La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/12/2013 | FRANCE | N°12-29334

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 03 décembre 2013, 12-29334


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'EURL Transports Millet (la société) a été mise en redressement, puis liquidation judiciaires, les 5 mai et 3 novembre 2009 ; que, le 10 mai 2011, le liquidateur a saisi le tribunal d'une action en interdiction de gérer et en responsabilité pour insuffisance d'actif à l'encontre de M. X... en sa q

ualité de gérant de la société ; que le 27 mars 2012, le tribunal a p...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen :
Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 16 du code de procédure civile ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que l'EURL Transports Millet (la société) a été mise en redressement, puis liquidation judiciaires, les 5 mai et 3 novembre 2009 ; que, le 10 mai 2011, le liquidateur a saisi le tribunal d'une action en interdiction de gérer et en responsabilité pour insuffisance d'actif à l'encontre de M. X... en sa qualité de gérant de la société ; que le 27 mars 2012, le tribunal a prononcé à l'encontre de ce dernier une interdiction de gérer pendant une durée de cinq ans et l'a condamné à combler le passif de la société à concurrence de 231 011,90 euros ; que sur appel de M. X..., la cour d'appel a limité sa condamnation à l'obligation de supporter l'insuffisance d'actif ;
Attendu que l'arrêt mentionne que « la procédure a été communiquée au ministère public le 4 septembre 2012, lequel a conclu à la confirmation du jugement entrepris » ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans constater que M. X... avait eu communication des conclusions du ministère public et qu'il avait eu la possibilité d'y répondre utilement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 octobre 2012, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Bourges, autrement composée ;
Condamne la Société Bro-Pronroy, ès qualités, aux dépens ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois décembre deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :


Moyens produits par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour M. X...

