Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 10 novembre 2011 et 23 décembre 2011, présentés pour la société Nevatex, dont le siège est ..., par Me Boullot Gast ; la société Nevatex demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1021888/3-2 du 28 septembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 décembre 2010 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. Ronan pour faute grave ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 septembre 2012 :
- le rapport de Mme Macaud, rapporteur,
- les conclusions de Mme Merloz, rapporteur public,
- et les observations de Me Boullot Gast, pour la société Nevatex ;
Considérant que la société Nevatex a, le 20 octobre 2010, pris une mesure de mise à pied à titre conservatoire à l'encontre de M. , directeur administratif et financier de cette société depuis le 12 janvier 2006, et l'a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement ; que, le 21 octobre, la société Nevatex a reçu un courrier du syndicat CFDT en date du 19 octobre désignant M. en qualité de délégué syndical ; que le 22 octobre, la société Nevatex a saisi, en application de l'article L. 2421-1 du code du travail, l'inspection du travail pour l'informer de la mise à pied de M. et lui demander l'autorisation de le licencier et ce, à titre conservatoire, la société Nevatex ayant contesté, devant le Tribunal d'instance de Paris, la désignation de M. comme délégué syndical ; que le 27 octobre, le syndicat CFDT a adressé un courrier à la société Nevatex pour confirmer la demande d'organisation des élections professionnelles formulée par M. le 15 octobre précédent ; que la société Nevatex a, le 10 novembre 2010, saisi une nouvelle fois l'inspection du travail, à titre conservatoire, pour qu'elle confirme que M. n'était pas protégé à ce titre et, subsidiairement, qu'elle l'autorise à licencier le salarié au titre de cette seconde protection ; que le 15 novembre, la CFDT a adressé un courrier démettant M. de son mandat de délégué syndical, mandat qui a été par ailleurs annulé par le tribunal d'instance dans un jugement du 30 décembre 2010 ; que, par une décision du 18 novembre 2010, l'inspecteur du travail a annulé la mise à pied prononcée le 20 octobre 2010 et a ordonné la réintégration de M. , le délai de 48 heures prévu à l'article L. 2421-1 du code du travail n'ayant pas été respecté par la société Nevatex ; que la société Nevatex reprochant de nouveaux faits à M. , a, par une lettre du 29 novembre 2010, convoqué le salarié pour un entretien préalable, fixé le 13 décembre 2010, pour ces nouveaux faits et les faits précédemment reprochés ; que, par une seconde lettre du 29 novembre 2010, la société Nevatex a informé l'inspection du travail de la mise à pied intervenue le même jour, de la nouvelle convocation de l'intéressé à un entretien préalable fixé le 13 décembre et a renouvelé, à titre conservatoire, sa demande d'autorisation de licenciement au titre des deux protections invoquées par M. ; que, par une décision du 20 décembre 2010, l'inspecteur du travail a refusé l'autorisation de licenciement sollicitée par la société Nevatex ; que, par un jugement du 28 septembre 2011, dont la société Nevatex relève régulièrement appel, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 20 décembre 2010 ;
Sur le bien-fondé du jugement du 28 septembre 2011 :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 2411-6 du code du travail : " L'autorisation de licenciement est requise, pendant une durée de six mois, pour le salarié ayant demandé à l'employeur d'organiser les élections de délégués du personnel ou d'accepter d'organiser ces élections. Cette durée court à compter de l'envoi à l'employeur de la lettre recommandée par laquelle une organisation syndicale a, la première, demandé ou accepté qu'il soit procédé à des élections. / Cette protection ne bénéficie qu'à un seul salarié par organisation syndicale ainsi qu'au premier salarié, non mandaté par une organisation syndicale, qui a demandé l'organisation des élections " ; qu'aux termes de l'article L. 2421-3 du même code : " Le licenciement envisagé par l'employeur d'un délégué du personnel ou d'un membre élu du comité d'entreprise titulaire ou suppléant, d'un représentant syndical au comité d'entreprise ou d'un représentant des salariés au comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail est soumis au comité d'entreprise, qui donne un avis sur le projet de licenciement. / Lorsqu'il n'existe pas de comité d'entreprise dans l'établissement, l'inspecteur du travail est saisi directement. / La demande d'autorisation de licenciement est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement dans lequel le salarié est employé. / En cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé dans l'attente de la décision définitive. / Si le licenciement est refusé, la mise à pied est annulée et ses effets supprimés de plein droit " ; qu'aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail : " L'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. / La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l'objet