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31/01/2013 | FRANCE | N°12NC00240

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 31 janvier 2013, 12NC00240


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 13 février 2012, complétée par un mémoire enregistré le 29 novembre 2012 présentée pour la société par actions simplifiée (SAS) Auto Contact, dont le siège est 10 rue du Pré Talange à Woippy (57140), par Me Veyssade, avocat au barreau de Paris ;

La société Auto Contact demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805089 en date du 19 décembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en décharge, d'une part, du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a ét

é réclamé pour la période du 1er janvier 2001 au 30 juin 2004 par avis de mise en rec...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 13 février 2012, complétée par un mémoire enregistré le 29 novembre 2012 présentée pour la société par actions simplifiée (SAS) Auto Contact, dont le siège est 10 rue du Pré Talange à Woippy (57140), par Me Veyssade, avocat au barreau de Paris ;

La société Auto Contact demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805089 en date du 19 décembre 2001 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande en décharge, d'une part, du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er janvier 2001 au 30 juin 2004 par avis de mise en recouvrement du 27 août 2007, ainsi que des pénalités dont il a été assorti, d'autre part, de l'amende de 50 % prévue par l'article 1737 du code général des impôts ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient :

- que pour les opérations ayant donné lieu à rappels, elle démontre qu'étaient réunies les conditions justifiant les exonérations de taxe sur la valeur ajoutée qu'elle avait appliquées à ses livraisons intracommunautaires ;

- qu'en effet, M. Cifalino, qui exploitait le garage Imola situé au Luxembourg, avait un numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée régulier, valide jusqu'au 30 novembre 2002, date après laquelle aucune vente n'a été effectuée ; qu'il enlevait les véhicules par ses propres moyens ; qu'il exerçait une activité effective sans que ses carences en matière de déclarations aient pu alerter ses partenaires, alors que l'acquéreur avait été déclaré sur les déclarations d'échanges de biens (DEB) souscrites par la société ; que la réalité du transfert physique des véhicules est attestée par leur immatriculation ultérieure en Italie où ils ont été commercialisés par le garage Imola ;

- qu'en ce qui concerne les opérations effectuées avec l'entreprise Select Car située en Grande Bretagne, son responsable, M. Ricci se chargeait d'enlever les véhicules sur place, avait un numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée valide jusqu'au 1er février 2001, ce qui ne doit pas affecter les factures d'un total de 24 316 euros relatives aux trois véhicules enlevés avant cette date pour lesquels la réalité du transfert est attestée par leur immatriculation en Italie ; que le fait que l'entreprise Select Car ait eu une durée de vie réduite n'est pas suspect en soi ; que les documents relatifs aux autres véhicules ne sont pas contradictoires et que le transfert à l'étranger de ces véhicules est attesté par leur immatriculation en Italie ;

- que l'entreprise Burling International située au Luxembourg, avait un numéro intracommunautaire valide, une activité réelle, n'avait commis aucun manquement à ses obligations fiscales et payait les véhicules par virements bancaires ; que la réalité des transferts est confirmée par l'immatriculation des véhicules en Italie sans que l'absence de certaines lettres de voiture (CMR) et les mentions des autres, ne remette en cause cette réalité ;

- que pour les opérations encore en litige, après les décharges prononcées par le tribunal administratif, avec l'entreprise Boomprix située en Belgique, il n'est pas contesté que cette entreprise avait un numéro intracommunautaire valide et une activité réelle au cours de la période en litige ; que ses manquements à ses obligations fiscales ou déclaratives sont sans incidence dès lors que la société Auto Contact ne disposait d'aucune information à ce sujet ; que la société Auto Contact démontre la réalité du transfert des véhicules par leur immatriculation en Italie, quelles que soient les mentions des CMR ;

- que les ordres de virement relatifs au véhicule vendu intervenus avant que le numéro intracommunautaire de l'entreprise Mono Car Lux située au Luxembourg ait été invalidé à compter du 6 septembre 2001, démontrent la réalité du transfert ; que, compte tenu des éléments fournis, la présomption de régularité de la vente du second véhicule, faite après l'invalidation du numéro intracommunautaire, ne peut pas être remise en cause ;

