prendre des dispositions de nature à compromettre sérieusement le résultat prescrit par cette directive ; le préfet du Finistère aurait manifestement violé cette exigence en autorisant les transferts ultérieurs de déchets sollicités par la société Mindest pour le compte de la communauté urbaine de Brest ;

- le préjudice dont la société SOTRAVAL demande réparation est constitué de la différence entre le coût de la valorisation des REFIOM en Allemagne et celui de leur élimination en France ; n'est pas présenté le contrat matérialisant l'ensemble des relations contractuelles ; le courrier du 7 juin 2006 et le procès-verbal du 22 juin 2006 font état respectivement de 3 900 et 4 000 tonnes par an, alors que le contrat du 21 juillet 2006 indique une quantité maximale de 3 200 tonnes ; le courrier de 2006 mentionne un prix unitaire de 180 euros par tonne, tandis que le procès-verbal fait état de 176 euros ; la requérante n'a pas tenu compte d'éventuelles clauses de révision des prix qui auraient pu être stipulées au contrat ;

- un test aurait dû être effectué avant chaque transfert de REFIOM pour vérifier leur conformité à l'usage prévu ; il n'apparaît pas que l'intégralité des cendres et REFIOM produits sur le site de Spernot aurait nécessairement bénéficié des conditions tarifaires fixées au contrat conclu avec la société Mindest SA ; la société SOTRAVAL n'établit pas que les transports auxquelles elle soutient avoir dû recourir à compter du 2 octobre 2006 auraient correspondu à l'offre économiquement la plus avantageuse et techniquement la plus adaptée ;

Vu l'ordonnance du 22 janvier 2014 fixant la clôture de l'instruction au 10 février 2014 ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 31 janvier 2014, présenté pour la société SOTRAVAL, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance en date du 12 février 2014 portant réouverture de l'instruction, en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative ;

Vu le nouveau mémoire, enregistré le 28 février 2014, présenté pour le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui conclut, à titre principal, à ce que soit prononcé un non lieu à statuer et, à titre subsidiaire, aux mêmes fins que son mémoire en défense, par les mêmes moyens ;

il fait valoir, en outre, que :

- la société SOTRAVAL a été radiée le 1er juillet 2013 ; elle n'existe plus ;

- c'est à la communauté urbaine de Brest qu'a été opposée la décision de septembre 2006 et c'est cette communauté urbaine qui a conduit la procédure de transfert transfrontalier de déchets, en qualité de producteur de déchets ; en effet, c'est elle qui avait, alors, la qualité d'exploitante de l'installation classée dont sont issu les REFIOM ; depuis 2008, l'exploitant est la société SOTRAVAL et, depuis 2013, la société SOTRAVAL-SPL ; la société SOTRAVAL ne peut se prévaloir d'aucun préjudice direct et certain ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 mars 2014, présenté pour la société SOTRAVAL-SPL, qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

elle soutient, en outre, que :

- à la suite du traité de scission du 23 juin 2013, elle succède, en qualité de société publique locale, à la société d'économie mixte SOTRAVAL ;

- il n'existe aucune cause de non lieu à statuer ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 10 mars 2014, présentée pour la société SOTRAVAL-SPL ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement n° 259/93 du 1er février 1993 concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l'entrée et à la sortie de la Communauté européenne ;

Vu le règlement n° 1013/2006 du 14 juin 2006 concernant les transferts de déchets ;

Vu la directive n° 75/442, du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets ;

Vu la décision C-6/00 du 27 février 2002 de la Cour de justice des communautés européennes ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 mars 2014 :

- le rapport de M. Durup de Baleine, premier conseiller ;

- les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;

- les observations de Me Couetoux du Tertre, substituant Me Marchand, avocat de la société SOTRAVAL-SPL ;

- et les observations de Mme Le Roy-Gleizes, avocat du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;

Sur les conclusions indemnitaires :

1. Considérant que, si l'illégalité dont est entachée une décision administrative constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique, elle n'est de nature à ouvrir droit à réparation que dans la mesure où son application a entraîné un préjudice direct et certain ;

