Vu la requête, enregistrée le 26 juillet 2011, présentée pour M. Marc A, demeurant ..., par Me Forestier ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0818630 du 26 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2002, ainsi que des pénalités y afférentes ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
...........................................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la Constitution ;
Vu le traité du 25 mars 1957 instituant la Communauté économique européenne devenue la Communauté européenne ;
Vu la directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990 concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'Etats membres différents ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 février 2012 :
- le rapport de M. Lercher,
- les conclusions de Mme Bernard, rapporteur public,
- les observations de Me Forestier pour M. A,
et connaissance prise de la note en délibéré présentée le 14 février 2012 par Me Forestier, pour M. A ;
Considérant qu'à la suite d'un contrôle sur pièces de son dossier personnel, M. A s'est vu notifier des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu assorties des intérêts de retard, au titre de l'année 2002 ; qu'il fait appel du jugement du 26 mai 2011 du Tribunal administratif de Paris rejetant sa demande tendant à la décharge desdites cotisations supplémentaires résultant de l'imposition d'une plus-value en report d'imposition réalisée à l'occasion de la cession de droits sociaux ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. A, résident britannique au moment des faits, qui a apporté le 7 décembre 1999 11 924 titres de la société française Gemplus Associates à la société luxembourgeoise Mars Sun SARL et a reçu en échange 599 874 titres de cette société, devenue ultérieurement la société Gemplus International, a réalisé à cette occasion une plus-value de 116 855 200 francs (17 814 360 euros) ; que cette plus-value a été déclarée le 4 janvier 2000, assortie d'une demande de report d'imposition et de la désignation d'un représentant accrédité ; que suite à cette demande, la plus-value dont s'agit a été placée en report d'imposition en application de l'article 92 B du code général des impôts alors applicable ; que M. A a cédé ultérieurement, en décembre 2002, à la société SAGEM 39 261 062 titres de la société Gemplus International, dont il détenait, lors de l'introduction en bourse en novembre 2000, 87 398 429 titres ; que l'administration a considéré que cette cession comprenait une fraction des actions issues de l'échange du 7 décembre 1999, à concurrence de 45 % de la totalité desdites actions détenues par l'intéressé à la veille de la cotation en bourse, et a imposé à due concurrence la plus-value en report dont M. A a été le bénéficiaire en 1999 ; que M. A soutient que les dispositions des articles 92 B et 160 du code général des impôts, abrogées par l'article 94-V de la loi n° 99-1172 du 30 décembre 1999 mais demeurées applicables aux plus-values en report d'imposition à la date du 1er janvier 2000 sont incompatibles avec l'article 8 de la directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990, transposé dans le droit national par l'article 24 de la loi n° 91-716 du 26 juillet 1991 ;
Considérant que la transposition en droit interne des directives communautaires, qui est une obligation résultant du Traité instituant la Communauté européenne, revêt, en outre, en vertu de l'article 88-1 de la Constitution, le caractère d'une obligation constitutionnelle ; que, pour chacun de ces deux motifs, il appartient au juge national, juge de droit commun de l'application du droit communautaire, de garantir l'effectivité des droits que toute personne tient de cette obligation à l'égard des autorités publiques ; que tout contribuable peut en conséquence faire valoir, par voie d'exception, qu'après l'expiration des délais impartis, les autorités nationales ne peuvent ni laisser subsister ni continuer de faire application des règles, écrites ou non écrites, de droit national qui ne seraient pas compatibles avec les objectifs définis par les directives, y compris en ce qu'elles ne prévoient pas des droits ou des obligations prévues par ces dernières ;
Considérant, d'une part, que l'article 8 de la directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990 dispose : " 1. L'attribution, à l'occasion d'une fusion, d'une scission ou d'un échange d'actions, de titres représentatifs du capital social de la société bénéficiaire ou acquérante à un associé de la société apporteuse ou acquise, en échange de titres représentatifs du capital social de cette dernière société, ne doit, par elle-même, entraîner aucune imposition sur le revenu, les bénéfices ou les plus-values de cet associé. 