Vu la requête, enregistrée le 26 janvier 2012 par télécopie, régularisée le 13 février 2012, présentée pour l'Etablissement public d'aménagement en Guyane, dont le siège est 1 avenue des jardins de Sainte-Agathe BP 27 à Macouria (97355), par Me B...et MeA..., avocats ;
L'Etablissement public d'aménagement en Guyane (EPAG) demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1001175 du 15 décembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Cayenne a annulé la décision du 15 septembre 2010 par laquelle le directeur général de l'établissement public a repris à Mme C...le lot qui lui avait été attribué dans le lotissement agricole du secteur de Wayabo par convention d'occupation précaire conclue le 12 janvier 2007 ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif ;
3°) d'ordonner l'expulsion de Mme C...ou de tout occupant de son chef du lot qui lui avait été attribué, à ses frais ou aux frais avancés par l'établissement public, et de la condamner à lui verser une somme de 10 000 euros à raison de l'occupation injustifiée de la parcelle et de la privation de jouissance qui en est résultée ;
4°) de la condamner aux dépens ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du domaine de l'Etat ;
Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;
Vu le décret n°96-954 du 31 octobre 1996 portant création de l'Etablissement public d'aménagement en Guyane ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 février 2013 :
- le rapport de M. Didier Péano, président-assesseur ;
- et les conclusions de Mme Christine Mège, rapporteur public ;
1. Considérant que par convention conclue le 12 janvier 2007 dans le cadre de la mise en oeuvre d'un programme d'aménagement de parcelles agricoles, l'Etablissement public d'aménagement en Guyane (EPAG), qui avait acquis de l'Etat d'importantes surfaces de forêt primaire sur le territoire de la commune de Kourou, a autorisé Mme C...à occuper, à titre précaire et révocable, le lot n°15 du lotissement agricole du secteur de Wayabo , pour une durée " qui ne pourra pas se prolonger au delà de l'achèvement du programme d'aménagement ", en contrepartie de son engagement à effectuer une mise en valeur exclusivement agricole du terrain, et s'est engagé à proposer l'acquisition du terrain à l'occupant qui aura mis le terrain en valeur ; que le 15 septembre 2010, le directeur général de l'établissement public a décidé de reprendre à Mme C...sans indemnité le lot qui lui avait été attribué et l'a priée de libérer le terrain de toute forme d'occupation de son chef dans un délai de deux mois à compter de la réception de la notification de cette décision ; que par jugement n° 10001175 du 15 décembre 2011, le tribunal administratif de Cayenne a annulé la décision du 15 septembre 2010 et rejeté les conclusions indemnitaires présentées par Mme C...; que l'Etablissement public d'aménagement en Guyane relève seul appel du jugement du 15 décembre 2011 en tant qu'il a annulé sa décision ;
Sur la recevabilité de la requête :
2. Considérant que les conclusions présentées par l'Etablissement public d'aménagement en Guyane tendant à ce que la cour ordonne l'expulsion de Mme C...ou de tout occupant de son chef du lot n° 15 à ses frais ou aux frais avancés par l'établissement public, et la condamne à lui verser une somme de 10 000 euros à raison de l'occupation injustifiée de la parcelle et de la privation de jouissance qui en est résultée, constituent des demandes nouvelles en appel ; qu'elles doivent, dès lors, être rejetées comme irrecevables ; qu'en tout état de cause, il n'appartient pas à la juridiction administrative de statuer sur des conclusions tendant à l'expulsion d'un occupant sans titre du domaine privé d'une personne morale de droit public ;
Sur la régularité du jugement :
En ce qui concerne la compétence de la juridiction :
3. Considérant que la contestation par une personne privée de l'acte par lequel une personne morale de droit public ou son représentant, gestionnaire du domaine privé, initie avec cette personne privée, conduit ou termine une relation contractuelle, quelle qu'en soit la forme, dont l'objet est la valorisation ou la protection de ce domaine et qui n'affecte ni son périmètre ni sa consistance, ne met en cause que des rapports de droit privé et relève, à ce titre, de la compétence du juge judiciaire ; qu'en revanche, la juridiction administrative est compétente pour connaître de la contestation par l'intéressé de l'acte administratif par lequel une personne morale de droit public refuse d'engager avec lui une relation contractuelle ayant un tel objet ;
