LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu que, selon des offres acceptées les 11 février 2003 et 15 mai 2005, Mme X... a contracté auprès de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Corse un prêt habitat et un prêt relais, tous deux de nature immobilière, à l'occasion de chacun desquels elle a souscrit des parts sociales de cette société coopérative de banque ; qu'assignée en paiement des soldes débiteurs de ces concours, elle s'est prévalue notamment de l'absence d'intégration des frais de ces souscriptions dans le calcul du taux effectif global pour opposer, par voie d'exception, la déchéance du droit aux intérêts de la banque ;
Sur le premier moyen :
Vu les articles L. 312-33 du code de la consommation et 1304 du code civil, ensemble l'article L. 110-4 du code de commerce ;
Attendu que, pour déclarer irrecevable comme prescrite l'exception de déchéance relative au prêt du 11 février 2003, l'arrêt, après avoir énoncé que les dispositions d'ordre public de l'article L. 313-2 du code la consommation imposent la détermination précise du taux effectif global dans l'offre de prêt à peine de nullité relative de la stipulation des intérêts conventionnels, en déduit que l'action en nullité étant elle-même prescrite en application de l'article 1304 du code civil, pour avoir été exercée plus de cinq ans après l'acceptation du tableau d'amortissement le 11 février 2003, la demande tendant à voir ordonner, sur le fondement de cette action, la déchéance totale des intérêts du prêt, n'est pas recevable ;
Attendu, cependant, que la déchéance du droit aux intérêts, qui ne sanctionne pas une condition de formation du contrat, n'est pas une nullité et est soumise à la prescription de l'article L. 110-4 du code de commerce ; qu'en statuant comme elle l'a fait, quand elle était saisie d'une demande en déchéance fondée sur les articles L. 312-8 et L. 312-33 du code de la consommation, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le second moyen :
Vu l'article L. 313-1 du code de la consommation, ensemble les articles 615 et suivants de l'ancien code rural ;
Attendu que, pour débouter Mme X... de sa demande afférente au prêt relais du 15 mai 2005, la cour d'appel énonce que la souscription des parts sociales, dont les frais constituent davantage un actif remboursable qu'une charge, n'a pas été imposée par la banque comme une condition de l'octroi du crédit dès lors que cette opération ne relevant manifestement pas des dispositions des articles 615 et suivants de l'ancien code rural, n'entrait pas dans le champ d'application de la clause des conditions générales du prêt intitulée « souscription de parts sociales » qui n'impose cette souscription que pour les opérations visées par ces textes ;
Qu'en se prononçant ainsi, par des motifs impropres à exclure que l'octroi du prêt relais ait été subordonné à la souscription de parts sociales de la société coopérative de banque dispensatrice du crédit, sur le coût duquel le montant de cette souscription influait, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a statué sur les demandes en déchéance du droit à l'intérêt conventionnel afférent à chacun des prêts, l'arrêt rendu le 30 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Bastia ; remet, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Corse aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la caisse régionale de Crédit agricole mutuel de la Corse ; la condamne à payer à Mme X... la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre avril deux mille treize.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par Me Jacoupy, avocat aux Conseils, pour Mme X...
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir constaté que l'action en nullité de la clause de stipulation d'intérêt exercée par Madame X... s'agissant du prêt d'un montant de 122.000 euros est éteinte par prescription et déclaré en conséquence irrecevable la demande tendant à la déchéance du droit aux intérêts formée par Madame X... sur le fondement de cette action ;
AUX MOTIFS QUE « Au soutien de son appel, Madame X... prétend, sur le prêt habitat n° 73000941904 de 122 000 euros consenti le 11 février 2003, que la banque doit être déchue en totalité des intérêts conformément aux dispositions de l'article L 312-33 du code de la consommation car à l'entendre le taux effectif global indiqué dans le contrat de prêt est irrégulier ; qu'en effet, ce taux repose sur un taux d'assurance erroné, il n'intègre ni le coût des parts sociales souscrites par l'emprunteur ni celui de l'assurance incendie à la souscription de laquelle l'octroi du prêt était subordonné. L'appelante fait valoir que son action en nullité n'est pas éteinte car elle ne relève pas du délai de 5 ans prévu par l'article 1304 du code civil comme l'a jugé à tort le tribunal mais que cette action peut être exercée dans le délai de 10 ans.
La Cour estime que c'est à bon droit que le premier juge a retenu la fin de non-recevoir tirée de la prescription quinquennale opposée par l'intimée.
En effet, les dispositions d'ordre public de l'article L 313-2 du Code de la consommation imposant la détermination précise du taux effectif global dans l'offre de prêt ayant été édictées dans le seul intérêt de l'emprunteur, l'action en nullité relative à la clause de stipulation des intérêts conventionnels s'éteint si elle n'a pas été exercée pendant cinq ans à compter de la date de l'acte litigieux ; en outre l'exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a pas encore été exécuté.
Il est constant que l'emprunteuse a remboursé les intérêts pendant trois ans en étant en mesure de vérifier le montant des intérêts prélevés et d'élever toute contestation et que c'est seulement par conclusions du 17 novembre 2009 qu'elle a soulevé la nullité de la stipulation d'intérêt.
Dès lors, d'une part elle ne pouvait opposer cette exception, d'autre part son action en nullité est prescrite pour avoir été exercée plus de cinq ans après l'acception du tableau d'amortissement le 11 février 2003.
