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06/12/2012 | FRANCE | N°11NT02999

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 06 décembre 2012, 11NT02999


Vu, I, sous le n° 11NT02999, la requête, enregistrée le 21 novembre 2011, présentée pour le département d'Eure-et-Loir, représenté par le président du conseil général en exercice, par Me Pierson, avocat au barreau de Paris ; le département d'Eure-et-Loir demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 10-4262 du 22 septembre 2011 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il l'a condamné, solidairement avec la SNCF, à verser à la compagnie Zurich Versischerung AG la somme de 33 731 euros en réparation des préjudices résultant de la collision entre un ensemble

routier dont elle était l'assureur et un train corail à un passage à niveau...

Vu, I, sous le n° 11NT02999, la requête, enregistrée le 21 novembre 2011, présentée pour le département d'Eure-et-Loir, représenté par le président du conseil général en exercice, par Me Pierson, avocat au barreau de Paris ; le département d'Eure-et-Loir demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 10-4262 du 22 septembre 2011 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il l'a condamné, solidairement avec la SNCF, à verser à la compagnie Zurich Versischerung AG la somme de 33 731 euros en réparation des préjudices résultant de la collision entre un ensemble routier dont elle était l'assureur et un train corail à un passage à niveau situé à proximité de la gare de Saint Prest ;

2°) de rejeter la demande de la compagnie Zurich Versischerung AG ;

3°) à titre subsidiaire, d'admettre que le conducteur du véhicule, d'une part, et la SNCF, d'autre part, ont chacun commis des fautes de nature à atténuer sa propre responsabilité ;

4°) de mettre à la charge de la compagnie Zurich Versischerung AG la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu, II, sous le n° 11NT03135, la requête, enregistrée le 2 décembre 2011, présentée pour la Société Nationale des Chemins de Fer Français (SNCF), par Me Viaud, avocat au barreau de Nantes ; la SNCF demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 10-4262 du 22 septembre 2011 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il l'a condamnée, solidairement avec le département d'Eure-et-Loir, à verser à la compagnie Zurich Versischerung AG la somme de 33 731 euros en réparation des préjudices résultant de la collision entre un ensemble routier dont celle-ci était l'assureur et un train corail à un passage à niveau situé à proximité de la gare de Saint Prest ;

2°) de rejeter la demande de la compagnie Zurich Versischerung AG ;

3°) de mettre à la charge de celle-ci la somme de 2 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de la route ;

Vu le code de la voirie routière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2012 :

- le rapport de Mme Gélard, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- les observations de Me Flynn, substituant Me Viaud, avocat de la SNCF ;

- et les observations de Me Silva, substituant Me Creissen, avocat de la compagnie Zurich Versischerung AG ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 27 novembre 2012, présentée pour le département d'Eure-et-Loir ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 28 novembre 2012, présentée pour la SNCF ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 30 novembre 2012, présentée pour la compagnie Zurich Versischerung AG ;

1. Considérant que les requêtes nos 11NT02999 et 11NT03135 du département d'Eure-et-Loir et de la SNCF sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'il soit statué par un seul arrêt ;

2. Considérant que le 30 janvier 2007, vers 17 heures 15, une collision a eu lieu au passage à niveau n° 37 situé sur la route départementale (RD) 6 à proximité de la gare de Saint Prest entre un ensemble routier constitué d'un tracteur et d'une remorque appartenant à la société de transport ANM et un train de type corail en provenance de Chartres ; que, les barrières du passage à niveau s'étant abaissées entre le tracteur du camion et sa remorque dès lors immobilisés sur la voie, la collision avec le train n'a pu être évitée, occasionnant des dommages matériels, lesquels ont été pris en charge par l'assureur du véhicule, la compagnie Zurich Versischerung AG ; que cette dernière, subrogée dans les droits de son assuré, a saisi le tribunal administratif d'Orléans le 14 décembre 2010 d'une demande tendant à la condamnation solidaire de la SNCF et du département d'Eure-et-Loir à lui verser la somme de 64 666,69 euros, portée dans le dernier état de ses écritures à 67 462,69 euros ; que, par un jugement du 22 septembre 2011 le tribunal administratif a condamné solidairement le département d'Eure-et-Loir et la SNCF à lui verser la somme globale de 33 731 euros en réparation des conséquences dommageables résultant de cet accident ; que, par deux requêtes distinctes, le département d'Eure-et-Loir, d'une part, et la SNCF, d'autre part, font appel de ce jugement en tant qu'il a prononcé leur condamnation solidaire ; que, par la voie de l'appel incident, la compagnie Zurich Versischerung AG demande à la cour de porter la somme qui lui a été allouée par les premiers juges à 67 462,69 euros ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et les voies de communication à l'intérieur des agglomérations, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'Etat dans le département sur les routes à grande circulation (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 3221-4 du même code : " Le président du conseil général gère le domaine du département. A ce titre, il exerce les pouvoirs de police afférents à cette gestion, notamment en ce qui concerne la circulation sur ce domaine, sous réserve des attributions dévolues aux maires par le présent code et au représentant de l'Etat dans le département ainsi que du pouvoir de substitution du représentant de l'Etat dans le département prévu à l'article L. 3221-5 (...) " ;

4. Considérant, d'une part, que le passage à niveau n° 37 sur lequel s'est produit l'accident en litige est situé à l'intersection de la RD 6 sur le territoire de la commune de Saint Prest ; qu'ainsi, en vertu des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales, seul le maire de cette commune était compétent, au titre de son pouvoir de police de la circulation, pour interdire ou limiter la circulation des poids lourds sur cette portion de voie située en agglomération ; que, par suite, c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la responsabilité du département d'Eure-et-Loir pouvait être engagée à raison d'une carence du président du conseil général dans l'exercice de ses pouvoirs de police de la circulation ;

