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16/07/2013 | FRANCE | N°12BX02884

France | France, Cour administrative d'appel de, 2ème chambre (formation à 3), 16 juillet 2013, 12BX02884


Vu I°) le recours, enregistré par télécopie le 19 novembre 2012 et régularisé par courrier le 26 novembre 2012 sous le n° 12BX02894, présenté par le ministre de l'intérieur ;

Le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0904354 du 28 septembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat à verser à M. A...B...une indemnité de 81 177,19 euros en réparation des préjudices subis à raison de la privation des jours de repos compensateurs accumulés au cours de sa carrière et dont il n' a pas pu bénéfi

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Vu I°) le recours, enregistré par télécopie le 19 novembre 2012 et régularisé par courrier le 26 novembre 2012 sous le n° 12BX02894, présenté par le ministre de l'intérieur ;

Le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 0904354 du 28 septembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat à verser à M. A...B...une indemnité de 81 177,19 euros en réparation des préjudices subis à raison de la privation des jours de repos compensateurs accumulés au cours de sa carrière et dont il n' a pas pu bénéficier avant son départ en retraite et en réparation des troubles qu'il a subis dans ses conditions d'existence ;

2°) de réduire les indemnités accordées à M. B...;

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Vu II°) le recours, enregistré par télécopie le 16 novembre 2012 et régularisé par courrier le 26 novembre 2012 sous le n° 12BX02884, présenté par le ministre de l'intérieur ;

Le ministre de l'intérieur demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement du 28 septembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a condamné l'Etat à verser à M. B...une somme de 81 177,19 euros ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;

Vu le décret n° 2000-194 du 3 mars 2000, modifié, fixant les conditions d'attribution d'une indemnité pour services supplémentaires aux fonctionnaires actifs de la police nationale ;

Vu le décret n° 94-1047 du 6 décembre 1994 modifié, fixant le régime applicable aux personnels navigants du groupement des moyens aériens de la sécurité civile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 juin 2013 :

- le rapport de Mme Déborah De Paz, premier conseiller ;

- les conclusions de M. David Katz, rapporteur public ;

- les observations de MeC..., substituant Me Braud, avocat de M.B... ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 15 juillet 2013 présentée par le ministre de l'intérieur ;

1. Considérant que les requête enregistrées sous les numéros 12BX02884 et 12BX02894 sont dirigées contre la même décision et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt ;

2. Considérant que M.B..., brigadier de la police nationale, exerçant les fonctions de mécanicien sauveteur secouriste dans le groupement d'hélicoptères de la base de la sécurité civile de Bordeaux depuis le 9 janvier 1989, devait atteindre le 27 mars 2005 la limite d'âge de son emploi ; que le ministre de l'intérieur l'a autorisé à cesser son activité de manière anticipée à compter du 1er mai 2004, afin de lui permettre de prendre 1 451 heures de congés récupérateurs qu'il avait accumulés durant sa carrière ; que par courrier du 9 juillet 2009, réceptionné le 16 juillet suivant, M. B...a présenté au ministre de l'intérieur une demande indemnitaire tendant à obtenir réparation du préjudice subi du fait de l'impossibilité où il s'est trouvé de bénéficier de la totalité des congés compensateurs cumulés durant toute sa carrière, en particulier les jours de congés récupérateurs acquis avant le 6 décembre 1994 ; qu'à la suite du rejet implicite de sa demande le 16 septembre 2009, M. B...a saisi le tribunal administratif de Bordeaux qui, par un jugement du 28 septembre 2012, a condamné l'Etat à lui payer une indemnité de 71 177,19 euros correspondant à 2 761,40 heures de repos compensateurs non pris entre 1989 et son départ à la retraite et la somme de 10 000 euros au titre des troubles subis dans ses conditions d'existence ; que le ministre de l'intérieur relève appel du jugement et en demande le sursis à exécution et M.B..., par la voie de l'appel incident, demande que l'indemnisation des troubles qu'il a subis dans ses conditions d'existence soit portée à 20 000 euros ;

Sur l'exception de prescription :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 : " L'administration doit, pour pouvoir se prévaloir, à propos d'une créance litigieuse, de la prescription prévue par la présente loi, l'invoquer avant que la juridiction saisie du litige au premier degré se soit prononcée sur le fond. " ;

4. Considérant que le jugement attaqué du tribunal administratif de Bordeaux a déclaré l'Etat responsable du préjudice causé à M. B...du fait de l'absence de prise en compte de ses congés compensateurs par une décision implicite de rejet du ministre de l'intérieur intervenue le 16 septembre 2009 ; que le tribunal s'est par suite, prononcé sur le fond du litige ; que, dès lors, le ministre de l'intérieur, qui n'a pas régulièrement opposé la prescription devant les premiers juges, ne saurait utilement s'en prévaloir devant la cour ;

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le principe de responsabilité :

