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11/03/2014 | FRANCE | N°12-81461

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 11 mars 2014, 12-81461


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- La société Vueling Airlines,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 6-1, en date du 31 janvier 2012, qui, pour travail dissimulé, l'a condamnée à 100 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 11 février 2014 où étaient présents : M. Louvel, président, M. Finidori, conseiller rapporteur, Mme Guirimand, M. Beauvais, M. Guérin, M. Straehli, M. Monfort, M. Buisso

n, conseillers de la chambre, Mme Moreau, M. Maziau, M. Barbier, M. Talabardon, conseil...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par :

- La société Vueling Airlines,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, chambre 6-1, en date du 31 janvier 2012, qui, pour travail dissimulé, l'a condamnée à 100 000 euros d'amende, et a prononcé sur les intérêts civils ;

La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 11 février 2014 où étaient présents : M. Louvel, président, M. Finidori, conseiller rapporteur, Mme Guirimand, M. Beauvais, M. Guérin, M. Straehli, M. Monfort, M. Buisson, conseillers de la chambre, Mme Moreau, M. Maziau, M. Barbier, M. Talabardon, conseillers référendaires ;
Avocat général : M. Cordier ;
Greffier de chambre : Mme Téplier ;
Sur le rapport de M. le conseiller FINIDORI, les observations de Me LE PRADO, de la société civile professionnelle FABIANI et LUC-THALER et de la société civile professionnelle GATINEAU et FATTACCINI, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général CORDIER, les avocats des parties ayant eu la parole en dernier ;
Vu les mémoires en demande, en défense, et les observations complémentaires produits ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 14 du règlement (CEE) n° 1408/71 du 14 juin 1971 et 11 du règlement(CEE) n° 574/72 du 21 mars 1972, L. 111-2-2 du code de la sécurité sociale, R. 330-2-1 du code de l'aviation civile, L. 8221-3 du code du travail, préliminaire, 591, 593 du code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que la cour d'appel a déclaré la société Vueling Airlines coupable du délit de travail dissimulé pour défaut de déclaration aux organismes de protection sociale des salariés travaillant dans son établissement en France, l'a condamnée à une amende de 100 000 euros et a prononcé sur les intérêts civils ;
"aux motifs que le tribunal a exactement et complètement rapporté la procédure, la prévention et les faits de la cause dans un exposé auquel la cour se réfère ici expressément ; qu'il s'impose pour la cour, statuant dans le cadre d'une procédure pénale du chef de l'application d'une législation d'ordre public, de juger que les détachements litigieux relevaient des dispositions de l'article L. 1262-3 du code du travail, dès lors que Vueling Airlines, dans ses conclusions d'appel ni au cours des débats, n'a pas discuté que dans le temps de la prévention son activité en France s'exerçait dans le cadre d'une base d'exploitation au sens de l'article R. 330-2-1 du code de l'aviation civile ; qu'au demeurant les constatations matérielles (pages 2 et 3 du procès-verbal, avec récapitulatif page 4) de l'inspection du travail pour caractériser une telle exploitation sont suffisamment pertinentes, étant observé que Vueling Airlines, qui dans sa déclaration de détachement auprès de l'inspection du travail de Roissy (21/05/2007), a indiqué engager, pour sa succursale, un « country manager » (directeur pays) et un "base manager" (chef de base), n'a pas fait état d'erreurs quant à la description par l'inspecteur du travail des fonctions de son directeur commercial, M. B..., et n'a communiqué, avec le contrat de travail qu'elle verse aux débats aucun élément d'appréciation pour démentir ou amoindrir la portée des mentions de ce contrat avec Mme C..., embauchée comme directeur France et représentante légale de sa succursale française (article 1), avec le statut de cadre dirigeant (article 2 alinéa 3), conformément aux dispositions de l'article L. 212-15-1 (aujourd'hui L. 3111-2) du code du travail, eu égard à la nature de ses fonctions, à l'autorité décisionnelle dont elle dispose par délégation de pouvoir et à son niveau de rémunération, le plus