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16/07/2013 | FRANCE | N°12MA00087

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 8ème chambre - formation à 3, 16 juillet 2013, 12MA00087


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 9 janvier 2012, présentée pour M. A... B..., demeurant ...Cheval " Santa Monica " au Cannet (06110), par la Selarl Horus Avocats ;

M. B...demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0600970 rendu le 15 novembre 2011 par le tribunal administratif de Nice en tant qu'il a limité son indemnisation par l'État et France Télécom à 5 000 euros en réparation des conséquences dommageables du blocage de sa carrière ;

2°) de condamner solidairement l'État et France Télécom à lui verser une indemnité total

e de 80 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal et du produit de leur capitalis...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 9 janvier 2012, présentée pour M. A... B..., demeurant ...Cheval " Santa Monica " au Cannet (06110), par la Selarl Horus Avocats ;

M. B...demande à la Cour :

1°) de réformer le jugement n° 0600970 rendu le 15 novembre 2011 par le tribunal administratif de Nice en tant qu'il a limité son indemnisation par l'État et France Télécom à 5 000 euros en réparation des conséquences dommageables du blocage de sa carrière ;

2°) de condamner solidairement l'État et France Télécom à lui verser une indemnité totale de 80 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal et du produit de leur capitalisation ;

3°) de mettre à la charge solidaire de l'État et de France Télécom la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. B...soutient que :

- il a été engagé le 24 mars 1974 comme auxiliaire, le 18 juin 1974 ; il a été nommé en qualité de technicien des installations (TINT) ; il a été promu pour la dernière fois en novembre 1982, date à laquelle il a été nommé inspecteur technique sur un poste à Neuilly sur Seine ; de 1992 à 1996, il était responsable commercial au centre de télécoms de St Pierre et Miquelon ; après avoir exercé des fonctions de responsable qualité dans les Alpes-Maritimes et, en 2003, des fonctions de chargé de recouvrement à l'agence entreprise Provence Côte d'Azur, il exerce, depuis, des fonctions de gestionnaire technique client ;

- il était en droit de bénéficier d'une promotion dans le grade d'inspecteur principal à compter de l'année 1998, mais n'a pu en bénéficier faute pour l'administration d'avoir dressé des listes d'aptitude ou organisé des concours internes ;

- le jugement attaqué a reconnu à bon droit la responsabilité solidaire de l'État et de France Télécom, même si le tribunal aurait dû toutefois retenir la faute lourde de l'État ;

- les premiers juges ont cependant limité à tort l'indemnisation de ses préjudices à la somme de 5 000 euros seulement ;

- il établit avoir perdu une chance sérieuse d'être promu ; la charge de la preuve ne peut lui être abusivement imposée alors que France Télécom refuse de fournir à ses agents les éléments d'évaluation leur permettant d'établir leur chance sérieuse d'obtenir un avancement ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense et en appel incident, enregistré le 23 mars 2012 présenté par la SCP Saidji et Moreau, pour le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, qui demande à la Cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement attaqué ;

2°) à titre subsidiaire, de rejeter la requête d'appel ;

Le ministre soutient que :

- s'il ne conteste pas le principe de responsabilité retenu par le jugement attaqué, toutefois, en l'absence de préjudice de carrière établi, aucune indemnisation du préjudice moral ne peut être allouée ; au surplus, la somme de 5 000 euros allouée par le tribunal n'est ni détaillée ni justifiée ;

- à titre subsidiaire, le dommage allégué par l'appelant n'est pas établi ; ce dommage n'est pas certain ; il n'existe aucun lien de causalité entre la prétendue faute de l'État et le dommage allégué, lequel ne peut être imputé qu'aux choix de carrière de l'intéressé ; enfin, le montant des préjudices allégués n'est pas établi ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré au greffe de la Cour le 23 avril 2012, présenté par la Selarl Horus Avocats pour M.B..., qui conclut aux mêmes fins que celles de ses précédentes écritures, par les mêmes moyens, et demande en outre à la Cour de rejeter l'appel incident de l'Etat ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 mai 2013, présenté par MeC..., pour la société France Télécom, dont le siège est 44 boulevard de Vaugirard à Paris (75757), qui conclut au rejet de la requête et réclame la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

France Télécom soutient que :

- l'inscription sur une liste d'aptitude n'ayant aucun caractère automatique et aucun emploi n'ayant été vacant dans le grade auquel l'appelant aspire, son employeur n'a commis aucune faute en n'organisant pas de promotion dans les grades de reclassement ; en revanche, il appartenait à l'État seul de modifier les décrets applicables ; si un décret est intervenu en 2004 modifiant la situation des agents reclassés, aucune disposition législative n'a prévu la rétroactivité de ses dispositions ; France Télécom, qui s'est toujours conformée aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur, n'a donc commis aucune illégalité et a procédé à la promotion de nombreux fonctionnaires reclassés depuis l'entrée en vigueur dudit décret du

26 novembre 2004 ;

- si la jurisprudence a retenu la responsabilité de France Télécom, il y a lieu de prendre en considération, pour l'indemnisation, le contexte particulier tiré de ce que l'extinction des grades et corps des agents "reclassés" est imputable à la réforme législative du 2 juillet 1990 et que le président de France Télécom n'a pas le pouvoir d'édicter des décrets statutaires ;

- en l'espèce, à supposer que l'appelant remplisse les conditions statutaires autorisant la promotion qu'il allègue, il ne démontre pas en tout état de cause avoir perdu une chance sérieuse d'être promu, compte tenu des éléments versés au dossier relatifs à sa manière de servir ;