5. Considérant que par une décision du 12 décembre 2008, le Conseil d'Etat a annulé la décision du ministre de l'intérieur rejetant la demande de M.B..., en date du 27 janvier 2003, tendant au bénéfice des repos compensateurs à une date antérieure au 30 avril 2004 au motif que M. B...avait acquis depuis 1989 un nombre de jours de congés compensateurs supérieurs à celui dont la récupération a été assurée par le départ en congé le 30 avril 2004, compte tenu en particulier des droits qu'il avait acquis depuis 1989 auxquels l'arrêté du 6 décembre 1994 en disposant en son article unique que " L'ensemble des congés récupérateurs acquis par les personnels navigants du groupement d'hélicoptères et non pris à la date de publication du décret du 6 décembre 1994 est annulé ", a porté une atteinte illégale ; qu'il suit de là que la décision du ministre de l'intérieur du 22 septembre 2009 refusant d'indemniser M. B...des jours de repos compensateurs qu'il n'a pas pu récupérer avant son départ à la retraite est, pour les mêmes motifs que ceux retenus par le Conseil d'Etat, tenant au caractère illégal de la disposition de l'arrêté du 6 décembre 1994, entachée d'illégalité ; que cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de M.B... ; que par suite, le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a estimé que l'Etat devait indemniser les repos compensateurs non récupérés par M. B...avant son départ à la retraite ;

En ce qui concerne les préjudices :

6. Considérant que le ministre de l'intérieur, qui ne conteste pas que ce fonctionnaire a acquis 2 761, 40 heures de repos compensateurs acquis antérieurement à 1994 avant son départ à la retraite, soutient qu'en l'absence de texte prévoyant l'indemnisation des jours compensateurs des personnels navigants du groupement d'hélicoptère de la sécurité civile, l'article 1er du décret du 3 mars 2000 susvisé fixant les conditions d'attribution d'une indemnité pour services supplémentaires aux fonctionnaires actifs de la police nationale s'applique ; que cet article dispose que : " Les fonctionnaires actifs de la police nationale, à l'exclusion des fonctionnaires du corps de conception et de direction, peuvent, lorsqu'ils sont amenés à effectuer des services supplémentaires non susceptibles de donner lieu à récupération, bénéficier d'une indemnité pour services supplémentaires " et qu'aux termes de son article 3 : " Le taux horaire de cette indemnité est calculé à raison des mille huit cent vingtièmes du traitement annuel brut soumis à retenue pour pension afférent à l'indice brut 342. Cette rémunération horaire est multipliée par 1,25./ Le traitement à prendre en considération est, dans tous les cas, celui correspondant à l'indice précité en vigueur au moment de l'accomplissement des services supplémentaires " ;

7. Considérant, toutefois, comme il a été rappelé ci-dessus que pendant toute la période d'activité au titre de laquelle M. B...a accumulé les jours de repos compensateurs dont il demande à être indemnisé, ce dernier exerçait des attributions de mécanicien sauveteur secouriste au sein du groupement d'hélicoptères de la sécurité civile et du groupement des moyens aériens du ministère de l'intérieur, qui ne constitue pas un service actif de la police nationale ; que, par suite, le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que l'indemnisation à laquelle peut prétendre M. B...doit être calculée par application des dispositions de l'article 3 du décret du 3 mars 2000 précité applicable aux fonctionnaires actifs de la police nationale ; que, dès lors, le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à se plaindre que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a estimé que l'indemnisation de 2 532,28 heures effectuées avant le 1er février 2003, devait se faire sur la base d'un taux horaire de 25,76 euros calculé à partir du salaire moyen perçu pendant cette période, et que l'indemnisation des 229,12 heures effectuées du 1er février 2003 au 30 avril 2004 devait se faire sur la base du taux horaire de 25,95 euros calculé à partir du salaire moyen perçu pendant cette période ;

8. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment des motifs de la décision du Conseil d'Etat susmentionnée, que l'arrêté du 6 décembre 1994 a porté une atteinte illégale aux droits acquis par M. B...au titre des repos compensateurs qu'il avait cumulés depuis 1989 ; que M. B...justifie ainsi avoir subi un préjudice consistant à ne pas avoir pu se prévaloir des jours de repos compensateurs acquis antérieurement à 1994, et illégalement supprimés par l'arrêté du 6 décembre 1994, avant son départ en retraite ; que dans ces conditions, en condamnant l'Etat à verser à l'appelant une indemnité de 10 000 euros en réparation des troubles subis dans ses conditions d'existence, le tribunal administratif n'a pas procédé à une évaluation excessive ou insuffisante de la réparation que justifiait ce chef de préjudice ; que dès lors, ni le ministre de l'intérieur, ni M. B...ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a fixé l'indemnisation due à M. B...au titre de ses troubles dans les conditions d'existence à la somme de 10 000 euros ;

Sur les conclusions à fin de sursis :

9. Considérant que le présent arrêt, qui statue sur le recours du ministre de l'intérieur à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 28 septembre 2012, rend sans objet les conclusions du ministre à fin de sursis à exécution de ce jugement ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. B...et non compris dans les dépens ;

DECIDE

Article 1er : Le recours n° 12BX02894 du ministre de l'intérieur et les conclusions d'appel incident de M. B...sont rejetés.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur le recours n° 12BX02884 du ministre de l'intérieur.

Article 3 : L'Etat versera à M. B...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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Nos 12BX02884,12BX02894


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de
Formation : 2ème chambre (formation à 3)
Numéro d'arrêt : 12BX02884
Date de la décision : 16/07/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Rémunération - Indemnités et avantages divers.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité pour faute.


Composition du Tribunal
Président : Mme MARRACO
Rapporteur ?: Mme Déborah DE PAZ
Rapporteur public ?: M. KATZ
Avocat(s) : BRAUD

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.de;arret;2013-07-16;12bx02884 ?
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