LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon le jugement attaqué (tribunal d'instance de Saint-Denis, 21 juin 2012), que le 28 mars 2012, a été organisé le premier tour des élections des représentants des salariés au comité de l'établissement « région Ile-de-France industrie » de la société Derichebourg propreté ; que la Fédération de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services Force ouvrière a saisi le tribunal d'instance afin d'obtenir l'annulation de ce scrutin ;
Attendu que l'employeur fait grief au jugement d'annuler le premier tour des élections des membres du comité de l'établissement « région IDF industrie » et de dire qu'il devra être procédé à de nouvelles élections dans un délai de deux mois à compter de la signification du jugement, alors, selon le moyen :
1°/ qu'il résulte tant de l'exposé des prétentions des parties figurant dans le jugement attaqué que des conclusions de ces dernières que si le syndicat Fédération de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services FO avait soutenu que les procès-verbaux dressés par les bureaux de vote n'avaient pas mentionné les heures d'ouverture et de clôture du scrutin en violation de l'article R. 57 du code électoral, la société Derichebourg propreté avait, en revanche, fait valoir que ces procès-verbaux avaient été régularisés postérieurement par le président et les membres du bureau de vote de sorte que cette mention figurait bien sur ces procès-verbaux ; qu'en affirmant néanmoins qu'il était acquis aux débats que la mention de l'heure d'ouverture et de l'heure de clôture du scrutin n'avait pas été portée sur les procès-verbaux quand ce fait était expressément contesté, le tribunal d'Instance a dénaturé les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
2°/ que l'article R. 57 du code électoral prévoit uniquement que le président du bureau de vote constate publiquement et mentionne au procès-verbal l'heure d'ouverture et l'heure de clôture du scrutin ; que ce texte, qui ne prévoit aucunement le délai dans lequel ce procès-verbal doit être rédigé, n'exige pas que la mention de ces horaires soit portée sur ce procès-verbal à l'issue du scrutin et ne fait donc pas obstacle à ce qu'une régularisation puisse intervenir a posteriori ; qu'en retenant que l'absence de mention des heures d'ouverture et de clôture du scrutin relatif aux élections des membres du comité d'établissement de la région Ile-de-France de la société Derichebourg propreté sur le procès-verbal du scrutin « à l'issue de ce dernier » constituait, en dépit de sa régularisation postérieure par le président et le bureau de vote, une irrégularité qui, méconnaissant un principe général du droit électoral, justifiait à elle seule l'annulation des élections, le tribunal d'Instance, qui a ajouté à l'article R. 57 du code électoral une condition qu'il ne comporte pas, a violé ledit article ;
3°/ qu'en tout état de cause, les principes généraux du droit électoral sont uniquement destinés à assurer la liberté et la sincérité du vote ; que lorsqu'il n'est pas contesté, comme en l'espèce, que le président du bureau de vote a constaté publiquement les heures d'ouverture et de clôture du scrutin et que ni la loyauté ni la sincérité de ce scrutin, auquel n'a participé physiquement qu'un nombre très faible de votants par rapport à l'ensemble des votants, ne sont discutées, le fait que ces horaires n'aient pas été mentionnés sur le procès-verbal avant l'issue du scrutin ne saurait donc à lui seul justifier l'annulation des élections intervenues comme contrevenant à un principe général de droit électoral ; qu'en décidant le contraire, le tribunal d'Instance a violé l'article R. 57 du code électoral ;
Mais attendu qu'ayant constaté, hors toute dénaturation, que le président du bureau n'avait pas mentionné au procès-verbal établi immédiatement après la fin du dépouillement, les heures d'ouverture et de clôture du scrutin contrairement aux prescriptions de l'article R. 57 du code électoral, ce qui était de nature à affecter la sincérité des opérations électorales et, s'agissant d'un principe général du droit électoral, constituait une irrégularité justifiant à elle seule l'annulation des élections, le tribunal a statué à bon droit ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Derichebourg propreté à payer à la Fédération de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services Force ouvrière la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize octobre deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
.Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Derichebourg propreté.
Il est fait grief au jugement attaqué D'AVOIR prononcé l'annulation du premier tour des élections des membres du comité d'établissement de la région IDF Industrie de la société DERICHEBOURG PROPRETE en date du 28 mars 2012 et dit que cette dernière devra procéder à de nouvelles élections dans le délai de deux mois à compter de la signification du jugement.