2. Considérant que la communauté urbaine Brest Métropole Océane est propriétaire d'une usine d'incinération de déchets situé au Spernot, à Brest ; qu'au mois d'août 2006, la société Mindest S.A., agissant au nom et pour le compte de cette communauté urbaine conformément au contrat conclu le 21 juillet précédent entre cette société et cet établissement public, a notifié au préfet du Finistère l'intention de transférer en République fédérale d'Allemagne des cendres et des résidus d'épuration des fumées d'incinération d'ordures ménagères (REFIOM) produits par cette usine ; que cette notification indiquait que la communauté urbaine était le producteur de ces cendres et résidus et que ce transfert constituait une opération de valorisation ; que, par une décision du 15 septembre 2006, le préfet du Finistère s'est opposé au transfert envisagé au motif qu'il devait être regardé comme ayant pour objet une opération d'élimination, et non de valorisation, de ces déchets ; qu'à la demande de la communauté urbaine et par un jugement, qui est définitif, du 26 mars 2009, le tribunal administratif de Rennes a annulé cette décision, au motif que le préfet avait à tort qualifié une opération d'élimination de déchets ; que la société SOTRAVAL-SPL soutient que, du fait de cette décision du 15 septembre 2006, elle s'est trouvée dans l'impossibilité, entre le 2 octobre 2006 et le 10 décembre 2008, de transférer ces cendres et résidus en République fédérale d'Allemagne et, par suite, dans l'obligation d'en faire assurer l'élimination en France, à un coût plus élevé que celui qu'elle aurait supporté en cas de transfert en Allemagne ;

3. Considérant qu'à la date de la décision du préfet du Finistère du 15 septembre 2006, était applicable le règlement du 1er février 1993 concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l'entrée et à la sortie de la Communauté européenne ; que le point g) de l'article 2 de ce règlement définit le notifiant comme étant " toute personne physique ou morale à qui incombe l'obligation de notifier, c'est-à-dire la personne visée ci-après qui se propose de transférer ou de faire transférer des déchets : i) La personne dont l'activité a produit ces déchets (producteur initial) / ou / ii) si cela n'est pas possible, un collecteur agréé à cet effet par un Etat membre ou un négociant ou courtier enregistré ou agréé faisant le nécessaire pour l'élimination ou la valorisation des déchets / ou / iii) si ces personnes ne sont pas connues ou agréées, la personne en possession de ces déchets ou les contrôlant légalement (détenteur) / (...) " ; que le titre II de ce règlement, titre relatif au transfert de déchets entre Etats membres, comprend un chapitre A, relatif au transfert entre Etats membres de déchets destinés à être éliminés, et un chapitre B, relatif au transfert entre Etats membres de déchets destinés à être valorisés ; que, selon l'article 6 de ce règlement : " Lorsque le notifiant a l'intention de transférer d'un Etat membre dans un autre (...) des déchets destinés à être valorisés (...) il en informe l'autorité compétente de destination et adresse copie de la notification aux autorités compétentes d'expédition et de transit ainsi qu'au destinataire. / (...) / La notification est effectuée au moyen du document de suivi qui est délivré par l'autorité compétente d'expédition. / (...) " ; que le § 1 du point 4 de l'article 7 de ce règlement prévoit que l'autorité compétente d'expédition peut soulever des objections motivées contre le transfert envisagé, de telles objections ayant pour effet d'empêcher ce transfert ; qu'en outre, il appartient à l'autorité compétente d'expédition de vérifier si un projet de transfert qualifié dans la notification comme constituant une opération de valorisation de déchets correspond effectivement à cette qualification ; que cette autorité doit, si cette qualification est erronée, s'opposer au transfert en soulevant une objection fondée sur cette erreur de qualification ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par un contrat de bail du 27 novembre 1986, la communauté urbaine a confié à la société SOTRAVAL l'exploitation de l'usine du Spernot, pour une durée de 30 ans à compter de la prise en charge des ouvrages ; que cette société a pris en charge les ouvrages constituant cette usine le 28 septembre 1989 ; que, par un autre contrat du 27 novembre 1986, la société SOTRAVAL a, pour la même durée, confié à la société Union technique Elf - Générale de Chauffe (UTEC), à laquelle a ensuite succédé la société GEVAL, désignée comme constituant l'exploitant, la charge d'exploiter et d'entretenir l'usine de Spernot ; que l'article 7 de ce contrat stipule que les produits et sous-produits résultant du l'incinération des résidus demeurent... ; que, par un contrat du 11 février 1989, modifié par un avenant du 23 janvier 2004, la communauté urbaine de Brest Métropole Océane a, pour la même durée de 30 ans, confié à la société SOTRAVAL le soin d'assurer le traitement par incinération et la valorisation des ordures et déchets urbains collectés par la communauté urbaine ; que l'article 8 de ce contrat, tel que résultant de l'avenant du 23 janvier 2004, stipule que la société SOTRAVAL s'engage à prendre en charge, notamment, les cendres et REFIOM résultant du fonctionnement de l'usine du Spernot, en veillant à les valoriser au mieux ; que cette usine constitue une installation classée pour la protection de l'environnement, soumise à autorisation ; que, le 20 février 2008, le préfet du Finistère a, en application des dispositions de l'article R. 512-68 du code de l'environnement, délivré à la société SOTRAVAL récépissé de la déclaration de changement d'exploitant de l'usine d'incinération de déchets du Spernot ; que, selon cette déclaration, la société SOTRAVAL a pris depuis le 1er janvier 2008 la succession de la communauté urbaine dans l'exploitation de cette usine ;