élevé au sein de la succursale (article 6) ; que la Vueling Airlines, qui ne prétend pas à une incohérence de ses propres écrits, ne peut donc y opposer l'article 4 du même contrat, stipulant que Mme C... exercera ses "responsabilités, tâches et obligations" en liaison avec le Sale Director de la société à Barcelone, et se conformera aux instructions et directives de cette direction, et dont le sens est seulement d'imposer à la salarié d'agir, en responsabilité, dans le même sens que sa direction ; qu'il doit s'en déduire que Vueling Airlines, qui ne peut donc affirmer que sa succursale française était dépourvue de toute autonomie de fonctionnement, ne peut justifier de l'existence pour elle d'un lien organique avec les salariés détachés y travaillant ; que, pour se dégager de l'empêchement résultant alors pour elle de pouvoir procéder aux détachements en question, qu'elle revendique pour la totalité de ses personnels navigants (techniques et commerciaux),Vueling Airlines ne peut utilement se prévaloir de ce que son activité avait un caractère expérimental et temporaire, aucune des dispositions applicables en l'espèce ne prenant en compte une telle assertion, au demeurant parfaitement aléatoire, et notamment pas l'article D. 341-5-7 du code du travail alors en vigueur (aujourd'hui R. 1263-1 et suivants du code du travail), ni son article de référence (D. 341-5 du même code), les demandes présentées pour obtention des formulaires E 101 n'y faisant pas davantage référence ; que Vueling Airlines ne peut davantage valablement soutenir que la délivrance des formulaires E 101 par l'autorité espagnole compétente vaudrait présomption de validité de ses détachements de salariés en l'espèce ; qu'en effet, une telle délivrance n'a ici valeur que de présomption d'affiliation au régime de protection espagnole par les salariés concernés, à partir de laquelle se trouve certes lié l'organisme français compétent, le CLEISS, pour établir à ceux-ci des formulaires E 102 mais qui ne peut interdire au juge pénal français de constater la violation intentionnelle des dispositions légales applicables en France déterminant les conditions de validité de tels détachements de salariés ; qu'effectivement, en procédant comme il lui est reproché et comme il vient d'être complètement caractérisé en fait, Vueling Airlines a évidemment volontairement méconnu les règles applicables ; qu'il convient, en effet, de relever, d'une part, que celle-ci, qui a elle-même produit aux débats un document d'information du CLEISS (sa pièce n°16) exposant précisément la solution à appliquer, celle de l'assujetissement au régime de protection sociale français lorsque « votre salarié est envoyé dans un établissement que votre société a en France » a agi comme il lui est reproché en pleine connaissance de cause ; qu'elle a, d'autre part, sans avoir été en mesure d'y donner une explication sérieuse susceptible d'écarter la suspicion de fraude dont elle se trouve ainsi l'objet, eu égard de l'ampleur de cette pratique, domicilié 41 (sur les 80 situations vérifiées par l'inspecteur du travail) des travailleurs pour lesquels elle sollicitait le régime de détachement en cause très exactement à l'adresse de son propre siège alors qu'au surplus pour 27 d'entre eux l'adresse sur leurs bulletins de salaire était différente ou inexistante ; que la cour ne peut alors manquer de relever que Vueling Airlines, qui se qualifie elle-même (contrat de travail de Mme C... ) de compagnie aérienne « low cost », a elle-même communiqué un rapport, en date du 12/12/2007 à l'intention du secrétaire d'état à la consommation et au tourisme, sur « le low cost : un levier pour le pouvoir d'achat », qui certes ne s'applique pas à elle, mais néanmoins signale en plusieurs endroits (pages 12, 18, 24) que ce système pose la question de la non-application du droit du travail français au personnel des compagnies low cost (établies) en France, et d'un régime social et fiscal moins lourd et plus permissif ; que d'ailleurs, en l'espèce Vueling Airlines n'a pas soutenu que le régime social espagnol serait pour elle plus onéreux et plus contraignant que le français, ne s'expliquant pas sur les raisons l'ayant amené à faire le choix d'un tel régime de détachement pour les salariés de son établissement français ; qu'ainsi, Vueling Airlines