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08/11/2013 | FRANCE | N°11MA00131

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 08 novembre 2013, 11MA00131


Vu le recours, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 11 janvier 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ;

Le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902791 du 15 novembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a déchargé Mme A...C...de l'obligation de payer résultant du commandement de payer émis le 26 mai 2009 par le comptable du Trésor d'Avignon p

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Vu le recours, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 11 janvier 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ;

Le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0902791 du 15 novembre 2010 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a déchargé Mme A...C...de l'obligation de payer résultant du commandement de payer émis le 26 mai 2009 par le comptable du Trésor d'Avignon pour avoir paiement de la cotisation d'impôt sur le revenu due au titre de l'année 1994 ;

2°) de remettre à la charge de Mme C...l'obligation de payer résultant du commandement de payer qui lui a été notifié le 26 mai 2009 à hauteur de 89 447, 48 euros ;

...................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code civil ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 ;

Vu la loi n° 2008-1443 du 30 décembre 2008 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2013,

- le rapport de Mme Markarian, rapporteur ;

- les conclusions de M. Maury, rapporteur public ;

- et les observations de Me Maurel, avocat de MmeC... ;

1. Considérant qu'à la suite du jugement du 27 mars 1997 par lequel le tribunal de commerce d'Arles a prononcé la liquidation judiciaire de l'entreprise de M.B..., le comptable public a, le 7 mai 1997, déclaré auprès du mandataire liquidateur les créances constituées des cotisations d'impôt sur le revenu dues au titre des années 1991 à 1994 par M.B..., conjoint de Mme C...jusqu'au prononcé de leur divorce le 11 mai 1998 ; que le trésorier principal d'Avignon, constatant que son droit de poursuite individuelle demeurait suspendu à l'égard de M. B..., a délivré à l'encontre de MmeC..., prise en sa qualité de débitrice solidaire de son époux, deux commandements de payer, les 17 et 18 février 2004, pour avoir paiement de la cotisation d'impôt sur le revenu due au titre de l'année 1994, respectivement pour 89 447, 48 euros et 10 435, 34 euros ; que par un arrêt rendu par la Cour le 21 janvier 2010, Mme C...a obtenu la décharge de l'obligation de payer la somme de 10 435, 34 euros résultant du commandement de payer du 18 février 2004 ; que par le jugement attaqué du 15 novembre 2010, Mme C...a également obtenu la décharge de l'obligation de payer la somme de 89 447, 48 euros, au titre de l'impôt sur le revenu de 1994, résultant d'un commandement de payer émis le 26 mai 2009 ; que le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat relève appel de ce jugement ;

2. Considérant que par un courrier enregistré au greffe le 14 mai 2013, la Cour a été informée du décès de Mme C...survenu le 26 avril 2013 ; qu'à cette date, l'affaire était en état d'être jugée ; qu'il y a lieu, par application des dispositions de l'article R. 634-1 du code de justice administrative, de statuer sur la requête ;

Sur le terrain de la loi fiscale :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 1685 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " 2. Chacun des époux est tenu solidairement au paiement de l'impôt sur le revenu (...)" ; qu'aux termes de l'article L. 274 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'acte de poursuite litigieux : " Les comptables du Trésor qui n'ont fait aucune poursuite contre un contribuable retardataire pendant quatre années consécutives, à partir du jour de la mise en recouvrement du rôle, perdent leur recours et sont déchus de tous droits et de toute action contre ce redevable. / Le délai de quatre ans mentionné au premier alinéa, par lequel se prescrit l'action en recouvrement, est interrompu par tous actes comportant reconnaissance de la part du contribuable et par tous actes interruptifs de la prescription. " ; que selon l'article 1206 du code civil : " Les poursuites faites contre l'un des débiteurs solidaires interrompent la prescription à l'égard de tous. " ; qu' aux termes de l'article 47 de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises et applicable à la procédure collective en cause : " Le jugement d'ouverture suspend ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement audit jugement et tendant : - à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; / - à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. / Il arrête et interdit également toute voie d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles / Les délais impartis à peine de déchéance ou de résolution des droits sont en conséquence suspendus. " ;

4. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'effet interruptif de prescription d'une déclaration de créances fiscales au passif d'une procédure collective ouverte à l'encontre de l'un des époux s'étend à l'autre époux, quel que soit le régime matrimonial et même s'ils sont séparés de biens, pour les impositions au paiement desquelles ils sont solidairement tenus ;

