Vu la requête, enregistrée le 21 juin 2012 au greffe de la cour, présentée pour la société Sodirep Textiles SA-NV, dont le siège est situé 6 rue d'Aastraat à Bruxelles (1070), par Me C...A... ; la société Soridep Textiles SA-NV demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0902646 du 19 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004 et 2005 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions supplémentaires ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention entre la France et la Belgique du 10 mars 1964, modifiée, tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Olivier Gaspon, premier conseiller,
- les conclusions de M. Vladan Marjanovic, rapporteur public,
- et les observations de Me C...A..., pour la société Sodirep Textiles SA - NV ;
1. Considérant que la société belge Sodirep Textiles SA-NV a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant, pour l'impôt sur les sociétés et la contribution additionnelle, sur les exercices clos en 2004 et 2005 ; qu'à l'issue de cette vérification, l'administration a réintégré dans ses résultats imposables les intérêts que son établissement, exploité à Marcq en Baroeul (Nord), n'avait pas facturés à la société Sodirep Textiles SA-NV en contrepartie d'avances de trésorerie ; que la société Sodirep Textiles SA-NV relève appel du jugement du 19 avril 2012 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004 et 2005 ;
Sur la réintégration des intérêts non facturés :
2. Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés " ; qu'aux termes de l'article 5 de la convention franco-belge du 10 mars 1964 susvisée : " (...) 5. Pour la détermination des revenus de l'établissement stable qu'une entreprise de l'un des deux Etats contractants possède dans l'autre Etat contractant, il est tenu compte : / - d'une part, des charges et dépenses réelles supportées par l'entreprise dans l'Etat contractant où se trouve l'établissement stable et grevant directement et spécialement l'acquisition et la conservation de ces revenus ; / - d'autre part, de la fraction normalement imputable à l'établissement stable dans les autres frais, y compris les frais normaux de direction et d'administration générale, exposés pour l'ensemble de l'entreprise au siège de sa direction effective. " ; que, si la société requérante fait valoir en appel que l'établissement français est globalement son débiteur durant les exercices en litige pour les opérations internes effectuées, elle ne l'établit pas en se bornant à produire des documents comptables partiels ;
Sur le champ d'application territorial de l'impôt sur les sociétés :
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " I. Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57 et 202 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions (...) " ; qu'aux termes de l'article 57 du même code, applicable en matière d'impôt sur les sociétés par l'effet de l'article 209 1 du même code : " Pour l'établissement de l'impôt sur le revenu dû par les entreprises qui sont sous la dépendance ou qui possèdent le contrôle d'entreprises situées hors de France, les bénéfices indirectement transférés à ces dernières, soit par voie de majoration ou de diminution des prix d'achat ou de vente, soit par tout autre moyen, sont incorporés aux résultats accusés par les comptabilités (...) " ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 4 de la convention franco-belge du 10 mars 1964 susvisée : " 1. Les bénéfices industriels et commerciaux ne sont imposables que dans l'Etat contractant où se trouve situé l'établissement stable dont ils proviennent (...) / 3. Le terme " établissement stable " désigne une installation fixe d'affaires où l'entreprise exerce tout ou partie de son activité. / 4. Constituent notamment des établissements stables : (...) b. Une succursale ; (...) " ;
5. Considérant que la société de droit belge Sodirep Textiles SA-NV exploite en France un établissement stable dépourvu de personnalité morale qui lui a consenti, durant les exercices en cause, des avances de trésorerie non rémunérées sans justifier de contrepartie dans l'intérêt de l'exploitation ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a réintégré dans les résultats de l'établissement stable, imposables en France, les intérêts dont la facturation a été omise en contrepartie des avances consenties ; qu'à supposer, par ailleurs, que la requérante ait entendu maintenir que la réponse ministérielle à la question de M.B..., député, en date du 19 janvier 1981, fait obstacle aux rehaussements litigieux, cette prise de position, qui indique que " les versements effectués, sous la dénomination d'intérêts ou de redevances, par la succursale française d'une société étrangère en rémunération des sommes que cette société a prélevées sur ses fonds propres et met sous quelque forme que ce soit à la disposition de sa succursale, ne peuvent être admis en déduction du bénéfice imposable en France ", ne comporte aucune interprétation formelle permettant d'admettre que l'omission de facturation d'intérêts en contrepartie des avances consenties par un établissement stable exploité en France à sa société mère de droit belge ne constitue pas un bénéfice transféré qui doit être réintégré dans le résultat imposable à l'impôt sur les sociétés ; qu'il en est de même s'agissant de la documentation administrative 4H-1414 relative aux modalités de répartition des frais généraux du siège d'une entreprise possédant plusieurs établissements en France et à l'étranger ; que la société requérante n'est, par suite, pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que l'avance de trésorerie consentie sans contrepartie n'était pas effectuée dans l'intérêt de l'exploitation et que le montant des intérêts omis devait être réintégré dans le résultat des exercices clos en 2004 et 2005 de l'établissement stable en France de la société belge Sodirep Textiles SA-NV ;