n'a pas démontré que son comportement en l'espèce était dépourvu d'avantages pour elle ; que, dès lors, la cour ne saurait admettre Vueling Airlines au bénéfice d'une erreur de droit, inévitable, dans une complète croyance à la légitimité d'une telle solution ; que dans ces conditions se trouvent dépourvus d'intérêt les constats sus rappelés des premiers juges ; que, par voie de conséquence, il y a lieu pour la cour d'infirmer la décision des premiers juges, pour au contraire, déclarer Vueling Airlines sans avoir à retenir d'autres incriminations dans les termes de la citation délivrée, coupable de travail dissimulé par dissimulation d'activité, à défaut d'avoir procédé en France, du 21 mai 2007 au 16 mai 2008 pour tous ses salariés, personnels navigants techniques et commerciaux, travaillant à son établissement de l'aéroport de Roissy Charles de Gaulle aux déclarations devant être faites aux organismes de protection sociale, en application des dispositions de l'article L. 8221-3, alinéa 1, 2°, du code du travail ; qu'eu égard à la consistance desdits faits tels que caractérisés ci-dessus, à leur gravité objective en rapport avec les intérêts méconnus des salariés en cause (à titre individuel, comme à titre collectif), des organismes sociaux français concernés et d'une économie régulière, et aussi en prenant en compte l'absence d'antécédents judiciaires de la prévenue, il est justifié de condamner Vueling Airlines à une amende de 100 000 euros ; que la peine complémentaire requise de publication judiciaire de la présente décision ne sera pas prononcée, faute de pouvoir en vérifier l'utilité dissuasive, aucun élément du dossier ne permettant d'apprécier si de tels comportements perduraient à ce jour par d'autres ; que, sur l'action civile, il convient tout d'abord, en premier préalable, de constater l'absence d'appel de la part de l'Union Locale des syndicats CGT de l'Aéroport Roissy Charles de Gaulle, et donc l'irrecevabilité de toutes prétentions de sa part devant la cour, la présente décision en ce sens à son égard lui étant déclarée opposable pour lui être notifiée dans les termes du dispositif ci-après ; qu'il convient, de même, en second préalable, dans le cadre de la défaillance constatée ci-dessus (à l'occasion du rappel du déroulement des débats) de M. E..., de retenir que son appel, régulier en la forme, n'est pas soutenu, pour rejeter de piano ses prétentions initiales sans avoir à en examiner plus avant le bien - fondé ; qu'il convient, ensuite, de prendre acte du désistement d'appel de Pôle emploi à l'égard de Vueling Airlines, pour donc valoir renonciation à sa constitution de partie civile initiale ; qu'en ce qui concerne la CRPNPAC, il y a lieu de relever que Vueling Airlines ne justifie d'aucune action à son encontre du fait de celle-ci devant le juge civil, et ne se trouve donc pas en mesure de s'opposer dans son principe à la réclamation dont elle est l'objet ; qu'en effet, il n'est pas discutable que les détachements ainsi sanctionnés avaient pour conséquence inéluctable de soustraire les personnels navigants concernés au système de retraite complémentaire obligatoire dans l'aviation civile ; qu'ainsi, l'institution gestionnaire de ce régime qu'est la CRPNPAC est bien fondée à prétendre à la réparation d'un préjudice moral consécutif, en lien direct et certain avec la culpabilité déclarée, que la cour est en mesure d'évaluer, eu égard aux circonstances de l'espèce et aux éléments d'appréciation invoqués, à la somme de 7 500 euros ; qu'en ce qui concerne l'URSSAF 77, il y a lieu, eu égard à son statut et sa mission de service public, exactement rappelée dans ses conclusions de satisfaire pour les mêmes motifs à sa même prétention au titre d'un préjudice moral, qui, pour elle, est distinct d'une action en recouvrement de cotisations éludées ; que pareillement que pour la CRPNPAC, la Cour est en mesure d'évaluer ce préjudice de l'URSSAF 77 à 7 500 euros ; qu'en ce qui concerne l'UNAC, il y a lieu de satisfaire aussi à sa demande indemnitaire en réparation d'un préjudice moral sur le fondement suffisant de l'article L. 2132-3 du code du travail, compte tenu que les détachements ainsi sanctionnés avaient pour conséquence inéluctable de soustraire les personnels navigants concernés au bénéfice d'une certaine protection