Vu la requête, enregistrée le 17 février 2011, présentée pour la SOCIETE EDENRED FRANCE, anciennement dénommée Accor Services France, dont le siège est situé Immeuble Columbus 166-180, boulevard Gabriel Péri à Malakoff (92240), par Me B...et Me Pétard-Montredon, avocats ;
La SOCIETE EDENRED FRANCE demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0913756 du 2 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la société alors dénommée Accor Services France tendant à la décharge de l'amende de 19 399 137 euros qui lui a été infligée au titre de l'année 2003 à raison du défaut de mention d'une plus-value en report d'imposition, et des amendes d'un total de respectivement 2 105 175 euros et 282 045 euros qui lui ont été infligées au titre des années 2003 et 2004 à raison de l'irrégularité de factures ;
2°) de prononcer la décharge de ces amendes fiscales ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 10 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- les amendes infligées en application des articles 1763 et 1737 du code général des impôts sont contraires aux stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme car elles ne s'inscrivent pas au sein d'une échelle de sanctions visant à sanctionner différemment des agissements de même nature en fonction de leur gravité et car elles sont objectivement disproportionnées au regard du comportement qu'elles entendent réprimer ;
- en particulier, l'amende prévue par le e) du 1 de l'article 1763 du code général des impôts est susceptible de représenter entre 15 % et 300 % de l'impôt correspondant aux plus-values en cause, selon le taux applicable, et sanctionne aussi sévèrement l'omission d'un montant dans l'état de suivi des plus-values que l'omission de la déclaration de la plus-value au moment de la revente de l'actif en cause, pourtant beaucoup plus grave ;
- et l'amende prévue par le II de l'article 1737 du code général des impôts sanctionne un comportement sans rapport avec celui sanctionné par le I de cet article, de sorte qu'elle ne se trouve pas sur une échelle de sanctions ; le plafonnement de l'amende à 25 % du montant devant être mentionné sur la facture ne permet pas une juste proportion de l'amende par rapport à la gravité du comportement qu'elle entend réprimer ; par exemple elle représenterait 480 % de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à une facture de 30 euros dans l'hypothèse de l'application du taux de 5,5 % et 1 200% dans l'hypothèse de l'application d'un taux de 2,1 % ; l'amende n'est pas modulée par la loi en fonction de la mention omise sur la facture, ainsi une facture mentionnant le taux de taxe et non le montant HT mais qui permet de calculer le montant de la taxe due, comme c'est le cas en espèce, donne lieu à la même amende qu'une facture ne permettant pas de calculer la taxe facturée ;
- ces amendes sont incompatibles avec l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, car leur montant de respectivement 19 399 137 euros et 2 837 220 euros est très excessif eu égard aux objectifs poursuivis et à la circonstance que les manquements sanctionnés n'ont généré aucune conséquence pour le Trésor public ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que :
- le service a fait preuve de tempérance dans la fixation des amendes, en appliquant l'amende de l'article 1763 du code général des impôts au titre d'un seul des deux exercices en cause, et en ramenant à 15 % du montant initialement notifié l'amende infligée au titre de l'article 1737 ;
- l'amende infligée sur le fondement du II de l'article 1737 du code général des impôts s'inscrit dans une échelle de sanctions afférentes à des situations visées audit article 1737, sanctionnées chacune par un taux différent, et n'est pas disproportionnée en l'espèce car la société ne réalise que des services éligibles au taux normal de taxe sur la valeur ajoutée et car l'administration n'a retenu dans l'assiette de l'amende que les commissions taxables et les factures excédant 120 euros ;
- l'amende infligée sur le fondement du e) du 1 de l'article 1763 du code général des impôts s'inscrit dans une échelle de sanctions concernant un ensemble de manquements, soit en matière de conservation de titres, visés à l'article 1764 du code général des impôts, soit en matière de production de l'état de suivi de plus-values dont l'imposition est reportée en vertu des articles 210 A et suivants du code général des impôts, visés au e du 1 de l'article 1763, soit en matière de non-respect des obligations déclaratives, visés aux articles 1728 et 1729 de ce code, qui doivent être sanctionnés car ils font obstacle au pouvoir de contrôle de l'administration; il serait impossible de rendre cette amende proportionnelle au montant d'un impôt, et son taux forfaitaire fixé à 5% n'est pas excessif d'autant que l'institution de cette amende qui s'est substituée au régime antérieur à la loi 99-1173 du 30 décembre 1999, en vertu duquel le défaut de déclaration de l'état de suivi des plus-values entraînait la perte du droit au régime spécial de report d'imposition, a eu pour effet d'alléger les conséquences du non-respect de l'obligation déclarative et de les proportionner au montant des comportements réprimés ;
- il ressort de la jurisprudence Ségame du Conseil d'Etat que la circonstance qu'une amende ne s'inscrive pas dans une échelle de sanction en ne prévoyant qu'un taux unique ne prive pas le juge de l'exercice de son pouvoir de pleine juridiction, et de la jurisprudence Sideme que la proportionnalité d'une amende fiscale ne doit pas être appréciée à l'aulne des droits éludés ;