5. Considérant qu'il résulte des termes mêmes du règlement du 1er févier 1993 que l'obligation de notifier un transfert envisagé de déchets incombe au producteur initial des déchets, c'est-à-dire la personne dont l'activité a produit ces déchets ou, sauf à ce qu'il s'agisse d'un collecteur, négociant ou courtier visés au ii) du point g) de l'article 2 de ce règlement, et à condition que le producteur initial des déchets ne soit pas connu, le détenteur de ces déchets, c'est-à-dire la personne en possession de ces déchets ou les contrôlant légalement ; qu'il résulte de l'instruction qu'au mois de septembre 2006 le producteur initial des cendres et REFIOM issus du fonctionnement de l'usine d'incinération du Spernot était la société SOTRAVAL ou la société GEVAL, mais non la communauté urbaine de Brest, qui, comme il a été dit, n'exploitait pas cette usine et qui, par suite, n'était pas la personne dont l'activité produisait ces cendres et REFIOM ; que la circonstance que jusqu'au 1er janvier 2008, la communauté urbaine avait la qualité d'exploitant au regard de la législation des installations classées pour la protection de l'environnement est sans influence sur l'application du règlement du 1er février 1993 ; que ni la société SOTRAVAL, ni la société GEVAL n'ont, en 2006, notifié au préfet du Finistère un projet de transfert en République fédérale d'Allemagne de ces cendres et REFIOM ; que le défaut d'une telle notification par le producteur initial de ces déchets faisait obstacle à un tel transfert ; que c'est seulement à partir de la fin de l'année 2008 que la société SOTRAVAL a procédé auprès du préfet du Finistère à des notifications de transferts de cendres et REFIOM, auxquels ce préfet a donné son consentement les 15 décembre 2008 et 20 août 2009 ; qu'il en résulte que l'impossibilité dans laquelle la société SOTRAVAL s'est trouvée d'assurer le transfert de ces déchets en République fédérale d'Allemagne entre octobre 2006 et décembre 2008, et par suite l'obligation dans laquelle elle s'est trouvée de devoir en faire assurer le transport et l'élimination en France ainsi que, par voie de conséquence, le préjudice dont elle fait état, n'ont pas pour cause la décision illégale opposée le 15 septembre 2006 par le préfet du Finistère à la communauté urbaine de Brest Métropole Océane ; qu'ainsi, en l'absence de lien de causalité entre cette illégalité et ce préjudice, les conclusions tendant à ce que l'Etat soit condamné à en assurer la réparation ne sauraient être accueillies ;

6. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société SOTRAVAL-SPL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'a pas dans la présente instance la partie perdante, le versement d'une somme à ce titre ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société SOTRAVAL-SPL le versement de la somme de 2 000 euros que l'Etat demande au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société SOTRAVAL-SPL est rejetée.

Article 2 : La société SOTRAVAL-SPL versera à l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société SOTRAVAL-SPL et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Délibéré après l'audience du 7 mars 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Iselin, président de chambre,

- M. Millet, président-assesseur,

- M. Durup de Baleine, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 28 mars 2014.

Le rapporteur,

A. DURUP de BALEINE Le président,

B. ISELIN

Le greffier,

F. PERSEHAYE

La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 12NT02122 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 12NT02122
Date de la décision : 28/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. ISELIN
Rapporteur ?: M. Antoine DURUP de BALEINE
Rapporteur public ?: Mme GRENIER
Avocat(s) : MARCHAND

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2014-03-28;12nt02122 ?
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