Vu le recours, enregistré le 4 août 2011, du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement ; le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement demande à la cour :
1°) de réformer, à titre principal, le jugement n° 0702866 du 9 juin 2011 par lequel le tribunal administratif de Rennes a condamné l'Etat à garantir la commune de Crozon à hauteur de la moitié de la somme de 55 780,13 euros mise à la charge de cette dernière en réparation du préjudice subi par la société Masarin du fait de la délivrance d'autorisations de construire illégales pour l'édification d'une maison à Crozon ;
2°) de porter, à titre subsidiaire, la part de responsabilité de la société Masarin à 80 % ;
3°) de diminuer, à tout le moins, le montant du préjudice indemnisable du coût d'acquisition des terrains ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 décembre 2012 :
- le rapport de Mme Allio-Rousseau, premier conseiller ;
- et les conclusions de Mme Grenier, rapporteur public ;
1. Considérant que, par actes authentiques du 18 août 1998, la société Masarin a acquis deux terrains situés lieu-dit " Kervéron " à Crozon (Finistère), cadastrés section HR numéros 32 et 33, classés en zone 1NAc au plan d'occupation des sols de la commune approuvé le 6 mai 1998, et objets, pour chaque parcelle, d'un certificat d'urbanisme du 2 septembre 1997 mentionnant le caractère inconstructible du terrain ; qu'après avoir délivré le 18 décembre 1998 un certificat d'urbanisme positif concernant ces deux mêmes parcelles, le maire de Crozon a, par arrêté du 25 octobre 1999, accordé à la société Masarin un permis de construire portant sur la réalisation d'une maison individuelle ; qu'en raison de la modification du plan d'occupation des sols approuvée en 2000, classant les mêmes parcelles en zone 2Nac, la société Masarin a sollicité un nouveau permis de construire portant sur la réalisation d'une maison individuelle, qui lui a été délivré par le maire de Crozon par arrêté du 6 septembre 2000 ; que, par un jugement du tribunal administratif de Rennes du 8 février 2001, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes en date du 25 mars 2003, le permis de construire du 6 septembre 2000 a été annulé pour avoir été délivré en méconnaissance des dispositions du I de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ; que, par un jugement en date du 23 avril 2003 devenu définitif, le tribunal administratif a annulé, pour le même motif, le certificat d'urbanisme délivré à la société Masarin le 18 décembre 1998 ; que la société Masarin a adressé le 14 décembre 2006 une demande indemnitaire préalable à la commune de Crozon pour obtenir la réparation de son préjudice du fait de la délivrance d'autorisations de construire illégales à hauteur de 125 000 euros ; que par jugement du 9 juin 2011, le tribunal administratif de Rennes a fait partiellement droit à la demande de la société Masarin en condamnant la commune de Crozon à lui verser une somme de 55 780,13 euros à titre de dommages et intérêts et a, à la demande de la commune de Crozon, condamné l'Etat à la garantir à hauteur de la moitié des sommes mises à sa charge ; que le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement relève appel de ce jugement en tant qu'il limite à 50 % la part de responsabilité de la société Masarin ;
Sur l'appel principal du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement :
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, si la société Masarin a acquis les terrains litigieux au vu d'un certificat d'urbanisme dont il n'est pas contesté que le caractère négatif n'était fondé que sur l'absence d'équipements publics et de desserte par la voirie, et qui ne comportait aucune indication ou restriction quant aux conséquences de l'application des dispositions de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, les parcelles en cause ont été classées quelques mois avant leur achat par la société, en zone 1NAc constructible du plan d'occupation des sols de la commune, à la suite de la révision de ce document d'urbanisme approuvée par délibération du conseil municipal de Crozon du 6 mai 1998, après que le préfet du Finistère, sollicité sur le fondement des dispositions du II de l'article L.146-4 du code de l'urbanisme, a donné son accord à l'extension de l'urbanisation dans le secteur de Kervéron le 14 janvier 1997 ;
3. Considérant qu'en omettant, d'une part de mentionner, dans tous les documents d'urbanisme, adressés avant et après l'acquisition par la société Masarin des parcelles litigieuses, la situation particulière de ces terrains au regard des dispositions de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, et notamment celles du I, lesquelles font obstacle à toute construction sur ces terrains, quelles qu'en soient les conditions d'équipement ou de desserte, qu'en classant, d'autre part, les parcelles litigieuses en zone constructible à la faveur d'une révision du plan d'occupation des sols précédant l'acquisition, et en délivrant, enfin, à la société requérante, après l'acquisition desdites parcelles, un certificat d'urbanisme positif et un permis de construire entachés d'illégalité, le maire de Crozon a induit la société Masarin en erreur sur les possibilités de construire sur lesdits terrains, et commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune à l'égard de l'intéressée ;
Sur le moyen relatif au partage de responsabilité :
