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04/04/2013 | FRANCE | N°12NC01095

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 04 avril 2013, 12NC01095


Vu la requête, enregistrée le 26 juin 2012, présentée pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) dont le siège est 36, avenue Charles de Gaulle à Bagnolet (93170), représenté par son directeur en exercice, par Me Saumon et Me Roquelle-Meyer ; l'ONIAM demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000675 du 10 avril 2012 du tribunal administratif de Nancy en tant qu'il a reconnu que sa responsabilité était engagée, qu'il a admis en son principe le recours de la mutuelle assurance des

instituteurs de France à son encontre et qu'il l'a condamné à payer à...

Vu la requête, enregistrée le 26 juin 2012, présentée pour l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) dont le siège est 36, avenue Charles de Gaulle à Bagnolet (93170), représenté par son directeur en exercice, par Me Saumon et Me Roquelle-Meyer ; l'ONIAM demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1000675 du 10 avril 2012 du tribunal administratif de Nancy en tant qu'il a reconnu que sa responsabilité était engagée, qu'il a admis en son principe le recours de la mutuelle assurance des instituteurs de France à son encontre et qu'il l'a condamné à payer à cette mutuelle, subrogée dans les droits de Mme Villemin et de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône, une somme de 26 144,15 euros en réparation du préjudice lié à la contamination de Mme Villemin par le virus de l'hépatite C et des dépenses de santé engagées par la caisse primaire d'assurance maladie pour le compte de son assurée sociale ;

2°) de rejeter la demande de la mutuelle assurance des instituteurs de France devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de la mutuelle assurance des instituteurs de France une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

à titre principal, que le recours de la mutuelle assurance des instituteurs de France n'est pas recevable dès lors que :

- le tribunal s'est livré à une interprétation erronée de l'article 67 IV de la loi

n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 en le substituant à l'établissement français du sang vis-à-vis de l'assureur en qualité de responsable de la contamination litigieuse de Mme Villemin par le virus de l'hépatite C ;

- les conditions pour admettre la recevabilité d'un recours contre l'office en sa qualité de substitué à l'établissement français du sang ne sont pas remplies ;

- la nouvelle mission de l'office, qui intervient notamment au titre de la solidarité nationale pour l'indemnisation des dommages imputables à des contaminations par le virus de l'hépatite C causés par une transfusion de produits sanguins, n'a pas vocation à faire peser sur la solidarité nationale la réparation des préjudices consécutifs à une faute ;

- la responsabilité de l'auteur de l'accident de la circulation, assuré par la mutuelle assurance des instituteurs de France ne peut être transférée à l'office ;

et, à titre subsidiaire, que :

- c'est à tort que les premiers juges ont appliqué la présomption édictée par l'article 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 qui bénéficie aux seules victimes ;

- la mutuelle assurance des instituteurs de France ne rapporte pas la preuve de l'origine post-transfusionnelle de la contamination litigieuse ;

Vu le jugement attaqué :

Vu le mémoire, enregistré le 28 août 2012, présenté pour la mutuelle assurance des instituteurs de France dont le siège social est 200, avenue Salvador Allende à Niort (79000), représentée par son président, par Me Bourgaux, qui conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à la condamnation de l'ONIAM à lui verser la somme de

80 599,15 euros ainsi qu'une somme de 1 500 euros par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La mutuelle assurance des instituteurs de France soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés et que c'est à tort que les premiers juges ont limité à 26 144, 15 euros le montant des sommes qui lui ont été allouées, alors qu'en vertu d'un protocole transactionnel, régularisé le 22 novembre 2008, elle a réglé la somme de 60 300 euros à Mme Villemin et celle de 14 299,15 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute Saône ;

Vu la lettre du 14 janvier 2013 par laquelle les parties ont été informées qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience du 14 mars 2013 et que l'instruction pourrait être close à partir du 14 février 2013 sans information préalable ;

Vu l'avis d'audience portant clôture de l'instruction immédiate pris le 25 février 2013 en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative ;

Vu la lettre de l'ONIAM, enregistrée au greffe de la Cour le 14 mars 2013 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat ;

Vu la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation ;

Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale, notamment son article 67 ;

Vu le décret n° 2010-251 du 11 mars 2010 relatif à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de contaminations par le virus d'immunodéficience humaine ou par le virus de l'hépatite C causées par une transfusion de produits sanguins ou une injection de médicaments dérivés du sang ainsi qu'à l'indemnisation des victimes de préjudices résultant de vaccinations obligatoires ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mars 2013 :

- le rapport de Mme Fischer-Hirtz, président,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- les observations de Me Lecuyer, du cabinet Vatier et associés, avocat de l'ONIAM,

- et les observations de Me Bourgaux, avocat de la MAIF ;

1. Considérant qu'à la suite d'un accident de la circulation, Mme Villemin a été admise le 14 juin 1985 au centre hospitalier universitaire de Nancy ; qu'au cours de son hospitalisation des produits sanguins lui ont été administrés ; qu'en mars 2004, sa contamination par le virus de l'hépatite C (VHC) a été diagnostiquée ; que la mutuelle assurance des instituteurs de France, assureur du responsable de l'accident, a indemnisé