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait condamné Monsieur X... à supporter à hauteur de 231.011,90 euros l'insuffisance d'actif de l'EURL Transports Millet ;
AUX ENONCIATIONS QUE « l'affaire a été débattue le 12 septembre 2012 (...) ; la procédure a été communiquée au Ministère Public le 4 septembre 2012, lequel a conclu à la confirmation du jugement entrepris » ;
ALORS QUE le ministère public peut faire connaître son avis à la juridiction soit en lui adressant des conclusions écrites qui sont mises à la disposition des parties, soit oralement à l'audience ; qu'après avoir constaté que « la procédure a été communiquée au Ministère Public le 4 septembre 2012, lequel a conclu à la confirmation du jugement entrepris » (arrêt, p 4, § 3), sans que celui-ci fut représenté à l'audience du 12 septembre 2012, ce dont il résultait que ces conclusions, antérieures à l'audience, avaient été nécessairement prises par écrit, la Cour d'appel ne pouvait s'abstenir de vérifier que Monsieur X... avait reçu communication des conclusions écrites du ministère public afin d'être en mesure d'y répondre utilement ; qu'en s'abstenant de cette constatation, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 6 § 1 de la Convention européenne des droits de l'homme et 16 du Code de procédure civile, ensemble l'article L. 651-2 du Code de commerce.
SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il avait condamné Monsieur X... à supporter à hauteur de 231.011,90 euros l'insuffisance d'actif de l'EURL Transports Millet ;
AUX MOTIFS PROPRES QU' « (...) il résulte des comptes annuels, du grand livre, du bilan au 31 décembre 2008 ainsi que de l'état des créances de l'EURL Transports Millet, que dès le mois de septembre 2008 l'URSSAF du Cher était créancière de la société en procédure collective pour une somme de 72.227,75 euros et que dès le mois de novembre 2008 le trésor public était créancier de cette entreprise pour une somme de 89.051,90 euros ; qu'au cours de l'année 2008 il existait un passif d'un montant de 791.730 euros, soit une augmentation de 275.342 euros par rapport à l'année précédente, avec un actif circulant de 430.829 euros ; qu'en outre les résultats déficitaires de l'EURL Transports Millet sont passés de 60.494 euros pour l'année 2007 à 206.856 euros pour l'année 2008 ; qu'enfin l'actif disponible était bien loin de permettre de faire face au passif ; que l'ensemble de ces éléments établit que l'appelant n'a pas demandé l'ouverture d'une procédure collective dans le délai de 45 jours à compter de la cessation de paiement, il importe peu que très tardivement il ait présenté une demande de délais de paiement au secrétariat permanent de la C.C.S.F. du Cher ; que la faute imputée par le mandataire judiciaire, à savoir l'omission de demander l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire dans le délai de 45 jours à compter de la cessation de paiement, est constituée (...) ;Sur la condamnation au titre de l'insuffisance d'actif : l'article L. 651-2 du Code de commerce permet au tribunal, lorsque la liquidation d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif et en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance, de décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait ayant contribué à la faute de gestion ; qu'il résulte de ce qui précède que Monsieur Gérald X..., gérant de l'EURL Transports Millet, société en liquidation judiciaire suite à la décision du tribunal de commerce de Bourges du 3 novembre 2009 et dont l'insuffisance d'actif s'élève à plus de 450.000 euros, a commis une faute de gestion en ne demandant pas l'ouverture d'une procédure collective de longs mois avant l'état de cessation de paiement, laquelle n'a été sollicitée que début mai 2009 ; qu'en effet dès septembre 2008 la société, dont il était le gérant et qui connaissait de graves difficultés financières, devait une somme de 72.227 euros à l'URSSAF du Cher et en outre dès novembre 2008 celle de 89.052 euros aux services fiscaux ; qu'il importe peu que très tardivement les derniers jours de décembre 2008 il ait été sollicité des délais de paiement auprès de la C.C.S.F. du Cher pour retarder encore le dépôt de bilan ; qu'il n'est versé au débat par l'appelant aucune réponse à cette demande, ce qui démontre qu'elle est dilatoire ; que les éléments chiffrés rapportés plus haut établissent que M. X... a poursuivi dès la fin du troisième trimestre 2008 une exploitation déficitaire de l'EURL Transports Millet et dans son intérêt personnel car en retardant la déclaration de cessation de paiement il évitait de se voir appliquer les dispositions de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales permettant au président du tribunal de grande instance de le déclarer solidairement responsable du paiement des impositions dues par la société ; qu'il résulte des mêmes éléments que la défaillance de ce dirigeant s'agissant de l'obligation de déclarer l'état de cessation de paiement dans le délai légal a eu pour conséquence une aggravation importante du passif de l'EURL Transports Millet ; que pour ces motifs il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné l'appelant à supporter environ la moitié de l'insuffisance d'actif » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QU' « il ressort de l'examen des créances déclarées, notamment des dettes sociales et fiscales que Monsieur Gérald X... a poursuivi l'activité de l'EURL Transports Millet alors qu'elle rencontrait de graves difficultés financières depuis plusieurs mois ; qu'en effet, il appert que l'état de cessation des paiements de celle-ci était caractérisé dès le mois de mai 2008 et à tout le moins, à compter du dernier trimestre de cette même année ; que toutefois le gérant de l'entreprise de transport ne faisait diligence que près d'un an plus tard ; (...) qu'il échet des éléments bilanciels que la défaillance du dirigeant de la société Transports Millet s'agissant de l'obligation de déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai légal, a eu pour conséquence l'aggravation du passif ; que surtout, cette attitude a eu pour effet de placer la société dans l'impossibilité de rembourser dans leur intégralité les créances privilégiées ; que de la sorte, sans égard pour la réalité des autres chefs de griefs, il convient, au visa des dispositions de l'article L. 651-2 du Code de commerce, de faire supporter à Monsieur Gérald X... l'insuffisance d'actif de l'EURL Transports Millet à hauteur de 231.011,90 euros » ;
1°/ ALORS QUE la cessation des paiements résulte de l'incapacité du débiteur à faire face à son passif exigible avec son actif disponible ; qu'en l'espèce, pour retenir que Monsieur X... « n'a pas demandé l'ouverture d'une procédure collective dans le délai de 45 jours à compter de la cessation de paiement » et le condamner au titre de l'insuffisance d'actif, la Cour d'appel a retenu qu' « au cours de l'année 2008 il existait un passif d'un montant de 791.730 euros (...) avec un actif circulant de 430.829 euros » de sorte que « l'actif disponible était bien loin de permettre de faire face au passif » total (arrêt, p. 5, 1er §) ; qu'en se déterminant par de tels motifs, impropres à caractériser, en l'absence de précisions sur le passif exigible, l'état de cessation des paiements, lequel constituait la condition nécessaire pour retenir à l'encontre du dirigeant la déclaration tardive de cet état, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 631-1 du Code de commerce, ensemble l'article L. 651-2 du même Code ;
2°/ ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE lorsque la liquidation judiciaire d'une personne morale fait apparaître une insuffisance d'actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif, décider que le montant de cette insuffisance d'actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d'entre eux, ayant contribué à la faute de gestion ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel s'est bornée à affirmer « qu'il résulte des mêmes éléments que la défaillance de ce dirigeant s'agissant de l'obligation de déclarer l'état de cessation de paiement dans le délai légal a eu pour conséquence une aggravation importante du passif de l'EURL Transports Millet » (arrêt, p. 6, § 2) ; qu'en statuant ainsi, cependant que ces « éléments » étaient tous antérieurs ou concomitants à la période de cessation de paiements telle que retenue par la Cour d'appel, de sorte qu'il ne pouvait en résulter une constatation de la contribution de la faute de gestion à l'insuffisance d'actif, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 651-2 du Code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-29334
Date de la décision : 03/12/2013
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

MINISTERE PUBLIC - Attributions - Communication de son avis à la juridiction - Modalités - Dépôt de conclusions écrites - Mise à la disposition des parties - Défaut - Portée

Viole les articles 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 16 du code de procédure civile, la cour d'appel qui rend un arrêt visant des conclusions écrites du ministère public, sans constater que ces conclusions ont été communiquées aux parties et que celles-ci ont eu la possibilité d'y répondre utilement


Références :

article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

articles 16 et 431 du code de procédure civile

article L. 651-2 du code de commerce

Décision attaquée : Cour d'appel de Bourges, 18 octobre 2012

Dans le même sens que :1re Civ., 23 janvier 2008, pourvoi n° 07-11297, Bull. 2008, I, n° 26 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 03 déc. 2013, pourvoi n°12-29334, Bull. civ. 2013, IV, n° 177
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2013, IV, n° 177

Composition du Tribunal
Président : M. Espel
Avocat général : Mme Pénichon
Rapporteur ?: M. Zanoto
Avocat(s) : SCP Boutet, SCP Bénabent et Jéhannin

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.29334
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award