Vu la requête sommaire, enregistrée le 30 juin 2011, présentée pour la SOCIETE MAXIMA, dont le siège est 5 avenue Prince Hinoï BP 218 à Papeete (98713) en Polynésie française, par Me Foussard ; la SOCIETE MAXIMA demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1000565 en date du 8 mars 2011 par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la Polynésie française à lui verser les sommes de 1 500 000 000 F CFP en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la perte de son fonds de commerce et 50 000 000 F CFP en remboursement des frais qu'elle a dû engager pour créer et lancer son fonds de commerce en pure perte ;
2°) de faire droit à ses conclusions présentées en première instance en annulant la décision implicite de rejet de sa réclamation préalable et en condamnant la Polynésie française à lui verser les sommes de 1 500 000 000 F CFP en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la perte de son fonds de commerce et 50 000 000 F CFP en remboursement des frais qu'elle a dû engager pour créer et lancer son fonds de commerce en pure perte ;
3°) à titre subsidiaire, de prescrire une expertise aux fins de déterminer le préjudice subi, notamment la valeur de son fonds de commerce et le montant des frais qu'elle a exposés pour créer et lancer ledit fonds de commerce ;
4°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française, modifiée par la loi organique n° 2007-1719 du 7 décembre 2007 tendant à renforcer la stabilité des institutions et la transparence de la vie politique en Polynésie française ;
Vu la loi n° 2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française ;
Vu l'ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010 portant fusion des autorités d'agrément et de contrôle de la banque et de l'assurance ;
Vu le code des assurances ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 juin 2012 :
- le rapport de Mme Folscheid, rapporteur,
- les conclusions de M. Jarrige, rapporteur public,
- et les observations de Me Froger, pour la SOCIETE MAXIMA, et de Me de Chaisemartin, pour la Polynésie française ;
Considérant que la SOCIETE MAXIMA, entreprise d'assurances crée en 2007, dont le siège est à Papeete, a commencé en janvier 2008 son activité, qu'elle exerce sous l'enseigne " La Tahitienne d'assurances ", sans avoir obtenu l'agrément prévu par l'article L. 321-1 du code des assurances ; qu'informée en septembre 2008 par le service des affaires économiques de la Polynésie française de l'obligation de disposer de cet agrément, obligation qui lui a été rappelée par courrier de ce service en date du 28 octobre 2008, elle a déposé un dossier de demande le 16 décembre 2008 en faisant part de son souhait, compte tenu de " l'urgence dans laquelle [elle se trouvait] d'avoir un arrêté confirmant la régularité de [son] existence (...) afin de rassurer [ses] réassureurs ", d'obtenir " dès jeudi soir ", soit dans les deux jours suivants, une " copie de l'arrêté d'agrément provisoire " ; que, par arrêté du 19 décembre 2008, le président de la Polynésie française lui a délivré cet agrément l'autorisant à exercer une activité d'assurance sur le territoire de la Polynésie française, en en limitant la durée jusqu'au 30 avril 2009 ; que, toutefois, avant l'expiration de ce délai, la même autorité a procédé au retrait de l'agrément par un nouvel arrêté du 16 avril 2009, lequel a été annulé par jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française en date du 1er juin 2010 dont il a été interjeté appel par la SOCIETE MAXIMA en ce qu'il a refusé de lui reconnaître un agrément définitif ; que par arrêt de ce jour n° 10PA04425 la Cour a confirmé le jugement du 1er juin 2010 ; que la SOCIETE MAXIMA, qui avait adressé le 25 juin 2010 une demande préalable à la Polynésie française en vue de l'indemnisation de son préjudice résultant de la carence de la Polynésie française à établir sa réglementation en matière d'assurances, ainsi que de l'illégalité de l'agrément provisoire et enfin de la diffusion d'une lettre circulaire du 8 juin 2009, a saisi le Tribunal administratif de la Polynésie française du rejet implicite opposé à cette demande et demandé la condamnation de la Polynésie française à réparer les préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait des diverses fautes commises par les autorités polynésiennes ; que par la présente requête, la SOCIETE MAXIMA relève régulièrement appel du jugement en date du 8 mars 2011 par lequel ce tribunal a rejeté sa demande ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de la production de l'intégralité du jugement attaqué que le moyen tiré du défaut de signature par le président et le rapporteur manque en fait ; que la société requérante n'est, par suite, pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier et à en demander pour ce motif l'annulation ;
