Vu la requête, enregistrée le 22 avril 2011, présentée pour la société BNP PARIBAS, dont le siège est au 16 boulevard des Italiens à Paris (75009), représentée par son président directeur général en exercice, par la société d'avocats Ernst et Young ; la société BNP PARIBAS demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 0910929 du 3 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 2001 ;
2° de prononcer la décharge des impositions contestées et des pénalités y afférentes pour un montant total de 7 266 081 euros ;
3° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, le tribunal a commis une erreur de droit dans l'attribution de la charge de la preuve et a dénaturé les écritures de la société et méconnu les règles de la preuve en considérant qu'elle ne contestait pas que la garantie constituait pour sa succursale un avantage susceptible de constituer un acte anormal de gestion ; en outre, le tribunal a relevé d'office un motif, l'absence d'intérêt commercial, qui ne figurait pas dans la notification de redressement du 20 décembre 2004, méconnaissant ainsi son office et déséquilibrant le débat en matière de charge de la preuve au détriment de la société ;
- en ce qui concerne le bien-fondé des impositions, l'administration n'a pas apporté la preuve qui lui incombe que la garantie accordée par BNP PARIBAS à sa filiale serait constitutive d'un acte anormal de gestion ; elle s'est méprise sur le mécanisme, qui ne peut être qualifié d'acte anormal de gestion au motif qu'il aurait constitué un avantage pour la succursale ; en tout état de cause la société BNP PARIBAS avait un intérêt commercial propre à accorder cette garantie à sa succursale qui participait au maintien et au développement de l'activité commerciale du siège sur le territoire français ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 novembre 2013 :
- le rapport de M. Delage, premier conseiller,
- les conclusions de M. Soyez, rapporteur public,
- et les observations de Me A... de la société d'avocats Ernst et Young, pour la société BNP PARIBAS ;
1. Considérant que la société BNP PARIBAS a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, en matière d'impôt sur les sociétés, sur les années 2001 à 2003 ; qu'il résulte de l'instruction qu'au titre de l'exercice clos en 2001 la société BNP PARIBAS a comptabilisé une charge de 5 473 186 euros au titre de l'engagement de garantie du portefeuille obligataire de pays émergents détenu par sa succursale britannique, ainsi qu'une provision d'un montant de 10 916 469 euros au titre de son engagement de garantie potentiel au 31 décembre 2001, sur la base des cours des titres à cette date et que la succursale avait versé, en contrepartie de cette garantie, au dernier trimestre 2001 une somme de 23 859 euros calculée sur la valeur du portefeuille ; que l'administration, estimant que le mécanisme en cause constituait un acte anormal de gestion, a procédé à la réintégration de charges déduites par la société au titre de l'exercice clos en 2001 ; que la société BNP PARIBAS a contesté devant le Tribunal administratif de Montreuil les impositions supplémentaires ayant résulté, en matière d'impôt sur les sociétés, de ce redressement ; qu'elle relève appel du jugement du 3 février 2011 par lequel le tribunal a rejeté sa demande ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
2. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale ;
3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par courrier du 23 juillet 1998, la société requérante s'est opposée à la cession par sa succursale établie à Londres des portefeuilles obligataires de pays émergents détenus par celle-ci, tout en lui garantissant un prix de réalisation du portefeuille au niveau des cours du marché du 23 juillet 1998, lesquels constituaient ainsi le prix de référence de la garantie ainsi accordée ; qu'en contrepartie d'une commission de 0,25% de la valeur du portefeuille, à laquelle pouvait s'ajouter 10 % de la plus-value potentielle en cas de remboursement ou cession à un prix supérieur au prix de référence, la société BNP PARIBAS s'est notamment engagée à rembourser à sa succursale la totalité des pertes éventuelles subies par cette dernière lors de la cession des titres, celles-ci correspondant à la différence entre le prix obtenu lors de la cession et le prix de référence ;
4. Considérant que pour établir que la convention en litige était constitutive d'un acte anormal de gestion, l'administration s'est fondée sur ce que l'application de ses clauses aboutissait à ce que le siège subisse, en cas de variation négative des cours, une charge disproportionnée à la rémunération qui aurait été la sienne en cas de variation positive, cette dissymétrie des pertes et des gains éventuels étant nécessairement connue de lui à la date à laquelle il a souscrit l'engagement ; que, toutefois, l'administration ne peut utilement invoquer l'avantage financier, selon elle anormal, ainsi procuré à la succursale au détriment du siège dès lors que ces deux entités constituent une seule et même personne morale dont les intérêts en l'espèce ne se dissociaient pas, la convention litigieuse ayant été conclue dans le but de maintenir les investissements réalisés par la succursale dans les pays émergents pour le compte exclusif du siège ; que le ministre, qui ne soutient d'ailleurs pas que la garantie accordée aurait excédé manifestement les risques qu'un établissement bancaire peut, eu égard aux informations dont il dispose, être conduit à prendre dans l'exercice normal de ses activités, ne peut davantage invoquer utilement l'ampleur des pertes effectivement encourues, du fait de la chute de la valeur des titres consécutive à l'évolution qu'a subie le marché obligataire postérieurement à l'engagement de la garantie, non plus que les délais mis par la succursale pour céder les titres ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'administration n'apporte pas la preuve que tant la charge comptabilisée au titre de l'engagement de garantie que la provision litigieuse constitueraient des actes étrangers à une gestion commerciale normale ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, la société BNP PARIBAS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions contestées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société BNP PARIBAS et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 0910929 du 3 février 2011 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : La société BNP PARIBAS est déchargée des cotisations supplémentaires à l'impôt sur les sociétés et des pénalités y afférentes mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 2001 et résultant des rehaussements analysés dans les motifs du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à la société BNP PARIBAS une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 11VE01496 2