collective, notamment du fait de ce syndicat, et portaient donc atteinte à l'intérêt collectif de la profession représentée ; que la cour se trouve, comme pour la CRPNPAC et l'URSSAF 77, en mesure d'évaluer ce préjudice à la somme de 7 500 euros ; qu'en ce qui concerne chacun des salariés individuellement appelants, il y a lieu, pour la cour, de juger que chacun d'eux est fondé à se plaindre, comme préjudice en lien direct et certain avec l'infraction retenue, ne relevant pas de la compétence exclusive du juge prud'homal, et non réclamé à ce jour devant lui, d'avoir été contraint de subir les charges financières (Vueling airlines ne produisant aucune preuve d'une quelconque prise en charge de sa part de ce chef) et les désagréments dans sa vie personnelle d'un recrutement en Espagne nécessaire à Vueling Airlines pour, prétendre le détacher en France, et d'avoir été ensuite exposé au risque de devoir travailler en Espagne au cas où il aurait été mis fin à son détachement ; qu'un tel préjudice sera justement évalué pour chacun des appelants, dans les termes du dispositif ci-après, dans la limite des éléments d'appréciation résultant du dossier et produits aux débats, aux sommes globales déterminées au dispositif ci-après ;
"1°) alors que le délit de travail dissimulé pour dissimulation d'activité n'est constitué que si l'employeur n'a pas procédé aux déclarations qui lui incombaient aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale ; que, pour apprécier l'obligation d'un employeur détachant des salariés dans un autre pays de l'Union européenne de s'affilier aux organismes de sécurité sociale français, les juges du fond ne sauraient se déterminer au regard des seules dispositions du droit du travail français en faisant abstraction des règles spécifiques de l'Union européenne relatives à l'affiliation des travailleurs détachés dans un Etat membre résultant du règlement du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté et du règlement n° 574/72 du 21 mars 1972 fixant ses modalités d'application et dont dépend l'existence de l'élément matériel du délit de travail dissimulé ; qu'en énonçant, pour juger que la société Vueling Airlines, société espagnole ayant détaché des salariés en France, et les ayant affiliés auprès des organismes de sécurité sociale espagnols, avait commis le délit de travail dissimulé en ne les affiliant pas aux organismes de sécurité sociale français, qu'elle avait méconnu les dispositions légales applicables en France déterminant les conditions de validité de tels détachements de salariés, la cour d'appel, qui s'est déterminée au seul regard du droit du travail national, a refusé d'appliquer les règlements n° 1408/71 et n° 574/72 dont dépendait l'obligation pour la société Vueling Airlines de déclarer ses salariés aux organismes de sécurité sociale français, dont dépendait la constitution du délit de travail dissimulé, et a ainsi méconnu les dispositions susvisées ;
"2°) alors que le délit de travail dissimulé n'est constitué que si l'employeur n'a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l'administration fiscale ; que lorsque, en cas de détachement de travailleurs au sein de l'Union européenne, un Etat a délivré à l'employeur un certificat E 101, prévu par le règlement 574/72, celui-ci vaut présomption de régularité d'affiliation et partant de lien organique entre l'entreprise employeur et le travailleur détaché, condition de validité du détachement, sur laquelle cette attestation est fondée ; qu'aussi longtemps qu'il n'est pas retiré ou déclaré invalide, le certificat E 101 s'impose dans l'ordre juridique interne de l'État membre dans lequel sont détachés les travailleurs concernés et lie ses juridictions pénales ; que le juge pénal français, saisi d'une prévention pour travail dissimulé, ne peut remettre en cause la validité de l'affiliation de travailleurs à un organisme de sécurité sociale d'un autre Etat, qui a délivré à l'employeur un tel certificat ni le lien organique entre l'entreprise employeur et le salarié, sur lequel il est fondé ; qu'en énonçant, pour juger que la société Vueling Airlines était coupable du délit de travail dissimulé, qu'au vu des contrats de travail produits, elle ne justifiait pas d'un lien organique avec les salariés, condition de validité du détachement, et qu'en outre elle