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26/11/2013 | FRANCE | N°12MA00954

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 26 novembre 2013, 12MA00954


Vu le recours, enregistré le 6 mars 2012, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 0902573-0902574, en date du 16 décembre 2011, par lequel le tribunal administratif de Toulon a déchargé M. E...B...des droits et pénalités afférents à la taxation de ses revenus d'origine indéterminée retenus pour un montant en base de 82 156 euros au titre de l'année 2003 et 55 652 euros au titre de l'année 2004. ;

2°) de remettre à la charge de M. B...les droi

ts et pénalités en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales d...

Vu le recours, enregistré le 6 mars 2012, présenté par le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 0902573-0902574, en date du 16 décembre 2011, par lequel le tribunal administratif de Toulon a déchargé M. E...B...des droits et pénalités afférents à la taxation de ses revenus d'origine indéterminée retenus pour un montant en base de 82 156 euros au titre de l'année 2003 et 55 652 euros au titre de l'année 2004. ;

2°) de remettre à la charge de M. B...les droits et pénalités en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales dégrevés en exécution du jugement pour des montants respectifs de 95 788 euros et 22 458 euros ;

.....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 novembre 2013 :

- le rapport de Mme Paix, président assesseur ;

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public ;

1. Considérant que M. B...a fait l'objet, au titre des années 2003 et 2004, d'un examen de sa situation fiscale personnelle ayant conduit d'une part à l'imposition de revenus d'origine indéterminée, et d'autre part à une remise en cause du nombre de parts au titre du quotient familial ; que M. B...a contesté les impositions supplémentaires mises à sa charge au titre de ceux deux années ; que, par jugement du 16 décembre 2011, le tribunal administratif de Toulon a accordé au contribuable la décharge, en droits et pénalités, des impositions procédant des revenus d'origine indéterminée identifiés au titre des années 2003 et 2004 et rejeté le surplus des conclusions de sa demande ; que le ministre demande à la Cour d'annuler l'article 1er du jugement en tant qu'il a fait droit aux prétentions de M. B...relatives aux impositions procédant des revenus d'origine indéterminée ; que, par la voie de l'appel incident, ce dernier demande à la Cour de réformer ce même jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande de prise en compte d'un quotient familial de 1,5 ;

Sur l'appel principal du ministre :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement :

2. Considérant que, pour accorder à M. B...la décharge des droits et pénalités afférents à la taxation de ses revenus d'origine indéterminée au titre des années 2003 et 2004, le tribunal administratif de Toulon s'est fondé sur la circonstance que la mise en demeure, référencée n° 2172 bis du 16 octobre 2006, faisant suite à la demande de justifications du 3 août 2006, n'était pas signée ; qu'en appel le contribuable fournit un document présenté comme l'original de la mise en demeure qui n'est pas signé, alors que le ministre produit une copie de la même pièce, revêtue de la signature de l'inspecteur des impôts ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la mise en demeure, qui ne concerne d'ailleurs que l'année 2003, portait le nom et le prénom de l'inspecteur des impôts qui a suivi l'ensemble de la procédure de redressement ainsi que le service auquel il était rattaché ; qu'elle rappelait en outre l'envoi au contribuable d'une demande de justifications datée du 3 août 2006 et la réponse faite par l'intéressé le 2 octobre suivant ; que la demande de justifications du 3 août 2006 comportait elle-même la mention du nom et du prénom du même inspecteur des impôts et comportait sa signature ; qu'il n'est pas contesté que le requérant a adressé sa réponse à cette demande de justifications au service des impôts auquel cet inspecteur était affecté ; qu'ainsi, l'absence de signature de l'inspecteur des impôts sur la mise en demeure du 16 octobre 2006, à la supposer avérée, n'a pas été de nature à tromper le requérant sur l'identité et la qualité de son signataire et, par suite, sur la validité de l'acte de procédure qui lui était adressé et les conséquences auxquelles il s'exposait en n'y déférant pas ; que dès lors, dans les circonstances particulières de l'espèce, l'irrégularité formelle qui entacherait la mise en demeure adressée à M. B...n'a pas revêtu un caractère substantiel ; que le contribuable n'est en outre pas fondé à se prévaloir des termes de l'instruction administrative référencée 13 J-1-98 du 5 juin 1998 et de ceux de la documentation administrative de base référencée 13 J-3 à jour au 10 août 1998 qui ne comportent aucune interprétation formelle de la loi fiscale ; qu'il en résulte que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a, pour le motif qu'il a retenu, accordé à l'intéressé la décharge des droits et pénalités afférentes à l'ensemble des revenus d'origine indéterminée au titre des années 2003 et 2004 ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...tant devant le tribunal administratif qu'en appel ;

5. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) / Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés (...). / Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionner à l'intéressé le délai de réponse dont il dispose en fonction des textes en vigueur " ; qu'aux termes de l'article L. 69 du même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 " ;

En ce qui concerne l'année 2003 :

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au titre de l'année 2003, l'administration fiscale a adressé à M. B...une demande de justifications, le 3 août 2006, à laquelle celui-ci a répondu le 2 octobre 2006, puis une mise en demeure du 16 septembre 2006, et enfin une proposition de rectification du 12 décembre 2006 dans laquelle les sommes litigieuses ont été imposées en qualité de revenus d'origine indéterminée pour un montant de 121 955 euros montant ultérieurement réduit, conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaire à 82 155 euros ;

7. Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il a été dit au point 2, la mise en demeure adressée à M. B...doit être regardée comme régulièrement intervenue ; que celui-ci ne conteste pas l'insuffisance de sa réponse à la mise en demeure ; que dans ces conditions, c'est à bon droit que les sommes dont l'origine n'a pas été justifiée ont été imposées dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée ;

8. Considérant, en second lieu, que les sommes inscrites au crédit d'un compte courant d'associé ont, sauf preuve contraire apportée par l'associé titulaire du compte, le caractère de revenus et ne sont alors imposables que dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ; que la somme de 11 600 euros qualifiée d'avances familiales par M. B...a été justifiée par le contribuable par la production de chèques provenant du compte courant de Mme B...dans la SARL Le Tikki ; que, par suite, l'administration n'était pas en droit de les imposer dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée ; que toutefois le ministre demande que soit opérée une substitution de base légale, ladite somme étant imposée en qualité de revenus de capitaux mobiliers ; qu'une telle substitution est possible dès lors que, si la notification du redressement litigieux faisait état de la procédure de taxation d'office mise en oeuvre en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales, M. B...a bénéficié de l'ensemble des garanties attachées à la procédure contradictoire de redressements tant par la possibilité qui lui a été offerte de présenter des observations que par la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaire dont l'avis a été suivi au titre des revenus de l'année 2003 ; qu'il en résulte que la substitution de base légale demandée par l'administration doit être admise ; qu'il y a donc lieu de maintenir l'imposition de la somme de 11 600 euros sur le fondement de la nouvelle base légale invoquée par le ministre ;

9. Considérant, en troisième lieu, que s'agissant des autres revenus taxés en qualité de revenus d'origine indéterminée au titre de l'année 2003, M.B..., qui supporte la charge de la preuve, ne produit aucun justificatif et n'établit pas l'exagération des bases d'imposition retenues par l'administration fiscale ;

En ce qui concerne l'année 2004 :

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'au titre de l'année 2004 l'administration fiscale a adressé à M. B...une demande de justifications, le 9 janvier 2004, à laquelle celui-ci a répondu le 8 mars 2007, puis une mise en demeure du 15 mars 2007, et enfin une proposition de rectification du 7 mai 2007 dans laquelle dans laquelle les sommes pour lesquelles aucune réponse ou une réponse insuffisante avait été apportée, ont été imposées en qualité de revenus d'origine indéterminée pour un montant de 55 652, 80 euros ;

11. Considérant en premier lieu, que s'agissant des crédits bancaires, pour un montant de 2 043 euros, M. B...a fait valoir qu'il avait apporté au vérificateur la copie des remises de chèques ; que, toutefois, la seule production de remises de chèques n'est pas suffisante pour justifier l'origine des sommes ainsi relevées sur ses comptes bancaires ; que s'agissant des ventes de biens meubles pour 1 500 euros à MmeC..., et pour 5 120 euros à M.A..., M. B...a indiqué qu'il s'agirait de ventes de bijoux et d'objets archéologiques à la première et de vente d'amphores au second, provenant de sa collection particulière ; que, toutefois, la simple production d'une copie de bordereaux de remise de chèque, et d'attestations établies sur papier libre par les acquéreurs ne sont, à cet égard, pas suffisantes pour justifier les ventes dont s'agit ; qu'enfin, s'agissant du remboursement du prêt qui aurait été consenti à MmeF..., pour un montant de 55 653 euros, M. B... a produit quatre bordereaux de remises de chèques pour deux sommes de 15 244,90 euros, une somme de 6 500 euros et une somme de 10 000 euros ainsi que des pièces indiquant des retraits bancaires de son compte en 2006 et 2007 et une lettre sans date certaine de MmeF... ; que ces documents ne sont pas de nature à établir la réalité du prêt et d son remboursement ; que c'est donc à bon droit que l'administration fiscale a adressé à M. B...une mise en demeure fondée sur les dispositions de l'article L. 16 A du livre des procédures fiscales