- que selon l'administration, le numéro intracommunautaire de l'entreprise Top Mobile située en Grande Bretagne n'aurait été invalidité qu'en 2003, soit postérieurement aux ventes ayant donné lieu à rappels ; que cette société avait une activité réelle, notamment dans l'Est de la France, disposait d'un bureau à Paris, enlevait les véhicules et les faisait livrer à ses clients ; que la réalité des opérations est démontrée malgré les imperfections de quelques CMR, le fait que les paiements provenaient d'un compte bancaire ouvert en France par Top Mobile et que Top Mobile aurait manqué à ses obligations fiscales au Royaume-Uni ; que les certificats d'immatriculation en Italie de tous ces véhicules ont été produits ; que d'autres redevables n'ont pas fait l'objet de rappels pour des opérations menées de la même façon avec l'entreprise Top Mobile ;

- que la réalité du transfert des véhicules vendus à l'entreprise FA BB Car di Bella Maximiliano située en Allemagne est attestée par leur immatriculation en Italie et par la production de factures de reventes par cette entreprise, alors même que l'entreprise n'aurait disposé d'un numéro de taxe sur la valeur ajoutée intracommunautaire que jusqu'au 1er octobre 2002, aurait manqué à ses obligations fiscales, aurait eu une courte durée de vie et que certains CMR auraient été imparfaits ; que le manque de vigilance de la société Auto Contact lors de la radiation de l'entreprise FA BB Car di Bella Maximiliano ne suffit pas à faire soupçonner une complicité de fraude, alors au surplus que les opérations effectuées avant le 1er octobre 2002 étaient régulières ;

- que l'entreprise Automercato située en Italie disposait d'un numéro intracommunautaire valide et avait une activité réelle ; que le transfert des véhicules en Italie n'est pas contestable quelles que soient les imperfections des CMR et notamment de leurs mentions qui n'ont jamais présenté M. Carmisciano comme l'acquéreur et alors qu'aucune des discordances de flux invoquées par l'administration n'existe ;

- que l'entreprise Stil Auto située en Belgique avait un numéro intracommunautaire valide, que la société Auto Contact en avait recueilli les éléments d'identification et n'avait pas accès aux informations relatives aux manquements à ses obligations fiscales commis par l'entreprise Stil Auto ; que la réalité des transferts physiques, à l'exception d'une vente, est attestée par les CMR et par l'immatriculation en Italie de 18 véhicules sur 20 ; que pour le véhicule où Mondial Cars est mentionné sur le CMR, il s'agissait en fait d'un transport groupé ;

- que l'entreprise Euro Interface située au Luxembourg et représentée par M. Argentino était en situation régulière ; que les opérations et les transferts ont été régulièrement réalisés dans le cadre d'une opération triangulaire alors même que deux CMR font défaut et malgré les mentions de certains documents ;

- que l'entreprise Car Auto di Bella Maria située en Allemagne disposait d'un numéro intracommunautaire valide ; qu'il est démontré qu'elle a acquis les véhicules en cause, alors même que son activité a été de courte durée et qu'elle aurait manqué à ses obligations fiscales, ce qui n'était pas connu de la société Auto Contact ;

- que l'entreprise Auto Car di Bella Pietro située en Allemagne avait un numéro intracommunautaire valide jusqu'au 29 décembre 2003 selon le service, avait une activité réelle et a démontré qu'elle avait acquis les véhicules qui ont tous été transférés en Italie ; que l'intervention de M. Carmisciano pour cette entreprise est démontrée ; qu'après la cessation d'activité de l'entreprise Auto Car di Bella Pietro, la société Auto Contact a rectifié ses factures en portant le nom de la nouvelle entreprise qui lui avait succédé en Italie, soit dans un premier temps avec la mention erronée Auto Car Di Bella puis, ensuite, Mondial Car ;