ne pouvait valablement soutenir que la délivrance des formulaires E 101 par l'autorité espagnole compétente vaudrait présomption de validité de ces détachements de salariés en l'espèce, celle-ci s'imposant à l'organisme de sécurité sociale compétent, le CLEISS mais ne pouvait interdire au juge pénal de constater la violation intentionnelle des dispositions légales applicables en France déterminant les conditions de validité de tels détachements de salariés, la cour d'appel, qui n'était pas habilitée à remettre en cause la validité de l'affiliation de travailleurs à un organisme de sécurité sociale d'un autre Etat de l'Union européenne, qui a délivré à l'employeur un certificat E 101 ni le lien organique entre l'entreprise espagnole et le salarié, sur lequel il est fondé, a méconnu les dispositions susvisées ;
"3°) alors que toute personne poursuivie pénalement est présumée innocente et le doute doit lui profiter ; que lorsqu'une juridiction de jugement est saisie du chef de travail dissimulé, il appartient au ministère public de démontrer que le prévenu n'a pas procédé aux déclarations qui devaient être faites aux organismes de protection sociale français ; qu'en énonçant, pour déclarer la société Vueling Airlines, société de droit espagnol, coupable de ce chef, qu'elle ne justifiait pas de l'existence pour elle d'un lien organique avec les salariés détachés en France, ce dont dépendait leur affiliation auprès des organismes sociaux français, la cour d'appel a méconnu la présomption d'innocence et les principes susvisés ;
"4°) alors qu'en toute hypothèse la personne qui exerce normalement une activité salariée sur le territoire d'un Etat membre et qui effectue un travail sur le territoire d'un autre Etat membre demeure soumise à la législation de celui-ci à condition que la durée prévisible de ce travail n'excède pas normalement douze mois ; que si l'affiliation aux organismes de sécurité sociale de l'Etat où est sise l'entreprise détachante est subordonnée à ce que soit maintenu un lien organique entre cette dernière et le travailleur détaché, ce lien existe dès lors que seule l'entreprise détachante a le pouvoir de rompre le contrat par le licenciement, qu'elle détermine le service essentiel qui doit être assuré et qu'elle rémunère le travailleur ; qu'en énonçant, pour considérer que la société Vueling Airlines ne justifiait pas d'un lien organique avec ses travailleurs détachés qu'au regard des contrats de travail produits Vueling Airlines ne peut affirmer que sa succursale française était dépourvue de toute autonomie de fonctionnement et ne peut justifier de l'existence pour elle d'un lien organique avec les salariés détachés y travaillant, la cour d'appel qui a subordonné l'existence d'un lien organique entre la société détachante et les travailleurs à une absence d'autonomie de l'établissement où ils étaient détachés, a ajouté au règlement n° 1408/71 du 14 juin 1971 une condition qu'il ne prévoit pas et a ainsi méconnu les dispositions susvisées ;
"5°) alors que les juges ne sauraient statuer par voie de simple affirmation ; que le délit de travail dissimulé par dissimulation d'activité suppose que l'omission de déclaration aux organismes de sécurité sociale français revête un caractère intentionnel ; qu'en se bornant à énoncer, pour déclarer la société Vueling Airlines coupable du délit de travail dissimulé, qu'elle « a évidemment volontairement méconnu les règles applicables », la cour d'appel a statué par voie de simple affirmation, sans caractériser concrètement l'élément intentionnel de l'infraction et a ainsi privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées ;
"6°) alors que, subsidiairement, bénéficie d'une cause d'irresponsabilité la personne poursuivie qui justifie avoir cru, par une erreur de droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir le fait reproché ; que le bénéfice résultant pour le prévenu de l'infraction n'est pas de nature à écarter une telle erreur de droit ; qu'en énonçant, pour considérer qu'elle ne pouvait admettre la société Vueling Airlines au bénéfice d'une erreur de droit, que cette société n'a pas soutenu que le régime social espagnol serait pour elle plus onéreux et plus contraignant que le français, ne s'expliquant pas sur les raisons l'ayant amenée à faire le choix d'un tel régime de détachement pour les salariés de son établissement français et qu'elle n'a pas démontré que son comportement en l'espèce serait dépourvu d'avantages pour elle, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants à écarter l'existence d'une erreur de droit et a ainsi méconnu les dispositions susvisées ;
