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06/12/2012 | FRANCE | N°11NT02125

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 06 décembre 2012, 11NT02125


Vu la requête, enregistrée le 29 juillet 2011, présentée pour la société Colruyt France, dont le siège est 40 rue Kéfir à Orly (94310), par Me Marchand, avocat au barreau de Nantes ; la société Colruyt France demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700350, 1003253, 1003797 du 31 mai 2011 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2006 ;

2°) venant aux droits de la société Disval,

d'annuler le même jugement en tant qu'il a rejeté la demande présentée par la société...

Vu la requête, enregistrée le 29 juillet 2011, présentée pour la société Colruyt France, dont le siège est 40 rue Kéfir à Orly (94310), par Me Marchand, avocat au barreau de Nantes ; la société Colruyt France demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0700350, 1003253, 1003797 du 31 mai 2011 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2006 ;

2°) venant aux droits de la société Disval, d'annuler le même jugement en tant qu'il a rejeté la demande présentée par la société Disval tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et à la contribution additionnelle auxquelles cette société a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2005 et le surplus de sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et à la contribution additionnelle auxquelles ladite société a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2003 ;

3°) de prononcer les décharges demandées ;

4°) de condamner l'Etat, en application de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, au paiement d'intérêts moratoires ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

.......................................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 novembre 2012 :

- le rapport de M. Etienvre, premier conseiller,

- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public ;

1. Considérant que la société Disval, société mère d'un groupe de distribution en gros de produits alimentaires, a fait l'objet en 2004 d'une vérification de comptabilité qui a porté sur les exercices clos en 2001, 2002 et 2003 à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause la déduction des résultats de l'exercice clos le 31 décembre 2003 de provisions pour dépréciation de créances clients douteuses comptabilisées pour un montant de 366 967 euros ; que la société Disval a demandé au tribunal administratif d'Orléans la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et à la contribution additionnelle correspondantes ; que la société Disval a également fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur les exercices clos en 2005 et 2006 à l'issue de laquelle l'administration a remis en cause pour la valorisation de ses stocks la déduction pour la détermination du prix de revient des commissions dites "marges arrières" versées par ses fournisseurs calculées en fonction du prix d'achat des produits stockés ; que la société Disval a saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et à la contribution additionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2005 ; que la société Colruyt France, société mère du groupe fiscalement intégré dans lequel la société Disval est entrée à compter du 1er janvier 2006, a saisi le même tribunal d'une demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 2006 ; que, par jugement du 31 mai 2011, le tribunal administratif d'Orléans a admis le bien-fondé à hauteur de 151 635 euros de la déduction d'une partie des provisions comptabilisées en 2003, rejeté le surplus des conclusions de la demande de la société Disval tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et à la contribution additionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2003, rejeté la demande de la même société aux fins de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et à la contribution additionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2005 et la demande de la société Colruyt France tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2006 ; que la société Colruyt France fait appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande ainsi que le surplus des demandes présentées par la société Disval aux droits desquels elle vient ;

Sur la déductibilité des provisions pour créances douteuses :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 39-1 du code général des impôts applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : "Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant : (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...)" ; qu'il résulte de ces dispositions qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise ;

S'agissant de la loi fiscale :

3. Considérant, en premier lieu, qu'en ce qui concerne la provision comptabilisée par la société Disval en vue de faire face à un risque de non recouvrement de la créance détenue sur sa filiale, la société RDM, les documents produits qui révèlent une amélioration de la situation financière de sa filiale à la date de clôture de l'exercice en 2003 et notamment une situation nette comptable déficitaire de seulement 839 euros ne permettent pas d'établir la réalité du risque susmentionné à cette date ; qu'ainsi la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a remis en cause la déduction de ladite provision ;

4. Considérant, en second lieu, qu'en ce qui concerne les provisions comptabilisées en vue de faire face à un risque de non recouvrement des créances détenues sur M. François Y, Flavienne distribution, M. Bella X, M. Mustapha Z, JR Alimentation, M. A, M. Lahoucine B, NKS, la SARL Pohu, M. Ait C et M. Nejib Ben D pour respectivement 5 605 euros, 2 049 euros, 6 182 euros, 1 516 euros, 850 euros, 1 680 euros, 6 495 euros, 4 408 euros, 6 127 euros, 4 175 euros et 4 226 euros, aucun des documents produits tous postérieurs au 31 décembre 2003, date de clôture de l'exercice vérifié, ne permet de connaître la situation financière des clients de la société Disval à cette date et par suite de justifier de la réalité d'un risque, au 31 décembre 2003, de non recouvrement des créances détenues sur ces derniers ; que la société Colruyt France n'est dès lors pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a remis en cause la déduction de ces provisions ;