- qu'à titre subsidiaire, à supposer même que les ventes avec l'entreprise Auto Car di Bella Pietro aient été irrégulières, ces ventes resteraient exonérées, dès lors que le seuil annuel de 100 000 euros prévu pour les vente en Allemagne est dépassé, en application de

l'article 258 A-I, 1°, b du code général des impôts, M. Di Bella devant être par défaut assimilé à un particulier au regard de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- que l'entreprise Cantone Lorenzo située en Allemagne disposait d'un numéro intracommunautaire valide jusqu'en 2005 et avait une activité réelle ; que la société Auto Contact avait effectué des diligences normales pour recueillir les éléments d'identification nécessaires ; que la livraison des véhicules est attestée malgré quelques imperfections des CMR, sans que le transfert de l'établissement de l'entreprise Cantone Lorenzo ne puisse être regardé comme suspect ;

- que l'entreprise de M. Carmine Morra située en Allemagne était valablement identifiée à la taxe sur la valeur ajoutée depuis 2003 pour une activité de négociant, puis l'a également été sous l'enseigne ITE Ital-Trucks-Europa à partir de 2004 ; que les informations transmises par les autorités allemandes à l'administration fiscale sont inexactes, la réalité de l'activité de l'entreprise de M. Carmine Morra étant démontrée, tout comme la réalité des transactions réalisées par la société Auto Contact avec elle ;

- que l'amende de 50 % instaurée par l'article 1737 du code général des impôts n'était justifiée pour aucune des opérations conclues avec les différentes entreprises situées à l'étranger, dès lors que la société n'avait pas dissimulé ou travesti l'identité de ses clients ou procédé à des opérations fictives ; qu'il en est ainsi en particulier pour les opérations avec le garage Imola au Luxembourg ; que le fait que la société Auto Contact ait manqué de vigilance pour la vérification de la validité du numéro intracommunautaire de l'entreprise Select Car ne permet pas de douter de sa bonne foi ; qu'elle conteste également les pénalités appliquée aux opérations d'un montant de 37 578 euros pour 2001 et 60 673 euros pour 2003 faites avec les clients MMJ, ZECCA Maria, Muageri ALPRA SRL, même si elle ne conteste pas les rappels de taxe sur la valeur ajoutée faute d'avoir trouvé des éléments de preuve, car la difficulté pour Auto Contact de retrouver des justifications ne saurait caractériser une volonté délibérée d'éluder l'impôt, ni a fortiori d'avoir cherché à égarer l'administration ; que pour 3 véhicules facturés 17 221 euros en 2003 pour lesquels la société GENERAL V n'a pas reconnu l'achat, la position du client est probablement liée à ses négligences déclaratives sans qu'Auto Contact n'ait commis pour sa part d'irrégularités justifiant les sanctions appliquées ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 7 août 2012, présenté par le ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur ;

Le ministre conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

- que la société indique expressément ne pas contester une partie des rappels en principal d'un montant non contesté de 6 158 euros au titre de l'année 2001 et de 12 765 euros au titre de l'année 2003 ;

- que pour de nombreuses opérations, la société n'a pas produit les lettres CMR et que les CMR existants ne sont pas signés par la personne qui réceptionne les véhicules, les bons de commandes n'étant pas signés par le client ;

- que les numéros d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée des clients Zecca Maria, MMJ Genaral Ltd, Select Car, Mono Car Lux, FA BB Car di Bella Maximiliano et Auto Car di Bella Pietro n'étaient plus valides à la date des facturations ;

- que selon les réponses des autorités fiscales allemandes, belges, luxembourgeoises et britanniques aux demandes d'assistance administrative internationale, les véhicules ne se trouvaient pas dans leurs pays et les destinataires mentionnés sur les factures n'existaient pas, étaient fiscalement défaillants, étaient introuvables ou dans l'incapacité matérielle de recevoir les véhicules ; que c'est le cas des clients Car Auto di Bella Maria, Auto Car di Bella Pietro, FA BB Car di Bella Maximiliano, Cantone, Carmine Morra, Euro Interface, garage Imola, PRL ALFRA, General V, Bomprix et Top Mobile ;