- à titre subsidiaire, il convient d'imputer la majeure partie de la charge indemnitaire à l'État, dès lors que le pouvoir de modifier l'ordonnancement juridique relatif aux promotions internes n'appartenait qu'à lui ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré au greffe de la Cour le 1er juin 2012, présenté par la Selarl Horus Avocats pour M.B..., qui conclut aux mêmes fins que celles de ses précédentes écritures, par les mêmes moyens, et demande en outre à la Cour de rejeter l'appel incident de l'Etat ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 novembre 2012, présenté par MeC..., pour la société France Télécom, qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;

Vu les pièces enregistrées le 4 juin 2013 présentées pour M.B... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 modifiée relative à l'organisation du service public de la poste et des télécommunications ;

Vu le décret n° 58-777 du 25 août 1958 relatif au statut particulier du corps des inspecteurs des postes et télécommunications ;

Vu le décret n° 91-103 du 25 janvier 1991 relatif au statut particulier du corps des inspecteurs de La Poste et du corps des inspecteurs de France Télécom ;

Vu le décret n° 2004-1300 du 26 novembre 2004 relatif aux dispositions statutaires applicables à certains corps de fonctionnaires de France Télécom ;

Vu le code civil, notamment son article 1154 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 juin 2013 :

- le rapport de M. Angéniol, rapporteur,

- et les conclusions de Mme Hogedez, rapporteur public ;

1. Considérant que M.B..., inspecteur technique de France Télécom, recherche la condamnation solidaire de son employeur France Télécom et de l'État à réparer les préjudices qu'il estime avoir subis dans le déroulement de sa carrière en l'absence, jusqu'à l'intervention du décret susvisé n° 2004-1300 du 26 novembre 2004, de toute possibilité de promotion le concernant du fait de son choix de rester dans un corps dit de "reclassement" ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a retenu la faute simple de France Télécom pour n'avoir pas mis en place des procédures de promotion interne applicable aux agents "reclassés" et la faute simple de l'État pour retard dans l'adoption des dispositions réglementaires applicables ; que M. B...fait appel de ce jugement, en ce qu'il a limité l'indemnisation de son préjudice à la somme de

5 000 euros ;

En ce qui concerne la responsabilité :

2. Considérant que, pour les motifs exposés par les premiers juges qu'il convient d'adopter, d'une part, le président de France Télécom a commis une illégalité engageant la responsabilité de sa société en refusant de prendre toute mesure de promotion interne en faveur des fonctionnaires "reclassés", d'autre part, l'État a commis une faute simple, distincte de la faute imputable à France Télécom, en attendant le 26 novembre 2004 pour prendre les décrets organisant les possibilités de promotion interne pour les fonctionnaires des corps de "reclassement" de cette société ; qu'en faisant valoir que, dans l'hypothèse où sa responsabilité serait reconnue et une condamnation prononcée, l'État devrait supporter la majeure partie de la charge indemnitaire, France Télécom présente une argumentation inopérante à l'encontre de la responsabilité solidaire à laquelle les premiers juges l'ont astreint, dès lors que cette argumentation ne vient à l'appui d'aucune conclusion ; que par ailleurs, M. B...n'est pas fondé à se plaindre que le tribunal a retenu à... ;

En ce qui concerne les préjudices :

3. Considérant que l'appelant, nommé le 18 juin 1974, en qualité de technicien des installations (TINT), et promu pour la dernière fois en novembre 1982 dans le corps des inspecteurs, soutient qu'il aurait pu être promu au grade d'inspecteur principal (INP) dès l'année 1998 ;

4. Considérant que, contrairement à ce que soutient l'appelant, la charge de prouver le caractère réel, direct et certain de son préjudice de carrière lui incombe ; que s'il allègue qu'il n'est pas en mesure de produire les preuves nécessaires à établir ledit préjudice compte tenu du refus de son employeur de lui communiquer des éléments relatifs à la qualité de son travail à compter de 1993, notamment feuilles de notation ou fiches d'évaluation ou compte-rendu d'entretien, il lui appartient, dans cette dialectique de la charge de la preuve, de démontrer la réalité du refus opposé ou des difficultés auxquelles il s'est heurté lors de la demande de communication de tels documents administratifs ;

5. Considérant que M. B...soutient que, si à la suite d'un avis rendu par la commission d'accès aux documents administratifs le 21 juin 2012, France Télécom, par un courrier en date du 25 avril 2013, lui a communiqué des documents relatifs à sa carrière, cette communication, comme le reconnaît France Télécom elle-même, était incomplète ; qu'il y a lieu pour la Cour, dans ces conditions, de surseoir à statuer sur les conclusions à fin d'indemnisation du préjudice financier et du préjudice moral de M. B... en demandant par supplément d'instruction à France Télécom l'entier dossier de l'intéressé et de réserver tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt, jusqu'en fin d'instance ;

D E C I D E :

Article 1er : Avant de statuer sur les conclusions indemnitaires de M.B..., il est décidé un supplément d'instruction afin d'enjoindre à France Telecom de communiquer à la Cour l'entier dossier de M. B...dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 2 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 3: Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., à France Télécom et au ministre de l'économie et des finances.

Délibéré après l'audience du 11 juin 2013, à laquelle siégeaient :

- M. Gonzalès, président de chambre,

- M. Brossier, premier conseiller,

- M. Angéniol, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juillet 2013.

Le rapporteur,

P. ANGENIOL

Le président,

S. GONZALES

Le greffier,

C. LAUDIGEOIS

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne et à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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N° 12MA000872


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 8ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA00087
Date de la décision : 16/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. GONZALES
Rapporteur ?: M. Patrice ANGENIOL
Rapporteur public ?: Mme HOGEDEZ
Avocat(s) : SELARL HORUS AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-07-16;12ma00087 ?
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