- pour l'application de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, les amendes en litige ne sont pas disproportionnées en droit, au regard des manquements qu'elles visent à réprimer, ni, en l'espèce, au regard de l'importance de l'activité de la société et de ses capacités contributives, le montant des amendes représentant 4,5 à 6 % des liquidités de la requérante à la date à laquelle elle s'en est acquittée et étant inférieur au bénéfice fiscal de la société qui s'élevait à 28 millions d'euros en 2002 et à 29 millions d'euros en 2003 ; l'amende, en ce qu'elle est proportionnée aux montants des plus values générées, assure l'égalité devant l'impôt ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 4 juillet 2011, présenté pour la société EDENRED FRANCE qui conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;
Elle ajoute que :
- la conformité ou non des pénalités à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme doit être appréciée de manière objective et non au regard des circonstances de l'espèce ;
- le §1 de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales impose que la proportionnalité de la sanction assurée non par l'administration mais soit par la loi elle-même, soit par le juge;
- du fait de l'impossibilité de prévoir une amende proportionnée à un impôt, en cas de manquement aux obligations de production de l'état de suivi de plus-values dont l'imposition est reportée, une sanction adaptée devrait être d'un autre type que celui de l'amende forfaitaire du e) du 1 de l'article 1763 ;
- les amendes sont contraires à l'article 1er du premier protocole additionnel de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme car elles sont d'application automatique et représentent une charge excessive au regard du but recherché ;
Vu l'ordonnance en date du 6 décembre 2012 fixant la clôture d'instruction au 17 janvier 2013, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire en duplique, enregistré le 7 janvier 2013, présenté pour la société EDENRED FRANCE qui conclut aux mêmes fins et demande en outre, à titre subsidiaire, que l'amende infligée sur le fondement du e) du 1 de l'article 1763 du code général des impôts soit ramenée à 3 879 827 euros ;
Elle ajoute que :
- les amendes en cause sont incompatibles avec l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme car la société n'a pu discuter de l'assiette de l'amende qui est infligée en dehors de tout redressement fiscal et non fixée en pourcentage des droits éludés, en méconnaissance des critères fixés par la jurisprudence Segame n° 4837/06 du 7 juin 2012 de la Cour européenne des droits de l'Homme ;
- l'amende infligée sur le fondement de l'article 1737 du code général des impôts est incompatible avec le principe de proportionnalité, principe général de droit communautaire applicable en l'espèce car les obligations en matière de facturation résultent de la transcription en droit interne de la directive européenne n° 2001/115/CE du 20 décembre 2001, et dont l'application suppose de vérifier, au vu des circonstances de l'espèce, si la sanction ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs consistant à assurer l'exacte perception de la taxe et éviter la fraude ; en l'espèce, les amendes infligées à raison des factures émises au cours de l'année 2003 et jusqu'au 23 février 2004, qui faisaient apparaître le " prix TTC dont TVA " et non distinctement le montant HT et celui de la TVA, poursuivent l'objectif de faire respecter une obligation purement formelle et non celui d'assurer le recouvrement de la taxe due ;
- l'amende infligée sur le fondement du e) du 1 de l'article 1763 du code général des impôts est incompatible avec le principe de droit communautaire de proportionnalité, applicable en l'espèce car l'amende traduit le contrôle de l'obligation, issue de l'article 4-2 de la directive européenne n° 90/434/CE du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions et autres opérations, selon laquelle la société bénéficiaire de l'apport doit calculer les plus-values afférentes aux éléments d'actif et de passif transférés dans les mêmes conditions qu'auraient pu le faire la ou les sociétés apporteuses si l'apport partiel d'actif n'avais pas eu lieu ; en l'espèce, l'amende de 19 399 137 euros infligée, supérieure au résultat net comptable de 18,5 millions d'euros constaté par la société au titre de 2003, rompt avec le principe de proportionnalité dès lors qu'elle a pour objet non d'assurer le recouvrement de l'impôt mais seulement de faciliter le contrôle exercé par l'administration fiscale, alors au surplus que la cession par la requérante du fonds de commerce de l'activité de titres restaurant n'a jamais été envisagée ; la décharge de cette amende est donc justifiée ou à tout le moins, à titre subsidiaire, la Cour devrait exercer le pouvoir de modulation dont elle dispose en vertu du droit communautaire en s'inspirant du dispositif prévu au I de l'article 1763 du code général des impôts qui ramène à 1% le taux de l'amende mentionnée à cet article dans les cas où le préjudice du Trésor est nul ;
Vu le nouveau mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2013 présenté par le ministre de l'économie et des finances qui conclut au rejet de la requête par les mêmes motifs ;