- que les transactions ont été effectuées par l'intermédiaire d'un tiers, M. Carmisciano domicilié en Moselle et indiquent comme destination son garage situé en Italie ;

- que la proposition de rectification est régulièrement motivée et que la valeur de sa motivation ne dépend pas du bien-fondé de ses motifs ;

- que pour qu'une livraison intra-communautaire soit exonérée en application de l'article 262 ter du code général des impôts, il faut que le bien soit expédié vers un autre Etat membre mais aussi que les acquisitions soient taxées dans l'autre Etat membre ;

- qu'en ce qui concerne les ventes avec le garage Imola, la société Auto Contact n'a pas produit les CMR, le service ayant constaté une discordance entre le flux facturé et déclaré sur la déclaration d'échanges de biens et l'origine du paiement en provenance d'Italie ; que quand bien même la réalité du transfert en Italie serait démontrée, rien n'établit la réalité du transport à destination du client luxembourgeois ; que le garage Imola ne figure pas sur la liste des assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée luxembourgeoise et que ses dernières déclarations remontent à l'année 2000 ;

- que la société n'a produit aucune des CMR relatives aux ventes avec la société Select Car, les destinataires réels des véhicules n'étant pas connus et aucun élément relatif au transport n'étant apporté ;

- que pour le client Burling International, les lettres CMR font défaut pour la plupart d'entre elle et les autres mentionnent un destinataire italien, la preuve de l'immatriculation des véhicules en Italie ne suffisant pas à démontrer que la livraison intra-communautaire correspondante devait être exonérée de taxe sur la valeur ajoutée ;

- que font toujours défaut les CMR concernant 21 véhicules vendus à la société Boomprix ;

- que manquent deux CMR de ventes à la société Mono Car Lux ; que cette société a eu une existence éphémère et que faute de justificatifs, la société Auto Contact ne peut se prévaloir de la présomption de réalisation d'une livraison intra-communautaire ;

- que 19 des 27 transactions avec la société Top Mobile n'ont pas donné lieu à production de CMR et que ceux qui ont été produits présentent des discordances par rapport aux factures ; que les paiements ont été effectués à partir d'un compte ouvert en France par Top Mobile, ce qui aurait dû alerter la société Auto Contact et la conduire à vérifier que son client présentait les conditions requises pour ouvrir droit à l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée ; que la société Top Mobile n'a déclaré aucune acquisition intracommunautaire au Royaume Uni ;

- qu'en ce qui concerne le client FA BB Car di Bella Maximiliano, existe également une discordance entre les factures et les CMR ; que l'attestation postérieure et imprécise de M. Carmisciano est sans valeur probante ; que l'entreprise FA BB Car di Bella Maximiliano n'a existé que 10 mois ;

- que pour les ventes de véhicules et d'huile à l'entreprise Auto Mercato, le service a relevé une discordance avec les flux physiques des véhicules ; que des CMR font défaut et que les autres mentionnent M. Carmisciano et non l'entreprise Auto Mercato, ce qui interdit d'établir une corrélation entre les factures et les documents ;

- que pour l'entreprise Stil Auto il existe également une discordance entre les flux facturés et les flux physiques ; que certaines CMR font défaut ; que le fait que les véhicules aient été immatriculés en Italie ne prouve pas l'existence d'une livraison intra-communautaire ; qu'en cas d'expédition par société de fret express ou messagerie, après groupage, les éléments de preuve que doit apporter le vendeur sont les mêmes que dans les autres cas ;

- qu'en ce qui concerne les ventes à la société Euro Interface, il existe une discordance entre les flux physiques et les flux facturés ; que les CMR font apparaître M. Carmisciano comme destinataire du bien ; que la société Euro Interface a affirmé n'avoir pas acheté de véhicules à la société Auto Contact ;