AUX MOTIFS QU'aux termes de l'article R 57 du Code électoral, le président du bureau de vote constate publiquement et mentionne au procès-verbal l'heure d'ouverture et l'heure de clôture du scrutin ; qu'en droit, le contentieux électoral est un contentieux objectif dans lequel il ne s'agit pas de sanctionner une faute éventuelle mais de s'assurer que le résultat correspond à la volonté des électeurs ; qu'ainsi, la Cour de cassation a défini les cas dans lesquels l'annulation est encourue et ces cas doivent être interprétés de manière stricte même si ils ont été considérablement élargis depuis la loi du 20 août 2008 ; qu'aux termes d'un arrêt de principe du 13 janvier 2010 (Biomnis), la Cour de cassation a jugé qu'à moins qu'elles ne soient directement contraires aux principes généraux du droit électoral, les irrégularités commises dans l'organisation et le déroulement du scrutin ne peuvent constituer une cause d'annulation que si elles ont exercé une influence sur le résultat des élections ou, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 si, s'agissant du premier tour, elles ont été déterminantes de la qualité représentative des organisations syndicales dans l'entreprise, ou du droit pour un candidat d'être désigné délégué syndical » ; qu'il faut en déduire qu'en cas de violation des règles générales d'ordre public applicable en toute matière électorale, l'irrégularité est de telle nature qu'elle fausse nécessairement les résultats du scrutin sans qu'il soit besoin de caractériser plus avant l'incidence sur les résultats ; que c'est cette position qu'a réaffirmé la Cour de cassation dans son arrêt du 28 mars 2012 ; « qu'en statuant ainsi, alors que les circonstances que la liste d'émargement n'avait pas été signée par tous les membres du bureau de vote en violation des dispositions de l'article R 62 du Code électoral et que le président du bureau de vote n'avait pas constaté publiquement et mentionné au procès-verbal les heures d'ouverture et de clôture du scrutin contrairement aux prescriptions de l'article R 57 du même code étaient de nature à affecter la sincérité des opérations électorales et, s'agissant des principes généraux du droit électoral, constituaient des irrégularités justifiant à elles seules l'annulation des élections, le tribunal a violé les textes susvisés » ; qu'il ne s'agit donc pas là d'un revirement de jurisprudence mais de la réaffirmation d'une position déjà ancienne ; qu'en l'espèce, il est acquis aux débats que la mention de l'heure d'ouverture et de l'heure de clôture du scrutin n'a pas été portée sur les procès-verbaux ; que bien que la loi n'exige aucun formalisme pour la rédaction de ces procès-verbaux, il va de soi que ces derniers doivent être rédigés durant le déroulement du scrutin et à son issue sans qu'une régularisation puisse intervenir a posteriori ; qu'en conséquence, il convient de constater que contrairement aux prescriptions de l'article R 57 du Code électoral, les heures d'ouverture et de clôture du scrutin n'ont pas été portées à l'issue de ce dernier et, s'agissant d'un principe général du droit électoral, il y a donc lieu de constater que cette irrégularité justifie à elle seule l'annulation des élections sans qu'il soit besoin de rechercher si cette irrégularité a eu une influence sur le résultat des élections.
1) ALORS QU'il résulte tant de l'exposé des prétentions des parties figurant dans le jugement attaqué (p. 2) que des conclusions de ces dernières que si le syndicat FEETS FO avait soutenu que les procès-verbaux dressés par les bureaux de vote n'avaient pas mentionné les heures d'ouverture et de clôture du scrutin en violation de l'article R 57 du Code électoral, la société DERICHEBOURG PROPRETE avait, en revanche, fait valoir que ces procès-verbaux avaient été régularisés postérieurement par le président et les membres du bureau de vote de sorte que cette mention figurait bien sur ces procès-verbaux ; qu'en affirmant néanmoins qu'il était acquis aux débats que la mention de l'heure d'ouverture et de l'heure de clôture du scrutin n'avait pas été portée sur les procès-verbaux quand ce fait était expressément contesté, le Tribunal d'Instance a dénaturé les termes du litige et violé les articles 4 et 5 du Code de procédure civile.
2) ALORS QUE l'article R 57 du Code électoral prévoit uniquement que le président du bureau de vote constate publiquement et mentionne au procès-verbal l'heure d'ouverture et l'heure de clôture du scrutin ; que ce texte, qui ne prévoit aucunement le délai dans lequel ce procès-verbal doit être rédigé, n'exige pas que la mention de ces horaires soit portée sur ce procès-verbal à l'issue du scrutin et ne fait donc pas obstacle à ce qu'une régularisation puisse intervenir a posteriori ; qu'en retenant que l'absence de mention des heures d'ouverture et de clôture du scrutin relatif aux élections des membres du comité d'établissement de la région IDF de la société DERICHEBOURG PROPRETE sur le procès-verbal du scrutin « à l'issue de ce dernier » constituait, en dépit de sa régularisation postérieure par le président et le bureau de vote, une irrégularité qui, méconnaissant un principe général du droit électoral, justifiait à elle seule l'annulation des élections, le Tribunal d'Instance, qui a ajouté à l'article R 57 du Code électoral une condition qu'il ne comporte pas, a violé ledit article.
3) ALORS QU'en tout état de cause, les principes généraux du droit électoral sont uniquement destinés à assurer la liberté et la sincérité du vote ; que lorsqu'il n'est pas contesté, comme en l'espèce, que le président du bureau de vote a constaté publiquement les heures d'ouverture et de clôture du scrutin et que ni la loyauté ni la sincérité de ce scrutin, auquel n'a participé physiquement qu'un nombre très faible de votants par rapport à l'ensemble des votants, ne sont discutées, le fait que ces horaires n'aient pas été mentionnés sur le procès-verbal avant l'issue du scrutin ne saurait donc à lui seul justifier l'annulation des élections intervenues comme contrevenant à un principe général de droit électoral ; qu'en décidant le contraire, le Tribunal d'Instance a violé l'article R 57 du Code électoral.