4. Considérant que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a considéré que la société Masarin, en sa qualité de professionnel de l'immobilier, en procédant sans condition à l'acquisition des parcelles, alors qu'aucun certificat d'urbanisme ou permis de construire ne lui avait été délivrée, avait commis une imprudence fautive de nature à atténuer la responsabilité de la commune ; que, toutefois, la modification du plan d'occupation des sols, ayant reçu l'avis favorable du préfet du Finistère, notamment au regard des dispositions de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, a été approuvée antérieurement à l'acquisition des parcelles ; que lesdites parcelles étaient devenues constructibles au regard de ces dispositions ; qu'alors même que leur implantation sur le territoire de la commune de Crozon aurait dû attirer l'attention de la société requérante, qui, en sa qualité de professionnel de l'immobilier, ne pouvait ignorer les particularités du site, et en dépit du certificat d'urbanisme négatif délivré le 2 septembre 1997, la société Masarin avait, au jour de l'acquisition, une assurance suffisante donnée par la commune et l'Etat, de leur constructibilité tant au regard du plan d'occupation des sols que de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ; que la circonstance que la société Masarin n'a pas assorti les acquisitions de parcelles d'une clause de réserve relative à la délivrance d'un permis de construire, lui permettant le cas échéant de demander une indemnisation au vendeur devant le juge judiciaire, est sans incidence sur la mise en oeuvre de la responsabilité de la commune de Crozon ; que, par suite, et alors que la société Masarin n'a, dans les circonstances de l'espèce, commis aucune faute de nature à atténuer la responsabilité de la commune, et que les autorisations d'urbanisme illégales sont postérieures à la date d'acquisition des terrains, le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, appelé en garantie à hauteur de 50 % des sommes mises à la charge de la commune, n'est pas fondé à se plaindre de ce que les premiers juges ont retenu un partage de responsabilité ;
Sur le moyen relatif au préjudice lié à l'achat des terrains :
5. Considérant que le tribunal administratif de Rennes a fait droit à la demande de la société Masarin tendant à ce que soit pris en compte, pour le calcul de son préjudice, le coût de l'acquisition des terrains, diminué de leur valeur vénale en cas d'inconstructibilité ; qu'il a ainsi fixé ce préjudice à hauteur de 98 389,07 euros, qui en raison du partage de responsabilité, a été retenu à hauteur de 47 694,53 euros ; que le ministre et la commune font valoir que ce préjudice n'est ni la conséquence directe du classement illégal des terrains en zone constructible, ni celle de la délivrance des autorisations d'urbanisme illégales, mais a pour seule origine directe les deux contrats de vente ; que toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 4, la société s'était engagée dans l'opération après que la commune de Crozon a modifié son plan d'occupation des sols, rendant les parcelles en litige constructibles, avec un avis favorable du préfet du Finistère sur l'extension de l'urbanisation dans le secteur de Kervéron ; que, par suite, alors même que la société Masarin a procédé aux acquisitions sans prendre de garanties par des conditions suspensives et résolutoires dans les actes de cession, lesquelles, au regard des informations dont elle disposait alors, ne paraissaient pas nécessaires, ce préjudice est en lien direct avec la modification du plan d'occupation des sols de la commune de Crozon et le changement de classement des parcelles, dont la constructibilité a reçu un avis favorable de la part du préfet ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a condamné l'Etat à garantir la commune de Crozon à hauteur de la moitié de la somme de 55 780,13 euros en réparation du préjudice subi par la société Masarin ;
Sur l'appel incident de la commune de Crozon :
7. Considérant que la commune de Crozon a demandé, après l'expiration du délai d'appel, que l'Etat soit condamné à la relever et à la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre en principal, intérêts, frais et accessoires, eu égard aux compétences du préfet conférées par les dispositions du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ; que, toutefois, il résulte de l'instruction que la commune de Crozon a, dans le cadre de la modification de son plan d'occupation des sols, souhaité rendre constructible le secteur de Kervéron ; que, si le préfet du Finistère ne s'y est pas opposé, il ne peut être tenu pour seul responsable de l'illégalité du plan d'occupation des sols en ce qui concerne ce secteur ; que ces conclusions incidentes ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions des appels provoqués de la société Masarin et de la commune de Crozon :
8. Considérant qu'en l'absence d'aggravation de la situation de la société Masarin et de la commune de Crozon par le recours principal du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, les conclusions d'appel provoqué de la société Masarin et de la commune de Crozon sont irrecevables et ne peuvent, par suite, qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes de la société Masarin et de la commune de Crozon tendant au remboursement des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Crozon par la voie de l'appel incident et provoqué ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Masarin par la voie de l'appel provoqué ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'égalité des territoires et du logement, à la société Masarin et à la commune de Crozon.
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N° 11NT02173