- que 16 CMR, sur les 20 ventes effectuées à la société Car Auto di Bella Maria, font apparaitre MM. Filippo ou Salvatore Carmisciano comme destinataire ; que l'attestation produite est trop imprécise pour démontrer la réalité de la livraison ;

- que manquaient des CMR relatives aux ventes à la société Auto Car di Bella Pietro et que les autres étaient aux noms de MM. Carmisciano ou de leurs entreprises ; que le numéro d'identification à la TVA de la société Auto Car di Bella Pietro était invalide depuis le 29 décembre 2003 alors que des factures sont postérieures ; que la circonstance que la société Auto Contact avait effectué les diligences nécessaires pour vérifier les éléments d'identification de son client ne suffit pas à l'exonérer de sa responsabilité ; que les véhicules en cause ne se trouvent pas en Allemagne ; que la société ne prouve pas la réalité des livraisons ; que la société ne peut se prévaloir de l'article 258 A du code général des impôts, dès lors qu'elle n'établit pas que les ventes ont été faites au profit de personnes remplissant les conditions d'application de cet article ;

- que les ventes avec M. Cantone font apparaître des discordances de flux ou de destinataires sur les CMR aux noms de M. Carmisciano, Euro Import ou Di Bella Pietro ; que M. Cantone avait une adresse dans un hôtel puis est parti sans laisser d'adresse ; qu'il n'a jamais déposé de déclaration de taxe sur la valeur ajoutée dans son pays ; que la société Auto Contact se borne à alléguer sans apporter de preuve que rien n'indique que l'entreprise de M. Cantone ne disposait pas d'une base logistique autre que celle de l'adresse de correspondance ;

- qu'une des ventes avec l'entreprise Carmine Morra n'est pas accompagnée d'une CMR et que les CMR présentées mentionnent les noms de M. Carmisciano ou d'une autre société ; que l'entreprise Morra n'a plus eu d'activité après août 2001 et que cette entreprise n'a pas déclaré avoir fait des acquisitions intracommunautaires auprès de la société Auto Contact ; que la société Auto Contact ne peut se prévaloir d'une confusion avec la société ITE Ital-Trucks-Europa dès lors qu'elle a établi ses factures au nom de M. Carmine Morra ;

- que l'amende de l'article 1737 du code général des impôts est justifiée dès lors que la société Auto Contact a sciemment dissimulé l'identité et l'adresse de ses clients réels sur les factures de vente et que la société ne connaissait pas les clients mentionnés sur ses factures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 06 décembre 2012 :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- et les conclusions de M. Féral, rapporteur public ;

1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Auto Contact, qui a pour activité le négoce de véhicules d'occasion a, durant la période en litige, facturé le plus souvent à des entreprises sises en Allemagne, en Belgique, au Luxembourg et en Grande Bretagne, des véhicules que ces dernières revendaient à des garages italiens, alors que la société Auto Contact, dans le cadre d'opérations dites triangulaires, expédiait ces véhicules directement en Italie depuis ses dépôts situés en France ; qu'à l'issue de la vérification de comptabilité de la société Auto Contact au titre de la période du 1er janvier 2001 au 30 juin 2004, l'administration a remis en cause le régime d'exonération prévu pour les livraisons intra-communautaires dont la société avait initialement bénéficié, au motif qu'il n'était pas effectivement justifié que certains des véhicules vendus avaient été réellement expédiés aux entreprises mentionnées sur les factures ou dans les pays dans lesquels ces entreprises avaient leur siège ;