4. Considérant d'une part, que l'article L. 91-1 du code du domaine de l'Etat, dans sa rédaction en vigueur à la date de la signature de la convention, prévoyait que : " Dans le département de Guyane, les terres dépendant du domaine privé de l'Etat peuvent faire l'objet de cessions gratuites aux titulaires de concessions accordées par l'Etat en vue de la culture et de l'élevage, qui ont réalisé leur programme de mise en valeur à l'issue d'une période probatoire de cinq ans. Celle-ci pourra être prorogée d'une ou plusieurs années dans la limite de cinq ans supplémentaires. /Le cessionnaire doit s'engager à maintenir l'usage agricole des biens cédés pendant trente ans à compter de la date du transfert de propriété, cette période de trente ans étant réduite de la durée effective de la période probatoire. /Peuvent également bénéficier de cessions gratuites les agriculteurs qui, depuis leur installation, antérieure à la date de publication de l'ordonnance n° 98-777 du 2 septembre 1998 et pendant une période d'au moins cinq ans, ont réalisé l'aménagement et la mise en valeur des terres mises à leur disposition par l'Etat, les ont exploitées directement à des fins exclusivement agricoles et qui s'engagent à les maintenir à cet usage pendant trente ans à compter de la date de transfert de propriété... " ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 91-1-1 du code du domaine de l'Etat dans sa rédaction en vigueur à la date de la signature de la convention : " Lorsqu'il est créé en application des articles L. 321-1 et suivants du code de l'urbanisme un établissement public d'aménagement, celui-ci peut se voir confier par convention la passation, au nom de l'Etat, des contrats de concession et cession mentionnées à l'article L. 91-1. /L'établissement public d'aménagement visé à l'alinéa précédent peut, pour réaliser des travaux d'aménagement rural, bénéficier par convention avec l'Etat de concessions et de cessions gratuites de terres, selon les mêmes procédures que les personnes physiques. Cette convention définit les conditions et les modalités de concession ou de vente des terres qui ont fait l'objet des travaux d'aménagement. " ; que le décret constitutif de l'Etablissement public d'aménagement en Guyane du 31 octobre 1996 donne notamment pour mission à cet établissement public industriel et commercial de : " 2° Passer au nom de l'Etat, selon des modalités définies par la convention prévue au premier alinéa de l'article L. 91-1-1 du code du domaine de l'Etat, les contrats de concession et cession mentionnés audit article, dans les conditions prévues par les articles R. 170-31 à R. 170-46 du même code ; 3° Réaliser, selon des modalités définies par la convention prévue au deuxième alinéa de l'article L. 91-1-1 du code du domaine de l'Etat, des travaux d'aménagement rural sur les terres qui lui sont concédées et cédées par l'Etat, et concéder ou céder, après leur aménagement, les terres dont il est propriétaire, dans les conditions prévues par la convention mentionnée au second alinéa de l'article L. 91-1-1 du code du domaine de l'Etat. " ; qu'un tel objectif caractérise une mission de service public tendant à rechercher les agriculteurs en mesure de défricher effectivement des espaces boisés pour les mettre en valeur, dans l'intérêt, non pas seulement du domaine privé de l'Etat ou de l'établissement, dont les ventes prévues réduiront nécessairement le périmètre, mais plus généralement du développement de l'économie guyanaise ; que les conventions d'occupation temporaire conclues par l'EPAG avec des agriculteurs sélectionnés sur leur projet, par lesquelles l'établissement s'engage à leur proposer, au terme de la période d'aménagement des équipements du secteur de Wayabo, la vente des parcelles qu'ils auraient mises en valeur, sont conclues pour l'exécution de ce service public sur le domaine privé ;
6. Considérant d'autre part, que ces conventions comportent des clauses exorbitantes du droit commun, en prévoyant en premier lieu une durée indéterminée dont le terme ne résulte que de l'achèvement au gré de l'EPAG des travaux d'aménagement qui incombent à cet établissement, en deuxième lieu une faculté de résiliation unilatérale pour l'EPAG sans indemnité pour l'occupant et sans prévoir de délai de préavis, qui va au-delà de l'exception d'inexécution d'engagements contractuels, en troisième lieu une dérogation au régime des baux agricoles par son caractère précaire, en quatrième lieu un droit de contrôle de l'établissement sur la mise en valeur effectuée avec accès permanent aux parcelles pour en assurer l'effectivité, et enfin un prix très inférieur à la valeur vénale des parcelles et une indemnité d'occupation également très faible et imputable sur le paiement du prix, toutes clauses exorbitantes qui ne trouvent leur justification que dans l'objectif d'intérêt général analysé précédemment ; que l'EPAG reconnaît au demeurant que ces conventions, qui ne s'analysent ni comme des concessions, faute de durée déterminée, ni comme des promesses inconditionnelles de vente, dès lors que l'engagement est stipulé au profit d'une personne " qui aura mis en valeur " le terrain, sont des " contrats spécifiques " sortant du cadre prévu par le décret qui l'a institué ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le contentieux né de l'exécution de ces conventions, en particulier s'agissant des décisions qui refusent sous quelque forme que ce soit de vendre