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14/03/2013 | FRANCE | N°11NT02593

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 14 mars 2013, 11NT02593


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 13 septembre et 18 octobre 2011, présentés pour M. A... C..., demeurant..., par Me Heckmann, avocat au barreau de Paris ; M. C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 10-4474 du 23 juin 2011 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 887 763 euros, portée à 1 000 000 euros, en réparation des dommages occasionnés à son exploitation en raison des erreurs commises par le préfet de Loir-et-Cher

dans le cadre de la procédure de remembrement de la commune de Villerbo...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 13 septembre et 18 octobre 2011, présentés pour M. A... C..., demeurant..., par Me Heckmann, avocat au barreau de Paris ; M. C... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 10-4474 du 23 juin 2011 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 887 763 euros, portée à 1 000 000 euros, en réparation des dommages occasionnés à son exploitation en raison des erreurs commises par le préfet de Loir-et-Cher dans le cadre de la procédure de remembrement de la commune de Villerbon ainsi que la somme de 45 000 euros en réparation de son préjudice moral et à ce qu'il soit enjoint à ce préfet de prendre en charge les travaux de canalisation nécessaires à l'irrigation de sa parcelle ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 549 343 euros, et au préalable une provision de 200 000 euros en cas d'expertise, en réparation de ses préjudices ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural et de la pêche maritime ;

Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968, modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 février 2013 :

- le rapport de Mme Gélard, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Degommier, rapporteur public ;

- et les observations de Me Heckmann, avocat de M.C... ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 20 février 2013 présentée pour M.C... ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 22 février 2013 présentée pour le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt ;

1. Considérant que M. C..., qui exploitait des parcelles appartenant au groupement foncier agricole de la Pierre Percée et à Mme B..., situées sur le territoire de la commune de Villerbon, fait appel du jugement du 23 juin 2011 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 1 million d'euros en réparation des dommages occasionnés à son exploitation par les irrégularités et manquements commis par le préfet de Loir-et-Cher dans le cadre de la procédure de remembrement de la commune ainsi que la somme de 45 000 euros en réparation de son préjudice moral, et à ce qu'il soit enjoint au préfet de prendre en charge les travaux de canalisation nécessaires à l'irrigation de ses parcelles ; qu'en appel, il porte ses conclusions à la somme globale de 1 549 343 euros ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué ;

2. Considérant que, lors de sa séance du 23 novembre 2001 la commission nationale d'aménagement foncier a estimé que, pour rétablir le potentiel d'irrigation du groupement foncier agricole (GFA) de la Pierre Percée tel qu'il existait à la date de l'arrêté ordonnant le remembrement de Villerbon, il convenait de prévoir, dans les travaux connexes à la charge de l'association foncière de remembrement, la mise en place d'une canalisation enterrée d'irrigation 140/160, avec raccordement sur le réseau existant du groupement ; qu'en son article 12, elle a ainsi indiqué qu'"au titre des travaux connexes l'association foncière assumera la fourniture et la mise en place d'une canalisation d'irrigation enterrée d'environ 1 250 m, à partir du réseau du GFA de la Pierre Percée, pour permettre l'amenée d'eau aux parcelles attribuées ZO 24, ZO 23, ZO 22 et J au lieudit "Les Madeleines" ; qu'il est constant qu'à ce jour, ces travaux n'ont toujours pas été réalisés ;

3. Considérant que si l'absence de réalisation des travaux ou ouvrages décidés par la commission communale, départementale ou nationale d'aménagement foncier est susceptible d'engager la responsabilité de l'association foncière chargée de leur réalisation, il ne résulte d'aucune disposition du code rural et de la pêche maritime que les propriétaires ou exploitants soient par principe privés de toute action en responsabilité contre l'Etat lorsqu'un agissement ou une décision de celui-ci est à l'origine de l'inexécution de la décision de la commission d'aménagement foncier ou l'a favorisée ;

4. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la commission nationale d'aménagement foncier a expressément admis la nécessité des travaux d'irrigation des parcelles exploitées par M.C... ; que, par un courrier du 14 décembre 2005 adressé au trésorier payeur général puis transmis au préfet de Loir-et-Cher, M. C... s'est plaint notamment du fait que cette décision n'avait pas été exécutée ; qu'il rappelait qu'en vertu de l'article 14 de cette décision le préfet était chargé d'en assurer l'exécution, et invoquait le pouvoir de tutelle de ce dernier sur l'association foncière de remembrement ; que, dans son courrier du 2 mars 2007 adressé au préfet le requérant a sollicité une audience afin " d'aborder les problèmes liés au remembrement ", a rappelé que l'article 12 de la décision de la commission nationale d'aménagement foncier n'avait pas été exécuté, faisant référence à la décision du Conseil d'Etat du 15 octobre 2004 statuant à la demande d'un autre exploitant sur la légalité de cette décision, et a mis le préfet en demeure de faire réaliser les travaux en invoquant à nouveau son pouvoir de tutelle ; qu'en dépit de ces courriers, le préfet de Loir-et-Cher s'est borné en première instance à indiquer que l'association foncière de Villerbon qui était en " sommeil " avait élu son président et que les dépenses relatives aux travaux litigieux avaient été inscrites à son budget ; qu'il est toutefois constant que la décision du 23 novembre 2001 de la commission nationale d'aménagement foncier n'a toujours pas été exécutée à ce jour ; qu'en ne mettant pas en oeuvre dans un délai raisonnable et malgré les réclamations dont il avait été saisi tous les pouvoirs dont il disposait en vue de l'exécution de cette décision et de la réalisation des travaux d'irrigation en cause, le préfet doit, dans ces conditions, être regardé comme ayant commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat ;

5. Considérant, toutefois, que la décision dont M. C... a demandé au préfet de Loir-et-Cher d'assurer l'exécution lui a été notifiée le 2 mai 2002 ; que l'intéressé, qui n'était pas partie aux procédures ayant conduit à la décision susvisée du Conseil d'Etat du 15 octobre 2004, a attendu le 30 décembre 2010 pour saisir le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à la condamnation de l'Etat pour défaut d'exécution de cette décision, alors qu'aucune réponse concrète n'avait été apportée à ses courriers des 14 décembre 2005 et 2 mars 2007 ; qu'ainsi, M. C... doit être regardé, par son comportement attentiste, comme ayant contribué à la réalisation des préjudices qu'il invoque, dans une proportion qui sera évaluée à

50 % ;

6. Considérant que M. C... soutient que son exploitation a subi des pertes de production en raison du défaut d'irrigation des parcelles litigieuses, lequel a également entraîné une diminution de sa capacité d'investissement ainsi que des frais financiers et d'hypothèque d'un appartement, et qu'il a été dans l'impossibilité de céder son exploitation en raison de son caractère peu viable ; que le requérant, dont la santé se serait dégradée depuis 1992, indique par ailleurs que l'inertie de l'administration a rendu très difficiles ses conditions de travail, lui a occasionné un préjudice moral certain ainsi que des troubles dans ses conditions d'existence ; que, toutefois, M.C..., dont l'action n'était pas prescrite, ne peut être indemnisé que des préjudices, liés à l'exploitation des parcelles litigieuses dont il n'est pas propriétaire, dont il établit qu'ils présentent un lien direct et certain avec la faute des services de l'Etat et pour lesquels il a apporté, avant la clôture de l'instruction, suffisamment d'éléments justificatifs ; qu'eu égard aux éléments soumis à l'appréciation de la cour par le requérant, dont l'exploitation a continué de fonctionner depuis la réalisation des opérations de remembrement qui sont à l'origine du présent litige, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre relative au quantum des conclusions présentées en appel, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'évaluer à 100 000 euros l'ensemble des préjudices mentionnés ci-dessus subis par M. C... ; que compte tenu de la part de responsabilité restant à la charge de ce dernier, il y a lieu de condamner l'Etat à verser au requérant la somme de 50 000 euros ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir

que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Considérant que si M. C... a entendu demander à la cour d'ordonner elle-même la construction des canalisations nécessaires à son exploitation, de telles conclusions ne relèvent pas de la compétence du juge administratif ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, en application de ces dispositions, le versement à M. C... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n°10-4474 du tribunal administratif d'Orléans en date du 23 juin 2011 est annulé.

Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. C...la somme de 50 000 euros tous intérêts et taxes confondus.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. C...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C...et au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

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N° 11NT02593


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 11NT02593
Date de la décision : 14/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme PERROT
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: M. DEGOMMIER
Avocat(s) : HECKMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2013-03-14;11nt02593 ?
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