Sur la responsabilité de la Polynésie française :
Considérant, en premier lieu, ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal administratif, qu'un agrément administratif préalable était exigé, avant comme après l'entrée en vigueur de la loi organique du 27 février 2004 qui a transféré la compétence en cette matière à la Polynésie française, des sociétés d'assurance exerçant leur activité en Polynésie française ; qu'en l'absence de nouvelles dispositions adoptées par la Polynésie française, celle-ci, en application de l'article 11 de la loi organique du 27 février 2004, a continué d'être régie par le régime en vigueur à la date de ladite loi organique ; qu'en l'espèce, étaient applicables les dispositions du code des assurances, notamment les articles L. 321-1 et L. 321-1-2 dans leur rédaction antérieure à la date d'entrée en vigueur de la loi n° 91-716 du 26 juillet 1991 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, ainsi que les articles R. 321-1 et R. 321-6 dans leur rédaction issue du décret 90-815 du 14 septembre 1990 ; que, toutefois, la compétence dévolue au ministre de l'économie et des finances par l'article R. 321-1 pour délivrer l'agrément a été transférée, par l'effet de la loi organique, au président de la Polynésie française ; que, par ailleurs, s'il est constant, comme le soutient la société requérante, que le respect de la formalité, prévue à l'article L. 321-1-2, de la saisine obligatoire par le ministre de la commission compétente du conseil national des assurances, ne pouvait plus être exigé à la date des faits litigieux, compte tenu de la suppression de cette instance par la loi n° 2003-706 du 1er août 2003, cette seule circonstance ne permet pas d'établir la nécessité d'une réglementation particulière pour la Polynésie française ou l'impossibilité de mettre en oeuvre la réglementation alors applicable, notamment l'article R. 321-6 fixant la liste des pièces à fournir à l'appui d'une demande d'agrément ; qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE MAXIMA avait été informée dès février 2007 par la direction générale du trésor et de la politique économique du ministre français de la nécessité de disposer d'un agrément délivré par la Polynésie française avant de commencer son activité ; qu'en revanche il ne résulte pas de l'instruction que les autorités polynésiennes lui auraient indiqué le contraire, ni que, contrairement à ce que soutient la SOCIETE MAXIMA, la délivrance d'un agrément définitif lui aurait été refusée par la Polynésie française au motif que celle-ci ne dispose pas de l'expertise technique requise ; qu'ainsi, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la carence des autorités polynésiennes à adopter une nouvelle réglementation ou à conclure, en application de l'article 164 de la loi organique, une convention avec les institutions compétentes en métropole pour se prononcer sur une demande d'agrément serait constitutive d'une faute à l'origine des préjudices qu'elle invoque ;
Considérant, en deuxième lieu, que s'il est constant qu'aucune disposition ne prévoit la délivrance d'un agrément à durée limitée, c'est à bon droit que le Tribunal administratif de la Polynésie française, dans son jugement du 1er juin 2010, a jugé que cette seule circonstance ne prive pas l'autorité compétente de la possibilité de prendre une telle mesure pour autant qu'elle soit justifiée par des circonstances particulières et que de telles circonstances justifiaient en l'espèce que l'agrément délivré à la SOCIETE MAXIMA le 19 décembre 2008 l'ait été à titre provisoire ; que la SOCIETE MAXIMA ne saurait sérieusement soutenir, compte tenu des termes mêmes, susrappelés, de sa demande du 16 décembre 2008, avoir été trompée sur la portée de l'agrément provisoire qui lui a été délivré ; que, par suite, la délivrance de cet agrément provisoire n'est constitutif d'aucune faute de nature à engager la responsabilité de la Polynésie française ; que par ailleurs si l'illégalité de l'arrêté portant retrait de l'agrément est constitutif d'une faute, il n'est ni établi, ni même allégué que celle-ci a pu avoir des conséquences dommageables, le retrait étant intervenu moins de 15 jours avant l'expiration dudit agrément ;
Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce que soutient la SOCIETE MAXIMA, il ne ressort pas des termes du jugement en date du 1er juin 2010 dont elle se prévaut et que la Cour a confirmé par arrêt de ce jour n° 10PA04425 que les premiers juges auraient, par ce jugement, expressément constaté que le dossier qu'elle avait présenté lors de la demande d'agrément était complet et qu'elle remplissait toutes les conditions fixées par la loi pour l'obtenir ; que le tribunal en effet s'est borné dans ce jugement à relever, d'une part, que l'agrément provisoire avait été délivré alors que l'attention de la Polynésie française avait été attirée sur le caractère incomplet du dossier, et qu'il n'était pas établi qu'elle aurait refusé l'agrément pour ce motif, d'autre part, qu'en tout état de cause, la situation devant être appréciée à la date du 16 avril 2009, date d'expiration de l'agrément, la Polynésie française ne démontrait pas qu'elle n'était pas à cette date en possession des documents manquants ; qu'en revanche il résulte de l'instruction que la Polynésie française a invité l'intéressée à plusieurs reprises, notamment par lettres adressées à la requérante les 26 mai 2009 et 3 juillet 2009, à compléter son dossier et que celle-ci s'est bornée en dernier lieu, le 7 août 2009, à adresser le double des pièces qu'elle avait jointes à sa demande initiale du 16 décembre 2008 sans produire plus qu'à cette date l'extrait du bulletin n° 3 du casier judiciaire de ses dirigeants sociaux ; qu'en tout état de cause, la seule circonstance, au demeurant non établie ainsi qu'il vient d'être dit, que la SOCIETE MAXIMA aurait présenté un dossier complet n'impliquait pas ipso facto la délivrance au terme d'un certain délai d'un agrément définitif ou la requalification de l'agrément provisoire en agrément définitif ; que, par suite, en ne délivrant pas un agrément définitif, la Polynésie française n'a commis aucune erreur de droit ou erreur manifeste d'appréciation ; qu'aucune faute de nature à engager sa responsabilité ne peut donc être retenue à ce titre ;
Considérant, en quatrième lieu, que dès lors que l'agrément délivré le 16 décembre 2008 était devenu caduc le 30 avril 2009 et qu'aucun autre agrément n'était intervenu, faute notamment pour la société requérante d'avoir complété son dossier de demande, la Polynésie française était fondée à obliger l'intéressée à cesser ses fonctions ainsi qu'elle l'a fait par lettre du 4 juin 2009 ; que dès lors que l'activité d'assurance est strictement réglementée, elle n'a commis aucune faute, et notamment aucun détournement de pouvoir, en diffusant la lettre circulaire du 8 juin 2009 informant les courtiers et intermédiaires d'assurance en Polynésie française de l'obligation ainsi faite à la SOCIETE MAXIMA de cesser ses fonctions ;
Considérant, en dernier lieu et au surplus, qu'il est constant que la SOCIETE MAXIMA a commencé son activité d'assurances près de onze mois avant d'obtenir un agrément provisoire alors que, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, elle avait été informée dès février 2007 par la direction générale du trésor et de la politique économique du ministre français de la nécessité de disposer d'un agrément délivré par la Polynésie française avant de commencer son activité et qu'il ne résulte pas de l'instruction que les autorités polynésiennes lui auraient indiqué le contraire ; que celles-ci en revanche l'avaient informée des difficultés rencontrées par la Polynésie française pour délivrer à une nouvelle société d'assurances l'agrément prévu par le code des assurances dans sa rédaction en vigueur localement ; qu'eu égard aux informations dont elle disposait, elle s'est sciemment exposée à un risque, qui ne lui ouvre pas droit à réparation, en se lançant dans un secteur d'activité très réglementé sans disposer de l'autorisation nécessaire ; que c'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu à son encontre l'exception d'un risque accepté pour écarter en tout état de cause toute indemnisation des préjudices dont la requérante se prévalait ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE MAXIMA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation de la Polynésie française à lui verser les sommes de 1 500 000 000 F CFP en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la perte de son fonds de commerce et 50 000 000 F CFP en remboursement des frais qu'elle a dû engager pour créer et lancer son fonds de commerce en pure perte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce soit mise à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la SOCIETE MAXIMA demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SOCIETE MAXIMA, par application des mêmes dispositions, une somme de 2 000 euros, au titre des frais exposés par la Polynésie française et non compris dans les dépens ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SOCIETE MAXIMA est rejetée.
Article 2 : La SOCIETE MAXIMA versera à la Polynésie française la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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