S'agissant de la doctrine de l'administration fiscale :

5. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : "Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration" et qu'aux termes de l'article L. 80 B du même livre : "La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal" ; que peuvent seuls se prévaloir de cette dernière disposition les contribuables qui se trouvent dans la situation de fait sur laquelle l'appréciation invoquée a été portée, ainsi que les contribuables qui ont participé à l'acte ou à l'opération qui a donné naissance à cette situation ;

6. Considérant que la société Colruyt France ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 80 A et de L. 80 B du livre des procédures fiscales, de la position qui aurait pu être prise le 29 décembre 2000 par l'administration lors de la vérification de comptabilité des résultats des exercices clos en 1997 et 1998 de la société DPA qui est un contribuable distinct alors même que la société Disval assurait la logistique de la distribution de cette société ainsi que son suivi comptable et financier et que postérieurement à cette vérification de comptabilité le patrimoine de la société DPA a été transféré à la société Disval à l'occasion d'une opération de fusion-absorption ;

Sur la valorisation des stocks :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts : "(...) 2 - Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...) L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. 3 - Pour l'application des 1 et 2, les stocks sont évalués au prix de revient ou au cours du jour de la clôture de l'exercice, si ce cours est inférieur au prix de revient (...)" ; qu'aux termes de l'article 39 du même code : "1 - Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges (...)" ; et qu'aux termes de l'article 38 nonies de l'annexe III audit code dans sa rédaction applicable au litige : "Les marchandises, matières premières, matières et fournitures consommables, emballages perdus, produits en stock et productions en cours au jour de l'inventaire sont évalués pour leur coût de revient. Le coût de revient est constitué : Pour les marchandises, matières premières, matières et fournitures consommables et les emballages commerciaux achetés, par le prix d'achat augmenté des frais accessoires d'achat. Pour les produits intermédiaires, les produits finis, les emballages commerciaux fabriqués et les productions en cours, par le coût d'achat des matières premières consommées, augmenté de toutes les charges directes ou indirectes de production à l'exclusion des frais financiers" ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des contrats et factures produits que les sommes perçues à titre de "marges arrière" par la société Disval, que celle-ci a prises en compte pour la détermination du prix de revient des produits qu'elle a achetés et qui étaient détenus dans ses stocks à la clôture des exercices clos en 2005 et 2006, sont venues rémunérer des prestations effectuées au profit de ses fournisseurs et ayant pour objet d'assurer la promotion des produits acquis auprès de ceux-ci en exécution de contrats dits "de coopération commerciale" ; que compte tenu de l'existence de cette contrepartie, dont rien ne vient établir qu'elle ait été une condition pour l'acquisition desdits produits, la société Disval n'était pas fondée à intégrer le montant des commissions en litige quand bien même celles-ci ont été calculées en fonction du montant des achats ; que la société Colruyt France, qui ne peut, par ailleurs, utilement invoquer, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, une note du 31 août 2009 de la direction de la législation fiscale qui est postérieure aux exercices vérifiés, n'est par suite pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a extourné du prix de revient des produits détenus en stocks la partie desdites commissions ainsi prise en considération par la société Disval ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Colruyt France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande, celle présentée pour la société Disval aux droits de laquelle elle vient et tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et à la contribution additionnelle auxquelles cette société a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2005 ainsi que le surplus de la demande de cette dernière tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et à la contribution additionnelle auxquelles cette société a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2003 ;

Sur les conclusions tendant à l'allocation d'intérêts moratoires :

10. Considérant que les intérêts dus au contribuable en vertu de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales en cas de remboursements effectués en raison de dégrèvements d'impôt prononcés par un tribunal ou par l'administration des impôts à la suite d'une réclamation sont, en application de l'article R. 208-1 du même livre, "payés d'office en même temps que les sommes remboursées au contribuable par le comptable chargé du recouvrement des impôts" ; qu'il n'existe aucun litige né et actuel entre le comptable et la société Colruyt France concernant lesdits intérêts ; que, dès lors, les conclusions sus-analysées ne sont pas, ainsi que l'oppose le ministre, recevables et ne peuvent en tout état de cause qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que la société Colruyt France demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête susvisée de la société Colruyt France est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Colruyt France et au ministre de l'économie et des finances.

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N° 11NT02125


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 11NT02125
Date de la décision : 06/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : M. PIOT
Rapporteur ?: M. Franck ETIENVRE
Rapporteur public ?: Mme WUNDERLICH
Avocat(s) : MARCHAND

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2012-12-06;11nt02125 ?
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