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 28 quater de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires : " A. Exonération des livraisons de biens. / Sans préjudice d'autres dispositions communautaires et dans les conditions qu'ils fixent en vue d'assurer l'application correcte et simple des exonérations prévues ci-dessous et de prévenir toute fraude, évasion ou abus éventuels, les Etats membres exonèrent : / a) les livraisons de biens, au sens de l'article 5, expédiés ou transportés, par le vendeur ou par l'acquéreur ou pour leur compte en dehors du territoire visé à l'article 3 mais à l'intérieur de la Communauté, effectuées pour un autre assujetti, ou pour une personne morale non assujettie, agissant en tant que tel dans un Etat membre autre que celui du départ de l'expédition ou du transport des biens. " ; qu'aux termes de l'article 262 ter du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions : " I. Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : / 1° Les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie (...) " ; que si, pour l'application de ces dispositions, un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée disposant de justificatifs de l'expédition des biens à destination d'un autre Etat membre et du numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée de l'acquéreur doit être présumé avoir effectué une livraison intracommunautaire exonérée, cette présomption ne fait pas obstacle à ce que l'administration fiscale puisse établir que les livraisons en cause n'ont pas eu lieu, en faisant notamment valoir que des livraisons, répétées et portant sur des montants importants, ont eu pour destinataires présumés des personnes dépourvues d'activité réelle ; que, toutefois, le droit à exonération de cet assujetti ne peut alors être remis en cause que s'il est établi, au vu des éléments dont il avait connaissance, qu'il savait ou aurait pu savoir en effectuant les diligences nécessaires, que la livraison intracommunautaire qu'il effectuait le conduisait à participer à une fraude fiscale ;

En ce qui concerne l'établissement de la présomption de livraisons intra-communautaires :

S'agissant des numéros d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des propositions de rectification, que la société Auto Contact vérifiait dès le début de ses relations commerciales avec chacun de ses clients, leur numéro d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée et qu'elle conservait et joignait à sa comptabilité les documents relatifs à ce numéro ainsi d'ailleurs que des photocopies des documents d'identité des dirigeants des sociétés avec lesquelles elle traitait ; qu'ainsi, elle disposait des numéros d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée des acquéreurs, sans que lui soit opposable la circonstance que les numéros de certains clients avaient été invalidés au cours de la période en litige, dès lors qu'il ne résulte pas des éléments joints au dossier que la société Auto Contact aurait pu en avoir connaissance ;

S'agissant de l'expédition des biens à destination d'un autre Etat membre :

4. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est pas contesté que pour certaines des factures en litige, la société Auto Contact ne disposait pas des lettres de voiture dites " CMR " ni d'aucun autre document de nature à démontrer que les véhicules avaient été transportés dans un autre Etat membre, en l'espèce en Italie ; que si la société fait valoir que ces véhicules ont quitté ses entrepôts dans le cadre de convoyages, elle n'apporte aucun élément de démonstration à l'appui de ses allégations ; qu'en conséquence, elle ne peut, dans ces hypothèses et pour ces opérations, être présumée avoir effectué des livraisons intra-communautaires exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que les deux ventes effectuées en 2001 à la société Mono Car Lux située au Luxembourg ont donné lieu à des paiements depuis le Luxembourg n'est pas à elle seule de nature à démontrer que les véhicules ont été expédiés vers un autre Etat membre ; que de même, en ce qui concerne les cinq factures n° 7004772, 7004774, 7004775, 7004808 et 7004823 adressées à la société Auto Car di Bella Pietro le 31 décembre 2003, l'attestation produite postérieurement aux contrôles par laquelle M. Di Bella certifie avoir revendu les voitures concernées, n'est pas à elle seule de nature à établir la réalité de la livraison des biens correspondants ;