Il ajoute qu'au titre des exercices 2006 et 2007 la société a provisionné le risque de paiement des amendes, et a ainsi réduit de 6 654 591 euros son bénéfice imposable au titre de 2006, et qu'en 2008 elle a comptabilisé les amendes en charge, ce qu'autorisait l'article 39-2 du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur, et a repris la provision ;
Vu l'ordonnance en date du 4 octobre 2013 portant réouverture de l'instruction, en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative ;
Vu l'ordonnance en date du 21 octobre 2013 fixant la clôture d'instruction au 20 décembre 2013, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;
Vu les pièces dont il résulte que, par application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que l'arrêt de la Cour était susceptible d'être fondé sur deux moyens d'ordre public, tirés, d'une part, de ce que les dispositions du e) du 1 de l'article 1763 du code général des impôts n'étaient pas en vigueur lors de l'exercice 2003 au titre duquel les manquements, constitués par l'absence de mention de la plus-value en report d'imposition sur l'état mentionné au I de l'article 54 septies de ce code, ont été constatés, et, d'autre part, de ce que les dispositions du II de l'article 1737 du code général des impôts n'étaient pas en vigueur lors des exercices 2003 et 2004 au titre desquels les manquements, constituée par les irrégularités des factures, ont été constatés ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 12 décembre 2013, présenté pour la société EDENRED FRANCE qui maintient ses conclusions, par les mêmes moyens ;
Elle ajoute que :
- les pénalités litigieuses sont dépourvues de base légale ;
- la procédure est irrégulière compte tenu de la motivation de la proposition de rectification ;
Vu le nouveau mémoire, enregistré le 16 décembre 2013 présenté par le ministre de l'économie et des finances qui maintient ses conclusions, par les mêmes motifs ;
Il ajoute que les dispositions de l'article 1734 ter du code général des impôts, en vigueur en 2003 et abrogées à compter du 1er janvier 2006, ont été reprises à l'article 1763 du même code ; ainsi c'est la même disposition qui, sous la forme de deux articles successifs du code général des impôts, a continué de s'appliquer ; de même, les dispositions de l'article 1740 ter A du code général des impôts, en vigueur en 2003 et 2004 et abrogées à compter du 1er janvier 2006, ont été reprises à l'article 1737 II du même code suite à l'ordonnance n° 2005-1512 du 7 décembre 2005 ;
Vu l'ordonnance en date du 20 décembre 2013 portant réouverture d'instruction, en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son premier protocole additionnel ;
Vu la première directive 67/227/CEE du 11 avril 1967 et la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 ;
Vu la directive 2001/115/CE du 20 décembre 2001 modifiant la directive 77/388/CEE en vue de simplifier, moderniser et harmoniser les conditions imposées à la facturation en matière de taxe sur la valeur ajoutée ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 janvier 2014 :
- le rapport de Mme Vinot, président assesseur ;
- les conclusions de Mme Garrec, rapporteur public ;
- et les observations de MeA..., substituant Me B...et Me Pétard-Montredon, avocat de la SOCIETE EDENRED FRANCE ;
1. Considérant que la SOCIETE EDENRED FRANCE a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période comprise entre le 1er janvier 2003 et le 31 décembre 2004, à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié une proposition de rectification en date du 7 décembre 2006 l'informant notamment de l'intention du service de lui infliger, d'une part, au titre de l'exercice 2003, une amende de 19 399 137 euros au motif qu'elle n'avait pas mentionné, sur l'état prévu au I de l'article 54 septies du code général des impôts, la plus-value de 387 982 749 euros qu'elle avait réalisée à l'occasion de l'apport à sa filiale la société Accor Services France SAS de sa branche d'activité d'émission de titres de services en France, et dont l'imposition était reportée en application des articles 210 A, 210 B et suivants de ce code, et d'autre part, au titre des exercices 2003 et 2004, des amendes d'un total de respectivement 9 346 665 euros et 5 702 760 euros au motif que les mentions des factures présentées pour ces deux exercices étaient incomplètes au regard des exigences de l'article 242 nonies de l'annexe II au code général des impôts et de la directive 2001/115/CE du 20 décembre 2001 ; que par avis de mise en recouvrement du 17 mars 2008 l'administration fiscale a mis à la charge de la société, d'une part, au titre de l'exercice 2003, une amende de 19 399 137 euros à raison du défaut de mention d'une plus-value en report d'imposition, et d'autre part, au titre des exercices 2003 et 2004, des amendes d'un total de respectivement 2 105 175 euros et 282 045 euros à raison de l'irrégularité des factures présentées ; que la SOCIETE EDENRED FRANCE relève appel du jugement du 2 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces amendes fiscales ;