Par suite, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a constaté, dans ses motifs, l'extinction de l'action en nullité et de le compléter car il n'est pas fait mention de cette décision dans le dispositif. La demande de l'appelante tendant à voir ordonner, sur le fondement de cette action, la déchéance totale des intérêts du prêt n'est donc pas recevable. Il est constant, au regard des dernières conclusions échangées par les parties et des pièces produites, que l'appelante, qui concentre ses moyens sur l'irrégularité du taux effectif global, ne conteste pas sa défaillance dans le remboursement des échéances du prêt ni la régularité de la déchéance du terme prononcée par la banque dans des conditions de fond et de forme il est vrai régulières comme l'a relevé le premier juge par des motifs pertinents et au demeurant non critiqués. En outre, la banque a produit un décompte précis et justifié de sa créance dont l'appelante ne conteste que le poste afférent aux intérêts dans le cadre de son action en nullité jugée irrecevable.
Par suite, il convient de confier la décision du tribunal fixant, au titre du prêt considéré, le montant global de la créance à la somme de 115 997,45 euros.
Les intérêt conventionnels sont dus même après échéance de la dette en capital jusqu'à complet paiement et réparent ainsi le retard dans l'exécution, sans possibilité de cumul avec les intérêts légaux moratoires. En l'absence de stipulation contractuelle substituant, en cas de déchéance du terme, le taux légal au taux conventionnel, ce dernier taux s'applique, jusqu'à complet paiement, au solde du prêt restant dû. La demande de la banque aux fins de voir assortir la somme allouée de l'intérêt de retard au taux conventionnel à compter du 27 octobre 2006, date de la mise en demeure adressée à Madame X..., est en conséquence fondée et il convient d'y faire droit. Le jugement déféré sera en conséquence complété sur ce point »,
ALORS QUE La déchéance des intérêts opposée au prêteur n'ayant pas respecté les exigences posées par le Code de la consommation ne sanctionne pas une condition de formation du contrat, et ne constitue donc pas une nullité ; qu'ainsi la déchéance des intérêts n'est pas soumise à la prescription de cinq ans prévue pour les actions en nullité ; qu'en jugeant prescrite l'action en déchéance des intérêts introduite par Madame X..., les juges d'appel ont violé ensemble les articles L. 312-33 du Code de la consommation et 1304 du Code civil.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le moyen reproche à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir condamné Madame X... à payer à la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA CORSE une somme totale de 202.899,60 euros au titre du prêt souscrit le 15 mai 2005 ;
AUX MOTIFS QUE
« Sur le prêt n° 73002016367 de 200 000 euros en date du 15 mai 2005, l'appelante fait valoir que le premier juge n'a pas répondu à son moyen soulevant l'irrégularité du taux effectif global qu'elle reprend en appel ; qu'en effet, à l'instar du prêt précédent, le coût des parts sociales n'a pas été intégré dans le calcul du TEG ; que, par suite, la déchéance du droit aux intérêts doit également être prononcée pour ce prêt.
C'est à juste titre que l'appelant relève que sa contestation portant sur le taux effectif global n'a pas été examinée, à propos de ce prêt, dans le jugement déféré.
La Cour, réparant cette omission, estime que le moyen soulevé n'est pas fondé. En effet, comme le soutient à juste titre l'intimée, la souscription de parts sociales n'a pas été imposée par la banque comme condition d'octroi du crédit à Madame X..., l'opération considérée ne relevant manifestement pas des dispositions des articles 615 et suivants du Code rural de sorte que la clause générale du prêt intitulé "souscription de parts sociales" invoquée par l'appelante au soutien de son argumentation ne s'appliquait pas au prêt litigieux. En outre, le prix de souscription des parts constitue davantage un actif remboursable qu'une charge. Il n'avait pas dès lors, pour ces raisons, à être intégré dans la détermination du TEG contrairement à ce que soutient l'appelante. Sa demande tendant à la déchéance totale du droit aux intérêts doit dès lors être rejetée de même que celle formée pour obtenir la communication sous astreinte du bulletin de souscription des parts sociales et des statuts du Crédit Agricole qui, compte tenu de la décision qui précède, n'a plus d' intérêt.
Il est constant qu'à l'instar du prêt précédent, l'appelante, qui concentre ses moyens sur l'irrégularité du taux effectif global, ne conteste pas davantage sa défaillance dans le remboursement des échéances ni la régularité de la déchéance du terme prononcée par la banque dans des conditions de fond et de forme il est vrai régulières comme l'a relevé le premier juge par des motifs pertinents et au demeurant non critiqués. En outre, la banque a produit un décompte précis et justifié de sa créance dont l'appelante ne conteste que le poste afférent aux intérêts par un moyen qui vient d'être rejeté.
Par suite, il convient de confirmer la décision du tribunal fixant, au titre du prêt considéré, le montant global de la créance à la somme de 202 899,60 euros. Pour les motifs déjà exposés à propos du concours financier précédent, il convient, conformément à la demande de la banque, d'assortir cette somme de l'intérêt conventionnel à compter du 27 octobre 2006 date de la mise en demeure régulièrement adressée à l'emprunteuse. Le jugement déféré sera en conséquence complété sur ce point »,
ALORS QUE
Le taux effectif global d'un prêt accordé par un établissement de crédit à un emprunteur profane doit comprendre, outre les intérêts, tous les frais, toutes les commissions et toutes les rémunérations, de toute nature, ayant un effet sur le coût du crédit ; qu'ainsi, doit être mentionnée au titre du taux effectif global la souscription de parts sociales ; qu'en l'espèce, en jugeant que le coût des parts sociales souscrites par Madame X... ne devait pas être intégré dans le taux effectif global présenté par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA CORSE, la Cour d'appel a violé l'article L. 313-1 du Code de la consommation.