6. Considérant, en troisième lieu, que la seule circonstance, même non contestée, que certains véhicules pour lesquels la société Auto Contact ne disposait pas des lettres CMR ont été immatriculés en Italie ne suffit pas à justifier de l'expédition de ces voitures à l'étranger, dès lors qu'il n'est pas établi que les véhicules devaient nécessairement se trouver physiquement sur le territoire italien pour y être immatriculés ; qu'ainsi, la société Auto Contact ne peut être regardée, pour ces ventes, comme présumée avoir effectué des livraisons intra-communautaires exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de l'instruction que pour les autres affaires en litige, la société Auto Contact disposait des lettres CMR attestant du transfert des véhicules dans un autre Etat membre, en l'espèce en Italie ; que s'agissant le plus souvent d'opérations triangulaires dans lesquelles les véhicules étaient vendus et facturés à des clients situés en Allemagne, en Belgique, au Luxembourg et en Grande Bretagne, tout en étant expédiés directement en Italie, et alors que rien n'indique que les véhicules seraient restés en France où ils auraient été vendus, la circonstance invoquée par l'administration que ces biens n'étaient pas expédiés à l'adresse et au nom du client mentionné sur les factures et que les lettres CMR ne comportaient pas le nom de ce client mais les noms de garages italiens ou de personnes chargées d'organiser le transport des véhicules vers l'Italie, n'est pas à elle seule de nature à faire regarder ces lettres comme ne correspondant pas à un transport effectif vers un autre Etat membre et comme ne constituant pas des pièces justifiant l'expédition des véhicules à l'étranger par le vendeur, par l'acquéreur ou pour leur compte ; que dans ces conditions, la société Auto Contact doit être présumée avoir effectué dans ces cas des livraisons intra-communautaires susceptibles d'être exonérées de taxe sur la valeur ajoutée ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, que doivent être présumées correspondre à des livraisons intracommunautaires exonérées de taxe sur la valeur ajoutée, dès lors qu'elles étaient accompagnées de lettres CMR, toutes les factures adressées à la société Euro Interface, la facture n° 7003734 du 31 décembre 2002 adressée à la société Boomprix et les factures n° 7002465 du 6 janvier 2002 et n° 7003649 du 27 décembre 2002 envoyées à la société FA BB Car di Bella Maximiliano ; que cette présomption existe également pour toutes les factures établies au nom de la société Stil Auto à l'exception des factures n° 7003788 du 31 janvier 2003 et n° 7004036 du 31 mars 2003, pour les factures adressées au garage Automercato à l'exception des factures n° 700768 du 28 janvier 2003, n° 7004030 du 31 mars 2003 ainsi que des trois factures d'huile en date des 21 février, 10 juillet et 25 juillet 2002, pour les factures envoyées à la société Auto Car di Bella Pietro à l'exception des factures n° 7004772, 7004774, 7004775, 7004808 et 7004823 du 31 décembre 2003, pour les factures établies au nom de M. Lorenzo Cantone à l'exception de la facture n° 7004933 du 3 mars 2004 et pour les factures adressées à M. Carmine Morra à l'exception de la facture n° 7005202 du 21 juin 2004 ;

En ce qui concerne la remise en cause de la présomption :

9. Considérant, en premier lieu, qu'en ce qui concerne les opérations effectuées avec la société Stil auto et l'entreprise Automercato, l'administration se borne à soutenir en appel que les noms des destinataires mentionnés sur les factures de la société Auto Contact et sur les lettres CMR correspondantes étaient différents, sans faire valoir aucune circonstance autre que la réalisation d'opérations triangulaires, celle-ci n'étant pas à elle seule de nature à faire douter de la réalité des ventes réalisées par la société Auto Contact ; qu'ainsi, l'administration n'établit pas que les opérations n'ont pas eu lieu et que les clients concernés de la société Auto Contact étaient dépourvus d'activité réelle ; que la circonstance invoquée par l'administration en appel que la société Euro Interface a déclaré aux autorités de son pays n'avoir pas acheté de marchandises à la société Auto Contact n'est pas à elle seule de nature à établir l'absence de réalisation de ces opérations ; qu'il en est de même de la circonstance que M. Carmine Morra, dont il n'est pas contesté qu'il a eu une activité réelle de septembre 1993 à août 2001, qui a été ensuite poursuivie sous le nom d'ITE Ital-Trucks-Europa, n'a pas déclaré sous son nom l'acquisition des véhicules qu'il a achetés à la société Auto Contact ;