- Sur les conclusions tendant à la décharge de l'amende infligée en 2003 à raison du défaut de mention d'une plus-value en report d'imposition :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 210 A du code général des impôts : " 1. Les plus-values nettes et les profits dégagés sur l'ensemble des éléments d'actif apportés du fait d'une fusion ne sont pas soumis à l'impôt sur les sociétés (... ) " ; qu'aux termes de l'article 210 B de ce code : " 1. Les dispositions de l'article 210 A s'appliquent à l'apport partiel d'actif d'une branche complète d'activité ou d'éléments assimilés lorsque la société apporteuse prend l'engagement dans l'acte d'apport : / a. De conserver pendant trois ans les titres remis en contrepartie de l'apport ; / b. De calculer ultérieurement les plus-values de cession afférentes à ces mêmes titres par référence à la valeur que les biens apportés avaient, du point de vue fiscal, dans ses propres écritures (...) " ; qu'aux termes du I de l'article 54 septies du même code : " Les entreprises placées sous l'un des régimes prévus par les (...) articles (...) 210 A, 210 B et 210 D du présent code doivent joindre à leur déclaration de résultat un état conforme au modèle fourni par l'administration faisant apparaître, pour chaque nature d'élément, les renseignements nécessaires au calcul du résultat imposable de la cession ultérieure des éléments considérés (...) " ; qu'aux termes des dispositions de l'article 1734 ter du code général des impôts, en vigueur au cours de l'exercice 2003 au titre duquel le manquement constitué par le défaut de mention de la plus-value en report d'imposition a été commis : " (...) si l'état prévu au I de l'article 54 septies (...) n'est pas produit au titre de l'exercice au cours duquel est réalisée l'opération visée par ces dispositions ou au titre des exercices ultérieurs, ou si les renseignements qui sont portés sur ces états sont inexacts ou incomplets, il est prononcé une amende égale à 5 % des résultats omis (...) " ; qu'aux termes de l'article 1763 de ce code, dans sa rédaction résultant de la loi n°2005-1720 du 30 décembre 2005 : " I. - Entraîne l'application d'une amende égale à 5 % des sommes omises le défaut de production ou le caractère inexact ou incomplet des documents suivants (...) e. Etat prévu au ... I de l'article 54 septies ...au titre de l'exercice au cours duquel est réalisée l'opération visée par ces dispositions ou au titre des exercices ultérieurs (...) " ;
3. Considérant, en premier lieu, que les dispositions du e) du I de l'article 1763 du code général des impôts, applicables à la date à laquelle la proposition de rectification du 7 décembre 2006 a été notifiée à la requérante, ayant une portée identique à celles de l'article 1734 ter de ce code en vigueur lors de l'exercice 2003 au titre duquel les manquements, constitués par l'absence de mention de la plus-value en report d'imposition sur l'état mentionné au I de l'article 54 septies du même code, ont été constatés, le moyen tiré du défaut de base légale de l'amende litigieuse est dépourvu de fondement dès lors que c'est en réalité la même disposition qui, sous la forme de deux articles du code général des impôts successifs, a continué de s'appliquer depuis 2003 ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la proposition de rectification qui résulterait du caractère erroné de la base légale qu'elle mentionne doit également être écarté, alors, au surplus, que la régularité d'une proposition de rectification n'est pas subordonnée au bien-fondé des motifs qu'elle comporte ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle... " ;
5. Considérant que l'objectif de l'amende prévue par les dispositions alors en vigueur de l'article 1734 ter du code général des impôts est essentiellement, dans un cas où la plus-value réalisée n'est pas immédiatement taxable, d'inciter le contribuable à s'acquitter avec exactitude de ses obligations déclaratives afin de permettre le bon fonctionnement du contrôle ultérieur exercé par l'administration ; qu'ainsi, cette amende présente le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elle vise ; que par suite, le litige relatif à son application procède d'une accusation en matière pénale au sens des stipulations précitées ;
6. Considérant, d'une part, que la proposition de rectification du 7 décembre 2006 notifiée à la SOCIETE EDENRED FRANCE fait état de l'amende litigieuse dont elle indique le montant, précise qu'elle est fondée, en droit, sur le e) du 1 de l'article 1763 du code général des impôts et, en fait, sur la circonstance que la société n'a pas mentionné, sur l'état prévu au I de l'article 54 septies du code général des impôts, la plus-value de 387 982 749 euros, qu'elle avait réalisée à l'occasion de l'apport à sa filiale la société Accor Services France SAS de sa branche d'activité d'émission de titres de services en France et dont l'imposition était reportée en application des articles 210 A, 210 B, 210 C et suivants de ce code, et invite le contribuable à faire connaître ses observations dans un délai de trente jours ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, la circonstance que l'amende litigieuse a été infligée en l'absence de tout redressement de ses bases d'imposition ne l'a pas privée de la possibilité de discuter de l'assiette de l'amende, constituée par le montant de la plus-value dont la mention a été omise, ainsi que le précise ladite proposition de rectification ;
7. Considérant, d'autre part, le législateur a prévu dans le code général des impôts plusieurs sanctions qui visent à réprimer des comportements de non-respect des obligations déclaratives ; que les dispositions précitées de l'article 1734 ter du code général des impôts alors en vigueur, actuellement codifiées au e) de l'article 1763 de ce code, proportionnent l'amende qu'elles instituent au montant des sommes sur lesquelles porte l'infraction que l'amende vise à réprimer ; que le code général des impôts prévoit, notamment en ses articles 1728 et 1729, d'autres pénalités, nettement différenciées par leur assiette et leur taux, applicables, comme l'amende de l'article 1734 ter, à des contraventions aux obligations des contribuables en matière de déclaration ; que la loi elle-même a ainsi assuré, dans une certaine mesure, la modulation des peines en fonction de la gravité des comportements réprimés ; que, d'autre part, le juge de l'impôt exerce un plein contrôle sur les faits invoqués et la qualification retenue par l'administration pour appliquer l'amende et décide, selon les résultats de ce contrôle, soit de maintenir cette amende, soit d'en prononcer la décharge ;
