Vu la requête, enregistrée le 18 février 2011, présentée pour la SARL Dafil, dont le siège est 30, avenue Guy Môquet à Joinville (94340), par Me Halbout ; la SARL Dafil demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0607690/3 du 20 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2000 à 2002, ainsi que des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge des impositions et pénalités contestées ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 février 2013 :
- le rapport de Mme Oriol, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Dhiver, rapporteur public,
- les observations de Me Halbout, avocat de la SARL Dafil,
et connaissance prise de la note en délibéré enregistrée le 4 mars 2013, présentée par Me Halbout, avocat de la SARL Dafil ;
1. Considérant que la SARL Dafil, qui exerce une activité d'import-export d'appareils industriels, notamment des filtres à air, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos de 2000 à 2002, selon la procédure de rectification contradictoire ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration a mis à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt procédant de la réintégration à ses résultats imposables de charges fiscales et d'abandons de créances avec clause de retour à meilleure fortune regardés comme non déductibles ; que la SARL Dafil relève appel du jugement en date du 20 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions ;
Sur les droits :
En ce qui concerne les charges comptabilisées à la suite de l'émission d'un avis à tiers détenteur :
2. Considérant que le service a réintégré dans les résultats imposables de la SARL Dafil au titre de l'exercice clos le 29 février 2000, premier exercice non prescrit, des sommes de 52 908 euros et 4 498 euros comptabilisées en charges par l'intéressée après que le Trésor public eut décerné des avis à tiers détenteur destinés à recouvrer, d'une part, les cotisations de taxe professionnelle mises à sa charge au titre des années 1993 à 1996, majorée des pénalités de recouvrement et, d'autre part, des dettes de taxe sur la valeur ajoutée et de taxe sur les véhicules de société, assorties des pénalités correspondantes des années 1993 à 1998 ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " (...) Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés (...) " ;
4. Considérant que la SARL Dafil soutient que les charges correspondant aux dettes de taxe professionnelle et de taxe sur la valeur ajoutée n'ont pas été comptabilisées au cours des exercices où elles auraient dû être payées et ont revêtu par suite le caractère de dettes certaines dans leur principe et dans leur montant, autorisant leur déduction au titre de l'exercice de leur paiement, en l'occurrence l'exercice clos le 29 février 2000 ; que s'il est constant qu'une dette qui n'a pas été inscrite en comptabilité au titre de l'exercice où elle était pourtant certaine dans son principe et dans son montant peut être portée en comptabilité dans les résultats de l'exercice où elle a été effectivement acquittée, la SARL Dafil, en se bornant à évoquer des écritures de sa balance de l'exercice clos le 29 février 2000 faisant apparaître une dette de taxe professionnelle de 40 000 francs (6 098 euros), ne permet pas au juge de l'impôt d'apprécier si et comment le défaut de comptabilisation des charges fiscales litigieuses aurait eu pour conséquence une surestimation de son actif net à la clôture des exercices où elles auraient dû être comptabilisées et l'incidence de cette surestimation sur la variation de l'actif net au cours de l'exercice clos le 29 février 2000 ; qu'elle ne saurait à cet égard utilement invoquer la doctrine administrative référencée 4 A-215 n° 33 en date du 9 mars 2001 relative à l'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, dont les prévisions ne conduisent pas à une interprétation de la loi fiscale différente de celle qui en a été donnée ci-dessus ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a réintégré les sommes correspondant aux charges litigieuses dans ses résultats imposables dudit exercice ; que la circonstance, à la supposer établie, que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux charges en cause n'auraient pas fait l'objet d'une notification de redressements et d'une déduction des redressements d'impôt sur les sociétés en application de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales est sans incidence sur l'existence de la dette et, par suite, sur la solution du litige ;
5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 213 du code général des impôts applicable à l'époque du litige : " L'impôt sur les sociétés (...) et l'impôt sur le revenu ne sont pas admis dans les charges déductibles pour l'établissement de l'impôt. Il en est de même, sans préjudice des impôts et taxes dont la déduction ne peut être admise en vertu de l'article 39 1 4°, de la taxe visée à l'article 1010 " ; qu'aux termes de l'article 1010 du même code : " Les véhicules immatriculés dans la catégorie des voitures particulières, possédés ou utilisés par les sociétés, sont soumis à une taxe annuelle non déductible pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés (...) " ;
6. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que, pour la détermination des résultats d'une société soumise à l'impôt sur les sociétés, la taxe sur les véhicules de tourisme des sociétés n'est pas déductible ; que la SARL Dafil ne saurait donc soutenir qu'elle était en droit de déduire les charges afférentes à cette taxe au titre de l'exercice clos le 29 février 2000 ;
En ce qui concerne les charges comptabilisées au titre de remboursements d'abandons de créances avec clause de retour à meilleure fortune :
7. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 39 du code général des impôts applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : 1° Les frais généraux de toute nature (...) " ; que si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que, notamment, il appartient aux contribuables qui entendent se prévaloir des conséquences d'un abandon de créance de justifier au préalable de la réalité de ladite créance ;