"7°) alors que, subsidiairement, l'existence d'une erreur de droit s'apprécie à la date des faits de la prévention ; qu'en énonçant, pour écarter l'erreur de droit, et considérer que la société Vueling Airlines avait agi en toute connaissance de cause, qu'elle a produit aux débats un document du CLEISS exposant précisément la solution à appliquer, celle de l'assujettissement au régime de protection sociale français lorsque « votre salarié est envoyé dans un établissement que votre société a en France », élément dont elle ne relève pas que la société aurait eu connaissance à la date des faits visés par la prévention, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées ;
"8°) alors que, tout aussi subsidiairement, bénéficie d'une cause d'irresponsabilité la personne poursuivie qui justifie avoir cru, par une erreur de droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, pouvoir légitimement accomplir le fait reproché ; que dans ses conclusions oralement soutenues à l'audience, la société Vueling Airlines faisait valoir qu'à la date des faits, ayant obtenu un certificat E 101 par les autorités espagnoles attestant de la validité du détachement en France des travailleurs en cause et un certificat E 102 par les autorités françaises, elle avait cru, par une erreur de droit qu'elle n'était pas en mesure d'éviter, que le règlement n° 1408/71 s'appliquait à elle et qu'elle pouvait ainsi légitimement détacher ces salariés en France et les affilier aux organismes de sécurité sociale espagnols ; qu'en se bornant à énoncer que la société Vueling Airlines avait « évidemment volontairement méconnu les règles applicables » sans répondre à ce moyen péremptoire de la société Vueling Airlines, la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées" ;
"9°) alors que, subsidiairement, une contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; que dans ses conclusions, la société Vueling Airlines contestait que son activité en France s'exerçait dans le cadre d'une base d'exploitation au sens de l'article R. 330-2-1 du code de l'aviation civile ; qu'en énonçant, pour déclarer la société Vueling Airlines coupable du délit de travail dissimulé par dissimulation d'activité, que cette dernière ne contestait pas que dans le temps de la prévention, son activité en France s'exerçait dans le cadre d'une base d'exploitation au sens de l'article R. 330-2-1 du code de l'aviation civile, la cour d'appel a prononcé par des motifs contradictoires ;
"10°) alors que, tout aussi subsidiairement, une base d'exploitation suppose l'exercice de manière habituelle, stable et continue, d'une activité de transport aérien en France avec des salariés y ayant le centre effectif de leur activité professionnelle ; qu'en s'abstenant de caractériser l'existence d'une activité de transport aérien exercée en France de manière habituelle, stable et continue, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des dispositions susvisées" ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du procès-verbal de l'inspection du travail, fondement de la poursuite, et des pièces de procédure que la société Vueling Airlines, ayant son siège social à Barcelone, mais inscrite au registre du commerce et des sociétés de Bobigny en raison de l'ouverture d'un établissement à l'aéroport Charles de Gaulle à Roissy, a employé, de mai 2007 à mai 2008, plusieurs dizaines de salariés navigants, commerciaux ou techniques, ayant le statut de détachés, et titulaires d'un certificat E 101 attestant que le salarié était maintenu pendant la période de détachement au régime de sécurité sociale de son pays d'origine, en l'espèce l'Espagne ; que l'inspection du travail a considéré que la société Vueling Airlines employait les salariés sur une base d'exploitation au sens de l'article R. 330-2-1 du code de l'aviation civile et qu'elle ne pouvait, dès lors, et selon l'article L. 1262-3 du code du travail, se prévaloir des dispositions applicables au détachement, son activité étant entièrement orientée vers le