de la convocation. / L'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. " ; qu'aux termes de l'article R. 2421-8 du code du travail: " L'entretien préalable au licenciement a lieu avant la consultation du comité d'entreprise faite en application de l'article L. 2421-3. / A défaut de comité d'entreprise, cet entretien a lieu avant la présentation de la demande d'autorisation de licenciement à l'inspecteur du travail " ; qu'aux termes de l'article R. 2421-14 du même code : " En cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé jusqu'à la décision de l'inspecteur du travail. / La consultation du comité d'entreprise a lieu dans un délai de dix jours à compter de la date de la mise à pied. / La demande d'autorisation de licenciement est présentée dans les quarante-huit heures suivant la délibération du comité d'entreprise. S'il n'y a pas de comité d'entreprise, cette demande est présentée dans un délai de huit jours à compter de la date de la mise à pied. / La mesure de mise à pied est privée d'effet lorsque le licenciement est refusé par l'inspecteur du travail ou, en cas de recours hiérarchique, par le ministre. " ;
Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que, par courrier du 15 octobre 2010, reçu par la société Nevatex le 18 octobre, M. a demandé l'organisation d'élections professionnelles dans l'entreprise ; que, par courrier du 27 octobre 2010, reçu par la société le 28 octobre, le syndicat CFDT a confirmé la demande de M. et sollicité l'organisation d'élections professionnelles ; que M. bénéficiait ainsi du statut protecteur prévu à l'article L. 2411-6 du code du travail précité à compter du 27 octobre 2010, date d'envoi de la demande du syndicat CFDT ; que si la société Nevatex a convoqué M. à un entretien préalable à un éventuel licenciement le 20 octobre 2010, soit avant la confirmation par le syndicat de la demande du salarié d'organiser des élections professionnelles, l'autorisation de l'inspecteur du travail était toutefois requise dès lors, d'une part, que la société avait reçu la demande d'organisation des élections émanant du salarié le 18 octobre, soit antérieurement à l'envoi de la convocation à l'entretien préalable au licenciement, et, d'autre part, que la demande du salarié avait été confirmée par un syndicat à la date à laquelle l'inspecteur a examiné la demande ; que M. bénéficiant ainsi de la protection prévue à l'article L. 2411-6 du code du travail à compter du 27 octobre 2010, l'inspecteur du travail s'est valablement prononcé, le 20 décembre 2010, sur la demande d'autorisation de licenciement sollicitée par la société Nevatex ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de l'incompétence de l'inspecteur du travail manque en fait et doit être écarté ;
Considérant, en second lieu, qu'en vertu de l'article R. 2421-8 du code du travail précité, l'entretien préalable au licenciement a lieu, à défaut de comité d'entreprise, avant la présentation de la demande d'autorisation de licenciement à l'inspecteur du travail et ce, alors même que le salarié fait l'objet d'une mise à pied conservatoire, cette dernière mesure pouvant, par ailleurs, être adressée à l'inspecteur du travail indépendamment de la demande d'autorisation de licenciement ; qu'il ressort des pièces du dossier que la société Nevatex a, par courrier du 22 octobre 2010, saisi l'inspection du travail d'une demande d'autorisation de licenciement à l'encontre de M. , qui a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 2 novembre 2010 ; que la société Nevatex a sollicité une seconde fois, le 29 novembre 2010, l'autorisation de licencier M. auprès de l'inspecteur du travail et a convoqué l'intéressé à un nouvel entretien préalable fixé au 13 décembre 2010 ; que si, comme le fait valoir la société Nevatex, les convocations à l'entretien préalable au licenciement ont été adressées avant la saisine de l'inspecteur du travail, il est constant que les entretiens préalables se sont déroulés postérieurement à cette saisine ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que le tribunal a jugé que la procédure de licenciement ayant été substantiellement viciée, la décision de l'inspecteur du travail refusant d'accorder à la société Nevatex l'autorisation sollicitée n'était pas entachée d'illégalité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Nevatex n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 décembre 2010 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de M. pour faute grave ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante, la somme que demande la société Nevatex au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que sur le fondement de ces mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de la société requérante une somme de 1 500 euros qu'elle versera à M. ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Nevatex est rejetée.
Article 2 : La société Nevatex versera la somme de 1 500 euros à M. en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 10PA03855
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N° 11PA04750