Vu la requête, enregistrée le 17 février 2011, présentée pour la SAS Rottapharm, dont le siège est situé 83/85, boulevard Vincent Auriol à Paris (75 013), par Me Escaut et Me Rivière ; la SAS Rottapharm demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0710638 en date du 7 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2001 et 2002, ainsi que des pénalités correspondantes ;
2°) de prononcer la décharge des impositions contestées pour un montant de 220 487 euros, de rétablir ses déficits à hauteur de 2 300 041 euros au titre de l'exercice clos en 2001 et de 2 861 302 euros au titre de l'exercice clos en 2002, et de rétablir la créance née du report en arrière de ses déficits à hauteur de 152 397 euros ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 mars 2013 :
- le rapport de Mme Oriol, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Dhiver, rapporteur public,
- et les observations de Me Brunschwig, avocat de la SAS Rottapharm ;
1. Considérant que la SAS Rottapharm, qui a pour activité le négoce de produits pharmaceutiques et parapharmaceutiques, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2001 et 2002, selon la procédure de rectification contradictoire ; qu'à l'issue de ce contrôle, l'administration a réduit les déficits déclarés de la SAS Rottapharm au titre des exercices 1999 et 2000, lesquels ont eu une incidence sur les exercices clos en 2001 et 2002, et mis à sa charge au titre desdits exercices des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt procédant, notamment, de la réintégration à ses bénéfices imposables de divers frais regardés comme constitutifs d'actes anormaux de gestion ; que la SAS Rottapharm fait appel du jugement en date du 7 décembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;
Sur le bien-fondé des impositions contestées :
2. Considérant qu'il résulte des articles 38 et 39 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, que le bénéfice net est établi sous déduction des charges supportées dans l'intérêt de l'entreprise ; que ne peuvent être déduites du bénéfice net passible de l'impôt sur les sociétés celles étrangères à une gestion commerciale normale ; que c'est au regard du seul intérêt propre de l'entreprise que l'administration, à qui il n'appartient toutefois pas de se prononcer sur l'opportunité du choix arrêté par une entreprise pour sa gestion, doit apprécier si les charges engagées correspondent à des actes de gestion commerciale normale ; que cet intérêt n'est pas méconnu lorsqu'une entreprise se livre à des opérations dans des conditions présentant pour elle un caractère avantageux ; qu'il en va autrement si, compte tenu des circonstances dans lesquelles elle intervient et de l'objet qu'elle poursuit, la comptabilisation d'une charge excède manifestement les risques qu'un chef d'entreprise peut, eu égard aux circonstances, être conduit à prendre, dans une situation normale, pour améliorer les résultats de son entreprise ;
En ce qui concerne les frais de lancement et de promotion du produit Dermestril :
3. Considérant que la SAS Rottapharm a pris en charge les frais de lancement et de promotion sur le marché français, au cours des exercices en litige, du produit Dermestril de la classe G3C des oestrogènes, utilisé dans le cadre du traitement hormonal substitutif (THS), dont le droit de distribution lui a été concédé par sa société mère, la société néerlandaise Rotta Research International, elle-même détenue par la société de droit italien Rottapharm SPA, représentant entre 55,26 % et 40,81 % du chiffre d'affaires de la spécialité au cours des années 1999 à 2002 ; qu'à l'issue de la vérification de comptabilité de la SAS Rottapharm, l'administration a limité la déductibilité de ces frais en retenant un taux moyen de 12 % en estimant que la part des dépenses excédant ce pourcentage n'avait pas été engagée dans l'intérêt propre de la société, mais dans celui du groupe Rottapharm qui lui avait demandé d'engager ces frais à un tarif imposé ne lui permettant pas de couvrir ses charges d'exploitation alors qu'elle était déficitaire ;
4. Considérant que la société requérante fait valoir qu'elle réalisait des bénéfices sur le produit Extranase pour lequel elle ne disposait d'aucune force de vente et était confrontée au déremboursement de ce produit et qu'elle devait, dès lors, se positionner sur un marché prometteur comme en atteste l'intérêt de différentes sociétés dans plusieurs pays à l'époque ; que, toutefois, elle ne justifie pas de l'importance des moyens de promotion mis en oeuvre en 1999 pour la distribution du seul produit Dermestril, d'ailleurs déjà commercialisé antérieurement et dont elle n'avait pas l'exclusivité dans un marché certes prometteur mais fortement concurrentiel, où la part de marché de ce produit n'était que de 6 % alors que le seuil de rentabilité qui aurait dû être atteint en 2002 imposait qu'elle doublât son chiffre d'affaires ; que, dès 1998, une première étude américaine citée par le ministre relevait les risques médicaux potentiels d'une utilisation du THS pour les femmes ménopausées, s'agissant notamment des maladies thromboemboliques et de vésicule biliaire, suivie d'autres études concordantes dont la dernière, en 2002, a mis en évidence les liens entre différentes pathologies notamment les cancers du sein et les accidents vasculaires cérébraux avec les traitements hormonaux substitutifs ; que la SAS Rottapharm ne justifie pas davantage la poursuite de l'engagement de dépenses de promotion d'un tel montant pour les années ultérieures, alors qu'à compter de la prise en charge de ces frais, ses résultats sont devenus structurellement déficitaires, que la progression du chiffre d'affaire annuel du produit Dermestril n'a été que de 14,7 % entre 1999 et 2000 et de 9 % entre 2000 et 2001 et qu'elle a dû recourir à un emprunt auprès d'une société irlandaise du même groupe à partir de l'année 2000 pour pouvoir financer les frais litigieux ; qu'ainsi, le service qui n'était pas tenu de retenir des termes de comparaison, établit que la prise en charge par la SAS Rottapharm des frais de promotion du produit Dermestril pour une part excédant 12 % de son chiffre d'affaires, qui correspond au taux moyen pour les entreprises du secteur pharmaceutique ainsi qu'il ressort de la lettre du 18 avril 2005 adressée à la société requérante par le directeur général adjoint de l'organisation syndicale des industries pharmaceutiques, a constitué un acte étranger à une gestion commerciale normale ; qu'à cet égard, la SAS Rottapharm ne saurait se prévaloir de la problématique des prix de transfert et de la méconnaissance de l'article 57 du code général des impôts sur lequel le service ne s'est pas fondé ; qu'enfin, en se bornant à soutenir que la prise en charge des frais de promotion du médicament Thais par la société Besins Iscovesco s'est effectuée dans des conditions relativement semblables, la SAS Rottapharm n'apporte aucun élément tendant à remettre en cause la limitation par le service du montant des frais de promotion en litige à 12 % de son chiffre d'affaires des exercices en litige ;