les parcelles attribuées, relève de la juridiction administrative ; que l'EPAG ne peut utilement invoquer ni les clauses d'un " règlement du lotissement " de Wayabo qui donneraient compétence au tribunal de grande instance de Cayenne pour les rapports entre le lotisseur et les acquéreurs des parcelles, dont il ne fournit qu'une copie préparatoire incomplète, ce règlement étant, à le supposer même approuvé, inopposable aux titulaires d'une autorisation d'occupation temporaire en attente de la signature d'un acte d'acquisition ; que de même, la circonstance que par des décisions ultérieures, la juridiction judiciaire a prononcé l'expulsion d'occupants devenus sans titre de son domaine privé est sans incidence sur la compétence de la juridiction administrative pour apprécier les conditions dans lesquelles sont intervenus la prolongation ou la résiliation des conventions et le refus subséquent de vendre les parcelles attribuées ; que par suite, l'EPAG n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif de Cayenne aurait dû décliner la compétence des juridictions de l'ordre administratif pour statuer sur la demande de Mme C...;
En ce qui concerne la nature de la demande de Mme C...:
8. Considérant que le juge du contrat, saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution d'un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité ; que, toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles ;
9. Considérant qu'il incombe au juge du contrat, saisi par une partie d'un recours de plein contentieux contestant la validité d'une mesure de résiliation et tendant à la reprise des relations contractuelles, lorsqu'il constate que cette mesure est entachée de vices relatifs à sa régularité ou à son bien-fondé, de déterminer s'il y a lieu de faire droit, dans la mesure où elle n'est pas sans objet, à la demande de reprise des relations contractuelles, à compter d'une date qu'il fixe, ou de rejeter le recours, en jugeant que les vices constatés sont seulement susceptibles d'ouvrir, au profit du requérant, un droit à indemnité ; que, dans l'hypothèse où il fait droit à la demande de reprise des relations contractuelles, il peut décider, si des conclusions sont formulées en ce sens, que le requérant a droit à l'indemnisation du préjudice que lui a, le cas échéant, causé la résiliation, notamment du fait de la non-exécution du contrat entre la date de sa résiliation et la date fixée pour la reprise des relations contractuelles ;
10. Considérant que la décision du 15 septembre 2010 par laquelle le directeur général de l'Etablissement public d'aménagement en Guyane a repris à Mme C...le lot qui lui avait été attribué dans le lotissement agricole du secteur de Wayabo et l'a priée de libérer le terrain de toute forme d'occupation de son chef a eu pour effet de mettre un terme à la convention d'occupation temporaire conclue le 12 janvier 2007 ; qu'ainsi la demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Cayenne s'analyse comme un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de cette convention et tendant à la reprise des relations contractuelles ; qu'en s'abstenant de requalifier les conclusions dont il était saisi, et en annulant la décision de l'Etablissement public d'aménagement en Guyane alors qu'un recours pour excès de pouvoir n'était pas recevable à l'encontre de la décision de reprise du lot attribué, le tribunal a méconnu l'office du juge du contrat et ainsi entaché dans cette mesure le jugement rendu d'une irrégularité de nature à en justifier l'annulation ;
11. Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme C...devant le tribunal administratif de Cayenne ;
Sur les conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles :
12. Considérant qu'il ressort des termes de l'article 3 de la convention qu'elle a été conclue pour une durée qui ne pourra pas se prolonger au delà de l'achèvement du programme d'aménagement du secteur de Wayabo, laquelle met donc fin aux obligations des parties ; qu'il résulte de l'instruction et notamment de la déclaration attestant l'achèvement des travaux que le programme d'aménagement du secteur de Wayabo a été achevé le 2 novembre 2011 ; qu'à cette date, les obligations des parties à la convention conclue le 12 janvier 2007 ont pris fin ; qu'ainsi les conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles présentées par Mme C...ont perdu leur objet ;
Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :
13. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a lieu de faire droit aux conclusions d'aucune des parties tendant au remboursement des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1001175 du tribunal administratif de Cayenne en date du 15 décembre 2011 est annulé en tant qu'il a annulé la décision de l'EPAG du 15 septembre 2010.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme C...tendant à la reprise des relations contractuelles.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
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No 12BX00187