territoire national et étant réalisée dans des locaux ou avec des infrastructures situés sur ce territoire à partir desquels elle était exercée de façon habituelle, stable et continue ; qu'un procès-verbal a été établi pour travail dissimulé et que des poursuites ont été exercées de ce chef ; que le tribunal a prononcé la relaxe de la prévenue ; que le procureur de la République ainsi que les parties civiles ont relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour infirmer ce jugement et déclarer la société Vueling Airlines coupable de travail dissimulé par dissimulation d'activité pour avoir omis de déclarer ses salariés aux organismes de protection sociale français, les juges du second degré relèvent que la prévenue exerçait son activité en France dans le cadre d'une succursale ou d'un établissement et en tout cas d'une base d'exploitation au sens de l'article R. 330-2-1 du code de l'aviation civile, en employant trois salariés au sol, titulaires d'un contrat à durée indéterminée, et des dizaines de navigants recrutés en Espagne, présentés comme détachés en France, employés par contrats à durée déterminée et immatriculés au régime de protection sociale espagnol ; que les juges ajoutent que la succursale ouverte en France était dirigée par un directeur de pays, ayant le statut de cadre dirigeant, au sens de l'article L. 3111-2 du code du travail, assisté d'un chef de base, et que, dans ces conditions, l'employeur ne pouvait, aux termes de l'article L. 1262-3 dudit code, se prévaloir des dispositions applicables au détachement ; que les juges observent que la délivrance de certificats d'affiliation E 101 par l'autorité de protection sociale espagnole ne saurait valoir présomption de la validité des détachements des salariés en cause et interdire au juge pénal français de constater la violation intentionnelle des dispositions légales applicables en France, la société Vueling Airlines ayant, d'évidence, volontairement méconnu ces règles pour se placer sous un régime social et fiscal moins lourd et plus permissif ;
Attendu qu'en cet état la cour d'appel a justifié sa décision, dès lors qu'en l'absence de détachement de salariés entrant dans les prévisions de l'article 14 1) a) du règlement (CEE) 1408/71 du 14 juin 1971, en vigueur à la date des faits poursuivis, la société Vueling Airlines, dont l'activité, entièrement orientée vers le territoire national, réalisée de façon habituelle, stable et continue dans des locaux ou avec des infrastructures situées sur ce territoire relevait du droit d'établissement au sens des dispositions de l'article L. 1262-3 du code du travail et de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne, ne pouvait se prévaloir des certificats, dits formulaires E 101, qu'elle invoquait, et que se trouvait constituée à son encontre, conformément aux dispositions d'ordre public de l'article L. 8221-3, 2°, du code susvisé, l'infraction de travail dissimulé faute d'avoir procédé en France, pour ses salariés, personnels navigants techniques et commerciaux occupés à l'établissement de Roissy, aux déclarations devant être faites aux organismes de protection sociale ;
D'où il suit, et sans qu'il y ait lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, que le moyen ne saurait être admis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 3 000 euros la somme que la société Vueling Airlines devra payer à la Caisse de retraite du personnel navigant professionnel de l'aéronautique civile, 3 000 euros la somme globale que la société Vueling Airlines devra payer à l'ensemble des autres parties civiles représentées par la société civile professionnelle Gatineau - Fattaccini, 3 000 euros la somme que la société Vueling Airlines devra payer à l'URSSAF de Seine-et-Marne, au titre des dispositions de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le onze mars deux mille quatorze ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 12-81461
Date de la décision : 11/03/2014
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRAVAIL - Travail dissimulé - Dissimulation d'emploi salarié - Applications diverses - Omission de déclaration de salariés aux organismes de protection sociale - Entreprises de transport aérien au titre de leurs bases d'exploitation situées sur le territoire français - Travailleurs détachés (non)