En ce qui concerne les frais financiers de l'emprunt contracté auprès de la société irlandaise Rotta Finance West Bloch IFSC :
5. Considérant que la SAS Rottapharm, pour financer la prise en charge des frais de lancement et de promotion du produit Dermestril, a contracté un emprunt auprès d'une des sociétés du groupe Rottapharm, la société irlandaise Rotta Finance West Block IFSC établie à Dublin, pour un montant de 1 500 000 euros, moyennant des intérêts de 43 283 euros, 76 461 euros et 60 756 euros au titre des exercices clos respectivement en 2000, 2001 et 2002 ; que le service a remis en cause la déductibilité desdits intérêts au motif que le recours à l'emprunt était la conséquence directe et exclusive de l'acte anormal de gestion procédant de la prise en charge par la SAS Rottapharm des frais de promotion du produit Dermestril, alors qu'elle ne disposait pas des ressources suffisantes pour les financer ;
6. Considérant qu'il résulte ce qui vient d'être dit au point 4 que les frais de promotion du produit Dermestril engagés au-delà d'un certain montant ne relèvent pas d'une gestion commerciale normale ; que, par voie de conséquence, le recours à l'emprunt pour assurer de telles dépenses ne l'est pas davantage ; que, par suite, c'est à bon droit que le service a remis en cause la déduction des intérêts de cet emprunt et les a réintégrés dans les résultats imposables de la société des exercices clos de 2000 à 2002 ;
En ce qui concerne les frais de lancement et de promotion du produit Saugella :
7. Considérant qu'en vertu des dispositions combinées des articles 38, 39 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale ; que les avantages octroyés par une entreprise au profit d'une autre entreprise, fût-elle sa société mère, ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages, l'entreprise a agi dans son propre intérêt ; que, s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que l'avantage octroyé constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ;
8. Considérant que dans la perspective de la distribution en France des produits Saugella à compter du 1er janvier 2001, la SAS Rottapharm a facturé en 2000 à la société italienne Rottapharm SPA, propriétaire de la marque Saugella, le remboursement des frais de lancement et de promotion de ce produit à hauteur d'une somme de 2 400 000 francs (365 577 euros) correspondant à la mobilisation d'une force de vente, de mars à juillet 2000 ; qu'à l'issue de la vérification de comptabilité de la SAS Rottapharm, l'administration a remis en cause la refacturation sans marge de ces frais au motif qu'elle était constitutive d'un acte anormal de gestion ;
9. Considérant que pour justifier la prise en charge des frais litigieux, la SAS Rottapharm se prévaut de ce qu'en tant que futur distributeur des produits Saugella en France, elle était fondée à se faire rembourser sans marge par sa société mère italienne les frais de promotion litigieux ; que, toutefois, il résulte de l'instruction qu'au moment où ces derniers ont été engagés, la société M 3 G Distribution était toujours titulaire d'un contrat de distribution exclusive du produit Saugella en France et que son contrat de location gérance avec la société Oberlin, précédent propriétaire de la marque Saugella, n'avait pas été résilié ; que s'il était loisible à la société italienne Rottapharm SPA de prendre en charge les frais de lancement et de promotion des produits Saugella en tant que propriétaire de cette marque, la SAS Rottapharm, qui n'en était alors pas le distributeur légal, ne justifie pas de l'intérêt commercial de se faire rembourser les frais litigieux sans appliquer de taux de marge ; que l'intéressée, qui ne conteste pas les faits, ne se prévaut d'aucune contrepartie qu'elle aurait retirée en se privant des recettes auxquelles elle aurait pu prétendre si elle avait appliqué un taux de marge conforme aux pratiques de la profession et évalué par le service à 10 % ; que, dans ces conditions, et alors en outre que la SAS Rottapharm se trouvait, ainsi qu'il a été dit, dans une situation déficitaire, le service doit être regardé comme démontrant qu'en acceptant de prendre en charge le remboursement des frais de lancement et de promotion des produits Saugella sans exiger qu'ils soient couverts par un taux de marge suffisant, la SAS Rottapharm a consenti au groupe Rottapharm une aide dépourvue de contreparties, à juste titre regardée comme constitutive d'un acte anormal de gestion ; qu'elle n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que le service a réintégré dans ses résultats imposables de l'exercice clos en 2000, dont le déficit a été imputé sur l'exercice 2001, premier exercice non prescrit, 10 % des frais litigieux ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SAS Rottapharm n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge des impositions contestées et de rétablissement tant de ses déficits constatés que de la créance née du report en arrière de ses déficits ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SAS Rottapharm la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SAS Rottapharm est rejetée.
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N° 11PA00847
Classement CNIJ :
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