5. Considérant, d'autre part, qu'il ne résulte pas des pièces du dossier qu'en ne réalisant pas les travaux qui avaient été envisagés au cours des années 2001 et 2002 aux alentours du passage à niveaux afin de réduire les files d'attente des véhicules pour accéder au parking de la gare, et auxquels se sont substitués d'autres travaux réalisés par la commune, le département d'Eure-et-Loir aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

6. Considérant, en revanche, que ni le département d'Eure-et-Loir, ni la SNCF ne pouvaient ignorer l'intensité du trafic ferroviaire sur la ligne reliant Chartres à Paris et le caractère particulièrement dangereux pour les véhicules longs de type poids-lourds de l'intersection entre le passage à niveau n° 37 et la RD 6 où s'est produit l'accident ; qu'en particulier, le conducteur du train accidenté a affirmé qu'il n'avait été en mesure d'apercevoir le camion bloqué sur les voies qu'au dernier moment en raison de la courbe située à l'approche de la gare de Saint Prest ; que si le procès-verbal de synthèse établi le 2 avril 2007 par la gendarmerie dans le cadre de la procédure d'enquête préliminaire précise que les installations ferroviaires fonctionnaient correctement lors de l'accident, il mentionne également que les 15 secondes de temporisation prévues entre le début de l'alarme sonore et la fermeture complète des barrières étaient insuffisantes pour permettre à un ensemble routier tel que celui accidenté de traverser les deux voies ferrées ; qu'il n'est pas établi qu'une signalisation appropriée à destination des conducteurs de poids-lourds aurait été mise en place à proximité immédiate du passage à niveau ou en amont sur la RD 6, pour signaler la dangerosité des lieux et inviter les conducteurs de véhicules longs à une vigilance particulière ; que, dans ces conditions, et alors même que les pouvoirs de police de la circulation relevaient, ainsi qu'il a été dit ci-dessus de la compétence du maire de la commune, que les voies appartenaient à Réseau Ferré de France et que les prescriptions techniques étaient respectées en ce qui concerne le fonctionnement et la temporisation des barrières de sécurité du passage à niveau, le département d'Eure-et-Loir, chargé de la gestion et de l'entretien de la voirie départementale, et la SNCF, qui doit assurer une mission d'entretien des infrastructures ferroviaires appartenant à Réseau Ferré de France, et notamment des passages à niveau, ne peuvent, en ce qu'ils n'ont pas mis en place cette signalisation spécifique, être en l'espèce regardés comme ayant assuré l'entretien normal des ouvrages litigieux que constituaient à la fois la RD 6 et le passage à niveau n° 37 ; que c'est par suite à juste titre que les premiers juges ont estimé que leur responsabilité solidaire devait être engagée à raison de ces fautes ;

7. Considérant toutefois que si, ainsi qu'il ressort des témoignages recueillis lors de l'enquête, le chauffeur du camion n'avait plus la possibilité de reculer lorsqu'il s'est retrouvé bloqué sur les voies à l'approche du train, en raison de la présence d'autres véhicules situés derrière lui, il résulte de l'instruction et notamment des procès-verbaux de gendarmerie que ce dernier, qui en tout état de cause avait la faculté de forcer le passage à l'avant en brisant les barrières protégeant les voies ferrées, connaissait les lieux pour les emprunter une fois par semaine et ne pouvait ignorer le laps de temps s'écoulant entre le signal lumineux et l'abaissement des barrières ; qu'en dépit de la configuration du passage à niveau et des caractéristiques de son véhicule, il n'a pas choisi d'emprunter l'itinéraire conseillé de contournement de l'agglomération de Chartres, qui lui aurait permis d'éviter cette intersection ; que, ce faisant, il doit être regardé comme ayant commis une imprudence ayant contribué à la réalisation de l'accident ;

8. Considérant qu'eu égard à ce qu'il vient d'être dit, en condamnant le département d'Eure-et-Loir et la SNCF à réparer solidairement 50 % des dommages résultant de l'accident pris en charge par la compagnie Zurich Versischerung AG, les premiers juges ont fait une exacte appréciation de la situation ; que cette dernière société justifie avoir acquitté une somme globale de 67 462,69 euros à raison des conséquences dommageables de l'accident ; que, compte tenu de la part de responsabilité du chauffeur du véhicule dont elle était l'assureur, elle n'est dès lors pas fondée à soutenir qu'en lui allouant la somme de 33 731 euros les magistrats de première instance auraient insuffisamment évalué son préjudice ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le département d'Eure-et-Loir, d'une part, et la SNCF, d'autre part, ne sont pas fondés à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a prononcé leur condamnation solidaire ; que, pour les mêmes motifs, il y a lieu de rejeter les conclusions d'appel incident présentées par la compagnie Zurich Versischerung AG ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes n° 11NT02999 du département d'Eure-et-Loir et n°11NT03135 de la SNCF sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions du département d'Eure-et-Loir présentées dans l'instance n° 11NT03135 tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées dans les instances susvisées par la compagnie Zurich Versischerung AG sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au département d'Eure-et-Loir, à la SNCF et à la compagnie Zurich Versischerung AG.

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Nos 11NT02999, 11NT03135


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 11NT02999
Date de la décision : 06/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : PIERSON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2012-12-06;11nt02999 ?
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