UNION EUROPEENNE - Travail - Règlement (CEE) n° 1408/71 du 14 juin 1971 - Article 14 - Travailleurs détachés - Activité salariée exercée en France - Certificat d'affiliation - Délivrance par les autorités étrangères - Conditions - Exclusion - Activités relevant du droit d'établissement - Cas - Activité entièrement orientée vers le territoire national ou réalisée avec des infrastructures situées sur le territoire national et exercée de façon habituelle - Entreprises de transport aérien au titre de leurs bases d'exploitation situées sur le territoire français UNION EUROPEENNE - Cour de justice de l'Union européenne - Question préjudicielle - Interprétation des actes pris par les institutions de l'Union - Exclusion - Règlement (CEE) n° 1408/71 du 14 juin 1971 - Statut des travailleurs détachés - Disposition européennes précises

Doit être rejeté, sans qu'il y ait lieu de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, le pourvoi formé par une société étrangère de transports aériens condamnée pour avoir omis de déclarer aux organismes de protection sociale les salariés, par elle employés sur le sol français, qui étaient immatriculés au régime de protection sociale espagnol et présentés comme des travailleurs détachés, dès lors qu'en l'absence d'un détachement de salariés entrant dans les prévisions de l'article 14, § 1, a du Règlement (CEE) n° 1408/71, en vigueur à la date des faits poursuivis, la société, dont l'activité en France était exercée dans le cadre d'une base d'exploitation telle que définie par l'article R. 330-2-1 du code de l'aviation civile, sous la direction d'un cadre dirigeant au sens de l'article L. 3111-2 du code du travail et relevait du droit d'établissement au sens des dispositions de l'article L. 1262-3 du même code et de la jurisprudence de la Cour de justice de l'union européenne, ne pouvait se prévaloir des certificats délivrés par l'autorité étrangère en cas de détachement de travailleurs au sein de l'Union européenne, dits formulaires E 101, et que se trouvait caractérisée à son encontre en tous ses éléments constitutifs l'infraction de travail dissimulé prévue par les dispositions, d'ordre public, de l'article L. 3221-3, 2°, de ce code


Références :

article 17 du Règlement (CEE) n° 1408/71 du 14 juin 1971

article L. 1262-3 du code du travail

article R. 330-2-1 du code de l'aviation civile

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 31 janvier 2012

Sur le défaut de statut de travailleurs détachés prévues par l'article 14, § 1, a du Règlement (CEE) n° 1408/71 du 14 juin 1971 des salariés d'entreprises de transport aérien au titre de leurs bases d'exploitation situées sur le territoire français, dans le même sens que :Crim., 11 mars 2014, pourvoi n° 11-88420, Bull. crim. 2014, n° 74(cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 11 mar. 2014, pourvoi n°12-81461, Bull. crim. criminel 2014, n° 75
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 2014, n° 75

Composition du Tribunal
Président : M. Louvel
Avocat général : M. Cordier
Rapporteur ?: M. Finidori
Avocat(s) : Me Le Prado, SCP Fabiani et Luc-Thaler, SCP Gatineau et Fattaccini

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:12.81461
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