Sur l'atteinte aux principes de liberté d'établissement et de libre circulation des capitaux :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (ancien article 43 du traité sur la communauté européenne) : " Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un État membre établis sur le territoire d'un État membre. (...) " ; qu'aux termes de l'article 63 du même traité (ancien article 56 du traité sur la communauté européenne) : " 1. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites. (...) " ; qu'aux termes de l'article 58 du traité instituant la Communauté européenne, devenu article 65 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. L'article 56 ne porte pas atteinte au droit qu'ont les Etats membres : a) d'appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis (...) 3. Les mesures et procédures visées aux paragraphes 1 et 2 ne doivent constituer ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée à la libre circulation des capitaux et des paiements telle que définie à l'article 56. " ;
7. Considérant qu'il résulte de ces stipulations, telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne, que les désavantages pouvant découler de l'exercice parallèle des compétences fiscales des différents Etats membres, pour autant qu'un tel exercice ne soit pas discriminatoire, ne constituent pas des restrictions interdites par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; que, toutefois, lorsqu'un Etat membre exerce sa compétence fiscale à l'égard de contribuables résidents et non-résidents, pour que la réglementation fiscale nationale qu'il applique à ces contribuables puisse être regardée comme compatible avec les stipulations du traité relatives à la liberté de circulation des capitaux, la différence de traitement entre les contribuables selon leur Etat de résidence doit concerner des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou être justifiée par une raison impérieuse d'intérêt général ; qu'en matière d'impôt sur les sociétés, la situation des établissements exploités en France et celle des sociétés non-résidentes ne sont, en règle générale, pas comparables ; qu' il appartient ainsi aux Etats membres de déterminer si, et dans quelle mesure, la double imposition économique des bénéfices distribués doit être évitée et d'introduire à cet effet, de façon unilatérale ou par voie de conventions conclues avec d'autres Etats membres, des mécanismes visant à prévenir ou à atténuer cette double imposition dans le respect de la liberté de circulation des capitaux ;
8. Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la convention franco-belge du 10 mars 1964 susvisée, qui vise à éviter la double imposition pouvant résulter de l'application des articles 209 et 57 précités du code général des impôts : " (...) 4. Lorsqu'une entreprise exploitée par un résident de l'un des deux Etats contractant est sous la dépendance ou possède le contrôle d'une entreprise exploitée par un résident de l'autre Etat contractant, (...) et que l'une de ces entreprises consent ou impose à l'autre entreprise des conditions différentes de celles qui seraient normalement faites à des entreprises effectivement indépendantes, tous bénéfices qui auraient dû normalement apparaître dans les comptes de l'une de ces entreprises mais qui ont été de la sorte transférés, directement ou indirectement, à l'autre entreprise peuvent être incorporés aux bénéfices imposables de la première entreprise. Dans cette éventualité, la double imposition des bénéfices ainsi transférés sera évitée conformément à l'esprit de la Convention et les autorités compétentes des Etats contractants s'entendront, s'il est nécessaire, pour fixer le montant des bénéfices transférés. /. 5. Pour la détermination des revenus de l'établissement stable qu'une entreprise de l'un des deux Etats contractants possède dans l'autre Etat contractant, il est tenu compte : /.- d'une part, des charges et dépenses réelles supportées par l'entreprise dans l'Etat contractant où se trouve l'établissement stable et grevant directement et spécialement l'acquisition et la conservation de ces revenus ; /. - d'autre part, de la fraction normalement imputable à l'établissement stable dans les autres frais, y compris les frais normaux de direction et d'administration générale, exposés pour l'ensemble de l'entreprise au siège de sa direction effective. " ;
9. Considérant que l'établissement stable de la société Sodirep Textiles SA-NV exploité à Marcq en Baroeul (Nord) est une succursale sans personnalité juridique, sous la dépendance de la société précitée de droit belge ; qu'elle a consenti à cette dernière des avances de trésorerie sans intérêts, dans des conditions différentes de celles qui seraient normalement faites à des entreprises effectivement indépendantes ; que ces bénéfices ainsi transférés à la société de droit belge précitée peuvent, sans atteinte aux principes de libre établissement et de libre circulation des capitaux, être incorporés au bénéfice imposable de l'établissement exploité à Marcq en Baroeul, dès lors que la requérante ne justifie pas de leur intérêt pour l'exploitation de cet établissement, fût-ce au titre de la fraction normalement imputable des frais de siège ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Sodirep Textiles SA-NV n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
12. Considérant qu'en vertu de ces dispositions, la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions présentées à ce titre par la société Sodirep Textiles SA-NV doivent, dès lors, être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Sodirep Textiles SA-NV est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Sodirep Textiles SA-NV et au ministre de l'économie et des finances.
Copie sera adressée au directeur chargé de la direction de contrôle fiscal Ile-de-France Est.
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N°12DA00907