10. Considérant, en second lieu, que s'il résulte des réponses obtenues par l'administration dans le cadre de l'assistance internationale que les numéros d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée des sociétés Boomprix, Auto Car di Bella Pietro, FA BB Car di Bella Maximiliano et de l'entreprise de M. Cantone ont été invalidés au cours de la période en litige, que la société FA BB Car di Bella Maximiliano a eu en outre une existence éphémère et que M. Cantone ne disposait pas d'une adresse fixe en Allemagne et n'a jamais déclaré d'acquisitions intracommunautaires, il ne résulte d'aucun élément du dossier que ces circonstances étaient connues de la société Auto Contact qui avait pris la précaution de vérifier les numéros d'identification à la taxe sur la valeur ajoutée de ses clients et l'état civil de leurs dirigeants au début de leurs relations commerciales, ni que compte tenu des éléments dont elle avait connaissance, la société Auto Contact aurait pu savoir en effectuant les diligences nécessaires que les livraisons intracommunautaires qu'elle effectuait pouvaient la conduire à participer à une fraude fiscale ; qu'ainsi, pour ces opérations, la société Auto Contact doit être regardée comme ayant effectué des livraisons intra-communautaires exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 262 ter du code général des impôts ;

Sur l'amende instaurée par l'article 1737 du code général des impôts :

11. Considérant qu'en vertu de l'article 1740 ter du code général des impôts auquel a succédé l'article 1737, le fait pour une personne de travestir ou de dissimuler l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients ou de sciemment accepter l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom, entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant des sommes versées ou perçues ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui est dit ci-dessus et notamment de ce que les factures litigieuses étaient établies dans le cadre d'opérations triangulaires, qu'il n'est pas établi que la société Auto Contact aurait sciemment dissimulé ou travesti l'identité de ses clients ou accepté l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom ; que c'est, dès lors, à tort que l'administration a soumis tous les rappels contestés à l'amende prévue par les dispositions susmentionnées du code général des impôts ;

13. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société Auto Contact est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions dirigées contre les rappels relatifs à l'ensemble des factures adressées à la société Euro Interface, à la facture n° 7003734 du 31 décembre 2002 adressée à la société Boomprix, aux factures n° 7002465 du 6 janvier 2002 et 7003649 du 27 décembre 2002 établies au nom de la société FA BB Car di Bella Maximiliano, à toutes les factures établies au nom de la société Stil Auto à l'exception des factures n° 7003788 du 31 janvier 2003 et n° 7004036 du 31 mars 2003, aux factures adressées au garage Automercato à l'exception des factures n° 700768 du 28 janvier 2003, n° 7004030 du 31 mars 2003 ainsi que des trois factures d'huile en date des 21 février, 10 juillet et 25 juillet 2002, aux factures adressées à la société Auto Car di Bella Pietro à l'exception des factures n°7004772, 7004774, 7004775, 7004808 et 7004823 du 31 décembre 2003, aux factures adressées à M. Lorenzo Cantone à l'exception de la facture n° 7004933 du 3 mars 2004 et aux factures établies au nom de M. Carmine Morra à l'exception de la facture n° 7005202 du 21 juin 2004 ; qu'elle est également fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a rejeté ses conclusions en décharge de l'amende prévue par l'article 1740 ter devenu 1737 du code général des impôts ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant qu'il ya lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à payer à la société Auto Contact une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La société Auto Contact est déchargée en droits et pénalités des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 1er janvier 2001 au 30 juin 2004 au titre des factures désignées au paragraphe 13 des motifs du présent arrêt, ainsi que de la totalité de l'amende prévue par l'article 1740 ter devenu 1737 du code général des impôts.

Article 2 : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 19 décembre 2001 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : L'Etat versera à la société Auto Contact une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société Auto Contact est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Auto Contact et au ministre de l'économie et des finances.

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12NC00240


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC00240
Date de la décision : 31/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. COMMENVILLE
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FERAL
Avocat(s) : CABINET VEYSSADE - LAW FIRM

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-01-31;12nc00240 ?
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