12. Considérant, en second lieu, qu'a défaut d'élément produit à la suite de la mise en demeure adressée par l'administration fiscale, c'est à bon droit que celle-ci a taxé d'office les revenus dont s'agit dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée, par application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales ; que M.B..., qui supporte la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition, ainsi établies par l'administration fiscale n'établit pas que les impositions seraient excessives ; qu'il ne peut à cet égard se prévaloir de l'instruction 13 L-4-75 du 24 avril 1975, ou de la doctrine référencée 5 B-8221 du 1er août 2001, qui ne font pas une interprétation différente des dispositions susénoncées ;

Sur l'appel incident de M.B... :

13. Considérant que M. B...conteste la remise en cause du nombre de parts, porté à 1 au lieu de 1,5 au titre de son quotient familial ;

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

14. Considérant qu'aux termes de l'article 195 du code général des impôts dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " 1. Par dérogation aux dispositions qui précèdent, le revenu imposable des contribuables célibataires, divorcés ou veufs n'ayant pas d'enfant à leur charge, exclusive, principale ou réputée également partagée entre les parents, est divisé par 1,5 lorsque ces contribuables : a. Vivent seuls et ont un ou plusieurs enfants majeurs ou faisant l'objet d'une imposition distincte " ;

15. Considérant qu'il résulte du a. du 1. de l'article 195 du code général des impôts que le bénéfice de la majoration du quotient familial ne constitue un droit pour le contribuable que sous la condition, notamment, qu'il vive seul au 1er janvier de l'année d'imposition ; que, lorsque dans le cadre de son pouvoir de contrôle des déclarations des contribuables, l'administration remet en cause, selon la procédure contradictoire, la majoration du quotient familial, il lui incombe d'établir que le contribuable ne vit pas seul au 1er janvier de l'année d'imposition et qu'ainsi, il ne remplit pas l'une des conditions auxquelles est soumis le bénéfice de ce droit ; que le contribuable peut néanmoins apporter la preuve contraire par tous moyens ;

16. Considérant que pour refuser à M. B...le bénéfice de la demi-part supplémentaire, l'administration fiscale s'est fondée sur la circonstance que l'intéressé a lui-même indiqué, dans deux courriers adressés au vérificateur le 2 octobre 2006 pour 2003 et le 8 mars 2007, vivre maritalement avec MmeD... ; que, par ailleurs, celle-ci est rattachée à son domicile au titre de la taxe d'habitation ; que M. B...ne produit aucun élément permettant de contredire ces éléments ; que dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme établissant qu'il ne remplissait pas les conditions prévues par les dispositions susvisées du a. du 1. de l'article 195 du code général des impôts pour bénéficier d'une demi-part supplémentaire ;

En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine administrative :

17. Considérant qu'aux termes de l'instruction administrative référencée 5 B-7-05 du 1er février 2005 : " (...) la simple cohabitation de deux personnes de même sexe ou de sexes différents ne suffit pas à caractériser le concubinage. (...) Le point de savoir si des contribuables cohabitent ou vivent en concubinage relève de circonstances de fait qui, dans le cadre du pouvoir de contrôle de l'administration, peuvent faire l'objet d'une demande de renseignement (...) " ;

18. Considérant que M. B...n'est pas fondé à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des termes précités de l'instruction administrative 5 B-7-05 du 1er février 2005 dès lors qu'ils ne contiennent pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle dont le présent arrêt fait application et qu'ils comportent une simple recommandation à l'usage du service s'agissant de la faculté d'adresser aux contribuables une demande de renseignement ;

19. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Toulon a rejeté ses conclusions sur ce point ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

20. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ; que ces dispositions s'opposent à ce qu'il soit fait droit aux prétentions de M. B...;

D É C I D E :

Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Toulon est annulé.

Article 2 : M. B...est rétabli, au titre des années 2003 et 2004, aux rôles de l'impôt sur le revenu et des contributions sociales, à concurrence des sommes dont le tribunal administratif de Toulon a accordé la décharge.

Article 3 : Les conclusions incidentes présentées par M. B...sont rejetées

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie et des finances et à M. E... B....

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N° 12MA00954 2

SM


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA00954
Date de la décision : 26/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-02 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu.


Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: Mme Evelyne PAIX
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : GEORGES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-11-26;12ma00954 ?
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