8. Considérant, par suite, que le moyen tiré de ce que les dispositions de l'ancien article 1734 ter du code général des impôts, maintenues dans le droit en vigueur au e) du I de l'article 1763 de ce code, seraient incompatibles avec les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté ;
9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour (...) assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes " ; qu'à défaut de créance certaine, l'espérance légitime d'obtenir la restitution d'une somme d'argent doit être regardée comme un bien au sens de ces stipulations ;
10. Considérant, cependant, qu'il résulte des termes mêmes de l'article 1er du premier protocole additionnel que le droit au respect de ses biens reconnu à toute personne physique ou morale ne porte pas atteinte au droit de chaque Etat de mettre en oeuvre les lois qu'il juge nécessaires pour assurer le paiement de l'impôt ; que la pénalité prévue par les dispositions de l'ancien article 1734 ter du code général des impôts a pour objet de sanctionner l'irrégularité, au regard du I de l'article 54 septies du même code, des déclarations de résultat souscrites par les personnes morales placées sous un régime de report d'imposition mentionné audit article 54 septies, et de les dissuader ainsi d'avoir un comportement de nature à faire échapper à l'impôt sur les sociétés les résultats en cause et réparer le préjudice causé au Trésor dans de telles circonstances ; que, compte tenu du niveau respectif du taux normal et du taux réduit de l'impôt sur les sociétés auquel les plus-values en cause sont destinées à être soumises, en application des dispositions de l'article 39 duodecies du code général des impôts, le taux de 5 % des résultats omis, prévu par les dispositions de l'article 1734 ter du code général des impôts alors en vigueur, actuellement codifiées au e) du I de l'article 1763 de ce code, n'apparaît pas hors de proportion avec la gravité des infractions constatées ; que, par suite, ces dispositions ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit des entreprises concernées au respect de leur biens et ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
11. Considérant, en quatrième lieu, que le principe de proportionnalité, issu du droit communautaire, ne trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique national que dans le cas où la situation juridique en cause est régie par le droit communautaire ; que tel n'est pas le cas s'agissant de l'application des dispositions de l'article 1734 ter du code général des impôts à raison d'une opération concernant uniquement des sociétés françaises, la société requérante et la société Accor Services France SAS qui, de ce fait, est hors du champ d'application de la directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990 ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ce principe doit, en tout état de cause, être écarté comme inopérant ;
- Sur les conclusions tendant à la décharge des amendes infligées en 2003 et en 2004 à raison de l'irrégularité des factures présentées par la requérante :
12. Considérant qu'aux termes de l'article 289 du code général des impôts : "I. - 1. Tout assujetti est tenu de s'assurer qu'une facture est émise, par lui-même, ou en son nom et pour son compte, par son client ou par un tiers : / a. Pour les livraisons de biens ou les prestations de services qu'il effectue (...) / II. - Un décret en Conseil d'Etat fixe les mentions obligatoires qui doivent figurer sur la facture. Ce décret détermine notamment les éléments d'identification des parties, les données concernant les biens livrés ou les services rendus et celles relatives à la détermination de la taxe sur la valeur ajoutée (... )"; qu'aux termes de l'article 242 nonies de l'annexe II au code général des impôts, dans sa version antérieure à la modification apportée par le décret n° 2003-632 du 7 juillet 2003 " Les factures ou les documents en tenant lieu établis par les assujettis doivent (...) faire apparaître : / Le nom du vendeur (...) /La date de l'opération ; /Pour chacun des biens livrés ou des services rendus, la quantité, la dénomination précise, le prix unitaire hors taxes et le taux de taxe sur la valeur ajoutée légalement applicable (...)"; qu'aux termes de l'article 242 nonies A de cette même annexe, créé par le décret n° 2003-632 du 7 juillet 2003 : " Les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures en application du II de l'article 289 du code général des impôts sont les suivantes : /1° Le nom complet et l'adresse de l'assujetti et de son client (...) /8° Pour chacun des biens livrés ou des services rendus, la quantité, la dénomination précise, le prix unitaire hors taxes et le taux de taxe sur la valeur ajoutée légalement applicable ou, le cas échéant, le bénéfice d'une exonération (...) 11° Le montant de la taxe à payer et, par taux d'imposition, le total hors taxe et la taxe correspondante mentionnés distinctement ; / 12° En cas d'exonération ou lorsque le client est redevable de la taxe ou lorsque l'assujetti applique le régime de la marge bénéficiaire, la référence à la disposition pertinente du code général des impôts (...) "; qu'aux termes des dispositions de l'ancien article 1740 ter A du code général des impôts, maintenues dans le droit en vigueur au II de l'article 1737 de ce code : " Toute omission ou inexactitude constatée dans les factures ou documents en tenant lieu mentionnés aux articles 289 (...) donne lieu à l'application d'une amende de 15 euros. / Toutefois, le montant total des amendes dues au titre de chaque facture ou document ne peut excéder le quart du montant qui y est ou aurait dû y être mentionné." ;
13. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la proposition de rectification en date du 7 décembre 2006, que la SOCIETE EDENRED FRANCE a été invitée, lors de la vérification de sa comptabilité, à présenter ses factures émises en 2003 et 2004 ; que la requérante, qui tient sa comptabilité sur support informatique, a alors choisi d'opérer elle-même et sur son propre matériel les traitements informatiques en vue de l'établissement des factures sous la forme de fichiers Excel, sur supports magnétiques de type cédérom ; que la programmation adoptée par la société à cet effet a conduit à ce que, en infraction aux dispositions ci-dessus rappelées respectivement des articles 242 nonies et 242 nonies A de l'annexe II au code général des impôts, les factures qu'elle a présentées au titre de la période du 1er janvier 2003 jusqu'au 23 février 2004, si elles précisaient les prix unitaires et les prix totaux toutes taxes comprises (TTC) ainsi que le taux de taxe sur la valeur ajoutée applicable, ne précisaient pas les prix unitaires ni les prix totaux hors taxe (HT), et que les factures présentées au titre de l'année 2004 mentionnant une exonération ne précisaient pas la référence légale du motif d'exonération ; que pour calculer le montant total de l'amende qu'elle entendait infliger en conséquence à la société au titre de l'année 2003, l'administration fiscale a, compte tenu de la répétition sur chaque facture de l'omission de la mention du prix hors taxe et de l'importance du nombre des factures, adopté une méthode forfaitaire consistant à dénombrer les factures dont le montant total excédait, respectivement, 120 et 180 euros, puis à infliger, pour chaque facture, une amende égale au plafond de 25 %, fixé par l'article 1740 ter A du code général des impôts alors en vigueur, du montant forfaitaire ainsi retenu, c'est-à-dire une amende par facture de, respectivement, 30 et 45 euros, dont l'addition a conduit à une amende totale de 9 346 665 euros au titre de cette période ; qu'au titre de la période du 1er janvier 2004 au 23 février 2004, l'administration fiscale a dénombré les factures dont le montant total excédait, respectivement, 180 et 240 euros, et a infligé de la même façon une amende égale au plafond de 25% du montant forfaitaire ainsi retenu, c'est-à-dire une amende par facture de respectivement, 45 et 60 euros, dont l'addition a conduit à une amende totale de 2 120 655 euros au titre de cette période ; que les factures présentées au titre de la période du 24 février 2004 au 31 décembre 2004 étant entachées de la seule omission de la référence légale du motif de l'exonération de taxe qu'elles mentionnaient, le service a dénombré, pour cette période, les factures dont le montant total excédait 180 euros et a retenu une amende de 15 euros par facture, correspondant à un montant de 8,33 % du montant forfaitaire ainsi retenu par le service, dont l'addition a conduit à une amende totale de 3 450 270 euros au titre de cette période ; qu'à la suite de la contestation de ces amendes par la société, le service n'a en définitive mis en recouvrement que la somme de 2 105 175 euros pour 2003, correspondant à 22,53 % du montant notifié à la société au titre de cette année et à 5,63 % du montant forfaitaire retenu pour les factures, et que celle de 282 045 euros pour 2004, correspondant à 4,94 % du montant notifié à la société au titre de cette année, à 1,2 % du montant forfaitaire retenu par le service pour les factures présentées au titre de la période du 1er janvier au 23 février 2004 et à 0,41 % du montant forfaitaire retenu pour les factures présentées du 24 février au 31 décembre 2004 ;
14. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle... " ; qu'à l'appui du moyen tiré de ce que l'amende litigieuse méconnaît ces stipulations, la SOCIETE EDENRED FRANCE soutient que l'amende est disproportionnée par rapport à la gravité des agissements qu'elle entend réprimer dès lors, en particulier, qu'elle n'est pas modulée par la loi en fonction des conséquences des omissions relevées sur la facture, et que le plafond de l'amende, fixé à 25 % du montant qui est ou aurait dû être mentionné sur la facture, est excessif; que le ministre soutient, d'une part, que l'amende infligée sur le fondement des dispositions de l'ancien article 1740 ter A du code général des impôts, maintenues dans le droit en vigueur au II de l'article 1737 de ce code, s'inscrit correctement dans une échelle de sanctions afférentes à des infractions de même nature actuellement mentionnées audit article 1737, d'autre part, que le service a fait preuve d'un souci de modération en ramenant le montant total de l'amende litigieuse, calculé sur les deux années, à 15 % du montant total qui résultait de l'application de la loi et était mentionné dans la proposition de rectification ;
