Vu, la requête, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Marseille, le 20 avril 2011, sous le n° 11MA01556, présentée pour l'ASSOCIATION SERVICE INTERENTREPRISES DE SANTE AU TRAVAIL (SIST), représentée par son président en exercice, dont le siège social est sis 1, avenue du Forum à Narbonne (11100), par Me Pierchon, avocat ;
L'ASSOCIATION SERVICE INTERENTREPRISES DE SANTE AU TRAVAIL demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0903289 du 22 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision en date du 22 décembre 2008 par laquelle l'inspecteur du travail a refusé d'autoriser le licenciement de Mme Nicole A, d'autre part de la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique par le ministre, née le 17 juin 2009, ensemble la décision expresse du ministre du travail en date du 18 juin 2009 confirmant la décision de refus de l'inspecteur du travail du 22 décembre 2008 ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 juin 2012 :
- le rapport de Mme Buccafurri, président assesseur,
- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,
- les observations de Me Pierchon pour l'ASSOCIATION SERVICE INTERENTREPRISES DE SANTE,
Considérant que, le 31 octobre 2008, l'ASSOCIATION SERVICE INTERENTREPRISE DE SANTE (SILT) a sollicité de l'inspection du travail de l'Aude l'autorisation de licencier pour faute Mme A, recrutée par cette association le 1er février 1987 pour exercer les fonctions de médecin du travail ; que cette demande était motivée par des agissements de Mme A considérés par son employeur comme constitutifs d'un harcèlement moral à l'encontre de ses trois secrétaires médicales successives, Mme B, Mme C puis Mme D ; que, par une décision en date du 22 décembre 2008, l'inspectrice du travail de la 3ème section de l'Aude, après avoir consulté le médecin inspecteur régional du travail, a refusé cette autorisation ; que l'ASSOCIATION SERVICE INTERENTREPRISE DE SANTE a formé, par un courrier du 16 février 2009, reçu le 17 février suivant, à l'encontre de cette décision un recours hiérarchique devant le ministre du travail, resté sans réponse ; que la décision implicite de rejet née le 17 juin 2009 du silence gardée par le ministre, a été confirmée par une décision expresse de rejet du ministre du travail en date du 18 juin 2009 ; que l'ASSOCIATION SERVICE INTERENTREPRISE DE SANTE relève appel du jugement n° 0903289 du 22 février 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de refus de l'inspectrice du travail du 22 décembre 2008, ensemble les décisions implicite et expresse précitées du ministre du travail ;
Considérant que pour rejeter, par la décision du 22 décembre 2008, la demande d'autorisation de licenciement du Docteur A, l'inspectrice du travail a estimé que, bien que les agissements et propos répétés de l'intéressée à l'égard de ses trois secrétaires médicales avaient eu pour objet et pour effet une dégradation de leurs conditions de travail, il n'avait pas été démontré une intention malveillante du Dr A, alors qu'une telle intention était un élément essentiel du harcèlement moral ; qu'en outre, l'employeur, alerté sur ces faits, n'était pas intervenu auprès du Dr A et n'avait pas mis à plat le nouveau système managérial mis en oeuvre en 2004, source de tensions entre les médecins et les secrétaires médicales, et qu'ainsi, il avait contribué à la dégradation de la situation ; qu'enfin, eu égard à l'ancienneté dans l'entreprise du Dr A, 21 ans, et de ce qu'elle n'avait fait l'objet antérieurement d'aucune sanction disciplinaire, le licenciement pour faute grave était une mesure disproportionnée ; que, pour confirmer ce refus, le ministre du travail a relevé que les faits reprochés à Mme A étaient avérés et étaient constitutifs d'une faute dès lors que son comportement à l'égard de ses subalternes étaient à l'origine de l'altération de leur santé mentale mais que la direction de l'association, informée de ces faits dès 2005, avait laissé perdurer cette situation et qu'ainsi, compte tenu de l'ancienneté importante du Dr A et l'absence de mesure disciplinaire antérieure, le licenciement était une sanction disproportionnée ;
Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 4623-5 du code du travail : " Le licenciement d'un médecin du travail ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend le service de santé au travail, après avis du médecin inspecteur du travail. / Toutefois, en cas de faute grave, l'employeur peut prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé dans l'attente de la décision définitive. En cas de refus de licenciement, la mise à pied est annulée et ses effets supprimés de plein droit. " ; qu'il résulte de ces dispositions que les médecins du travail bénéficient, dans l'intérêt des travailleurs et sous le contrôle du juge, d'une protection particulière en cas de licenciement et que, lorsque le licenciement d'un de ces médecins est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec l'exercice normal de ses fonctions de médecin du travail ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : " Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. " ; qu'aux de l'article L. 1152-4 du même code : " L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral. " ; qu'aux termes de l'article L. 1152-5 du même code : " Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d'une sanction disciplinaire. " ; qu'aux termes de l'article L. 1154-1 du code du travail : " Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. / Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. /Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. " ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, dans la demande d'autorisation de licenciement, l'employeur reprochait à Mme A, d'une part, des modifications incessantes et de dernière minute des plannings, notamment un défaut d'information préalable de la secrétaire médicale, des décisions non motivées d'arrêter les visites et des mises en difficulté de sa secrétaire à l'égard des salariés visités et des entreprises, d'autre part, un irrespect de l'espace de travail de la secrétaire en intervenant directement dans les tâches de secrétariat, notamment en réalisant ces tâches devant la secrétaire et en faisant irruption sans raison dans son bureau accompagné d'un salarié en consultation, en outre, une dévalorisation répétée de ses secrétaires médicales dans ses propos et attitudes, par ailleurs, le fait d'adopter à l'égard de ses secrétaires un ton soit autoritaire soit ironique, de leur interdire de prendre des pauses ou de parler avec leurs collègues de travail, et, enfin, des comportements inquisiteurs et irrespectueux ;
Considérant, d'une part, que les agissements ainsi reprochés à Mme A résultent des déclarations, effectuées le 19 septembre 2008 devant la commission de contrôle mise en place par l'employeur et composée du directeur et de trois délégués du personnel, par les trois secrétaires médicales qui se sont succédées dans le service du Dr A, Mme B du 26 août 2003 au 30 octobre 2005, Mme C d'octobre 2005 à juin 2007 puis ensuite Mme D de juin 2007 à septembre 2008 ; que, cette dernière a, en outre, consigné dans un cahier le comportement à son égard du Docteur A, dans leurs relations quasi quotidiennes de la mi-mai au mois d'août 2008 ; que les faits en cause sont établis et étaient constitutifs d'une faute, comme l'a d'ailleurs estimé l'administration, dès lors que le comportement de Mme A à l'égard de ses subordonnées a entraîné une dégradation des conditions de travail et de santé de ces dernières ; que, toutefois, ainsi que le fait valoir Mme A, et comme l'ont estimé tant l'inspectrice du travail que le ministre, il ressort des pièces du dossier que le système de management instauré en 2004 par la direction de l'association et la mise en place en 2007 d'un système de prime aux secrétaires médicales variant en fonction du nombre des salariés visités ont pu créer des divergences d'intérêt, sources de tensions, entre les médecins et les secrétaires médicales dès lors que les médecins souhaitaient assurer au mieux leur mission de praticien sans impératif de rendement ; que, par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que l'employeur, informé en 2005 et 2006 par Mme B et Mme C du comportement à leur égard du Dr A, n'a pas immédiatement réagi afin de remédier aux difficultés relationnelles existant entre cette dernière et ses subordonnées ; qu'eu égard à ces circonstances objectives, les agissements reprochés à Mme A, bien que fautifs, ne permettent pas de présumer l'existence d'un harcèlement moral dont cette dernière se serait rendue coupable à l'égard de ses subordonnées ; que, d'autre part, il est constant que Mme A exerçait ses fonctions depuis 21 ans au sein de ce service et n'avait fait l'objet antérieurement d'aucune sanction disciplinaire ; que, dans ces conditions, en estimant, par les décisions contestées, que la sanction du licenciement constituait une mesure disproportionnée, l'inspectrice du travail et le ministre n'ont pas commis d'erreur dans l'appréciation des faits de l'espèce ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ASSOCIATION SERVICE INTERENTREPRISE DE SANTE n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 22 février 2011, le Tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspectrice du travail du 22 décembre 2008 refusant l'autorisation de licenciement de Mme A et des décisions implicite et expresse précitées par lesquelles le ministre du travail a confirmé ce refus ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de l'ASSOCIATION SERVICE INTERENTREPRISE DE SANTE est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'ASSOCIATION SERVICE INTERENTREPRISE DE SANTE, à Mme Nicole A et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
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N° 11MA01556
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