Mme Villemin à hauteur de 66 300 euros des conséquences de sa contamination et a versé à la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône une somme de 14 299,15 euros au titre des dépenses de santé exposées par cet organisme de sécurité sociale pour le compte de son assurée ; que la mutuelle assurance des instituteurs de France, subrogée dans les droits de la victime et de la caisse primaire d'assurance maladie, a saisi le tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à ce que l'établissement français du sang soit condamné à lui payer la somme de 80 599, 15 euros en remboursement des sommes ainsi versées ; que, par un jugement du 10 avril 2012, le tribunal administratif de Nancy, après avoir jugé que l'établissement français du sang était mis hors de cause, a condamné l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), substitué dans les droits de l'établissement français du sang, à verser à la mutuelle assurance une somme de 26 144,15 euros ; que l'ONIAM interjette régulièrement appel de ce jugement ; que la mutuelle assurance des instituteurs de France interjette, pour sa part, appel incident de ce même jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le recours subrogatoire de la mutuelle assurance des instituteurs de France contre l'ONIAM :

2. Considérant qu'il résulte des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale et du I de l'article 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959, ainsi que des articles 28 et 29 de la loi du 5 juillet 1985, que les recours des tiers payeurs, subrogés dans les droits d'une victime d'un dommage qu'ils indemnisent, s'exercent à l'encontre des auteurs responsables de l'accident ; qu'en confiant à l'ONIAM, établissement public à caractère administratif de l'Etat placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé, la mission d'indemniser, selon une procédure amiable exclusive de toute recherche de responsabilité, les dommages subis par les victimes de contamination transfusionnelle par le VHC dans la mesure où ces dommages ne sont pas couverts par les prestations versées par les tiers payeurs et sans préjudice de l'exercice par l'office d'un recours subrogatoire contre " la personne responsable ", le législateur a institué aux articles L. 1142-22 et L. 1221-14 du code de la santé publique un dispositif assurant l'indemnisation des victimes concernées au titre de la solidarité nationale ; qu'il s'ensuit que, dans l'exercice de la mission qui lui est confiée par ces articles, l'ONIAM est tenu d'indemniser à ce titre et non en qualité d'auteur responsable ; que ni la circonstance que le législateur n'ait pas expressément indiqué que l'ONIAM intervenait en ce cas au titre de la solidarité nationale, ni le fait qu'il ait maintenu les règles de preuve prévues par l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 ne sauraient remettre en cause la nature de l'intervention de l'ONIAM telle qu'elle résulte de l'économie générale du dispositif applicable, au demeurant semblable à celui prévu par la loi pour l'accomplissement par l'ONIAM d'autres missions d'indemnisation assurées expressément au titre de la solidarité nationale ; qu'il résulte de ce qui précède que les tiers payeurs ayant versé des prestations à la victime d'un dommage entrant dans les prévisions de l'article L. 1221-14 ne peuvent exercer contre l'ONIAM le recours subrogatoire prévu par les articles L. 376-1 du code de la sécurité sociale, 1er de l'ordonnance du 7 janvier 1959 et 29 de la loi du 5 juillet 1985 ;

3. Considérant, toutefois, qu'aux termes des dispositions transitoires figurant au IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 2008 : " L'ONIAM se substitue à l'établissement français du sang dans les contentieux en cours au titre des préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable " ; qu'il résulte de ces dispositions, entrées en vigueur, en application du décret du 11 mars 2010, le 1er juin 2010, que le législateur a entendu, dans les procédures en cours à cette date, substituer l'ONIAM à l'établissement français du sang tant à l'égard des victimes que des tiers payeurs ; qu'il s'ensuit qu'il n'y avait pas lieu de maintenir en cause l'établissement français du sang dans les procédures concernées pour qu'il soit statué sur le recours de ces derniers ;

4. Considérant, en l'espèce, qu'au jour de l'entrée en vigueur des dispositions précitées du IV de l'article 67 de la loi du 17 décembre 1968, la procédure initiée par la mutuelle assurance des instituteurs de France devant le tribunal administratif de Nancy était en cours et n'avait pas donné lieu à une décision irrévocable ; que, dans ces conditions, la mutuelle est fondée à soutenir qu'elle dispose, dans le cadre de la présente instance, d'un recours subrogatoire contre l'ONIAM destiné à la garantir des frais exposés pour la prise en charge de Mme Villemin en lien avec l'hépatite C dont elle est atteinte ; que l'ONIAM n'est, par suite, pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a reconnu le bien-fondé de l'action de la mutuelle assurance des instituteurs de France tendant à l'indemnisation par l'ONIAM des sommes qu'elle a allouées à Mme Villemin ainsi qu'à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute Saône au titre des débours exposés par cette dernière pour le compte de son assurée sociale ;

En ce qui concerne les sommes mises en compte par la mutuelle assurance des instituteurs de France :

5. Considérant que si la mutuelle assurance des instituteurs de France, assureur du responsable de l'accident, demande le remboursement des sommes qu'elle justifie avoir versées à Mme Villemin à hauteur de 66 300 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône à hauteur de 14 299,15 euros, elle ne produit en appel aucun élément nouveau de nature à établir en quoi les premiers juges auraient, par les motifs qu'ils ont retenus et qu'il y a lieu d'adopter, commis une erreur en fixant à 26 144,15 euros le montant de l'indemnité allouée ; que, par suite, les conclusions d'appel incident de la mutuelle assurance des instituteurs de France tendant à obtenir la condamnation de l'ONIAM à lui verser la somme de 80 599,15 euros doivent être rejetées ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la mutuelle assurance des instituteurs de France et non compris dans les dépens ;

D EC I D E :

Article 1er : La requête de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales ainsi que les conclusions d'appel incident de la mutuelle assurance des instituteurs de France sont rejetées.

Article 2 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales versera à la mutuelle assurance des instituteurs de France une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, à la mutuelle assurance des instituteurs de France et à l'établissement français du sang.

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N° 12NC01095

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC01095
Date de la décision : 04/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme HERBELIN
Rapporteur ?: Mme Catherine FISCHER-HIRTZ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : VATIER et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-04-04;12nc01095 ?
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