15. Considérant, en premier lieu, que le législateur en prévoyant, par les dispositions de l'ancien article 1740 ter A du code général des impôts, maintenues dans le droit en vigueur au II de l'article 1737 de ce code, une amende de 15 euros pour toute omission ou inexactitude constatée dans les factures ou documents en tenant lieu mentionnés à l'article 289 du même code sans que le montant total des amendes dues au titre de chaque facture ne puisse excéder le quart du montant qui est ou aurait dû y être mentionné, a proportionné l'amende en cause au nombre des omissions et inexactitudes dont est entachée la facture au regard des exigences fixées respectivement par l'article 242 nonies de l'annexe II du code général des impôts puis par l'article 242 nonies A de la même annexe, dans la limite du plafond de 25 % du montant total devant être mentionné sur la facture ; que le législateur a également prévu, par les dispositions de l'ancien article 1740 ter du code général des impôts, maintenues dans le droit en vigueur au I de l'article 1737 de ce code, de sanctionner l'infraction à l'obligation de produire une facture par une amende de 50 % du montant de l'opération en cause, ramenée à 5 % de ce montant lorsque le fournisseur apporte, dans les trente jours d'une mise en demeure adressée obligatoirement par l'administration fiscale, la preuve que cette opération a été régulièrement comptabilisée ;
16. Considérant que les amendes instituées par les anciens articles 1740 ter et 1740 ter A du code général des impôts, maintenues dans le droit en vigueur à l'article 1737 de ce code, sanctionnent des infractions comparables, constituées par la méconnaissance de l'obligation de présenter une facture conforme aux dispositions, respectivement, de l'article 242 nonies de l'annexe II au code général des impôts puis de l'article 242 nonies A de la même annexe, l'absence de production d'une facture se rapprochant en particulier de l'infraction constituée par l'omission de l'ensemble des mentions qui aurait dû figurer ; que, par suite, les amendes prévues par ces articles sont situées sur une même échelle de sanctions fixée par le législateur, ainsi d'ailleurs que le fait valoir le ministre ; que, dès lors, la proportionnalité de l'amende, infligée sur le fondement de l'article 1740 ter A pour sanctionner les irrégularités dont est entachée une facture, doit être appréciée en la comparant à celles infligées sur le fondement de l'article 1740 ter en cas de défaut de production de factures dont les montants respectifs sont de 50 % et de 5% des opérations concernées ; que, dans le cas où l'opération en cause a été régulièrement comptabilisée, la proportionnalité de l'amende sanctionnant l'irrégularité d'une facture qui, tout en étant entachée d'omissions, n'est affectée d'aucune inexactitude et comporte tous les éléments nécessaires à la détermination du montant de la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux opérations facturées ainsi qu'à l'exercice effectif du contrôle du principe de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée de ces opérations, du montant de la taxe afférente à la facture et des droits à déduction susceptibles d'y être attachés, et de façon générale du contrôle de l'adéquation des opérations facturées au système communautaire des taxes sur le chiffre d'affaires, doit être appréciée en comparant l'amende au montant de 5 % devant être mentionné sur la facture, prévu par les dispositions de l'ancien article 1740 ter du code général des impôts, et maintenues dans le droit en vigueur au I de l'article 1737 de ce code, en cas de défaut de production de facture lorsque le fournisseur apporte, dans les trente jours d'une mise en demeure adressée par l'administration fiscale, la preuve que l'opération a été régulièrement comptabilisée ;
17. Considérant, en second lieu, que le législateur n'a pas prévu d'autre modulation de la sanction des infractions à l'obligation de présenter une facture conforme aux dispositions, respectivement, de l'article 242 nonies puis de l'article 242 nonies A de l'annexe II au code général des impôts, que celle que comporte l'échelle constituée par les taux de 50 % et 5% du montant des opérations en cause et par le montant de 15 euros par infraction plafonné à 25 % du montant de ces opérations, fixés, respectivement, par les dispositions des anciens articles 1740 ter et 1740 A du code général des impôts, maintenues dans le droit en vigueur au I et au II de l'article 1737 de ce code ; que, dès lors, ni l'administration ni le juge ne sauraient légalement atténuer l'amende qui doit résulter, sur le fondement dudit article 1740 ter A, de l'application du montant de 15 euros pour chaque irrégularité affectant une facture au regard desdits articles 242 nonies et 242 nonies A et, le cas échéant, du plafond de 25 % du prix des opérations ; que, par suite, il y a lieu d'apprécier la proportionnalité de l'amende litigieuse à la gravité des manquements constatés en prenant en compte le montant total de l'amende résultant de l'application aux infractions sanctionnées des dispositions dudit article 1740 ter A, soit 9 346 645 euros au titre de 2003, 2 120 655 euros au titre de la période du 1er janvier au 23 février 2004 et 3 450 270 euros au titre de la période du 24 février au 31 décembre 2004, et non, comme le fait valoir le ministre, le montant de l'amende en définitive mis en recouvrement, soit 2 105 175 euros en 2003 et 282 045 euros en 2004 ;