2. Les États membres subordonnent l'application du paragraphe 1 à la condition que l'associé n'attribue pas aux titres reçus en échange une valeur fiscale plus élevée que celle que les titres échangés avaient immédiatement avant la fusion, la scission ou l'échange d'actions. - L'application du paragraphe 1 n'empêche pas les États membres d'imposer le profit résultant de la cession ultérieure des titres reçus de la même manière que le profit qui résulte de la cession des titres existant avant l'acquisition. " ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 244 bis B du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " 1 Les gains mentionnés à l'article 150-0 A résultant de la cession de droits sociaux détenus dans les conditions du f de l'article 164 B réalisés par des personnes physiques qui ne sont pas domiciliées en France au sens de l'article 4 B ou par des personnes morales ou organismes quelle qu'en soit la forme, ayant leur siège social hors de France, sont déterminés et imposés selon les modalités prévues aux articles 150-0 A à 150-0 E (...) " ; qu'aux termes du f de l'article 164 B : " sont considérés comme revenus de source française les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0-A résultant de la cession de droits sociaux, lorsque les droits détenus directement ou indirectement par le cédant avec son conjoint, leurs ascendants et leurs descendants dans les bénéfices sociaux d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés et ayant son siège en France ont dépassé ensemble 25 % de ces bénéfices à un moment quelconque au cours des cinq dernières années " ; qu'aux termes du 4 de l'article 160 du code dans sa rédaction issue de la loi n° 91-716 du 26 juillet 1991 restée applicable aux plus-values en report d'imposition au 1er janvier 2000 : " L'imposition de la plus-value réalisée à compter du 1er janvier 1991 en cas d'échange de droits sociaux résultant d'une opération de fusion, scission ou d'apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés peut être reportée dans les conditions prévues au II de l'article 92 B " ; qu'aux termes de l'article 92 B, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 1991 restée applicable aux plus-values en report d'imposition au 1er janvier 2000 : " II. 1. A compter du 1er janvier 1992 ou du 1er janvier 1991 pour les apports de titres à une société passible de l'impôt sur les sociétés, l'imposition de la plus-value réalisée en cas d'échange de titres résultant d'une opération d'offre publique, de fusion, de scission, d'absorption d'un fonds commun de placement par une société d'investissement à capital variable réalisée conformément à la réglementation en vigueur ou d'un apport de titres à une société soumise à l'impôt sur les sociétés peut être reportée au moment où s'opèrera la cession, le rachat, le remboursement ou l'annulation des titres reçus lors de l'échange. (...) Le report est subordonné à la condition que le contribuable en fasse la demande et déclare le montant de la plus-value dans les conditions prévues à l'article 97 " ;
Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 8 de la directive 90/434/CEE du 23 juillet 1990 rappelées ci-dessus que l'attribution, à l'occasion d'un échange d'actions, de titres d'une société à un associé de la société apporteuse en échange de titres représentatifs du capital social de cette dernière société ne doit, par elle-même, entraîner aucune imposition sur le revenu et que seul peut être imposé le profit résultant de la cession ultérieure des titres reçus ; que les dispositions des articles 244 bis B et 164 B du code général des impôts, en tant qu'elles incluent les plus-values résultant d'un échange d'actions et les dispositions de l'article 92 B du même code, qui, si elles permettent, sur la demande du contribuable, de placer les plus-values réalisées à l'occasion d'un échange en report d'imposition, ont cependant pour effet de liquider la plus-value réalisée à la date de l'échange et, le cas échéant, à défaut pour le contribuable d'en demander le report, de l'imposer au titre de l'année de réalisation de l'échange, sont contraires aux objectifs de la directive du 23 juillet 1990 ; que dès lors, ainsi que le soutient M. A, l'administration fiscale ne pouvait continuer d'en faire application après le 31 décembre 1991, date limite de transposition fixée par l'article 12 de la directive ; qu'il en résulte que les plus-values constatées par M. A le 7 décembre 1999 dans le cadre de l'opération d'apport de titres de la société Gemplus Associates à la société luxembourgeoise Mars Sun SARL, en échange de titres de cette dernière société, devenue ultérieurement la société Gemplus International, ne pouvaient entraîner par elles-mêmes aucune imposition ; que l'administration était seulement fondée à liquider et imposer les plus-values éventuelles réalisées par M. A à l'occasion de la cession ultérieure, au mois de décembre 2002, d'une partie des titres de la société Gemplus International qu'il détenait ; qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que cette dernière opération n'a généré aucune plus-value ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2002, à raison de la plus value réalisée dans le cadre d'une opération d'échange de titres de la société Gemplus Associates contre des titres de la société Gemplus International ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée... " ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à M. A ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 26 mai 2011 est annulé.
Article 2 : M. A est déchargé des suppléments d'impôt sur le revenu, ainsi que des intérêts de retard, auxquels il a été assujetti au titre de l'année 2002 à raison de l'imposition de la plus-value résultant de l'échange de titres de la société Gemplus Associates contre des titres de la société Gemplus International.
Article 3 : L'Etat versera à M. A une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 11PA03416