8. Considérant, en premier lieu, que la SARL Dafil soutient qu'elle était fondée à déduire de ses résultats imposables des exercices en litige des charges exceptionnelles sur opérations de gestion consécutives aux remboursements d'abandons de créances que lui a consentis son gérant, à compter du 12 août 1987, en application d'une clause de retour à meilleure fortune prévue par des dispositions contractuelles dont le ministre ne conteste pas la réalité ; que, toutefois, comme le relève ce dernier, la SARL Dafil a comptabilisé les abandons de créances dont il s'agit en produits exceptionnels sur opérations de gestion, de 1992 à 1995, pour un montant non contesté de 4 909 530 francs (748 453 euros) ; qu'alors que les charges exceptionnelles correspondant aux remboursements des abandons de créance en cause ne pouvaient excéder ce montant, la SARL Dafil a néanmoins comptabilisé en charges exceptionnelles sur opération de gestion, au titre des exercices clos de 1997 à 2002, la somme globale de 7 096 811 francs (1 081 901 euros) ; que le service a par suite remis en cause le principe de la déductibilité de la somme de 333 448 euros correspondant à la différence entre ces deux sommes, au motif qu'elle ne correspondait pas à l'existence d'une dette certaine de la SARL Dafil auprès de son gérant qui serait redevenue exigible à l'issue d'un retour à meilleure fortune ; que l'intéressée soutient néanmoins que l'existence de cette dette a été confirmée par le Tribunal de grande instance de Créteil, lequel, dans un jugement devenu définitif rendu le 20 novembre 2006, a relaxé son dirigeant du délit d'abus de bien ou de crédit d'une SARL par un gérant à des fins personnelles, alors qu'il était prévenu pour avoir détourné, du 1er janvier 2000 au 25 novembre 2003, une somme de 378 215 euros faussement enregistrée en comptabilité ;
9. Considérant que les constatations de fait qui sont le support nécessaire d'un jugement définitif rendu par juge pénal s'imposent au juge de l'impôt ; qu'en revanche, l'autorité de la chose jugée par la juridiction pénale ne saurait s'attacher aux motifs d'une décision de relaxe tirés de ce que les faits reprochés au contribuable ne sont pas établis et de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité et, notamment, sur la nature des opérations effectuées ; que par suite, en présence d'un jugement définitif de relaxe rendu par le juge répressif, il appartient au juge de l'impôt, avant de porter lui-même une appréciation sur la matérialité et la qualification des faits au regard de la loi fiscale, de rechercher si cette relaxe était ou non fondée sur des constatations de fait qui s'imposent à lui ;
10. Considérant qu'il ressort des termes du jugement du 20 novembre 2006 invoqué par la SARL Dafil que si le Tribunal de grande instance de Créteil a constaté que son gérant avait apporté des éléments de nature à justifier une créance sur la société antérieure aux années 90 non comptabilisé par les commissaires aux comptes, un doute subsistait néanmoins sur le montant de la créance du prévenu sur la société ; que, contrairement à ce que soutient la SARL Dafil, il ne résulte de ces motifs aucune constatation de fait imposant au juge de l'impôt, en vertu de l'autorité de la chose jugée, de considérer que la somme de 378 215 euros en litige représentait une créance de son dirigeant sur la société correspondant aux abandons de créances qu'il lui aurait consentis sans qu'elle ne comptabilise les produits exceptionnels correspondants ;
11. Considérant, en second lieu, que la SARL Dafil soutient, à titre subsidiaire, que les charges exceptionnelles litigieuses de 333 448 euros correspondent à des loyers qu'elle doit à son dirigeant, ce dernier lui permettant d'occuper ses locaux à titre gratuit pour ne pas mettre en péril sa situation financière déjà précaire ; qu'elle produit à l'appui de ses allégations les balances générales des exercices clos les 28 février 2002 et 2003 et le 29 février 2004 faisant état de l'absence de comptabilisation des loyers litigieux, portés en engagements hors bilan, et l'avenant n° 2 au bail du 30 septembre 1994 conclu avec son gérant et enregistré le 10 mai 2001 à la recette des impôts de Paris 8ème Roule-Artois ; que, cependant, et bien que la réalité de ces charges soit établie par les pièces fournies, ce défaut de comptabilisation au compte 613 " locations " doit être regardé comme ayant eu un caractère délibérément irrégulier ; que, dès lors, sans que la SARL Dafil puisse utilement invoquer la doctrine administrative référencée 4 A-2163 n° 59 et 60 du 9 mars 2001 relative aux abandons de créances assortis d'une clause de retour à meilleure fortune, dont les prévisions ne conduisent pas à une interprétation de la loi fiscale différente de celle qui en a été donnée ci-dessus, l'administration était fondée à réintégrer les sommes de 157 918 euros et 175 530 euros dans les résultats imposables de la SARL Dafil au titre des exercices clos respectivement les 28 février 2001 et 2002 ;
Sur les pénalités :
12. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts dans sa rédaction applicable jusqu'au 1er juin 2004 : " 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 % si la mauvaise foi de l'intéressé est établie (...) " ; que, pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'administration d'apporter la preuve de l'intention délibérée du contribuable d'éluder l'impôt ;
13. Considérant que le ministre fait valoir que la SARL Dafil a irrégulièrement comptabilisé des charges sur l'ensemble des exercices vérifiés, alors que ce grief, portant sur les mêmes irrégularités, avait déjà été formulé à son encontre lors de précédents contrôles portant sur les mêmes points techniques ; que l'administration a donc pu déduire de ces circonstances une intention délibérée de la part de la SARL Dafil de se soustraire à l'impôt sur les sociétés et a ainsi établi son absence de bonne foi ; qu'elle était, dans ces conditions, fondée à faire application de la majoration exclusive de bonne foi prévue par l'article 1729 précité du code général des impôts ;
14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Dafil n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos de 2000 à 2002, ainsi que des pénalités correspondantes ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SARL Dafil une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Dafil est rejetée.
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N° 11PA00883
Classement CNIJ :
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