18. Considérant qu'en l'espèce il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas allégué par l'administration, que les opérations en cause n'auraient pas été régulièrement comptabilisées ou que les factures litigieuses auraient comporté de quelconques inexactitudes ; que les factures présentées au titre de la période du 1er janvier 2003 au 23 février 2004, si elles ne mentionnaient pas les prix hors taxes, indiquaient les prix toutes taxes comprises ainsi que le taux de la taxe afférente, ce qui permettait de reconstituer les prix hors taxe, ainsi que le fait valoir la société requérante sans que le ministre allègue que l'omission des prix hors taxe, ou la répétition de cette omission, ait causé quelques difficultés à cet égard ou ait eu une incidence quelconque sur le contrôle du principe de l'assujettissement à la taxe, du montant de la taxe afférente aux factures litigieuses et des droits à déduction susceptibles d'y être attachés ou, de façon générale, sur le bon fonctionnement du système communautaire des taxes sur le chiffre d'affaires ; que, par ailleurs, si les factures présentées au titre des exercices en cause mentionnant une exonération ne précisaient pas la référence légale du motif d'exonération, il ne résulte pas davantage de l'instruction, et n'est pas davantage allégué par le ministre, que cette omission aurait pu compliquer la détermination de la taxe sur la valeur ajoutée afférente auxdites factures ou qu'elle aurait eu, du fait de sa nature ou de sa répétition sur de multiples factures, une quelconque incidence sur le contrôle de cette taxe ou, de façon générale, sur le bon fonctionnement du système communautaire des taxes sur le chiffre d'affaires ;
19. Considérant, dans ces conditions, que les amendes résultant de l'application du plafond de 25 % du montant forfaitaire de la facture, fixé par l'ancien article 1740 ter A du code général des impôts, qui sanctionnent les omissions constatées sur les factures présentées au titre de la période du 1er janvier 2003 au 23 février 2004 et représentent cinq fois le montant des amendes qui auraient sanctionné le défaut de présentation des factures, par application de l'ancien article 1740 ter du même code selon la méthode forfaitaire retenue par le service, apparaissent comme hors de proportion avec la gravité des infractions constituées par les omissions constatées sur lesdites factures ; que par ailleurs, comme il a été dit au point 13, les amendes de 15 euros par facture, qui sanctionnent l'omission de la référence légale du motif de l'exonération de taxe entachant les factures présentées au titre de la période du 24 février au 31 décembre 2004 par application de l'ancien article 1740 ter A du code général des impôts, représentent 8,33% du montant forfaitaire des factures retenu par le service, soit un montant supérieur à l'amende de 5% du même montant qui aurait sanctionné le défaut de présentation des factures par application de l'article 1740 ter de ce code ; que, par suite, les amendes de 15 euros par facture infligées au titre de la période du 24 février au 31 décembre 2004 apparaissent également comme hors de proportion avec la gravité des infractions constatées ; que, néanmoins, le juge ne saurait légalement atténuer ces amendes, ainsi qu'il a été dit au point 17 ;
20. Considérant, enfin, que la circonstance que la SOCIETE EDENRED FRANCE a provisionné le risque de paiement des amendes au titre des exercices 2006 et 2007, réduisant ainsi son bénéfice imposable au titre de 2006, et celle qu'elle a comptabilisé les amendes en charge en 2008 ainsi que le permettaient les dispositions de l'article 39 du code général des impôts dans sa version alors applicable, sont sans incidence sur l'appréciation de la proportionnalité des amendes à la gravité des infractions ;
21. Considérant qu'il suit de là et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens relatifs à cette amende que l'application faite par l'administration fiscale des dispositions de l'ancien article 1740 ter A du code général des impôts, maintenues dans le droit en vigueur au II de l'article 1737 de ce code, qui sont le fondement des amendes litigieuses, méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la société requérante est dès lors fondée, en invoquant ces stipulations, à demander que soit écartée l'application de ces dispositions du code général des impôts ;
22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE EDENRED FRANCE est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement des dispositions du code général des impôts alors codifiées à l'article 1740 ter A, maintenues dans le droit en vigueur au II de l'article 1737 de ce code, au titre des exercices 2003 et 2004, à raison de l'irrégularité des factures présentées ;
- Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
23. Considérant qu' il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à la SOCIETE EDENRED FRANCE d'une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens
DECIDE :
Article 1er : La SOCIETE EDENRED FRANCE est déchargée des amendes qui ont été mises à sa charge sur le fondement des dispositions de l'ancien article 1740 ter A du code général des impôts, maintenues dans le droit en vigueur au II de l'article 1737 de ce code, pour un montant total de 2 105 175 euros au titre de l'année 2003 et de 282 045 euros au titre de l'année 2004.
Article 2 : Le jugement n° 0913756 du 2 décembre 2010 du Tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à la SOCIETE EDENRED FRANCE une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE EDENRED FRANCE est rejeté.
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N° 11VE00625 2