5. Considérant que le comptable du Trésor d'Avignon a, le 7 mai 1997, produit à la liquidation des biens de M.B..., ouverte le 27 mars 1997, sa créance comprenant la cotisation d'impôt sur le revenu, mise en recouvrement le 31 juillet 1996, à laquelle les époux alors mariés avaient été assujettis au titre de l'année 1994, et au paiement de laquelle ils étaient solidairement tenus ; que cette déclaration a interrompu, à l'encontre des deux époux, le délai de prescription de l'action en recouvrement jusqu'au jugement de clôture de la procédure collective en litige intervenu le 22 décembre 2005 ; qu'il suit de là, ainsi que le soutient le ministre, que le délai de prescription de quatre ans, qui a recommencé à courir à compter de cette dernière date, n'était pas expiré lorsque le comptable du Trésor a délivré, le 26 mai 2009, le commandement en litige à Mme C...;

6. Considérant que l'interruption du délai de prescription de la créance par la production du comptable du Trésor au passif de la liquidation de M. B...et le nouveau délai de quatre ans courant à compter de la clôture de la procédure collective sont en effet opposables à Mme C... ; que la suspension du droit de poursuite individuelle du comptable du Trésor à l'encontre de M. B...à compter du jugement d'ouverture de la procédure collective ne faisait toutefois pas obstacle à ce que ce comptable émette, sans attendre l'issue de la procédure collective, et dans la mesure où la créance n'était pas prescrite, des actes de poursuite à l'encontre de Mme C...ainsi qu'il l'a fait en lui délivrant un premier commandement de payer émis le 17 février 2004, puis, dans le nouveau délai ouvert à l'issue de la clôture de la procédure collective, le commandement de payer en litige émis le 26 mai 2009 ;

Sur le terrain de la garantie prévue à l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de l'article 47 de la loi de finances rectificative pour 2008 du 30 décembre 2008 : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales." ;

8. Considérant que dans sa réclamation du 3 juillet 2009 dirigée contre le commandement de payer émis le 26 mai 2009, Mme C...s'est prévalue du paragraphe 152 de l'instruction 12C-1-98 du 23 mars 1998, publiée le 31 mars 1998 au bulletin officiel des impôts, et repris au paragraphe 153 de la documentation référencée 12C-6221 à jour le 30 octobre 1999, désormais repris au n° 520 du BOI REC-EVTS-30-20, selon lequel : " Le bénéfice de la suspension [de la prescription de l'action en recouvrement] ne peut être invoqué que contre les personnes vis-à-vis desquelles la suspension est édictée. / Ainsi, le créancier qui bénéficie d'une suspension de prescription parce qu'il est privé du droit d'agir contre son débiteur principal ou l'un de ses codébiteurs, même solidaire, ne peut invoquer la suspension de la prescription à l'égard de la caution ou des autres codébiteurs dès lors qu'il dispose de son droit de poursuite individuelle à leur égard " ; que Mme C...doit être ainsi regardée comme sollicitant l'application, conformément au deuxième alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dont les dispositions étaient applicables, à la date de sa réclamation, aux litiges en matière de recouvrement des impositions, d'un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par une instruction publiée ;

9. Considérant que dès lors que le créancier ne peut, selon cette doctrine administrative, invoquer la suspension de la prescription à l'égard d'un codébiteur lorsqu'il dispose d'un droit de poursuite individuelle à son encontre, le délai de prescription de quatre ans imparti par l'article L. 274 du livre des procédures fiscales courait, en l'espèce, à compter du 7 mai 1997, date à laquelle la créance du Trésor a été déclarée à la procédure collective de M. B...; qu'à la date du 17 février 2004, à laquelle un premier commandement de payer a été délivré à Mme C..., la prescription était déjà acquise à l'égard de cette dernière, en sa qualité de débitrice solidaire de son époux, sur le fondement de la doctrine administrative ; qu'elle l'était également nécessairement lors de l'émission du commandement litigieux du 26 mai 2009, même si le jugement de clôture de la procédure collective en litige était intervenu le 22 décembre 2005 ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a déchargé, sur le terrain de la doctrine administrative, Mme C...de son obligation de payer la somme de 89 447, 48 euros au titre de la cotisation d'impôt sur le revenu due par son époux au titre de l'année 1994 ;

11. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : Le recours du ministre chargé du budget est rejeté.

Article 2 : Les conclusions de Mme C...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie et des finances.

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11MA00131


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11MA00131
Date de la décision : 08/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Opposabilité des interprétations administratives (art - L - 80 A du livre des procédures fiscales) - Existence.

Contributions et taxes - Généralités - Recouvrement - Action en recouvrement - Prescription.


Composition du Tribunal
Président : Mme LASTIER
Rapporteur ?: Mme Ghislaine MARKARIAN
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : MAUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2013-11-08;11ma00131 ?
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